Pour les associations, l'«affaire Marina» révèle les carences de la Protection de l'enfance en France, qui est gérée par les départements depuis 1986. Crédits photo : BRUNO FERRANDEZ/AFP
Le procès des parents de la petite Marina, tuée en août 2009 après avoir subi de multiples sévices, s'est achevé ce mardi. Pour les associations qui se sont portées partie civile - La Voix de l'enfant, Innocence en danger, Enfance et partage et L'Enfant bleu -, cette affaire révèle les carences de la Protection de l'enfance en France, qui est gérée par les départements depuis 1986. La Voix de l'enfant compte d'ailleurs «déposer plainte contre X» à l'issue du procès, a indiqué lundi lors de sa plaidoirie l'avocat de l'association, Me Francis Szpiner. Un procès qui deviendra alors celui des dysfonctionnements de l'aide à l'enfance.
Une réforme a pourtant été menée en 2007, mettant l'accent sur la prévention pour détecter le plus tôt possible ce type de maltraitance. Sa mise en œuvre souffre d'un «manque de moyens financiers et humains», juge cependant Martine Brousse, directrice de La Voix de l'enfant, interrogée par France Télévisions. Les conseils généraux ont consacré 6,26 milliards d'euros à l'aide sociale à l'enfance (ASE) en 2009, selon les dernières données de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). En 2010, d'après des estimations encore provisoires, ces dépenses se sont établies à 6,5 milliards d'euros, majoritairement dédiées aux placements d'enfants en établissement ou en famille d'accueil, suivies par les frais liés aux actions éducatives à domicile ou en milieu ouvert et, enfin, dans une moindre échelle, les mesures de prévention.
Si les crédits qui lui sont consacrés ont progressé à un rythme régulier depuis vingt-cinq ans, la protection de l'enfance a vu son poids dans l'aide sociale fondre. Elle représentait 25% des dépenses nettes totales d'aide sociale en France métropolitaine en 2010 -qui ont atteint 26 milliards d'euros, en hausse de 4,9% par rapport à 2009- contre encore près de la moitié en 2000. En parallèle, le nombre de bénéficiaires est resté stable, avec environ 250.000 bénéficiaires par an de 1984 à 2003.
«De 1985 à 2002, les dépenses consacrées à la famille et à l'enfance ont constitué le premier poste de l'action sociale départementale», rappelle l'Assemblée des départements de France (ADF), dans un rapport paru en avril. Avec la création en 2002 de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), destinée aux personnes âgées, et le transfert en 2004 aux conseils généraux de la gestion des minima sociaux RMI et API, devenus le RSA, «les dépenses consacrées à l'insertion et aux personnes âgées sont devenues prépondérantes». Résultat: l'aide à l'enfance est devenue le troisième des quatre grands postes de dépenses sociales: les allocations RSA et l'insertion ; les personnes âgées ; l'enfance ; et, enfin, les personnes handicapées. «Cette répartition varie très nettement d'un département à l'autre», nuance Jean-Pierre Hardy, chef de service des politiques sociales à l'ADF
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Globalement, les inégalités entre départements demeurent, en termes d'enveloppes financières, dédiées à l'aide sociale à l'enfance. «Ces disparités traduisent les spécificités socio-démographiques et historiques des territoires, ainsi que les différences en matière d'équipement, mais elles se réduisent», selon Jean-Pierre Hardy. À titre d'exemple, dans la Sarthe, où Marina a subi les sévices de ses parents, les dépenses d'ASE par enfant bénéficiaire s'élevaient à 21.470 euros en 2009, une enveloppe en ligne avec la moyenne nationale (21.693 euros par enfant). Toujours est-il que l'enjeu du débat ravivé par ce procès est de taille tant les besoins augmentent. Dans son dernier rapport, l'Observatoire national de l'enfance en danger (Oned) estime à 271.500 le nombre de mineurs bénéficiant d'au moins une mesure de prise en charge à la fin 2009, soit 1,89% des moins de 18 ans, dans la France entière (incluant les DOM). Un nombre en hausse de 1,6% par rapport à l'année précédente, et qui ne compte pas les plus de 20.000 majeurs de 18 à 21 ans également pris en charge par l'ASE