Les familles d'accueil ne bénéficient pas de formations spécifiques, mais elles sont épaulées par la PJJ dans l'exercice de leur tâche par des réunions d'information, des groupes de parole etl'organisation d'entretiens réguliers en présence du mineur.
Projet de loi de finances pour 2013 : Justice : Protection
judiciaire de la jeunesse
Repères ?
22 novembre 2012 :Budget - Justice : Protection judiciaire
de la jeunesse ( avis - première lecture )
Par M. Nicolas ALFONSI
au nom de la commission des lois
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B. UNE RUPTURE DANS LES PRIORITÉS ASSIGNÉES À LA PJJ
1. Un accent précédemment mis sur la prise en charge des
mineurs délinquants les plus difficiles
Sous la précédente législature, la PJJ s'est vue assigner
pour objectif de renforcer son offre de prise en charge à destination des
mineurs les plus ancrés dans la délinquance. Cette priorité s'est traduite par
une montée en charge du dispositif des centres éducatifs fermés (CEF) ainsi que
par une présence accrue de la PJJ en détention.
a) Les centres éducatifs fermés (CEF)
La part des crédits consacrés par la PJJ aux centres
éducatifs fermés (CEF) n'a cessé d'augmenter, passant de 49 millions d'euros en
2007 (soit 6 % du budget global de la PJJ) à 89,6 millions d'euros en 2012
(soit 11,6 % du budget global).
Créés par la loi d'orientation et de programmation pour la
justice du 9 septembre 2002, ces établissements ont été conçus afin d'offrir
aux magistrats une solution éducative alternative à l'incarcération à
destination des mineurs délinquants les plus difficiles.
Ce sont de petites structures, pouvant accueillir une
douzaine de mineurs, relevant soit du secteur public (11 établissements), soit
du secteur associatif habilité (34 établissements), soit 45 CEF actuellement en
fonctionnement.
Les mineurs placés y font l'objet d'une prise en charge
éducative renforcée, assurée au quotidien par une équipe de 24 à 27 éducateurs,
à laquelle s'ajoutent souvent un enseignant et, le cas échéant, un ou plusieurs
personnels de santé (notamment dans les centres dits «renforcés en santé
mentale »).
En raison de ce fort taux d'encadrement, le coût d'un
placement en CEF est élevé : 607 euros en moyenne par jour et par mineur en
2011, contre 510 euros par jour et par mineur en centre éducatif renforcé et
536 euros par jour et par mineur en établissement de placement éducatif. Le
projet annuel de performances prévoit toutefois de ramener ce coût à 570 euros
par jour en 2012, en contraignant notamment les associations gestionnaires à
faire passer leurs effectifs de 27 à 24 ETP par centre, sur le modèle des CEF
publics.
Ce dispositif a fait l'objet d'une évaluation, conduite par
nos collègues Jean-Claude Peyronnet et François Pillet dans le cadre d'une
mission d'information confiée par votre commission des lois3(*).
Dans leur rapport d'information, nos collègues soulignent la
nécessité de mieux évaluer ce dispositif. Un tel exercice s'avère délicat à
mettre en oeuvre, en raison du passé judiciaire et institutionnel souvent très
lourd des mineurs placés en CEF. Les trop rares informations disponibles
mettent en évidence l'existence d'une corrélation inverse entre le taux de
réitération et la durée du placement : les mineurs restés plus de 170 jours
(cinq mois et demi) en CEF réitèrent significativement moins que les autres.
Toutefois, seul un tiers des mineurs placés en CEF restent plus de six mois. En
2011, la durée moyenne de placement en CEF est de quatre mois.
En dépit de ces incertitudes, nos collègues ont estimé que
le dispositif des CEF méritait d'être conservé et étendu, car il est fortement
sollicité par les juges des enfants et, dans certaines régions, proche de la
saturation. En outre, il permet d'offrir à ces mineurs une« dernière chance »
avant la prison, contribuant ainsi à la diminution du nombre de mineurs
détenus.
Néanmoins, ils ont considéré qu'un certain nombre
d'aménagements devraient être apportés. En particulier, ils ont considéré qu'un
effort devrait être consenti afin d'améliorer le pilotage du dispositif et le
soutien aux équipes éducatives, et que les échanges de « bonnes pratiques »
entre établissements devraient être encouragés.
Ils sont par ailleurs parvenus à la conclusion que ce
dispositif devrait continuer à prendre en charge les adolescents les plus
difficiles (le cas échéant, en continuant à les accueillir après l'âge de la
majorité lorsque le placement a été commencé avant cet âge), et que son
extension ne devrait pas se faire au détriment des autres modes de prise en
charge de la PJJ.
b) Une présence accrue de la PJJ en détention
Au 1er juillet 2012, 810 mineurs étaient détenus en France,
dont 278 (soit 34,3%) en établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). Les
détenus mineurs représentent entre 1,1% à 1,3% des personnes détenues en
France.
Le taux d'occupation, en moyenne, des établissements
pénitentiaires habilités à accueillir des mineurs est de 70%.
Près de 90% des mineurs écroués le sont en procédure
correctionnelle, 60% étant prévenus et 40% condamnés. Pour les condamnés, la
durée moyenne de condamnation est de deux mois et demi.
Depuis 2007, les établissements pénitentiaires pour mineurs
(six établissements au total, répartis sur l'ensemble du territoire national)
permettent d'accueillir une soixantaine de mineurs détenus chacun. Placés sous
la responsabilité de l'administration pénitentiaire, ils ont été conçus pour
placer l'éducatif au coeur de la prise en charge des mineurs détenus, en
s'appuyant sur un encadrement renforcé.
Ainsi, alors que les mineurs représentaient 1,2% de la
population pénale en 2011, l'ensemble des heures d'enseignement qui leur a été
consacré (2 079 heures hebdomadaires) a représenté 14,9% de l'encadrement
pédagogique total en prison (13 903 heures). En 2011, les seuls EPM
concentraient 43% des heures hebdomadaires consacrées aux seuls mineurs alors
que leurs« effectifs » représentaient 34% de l'ensemble des mineurs détenus.
Les EPM permettent en effet d'offrir aux mineurs détenus un
encadrement éducatif renforcé : en 2010, les détenus y bénéficiaient de 4,5
demi-journées d'activités socio-éducatives hebdomadaires, contre 2,5
demi-journées en quartiers mineurs. L'objectif du ministère de la Justice est
de faire passer ces durées à respectivement cinq et trois demi-journées dès
2012.
De ce fait, le coût d'une journée de détention en EPM est
élevé : le ministère de la Justice l'évalue à 496,05 euros en 2011, mais ce
chiffre ne tient pas compte des effectifs relevant du ministère de la Santé et
du ministère de l'Éducation nationale.
En 2011, la carte des emplois prévoyait l'affectation de 228
éducateurs en EPM et de 126 équivalents temps plein d'éducateurs en quartiers
mineurs. En EPM, l'équipe est composée d'un directeur, de deux responsables
d'unité éducative, de deux professeurs techniques, d'un psychologue, d'un
adjoint administratif et de 36 éducateurs. Dans les quartiers mineurs, un
responsable d'unité éducative est affecté au prorata de la capacité d'accueil
en plus des éducateurs. Certains quartiers mineurs bénéficient de
l'intervention d'un psychologue et d'un professeur technique. Au total, plus de
400 emplois ont été consacrés en 2011 à l'intervention continue de la
protection judiciaire de la jeunesse en détention.
2. Un rééquilibrage opportun
Votre commission des lois approuve ce renforcement de la
prise en charge éducative des mineurs délinquants les plus difficiles, qui
constitue une mesure essentielle pour lutter contre la récidive et favoriser la
réinsertion des mineurs concernés.
Elle s'est toutefois à plusieurs reprises inquiétée des
conséquences de cette évolution pour les services de milieu ouvert et pour les
foyers« classiques » de placement éducatif. Elle avait en particulier souligné
les risques engendrés par le projet du précédent Gouvernement de créer 20
nouveaux CEF par transformation d'unités d'hébergement existantes. Dans un
contexte de réductions budgétaires, ce projet lui paraissait de nature à
appauvrir la« palette » des réponses ouvertes aux juges des enfants, au
préjudice de l'ensemble des mineurs concernés.
Il convient en effet de rappeler que 95% des mineurs suivis
par les établissements et services de la DPJJ le sont au titre de mesures de
milieu ouvert et d'investigation. S'il est nécessaire d'accorder une attention
particulière aux mineurs délinquants les plus difficiles, cela ne saurait se
faire au détriment de la grande majorité des mineurs confiés à la PJJ.
C'est pourquoi votre commission salue les orientations
retenues par le présent projet de budget qui, sans remettre en cause
l'intensité de la prise en charge des mineurs placés en CEF ou détenus, tend à
préserver, voire à renforcer, les moyens alloués à d'autres solutions
éducatives.
a) Les CEF : une évaluation nécessaire avant l'extension du
dispositif
Le Président de la République a fait de l'extension du
dispositif des CEF un de ces engagements de campagne. Comme l'ont estimé nos
collègues Jean-Claude Peyronnet et François Pillet dans leur rapport
d'information précité, les CEF constituent, sous réserve des adaptations
nécessaires, un outil intéressant de lutte contre la récidive et d'alternative
à l'incarcération. Il est toutefois nécessaire de mieux les évaluer afin de
pouvoir adapter le cahier des charges au plus près de la spécificité du public
accueilli dans ces établissements.
Le nouveau Gouvernement a fait siennes ces conclusions.
Sans doute, quatre nouveaux CEF seront-ils ouverts en 2013 à
Angoulême, Epinay-sur-Seine, Cambrai et Marseille, après l'ouverture, prévue
d'ici la fin de l'année 2012, de trois établissements (Bures sur Yvette, Laon
et Bruay le Buissière). Cela correspond à la transformation de sept« foyers
classiques » en CEF, sur les 20 transformations prévues par le précédent
Gouvernement.
En outre, 46 ETP seront spécialement affectés au
renforcement « en santé mentale »des CEF relevant du secteur public.
Rappelons en effet qu'en 2008, sept établissements4(*)ont
bénéficié de la mise en oeuvre d'une expérimentation visant au renforcement du
CEF en moyens de santé mentale (soit 2,5 équivalents temps plein de psychiatre,
psychologue ou infirmier répartis selon les besoins de la structure). Les
résultats de cette expérimentation ont montré toute l'utilité de ce
renforcement, qui, notamment, permet soit de diminuer les incidents, soit d'améliorer
la capacité des professionnels à les contenir. Ce dispositif a été étendu en
2011 à six nouveaux établissements5(*), soit environ un centre éducatif fermé
par direction interrégionale.
Le projet de budget pour 2013 prévoit d'achever ce dispositif
en dotant l'ensemble des CEF publics d'un maximum de 2,5 ETP de personnels en
santé mentale.
Votre commission, qui a fréquemment dénoncé les
insuffisances de la prise en charge psychiatrique des mineurs délinquants
montrant des troubles du comportement, ne peut que saluer cette évolution.
Tout en adoptant ces orientations, la garde des Sceaux a
souhaité marquer une pause dans la mise en oeuvre du projet engagé par le
précédent Gouvernement tendant à transformer 20 foyers classiques en centres
éducatifs fermés. Elle a en effet souhaité qu'une évaluation des CEF soit menée
au préalable et que soient étudiées les voies permettant de développer ces
établissements sans pour autant porter atteinte aux autres formes de placement
proposées par la PJJ.
Votre commission ne peut que rejoindre le Gouvernement sur
ce point.
Elle se félicite par ailleurs de l'attention accordée à
d'autres formes de prise en charge.
b) Un accent mis sur l'amélioration des délais de prise en
charge des mesures pénales de milieu ouvert
Les mesures pénales de milieu ouvert (hors investigation)
représentent, au 31 décembre 2011, 58% de l'ensemble des mesures effectuées par
le service public de la PJJ.
Des évolutions législatives et réglementaires sont
intervenues au cours de ces dernières années pour améliorer le contenu des
prises en charge proposées par les éducateurs de la PJJ et du secteur
associatif habilité, notamment en prévoyant que les mineurs sans activité ou ne
pouvant intégrer d'emblée les dispositifs de droit commun devraient bénéficier
d'activités de jour.
Parallèlement, de sérieux efforts ont été accomplis pour
diminuer les délais de prise en charge. Entre 2008 et 2012, le délai de prise
en charge des décisions judiciaires imputable aux services de la PJJ est passé
de 18,7 jours à 13,3 jours.
Le projet stratégique national 3 (2012-2014) a fixé comme
objectif de réduire ce délai à 12 jours ouvrables au 1er janvier 2014. Cet
objectif devra être revu au regard de celui posé par la loi de programmation
relative à l'exécution des peines du 27 mars 2012, qui a prévu qu'à partir du
1er janvier 2014, le mineur faisant l'objet d'une mesure éducative, d'une
sanction éducative ou d'une peine exécutable en milieu ouvert devrait se voir
délivrer, ainsi qu'à ses parents, une convocation devant le service de la PJJ
compétent pour la mise en oeuvre de la décision dans un délai maximal de cinq
jours ouvrables.
Afin de tendre vers cet objectif, le projet de loi de
finances prévoirait d'affecter 178 emplois aux services de milieu ouvert situés
dans les territoires les plus sollicités.
En effet, les délais moyens précités cachent de fortes
disparités : alors que les services de milieu ouvert situés dans six directions
interrégionales parviennent à prendre en charge les mesures pénales de milieu
ouvert en moins de 12 jours, ce délai atteint toutefois 13,5 jours dans la DIR
sud-ouest, 18,6 en Ile de France et 20,5 dans le grand ouest.
Cet effort poursuit celui déjà engagé dans le cadre de la
précédente loi de finances pour 2012, qui avait prévu d'affecter 50 emplois à
la prise en charge des mineurs en milieu ouvert.
c) Le développement des familles d'accueil
Le juge des enfants a la possibilité de placer un mineur
délinquant dans une famille d'accueil.
Cette dernière, bénévole mais qui perçoit une indemnité
journalière, partage sa vie quotidienne avec le mineur en lui donnant des
repères pour l'aider à se construire. Elle offre à l'adolescent l'occasion de
vivre dans un cadre apaisé et joue un rôle de médiateur et une fonction
réparatrice. L'objectif est de faire progresser l'adolescent dans la
compréhension de sa situation pénale, individuelle et familiale afin de l'aider
à se réinsérer.
Une convention conclue entre la famille d'accueil et la PJJ
organise les droits et obligations de chacun durant la prise en charge du
mineur.
Les familles d'accueil ne
bénéficient pas de formations spécifiques, mais elles sont épaulées par la PJJ
dans l'exercice de leur tâche par des réunions d'information, des groupes de
parole et l'organisation d'entretiens réguliers en présence du mineur.
Fin 2011, 354 familles ont accueilli472 mineurs sur
l'ensemble de l'année.
Le ministère de la Justice s'est fixé pour objectif de
développer ce type de placement. En effet :
- celui-ci permet d'éviter à des adolescents
particulièrement fragiles ou exposés à des menaces un placement collectif qui
pourrait les mettre en danger ;
- il offre à des mineurs en formation la possibilité d'être
hébergés au plus près de leur lieu de travail dans des conditions plus
favorables qu'un hébergement collectif ;
- enfin, il répond à la volonté de diversifier les offres de
placement afin de répondre au mieux à la variété des situations de chaque
mineur confié à la PJJ.
Pour ce faire, le montant de l'indemnité journalière, qui avait été fixé à 31 euros par
jour à compter du 1er avril 2011, sera porté à 36 euros par
jour en 2013. Le but de la DPJJ est de porter le nombre de familles ressources
à environ 450 dans le courant de l'année prochaine.
L'ensemble des personnes entendues par votre rapporteur pour
avis a salué le grand intérêt de ce type de placement pour les adolescents
fragiles, mais également pour les adolescents les plus durs qu'il est
préférable d'isoler des autres mineurs pour éviter des effets d'entraînement
néfastes.
Pour autant, une interrogation persiste
quant austatut de ces dernières. M. Alain Dru, secrétaire général de la
CGT-PJJ, s'est inquiété de l'éventuelle fragilité de ces familles bénévoles, en
cas d'incidents notamment.
D'après les informations communiquées par le ministère de la
Justice, une étude a été confiée en janvier 2012 à l'Inspection générale des
services judiciaires sur les perspectives de développement de cette modalité
d'accueil. Comme l'a indiqué Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, lors de
son audition par votre commission, cette étude étudiera notamment l'opportunité
de changer le statut de ces familles d'accueil, en l'alignant sur celui des
familles avec lesquelles les conseils généraux travaillent dans le cadre de
l'aide sociale à l'enfance.
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* 3 «Enfermer et éduquer : quel bilan pour les centres
éducatifs fermés et les établissements pénitentiaires pour mineurs ?», rapport
d'information n° 759 (2010-2011), juillet 2011.
http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-759-notice.html.