Les psychiatres dans la rue contre l’hospitalisation d’office
Le Sénat examine ce mardi le projet de loi réformant l’hospitalisation d’office, les psychiatres ont prévu de se mobiliser contre une «garde à vue sanitaire» qu’ils estiment n’avoir pas les moyens, pas plus que le souhait, d’appliquer.
J.Cl.
Le Sénat examine ce mardi le projet de loi réformant l’hospitalisation d’office, les psychiatres ont prévu de se mobiliser contre une «garde à vue sanitaire» qu’ils estiment n’avoir pas les moyens, pas plus que le souhait, d’appliquer.
| AFP/F.DUFOUR
La psychiatrie publique, qui se mettra aussi en grève, s’insurge contre une loi qu’elle juge plus sécuritaire que sanitaire, et «inapplicable». En pointe de la contestation, un collectif de 39 psychiatres qualifie cette réforme de «déraison d’Etat». Son «Appel contre la nuit sécuritaire» a été signé par près de 30 000 personnes.
Une période de 72 heures de «garde à vue sanitaire»
Le projet de loi comporte plusieurs mesures importantes dont une période obligatoire d’observation de 72 heures en hospitalisation complète dans les cas d’hospitalisation d’office, que les critiques surnomment déjà «garde à vue sanitaire». La loi prévoit aussi une possibilité de «soins ambulatoires» sans le consentement du patient. La semaine dernière, après un marathon en commission, aboutissant à l’adoption de 163 amendements puis leur rejet total, la sénatrice Muguette Dini, rapporteur du texte, a démissionné de son poste de rapporteur du texte.
Sur 12 000 psychiatres en France, un tiers, soit environ 4 000, travaille à l’hôpital public où 25 à 30% des postes sont vacants ou occupés par des gens en formation, fustige le Dr Angelo Poli président du Syndicat des psychiatres d’exercice public (Spep). «Sur le principe, je ne suis pas contre des expérimentations de soins sous contrainte en dehors de l’hôpital pour voir si c’est faisable», relève pour sa part le Pr Bernard Granger, mais «les soins sous contrainte sont très réglementés en France et dépendent des équipes du secteur public. Or, cela demande des moyens que ce dernier n’a pas».
Une «logique de la peur»
«Cette loi facilite les conditions d’entrée et complique les sorties», résume le Dr Poli, pointant «une logique de la peur» nourrie par «trois à quatre cas extrêmes par an».
Certains craignent aussi qu’avec le jeu des expertises, le préfet n’ait finalement le dernier mot en cas de désaccord avec les soignants, même si le recours au juge reste possible.
L’intersyndicale qui se mobilise cet après-midi estime que la réfome «dans la réalité sera inapplicable». Ni les établissements psychiatriques ni la justice n’y sont préparés, d’autant qu’elle doit être appliquée dès cet été, en période de congés estivaux. Chaque année, près de 70 000 personnes sont hospitalisées sous contrainte, soit à la demande d’un tiers (60 000 cas) ou d’office en cas d’atteinte «à la sûreté des personnes» ou «à l’ordre public», pour des périodes plus ou moins longues.
Le 8 mars dernier, ce sont les psychologues hospitaliers (un millier de praticiens dans les établissements d’Ile-de-France) qui signaient un manifeste refusant la «mise en place de protocoles de soins pré-formatés, de dispositifs de contrôle ou de surveillance, de pratiques discriminatoires qui résultent de la logique quantitative et financière des nouvelles lois gestionnaires».
L’examen du texte au Sénat est prévu pour durer tout l’après-midi et certainement une partie de la nuit.
LeParisien.fr