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Marina : les services sociaux sur la sellette

Marina : les services sociaux sur la sellette

Marina : les services sociaux sur la sellette

Au fil du procès des parents bourreaux jugés pour maltraitance mortelle transparaissent les défaillances d’autres adultes. Cet après-midi, l’aide sociale à l’enfance devra s’expliquer.

Pascale ÉGRÉ

A force de coups répétés pendant six ans, Marina, l’enfant au « doigt plié », aux cheveux clairsemés et à la démarche « en canard », a changé de visage. | (DR.)

Il y a ceux, une poignée, qui confessent leurs remords — les mêmes souvent qui ont en vain alerté. Et puis les plus nombreux, qui cachent leur malaise de n’avoir « rien deviné » du martyre de l’enfant. Instituteurs, directeurs d’école, médecins scolaires, gendarmes ou personnels de l’hôpital du Mans, où Marina, 8 ans, est soignée deux mois avant de mourir à l’été 2009, défilent à la barre.

Au fil des témoignages de ces professionnels devant la cour d’assises de la Sarthe, où les parents comparaissent depuis le 11 juin pour actes de torture et de barbarie, grandit l’idée, insupportable, qu’il s’en est fallu d’un rien pour que l’enfant n’échappe à ce tragique destin. Un rien? Un coup de fil en plus, un protocole qu’on aurait pu accélérer, un mensonge détecté ou une négligence évitée…
Cet après-midi, alors que s’ouvre la deuxième semaine du procès des parents bourreaux, Virginie Darras et Eric Sabatier, 33 ans et 40 ans, les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) du conseil général de la Sarthe doivent être entendus. Ils forment le dernier « maillon faible », selon le terme des avocats des associations parties civiles, d’une chaîne d’institutions défaillantes.
Une fillette « à la tête de boxeur »
Les deux dernières années de la vie de Marina, les violences qu’elle subit s’accélèrent. Face aux premières alertes en 2006 puis 2007, les mensonges des parents s’intensifient. Tard scolarisée, cette petite fille « à la tête de boxeur » et à la taille « très inférieure à la normale » a un physique qui éveille les soupçons. A une première convocation, l’enfant est amenée « avec bonnet et écharpe, le visage couvert d’une épaisse couche de crème », relate l’institutrice de Parennes. « Conjonctivite, maladie immuno-défensive », justifie le couple. Avisée, le médecin scolaire du secteur nie avoir entendu parler d’une « marque énorme dans le dos » que les professeurs ont pourtant rapportée. « Quand je l’ai vue, elle n’avait pas de bleus sur le visage », balaye-t-elle.
En juin 2008, autre école — les parents déménageront quatre autres fois avant le drame. Traces violettes autour du cou, ecchymoses… Cette fois, les instituteurs, la directrice et le médecin déclenchent un signalement judiciaire. Le légiste qui examine la fillette conclut à une « suspicion de maltraitance ». Marina, auditionnée, se tait. « Cette affaire a-t-elle vraiment été prise au sérieux par la brigade? » tanne le président Roucou face au jeune gendarme qui a clos le dossier… avant que le parquet n’en fasse autant en classant sans suite en octobre 2008.
Avril 2009, encore une autre école. Marina arrive chancelante. Aux pieds, « des plaies horribles, comme des brûlures de cigarettes », relatent, encore choqués, ceux qui les ont vues. « Elle a marché plusieurs heures sur le carrelage rugueux avec son cartable dans le dos. J’y retournais pour lui dire de se relever et de continuer », sanglote aujourd’hui la mère. « Des chaussures trop petites », avait affirmé le couple à l’époque. Fin mai, après un mois d’hôpital, Marina, guérie, est rendue à ses parents. Ni le signalement à l’ASE ni le « suivi rapproché » décidés par une seconde pédiatre n’empêcheront sa mort après d’ultimes sévices, deux mois plus tard, un soir d’août.

Le Parisien


18/06/2012
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