Ils ne montent pas sur des grues pour se faire entendre, à la manière de certains pères, mais ne se sentent pas moins lésés. «J'ai passé mes dernières vacances d'été à dix minutes à pied de la résidence secondaire de mon ex-belle fille, et pas une seule fois, je n'ai pu voir la petite», soupire Josette, jeune grand-mère, victime collatérale du divorce de son fils. Conséquence de l'explosion des séparations (le nombre de familles recomposées a doublé depuis 1980 selon les chiffres du Conseil économique et social), les grands-parents s'éloignent de leurs petits-enfants.
Quand la personne ayant la garde de l'enfant retisse des liens amoureux, rares sont celles qui veulent garder contact avec leur ex-belle mère ou beau-père. La séparation du couple parental agit comme un accélérateur de tension entre les générations. L'association l'Ecole des grands-parents européens soutient les aïeux en détresse et oeuvre en tant que médiateur dans les familles en conflit. Un dossier sur trois concerne un contentieux survenu après une séparation. «Mais le conflit était souvent latent avant», précise Manuella Bourassin, auteur d'un ouvrage spécialisé sur le droit des grands-parents. Chaque années, ce sont plus de 2 500 grands-parents qui viennent réclamer le droit de voir leur petits-enfants devant le juge.
Le grand-parent n'a aucune existence légale
Renouer des liens avec ses petits-enfants via la justice est pourtant une mission quasi-impossible. En théorie, le grand-parent n'a aucune existence légale et aucun droit. Depuis 2002, seul l'enfant a le droit de réclamer à voir son ascendant. Or puisque ce sont souvent les parents qui s'opposent à la relation, un enfant mineur ayant l'obligation se faire représenter pour intenter une action en justice n'a aucun moyen de le faire.
La ministre déléguée aux Personnes âgées, Michèle Delaunay, assure avoir conscience de cet imbroglio juridique et travailler à l'élaboration d'une charte.
«Nous voulons mettre en place un texte indiquant que la famille doit favoriser les relations entre les âgés et les enfants. Au moins pour attirer l'attention sur cette situation», explique la ministre. Car si le nombre d'actions en justice reste relativement stable, le phénomène est en expansion selon les spécialistes.
«Beaucoup ne vont pas jusqu'en justice car la procédure est longue, complexe et coûteuse. Mais le nombre de demandes de médiation familiale, lui, semble en nette recrudescence», explique Manuella Bourassin. Le cabinet de Delaunay entend aussi profiter du projet de loi sur la famille, qui sera présenté en janvier pour mieux protéger le grand-parent. Parmi les pistes de réflexion, la création d'un statut de «beau grand-parent».