Point sur le consentement et la liberté du mariage
Le Conseil constitutionnel a réaffirmé à l’occasion de deux QPC rendues le 22 et le 29 juin 2012 que le mariage était une liberté constitutionnellement protégée mais que le ministère public pouvait vérifier qu’un consentement libre et éclairé en vue d’une union matrimoniale avait bien été donné.
La liberté du mariage a valeur constitutionnelle depuis la décision n° 93-325 du 13 août 1993 portant sur la loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjours des étrangers en France. Elle est une composante de la liberté personnelle au titre des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Cependant le mariage est soumis à certaines conditions : l’article 146 du Code civil dispose en effet qu’ « il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement ». Il faut rappeler que le mariage a une nature mixte : c’est un contrat librement consenti par les époux mais c’est aussi une institution d’ordre public.
De plus, le mariage a non seulement des conséquences personnelles pour les deux époux, mais également des conséquences patrimoniales et successorales pour l’ensemble de la famille. C’est pourquoi différentes conditions sont obligatoirement requises pour qu’un mariage soit valide. On peut les regrouper en trois catégories. Il y a des conditions d’ordre physique (C. civ., art. 144), psychique (C. civ., art. 148 et art. 460) et sociologique (C. civ., art. 147, 161, 162, 163 et 366). À cet effet, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de rappeler dans sa décision n° 2012-260 du 29 juin 2012 que le régime particulier mis en place pour les majeurs protégés, c’est-à-dire l’accord du tuteur ou du curateur ou à défaut celui du juge des tutelles, constitue une protection mise en place dans l’intérêt de la personne souffrant d’altération corporelle ou mentale. Le consentement sera alors contrôlé. Plusieurs personnes disposent d’un pouvoir d’opposition à mariage. Il s’agit des ascendants ou à défaut de certains collatéraux, du conjoint non divorcé du futur époux, du tuteur et du curateur et du ministère public. L’article 180 du Code civil dispose, en outre, que le mariage contracté sans consentement libre peut faire l’objet d’une demande en nullité de la part des époux, de celui des deux dont le consentement n’a pas été libre ou du ministère public.
Ce dernier dispose par conséquent d’un pouvoir préventif d’opposition et d’un pouvoir répressif d’annulation du mariage s’il estime que les époux n’ont pas valablement consenti au mariage ou qu’ils l’ont fait dans un but étranger à l’union matrimoniale. Il vérifie, principalement pour combattre les mariages blancs, qu’une réelle « intention matrimoniale » existe. Ce critère, apparu dans un arrêt du 22 avril 1997 n° 95-13578, se situe dans la continuité de la jurisprudence Appietto du 20 novembre 1963 dans laquelle la première chambre civile de la Cour de Cassation énonce que « le mariage est une institution d’ordre public à laquelle les parties contractantes ne peuvent apporter les modifications que leur intérêt ou les circonstances exigeraient ». Il ne suffit pas que les époux aient valablement consenti au mariage. Le ministère public peut analyser les motivations du consentement et déclarer ce dernier inexistant s’il estime que le but recherché est étranger à l’union matrimoniale. Le mariage sera alors annulé sur le fondement de l’article 146 du Code civil qui dispose qu’il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement. Il a en outre le pouvoir, depuis la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration et des conditions d’entrée, de s’opposer préventivement à la célébration dans les cas où il pourrait demander la nullité sur le fondement de l’article 175-1 du Code civil.
Il faut préciser que ces restrictions à la liberté du mariage ne sont pas possibles si elles portent une atteinte excessive au but visé, qui est la protection de l’institution du mariage. Ainsi dans sa décision n° 93-325 du 13 août 1993 le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions permettant au ministère public de surseoir à la cérémonie jusqu’à trois mois et ce sans délai de recours en présence d’indices sérieux laissant présumer que le mariage était célébré dans un but autre que l’union matrimoniale. Cette sanction a été jugée disproportionnée. Par ailleurs, dans une décision n° 2003-484 du 20 novembre 2003 sur la loi relative à l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, le Conseil a censuré des dispositions liant de manière sérieuse irrégularité du séjour et absence de consentement et imposant la transmission automatique de la décision d’opposition du ministère public au préfet. Là encore, les dispositions en causes ont été considérées trop dissuasives et comme portant atteinte à la liberté du mariage.
Cons. const. 22 juin 2012, décis. n° 2012-261 QPC
Cons. const. 29 juin 2012, décis. n° 2012-260 QPC
Références
■ Code civil
« L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus. »
« Il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement. »
« On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. »
« Les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ; en cas de dissentiment entre le père et la mère, ce partage emporte consentement. »
« En ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne. »
« En ligne collatérale, le mariage est prohibé, entre le frère et la sœur. »
« Le mariage est encore prohibé entre l'oncle et la nièce, la tante et le neveu. »
« Le ministère public peut former opposition pour les cas où il pourrait demander la nullité du mariage. »
« Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre, ou par le ministère public. L'exercice d'une contrainte sur les époux ou l'un d'eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage.
S'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage. »
« Le lien de parenté résultant de l'adoption s'étend aux enfants de l'adopté.
Le mariage est prohibé :
1° Entre l'adoptant, l'adopté et ses descendants ;
2° Entre l'adopté et le conjoint de l'adoptant ; réciproquement entre l'adoptant et le conjoint de l'adopté ;
3° Entre les enfants adoptifs du même individu ;
4° Entre l'adopté et les enfants de l'adoptant.
Néanmoins, les prohibitions au mariage portées aux 3° et 4° ci-dessus peuvent être levées par dispense du Président de la République, s'il y a des causes graves.
La prohibition au mariage portée au 2° ci-dessus peut être levée dans les mêmes conditions lorsque la personne qui a créé l'alliance est décédée. »
« Le mariage d'une personne en curatelle n'est permis qu'avec l'autorisation du curateur ou, à défaut, celle du juge.
Le mariage d'une personne en tutelle n'est permis qu'avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué et après audition des futurs conjoints et recueil, le cas échéant, de l'avis des parents et de l'entourage. »
■ Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance. »
« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. »
■ Civ.1re, 20 nov. 1963, Bull. civ. I, n° 506.
■ Cons. const. 13 août 1993, décis. n° 93-325.
■ Civ. 1re, 22 avr. 1997, n° 95-13578.
■ Cons. const. 20 nov. 2003, décis. n° 2003-484.
Auteur : L. F.
Envoyé de mon iPhone
A découvrir aussi
- Les sanctions des abus de procédure, en demande et en défense, en première instance
- que dit Article 700 du code de procédure civile français
- Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000