Projet de loi de finances pour 2011 : Justice- Protection judiciaire de la jeunesse
D. UNE PRISE EN CHARGE DES MINEURS EN DANGER ET DES JEUNES MAJEURS DÉSORMAIS CONFIÉE AUX SEULS CONSEILS GÉNÉRAUX
1. Une augmentation du nombre de mineurs en danger suivis par un juge des enfants
Le nombre de nouveaux mineurs en danger dont ont été saisis les juges des enfants en 2009 a augmenté de 0,9% par rapport à 2008, stoppant ainsi la tendance à la baisse constatée les années précédentes. Dans deux tiers des cas, le parquet est à l'origine de la saisine du juge des enfants. Parmi les nouveaux mineurs suivis au civil, 30% ont moins de sept ans et 62% ont moins de treize ans.
La plupart du temps, un mineur en danger fait l'objet de mesures de protection et d'un accompagnement éducatif pouvant durer plusieurs années : à la fin de l'année 2009, 213.512 mineurs étaient ainsi suivis en assistance éducative par un juge des enfants. 323.000 mesures ont été prononcées en 2008 (mesures nouvelles et mesures renouvelées confondues).
2. Des incidences budgétaires insuffisamment évaluées
. Des incidences budgétaires insuffisamment évaluées
Lorsque la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs avait préconisé, en juin 2002, le recentrage de la PJJ sur la prise en charge des seuls mineurs délinquants (voir supra), elle avait considéré que, « selon les règles fondatrices de la décentralisation, ce transfert de compétences [devrait] s'accompagner des transferts de moyens correspondants »22(*).
L'article 27 de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection de l'enfance a créé un fonds national de financement de la protection de l'enfance au sein de la caisse nationale des allocations familiales, destiné à compenser les charges résultant pour les départements de l'extension de leur compétence en matière de protection sociale et d'aide sociale à l'enfance23(*). Au terme d'une procédure juridictionnelle engagée par l'Assemblée des départements de France24(*), le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 30 décembre 2009, a enjoint à l'Etat de publier dans un délai de quatre mois le décret créant le Fonds national de financement de la protection de l'enfance prévu par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance. Celui-ci a été créé par un décret n°2010-497 du 17 mai 2010. Ce fonds est aujourd'hui opérationnel.
Dans son rapport thématique consacré à la protection de l'enfance, la Cour des comptes a quant à elle adopté un regard critique sur le volet financier de la disparition de l'intervention de la PJJ au civil : « pour compenser ce retrait, les juges des enfants seront conduits à confier à l'aide sociale à l'enfance (ASE) ou au secteur associatif un nombre croissant de mesures : le département deviendra l'unique financeur des prises en charge, l'Etat conservant le financement des mesures d'investigations judiciaires. La charge financière qui en découle, variable selon les départements, n'a pas été évaluée [...]. Si l'on ne peut que prendre acte d'une orientation confirmée dans les lois de finances, ses modalités, qui n'ont pas respecté le principe d'expérimentation prévu par la loi du 13 août 2004, restent critiquables »25(*).
3. La fin programmée de la protection judiciaire des jeunes majeurs
Depuis l'abaissement de l'âge de la majorité, les jeunes majeurs (de 18 à 21 ans) peuvent bénéficier d'un double régime de protection, sur le fondement d'une décision du juge des enfants (décret du 18 février 1975) ou du président du conseil général (article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles).
Jusqu'en 2005, les juridictions et les services de la PJJ avaient une pratique extensive du dispositif de protection judiciaire. La pertinence de cette prise en charge prêtait à discussion car en l'espèce, l'intervention du juge n'apparaissait plus justifiée, comme pour les mineurs en danger, par l'atteinte portée aux prérogatives des titulaires de l'autorité parentale. En 2005, la PJJ a décidé de réduire les prises en charge de jeunes majeurs qu'elle finançait. De leur côté, les départements ont continué à prendre en charge des jeunes majeurs sans qu'un véritable effet de transfert puisse être enregistré26(*).
Dans le cadre du recentrage des missions de la PJJ sur les mineurs ayant commis des actes de délinquance, le PLF 2011 prévoit l'extinction des prises en charge jeunes majeurs financées par la PJJ. De plus, la procédure pour l'abrogation du décret n° 75-96 du 18 février 1975 fixant les modalités de mise en oeuvre de la protection judiciaire des jeunes majeurs a été engagée.
Parallèlement, au cours de l'année 2009, le Haut-Commissaire à la Jeunesse a proposé de réformer les mesures existantes et de créer une mesure de protection en faveur des jeunes majeurs complémentaire à la mesure de protection administrative « jeune majeur » financée par les départements. Cette mesure serait accessible à tous les jeunes sans ressources et sans soutien familial, qu'ils aient ou non fait l'objet d'une mesure éducative ou de protection judiciaire ou administrative pendant leur minorité.
Il convient de noter que l'extinction de la prise en charge des jeunes majeurs par la PJJ ne concerne que les adolescents qui étaient suivis par la PJJ au civil. Les jeunes suivis au pénal peuvent en revanche continuer à faire l'objet d'une prise en charge par la PJJ après leur majorité dans certaines conditions : d'une part, les sursis avec mise à l'épreuve peuvent perdurer au-delà de la majorité légale ; d'autre part, l'article 16 bis de l'ordonnance du 2 février 1945 permet aux juridictions pour enfants d'ordonner la poursuite du placement d'un mineur, au-delà de sa majorité, si celui-ci en fait la demande. Ainsi, au 31 décembre 2009, 34% des jeunes bénéficiant d'une prise en charge au titre de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante avaient plus de 18 ans.
Néanmoins, la commission présidée par M. André Varinard a préconisé la suppression de ces dernières dispositions, tout en optant pour la possibilité de prolonger les mesures de placement et de milieu ouvert pendant un an au-delà de la majorité27(*).
4. Une clarification qui ne tient pas compte de la diversité des situations individuelles de certains mineurs
Au cours de ses auditions, votre rapporteur pour avis a constaté que le recentrage de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants ne faisait plus l'objet de contestations dans son principe. Toutefois, cette orientation, accompagnée d'une diminution générale des crédits depuis trois ans, a été qualifiée par plusieurs intervenants de « brutale » et « sans nuances ».
En effet, la frontière séparant mineurs délinquants et mineurs en danger est souvent ténue. Selon les plus récentes informations communiquées par la DPJJ, 15% des mineurs délinquants pris en charge par la PJJ avaient précédemment été suivis par un juge des enfants au titre de la protection de l'enfance en danger. Toutefois, comme l'a admis M. Damien Mulliez, sous-directeur des missions de protection judiciaire et d'éducation à la DPJJ, une part importante de mineurs délinquants présentent des parcours qui pourraient ou auraient pu justifier un suivi en assistance éducative.
Comme l'ont observé les représentants de la Convention nationale des associations de protection de l'enfant (CNAPE) entendus par votre rapporteur pour avis, en matière pénale et s'agissant d'adolescents aux parcours fragilisés, la réponse répressive doit nécessairement être combinée avec une action éducative inscrite dans la durée. Si, dans certains cas, la prise en charge du mineur peut être assurée par les services de l'aide sociale à l'enfance des conseils généraux, certains mineurs particulièrement fragiles devraient continuer à pouvoir être suivis, au civil, par les services les ayant initialement pris en charge au titre d'une mesure pénale. Mme Catherine Sultan, présidente de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, a ainsi attiré l'attention sur l'importance des relations de confiance qui pouvaient se nouer entre un mineur très fragilisé et un éducateur. Pour cette raison, elle a plaidé pour que des crédits soient réservés afin de financer, à titre exceptionnel, la continuité de la prise en charge de tels mineurs qui, selon ses propres termes, « ne peuvent pas passer d'une case à l'autre ».
5. Un renforcement indispensable des dispositifs de concertation entre la PJJ et les conseils généraux
Dès lors que les conseils généraux se voient confier la mise en oeuvre de l'intégralité des mesures de protection prescrites par les juges des enfants, il appartient à la PJJ, en tant que responsable de la coordination de l'ensemble des acteurs de la justice des mineurs, de veiller à la bonne articulation entre les différentes prises en charge des mineurs, afin que les décisions des magistrats au profit des mineurs en danger puissent être mises en oeuvre sans délai et sans mettre en difficulté les finances des conseils généraux.
Une circulaire d'orientation relative au rôle de l'institution judiciaire dans la mise en oeuvre de la réforme de la protection de l'enfance, datée du 6 mai 2010, a précisé les modalités de participation de l'institution judiciaire à la définition de la politique de protection de l'enfance. La DPJJ devra notamment définir une politique d'habilitation en concertation avec les juridictions et les conseils généraux.
De même, la participation des juridictions et des services territoriaux de la PJJ à l'élaboration des schémas d'organisation sociale et médico-sociale, aux observatoires départementaux et aux cellules de recueil des informations préoccupantes contribue à la définition d'une politique coordonnée de la protection de l'enfance aux côtés des conseils généraux.
Enfin, la politique d'audit (voir infra) engagée par les directions interrégionales de la PJJ associe les conseils généraux qui le souhaitent. Des audits de structures relevant à la fois du conseil général et de la PJJ sont ainsi menés conjointement. 24 conventions ont été signées à cet effet entre l'Etat et les conseils généraux, 20 autres sont en cours de négociation.
Votre commission estime que la mise en oeuvre de dispositifs visant à mieux articuler les actions de l'autorité judiciaire, des services territoriaux de la PJJ et des services d'aide sociale à l'enfance doivent être encouragés.
En effet, de grandes disparités demeurent dans l'exécution des mesures judiciaires de protection par les services d'aide sociale à l'enfance. Dans son rapport précité de septembre 2009, la Cour des comptes a souhaité que l'Etat soit plus attentif aux conditions dans lesquelles les décisions des juges des enfants sont exécutées. En effet, elle a pu constater au cours de son enquête que, si certains ressorts ou départements avaient mis en place des dispositifs systématiques de suivi des délais d'exécution, un certain nombre de situations difficiles avaient néanmoins été identifiées. La Cour relève par exemple qu'à Auxerre, le délai de prise en charge des mesures de milieu ouvert s'élevait, lors de sa visite, à trois mois en moyenne et que certains placements au foyer de l'enfance n'avaient été exécutés que six mois après la décision judiciaire.
Ces observations rendent d'autant plus urgente la mise en place de mécanismes de régulation adaptés. En outre, la Cour estime qu'il pourrait être souhaitable de tirer les conséquences de délais excessifs de prise en charge en aménageant la faculté, pour les services de l'Etat, de se substituer au département dans l'exécution des mesures, la charge financière restant à ce dernier28(*). Mme Mireille Gaüzere, directrice-ajointe de la PJJ, a indiqué à votre rapporteur pour avis qu'un tel mécanisme de substitution paraissait difficile à mettre en oeuvre et qu'il convenait de privilégier la qualité des articulations.
* 22 Rapport précité, page 186.
* 23 Le champ de cette loi du 5 mars 2007 est beaucoup plus large que la seule question de la mise en oeuvre des mesures judiciaires de protection. Il concerne notamment la création des observatoires départementaux de la protection de l'enfance et des cellules de recueil, de traitement et d'évaluation d'informations.
* 24 Pendant trois ans, le Gouvernement n'a pas souhaité mettre en oeuvre les mesures réglementaires nécessaires à la création de ce fonds. Ce dernier considérait en effet que, la compétence des départements en matière de protection de l'enfance ayant été affirmée dès les lois de décentralisation de 1982-1983, la PJJ avait jusqu'alors pris en charge des mesures qui auraient dû être financées par les départements. En outre, la PJJ faisait valoir que le coût de son activité au civil - environ 90 millions d'euros en 2008 (contre 111 millions d'euros en 2007) - représentait à peine 1,51 % du montant total des dépenses consacrées par l'ensemble des départements à l'aide sociale à l'enfance en 2007.
* 25 Cour des comptes, rapport précité, pages 49-50.
* 26 Cour des comptes, rapport précité, page 30.
* 27 « Adapter la justice pénale des mineurs. Entre modifications raisonnables et innovations fondamentales : 70 propositions », rapport de la commission présidée par le recteur André Varinard, La Documentation française, pages 171-172.
* 28 Cour des comptes, rapport précité, pages 122-123.
II. DES RÉFORMES D'AMPLEUR DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE CONTRAINT
Depuis plusieurs années, la PJJ s'est engagée dans une démarche de modernisation qui se traduit par une profonde évolution de son organisation et de ses métiers. La mise en oeuvre de cette démarche a été effectuée dans un contexte budgétaire contraint : sur la période 2008-2011, une part importante des réductions budgétaires a été portée par les fonctions « support », qui ont subi une baisse de crédits de 18% sur trois ans.
A. UNE RÉORGANISATION DES SERVICES
1. Des restructurations territoriales
La PJJ s'est engagée dans un mouvement tendant à adapter ses structures déconcentrées à des territoires reconnus pertinents au regard de ses missions.
Dans un rapport daté de juillet 2003, la Cour des comptes avait noté que le maillage du territoire (15 directions régionales et 100 directions départementales) était peu compatible avec les moyens disponibles et avait contesté l'utilité de maintenir dans tous les départements une direction de plein exercice.
Depuis le 1er janvier 2009, les 15 directions régionales ont cédé la place à 9 directions interrégionales (DIR), qui coïncident désormais avec les directions interrégionales des services pénitentiaires29(*). 130 personnes ont été affectées par cette restructuration, pour lesquelles un plan personnalisé d'accompagnement ainsi qu'une prime de restructuration ont été mis en place30(*).
Cette réorganisation a été prolongée par l'adaptation de l'organisation infrarégionale, le but étant de regrouper plusieurs départements sous l'autorité d'un même directeur au sein d'un territoire considéré comme pertinent au regard des missions de la PJJ - la pertinence d'un territoire s'évaluant en fonction de la capacité de la direction territoriale à disposer au mieux des dispositifs existants en matière de santé et d'insertion scolaire et professionnelle, mais également à garantir une bonne mise en oeuvre des politiques publiques en matière de protection de l'enfance et de prévention de la délinquance.
Au 1er septembre 2010, la DPJJ comptait 63 directions territoriales (outre-mer inclus). En 2011, seule une cinquantaine de directions territoriales devraient subsister.
Ce mouvement de réorganisation de la PJJ a permis de mutualiser les moyens administratifs et d'encadrement et ainsi de maintenir les effectifs dédiés aux fonctions éducatives dans un contexte de réduction des emplois.
La diminution du nombre de services déconcentrés a ainsi eu pour corollaire :
- une baisse de 5% des surfaces utilisées ;
- une diminution des effectifs affectés dans les services déconcentrés, qui passent de 1.447 ETPT en 2007 à 1.173 en 2012 (ce qui correspond à une baisse de 274 ETPT, soit une baisse d'effectifs de 19%) ;
- enfin, une diminution corrélative des crédits de fonctionnement, permettant d'économiser 2,5 millions d'euros sur la période 2007-2012.
2. Une restructuration des établissements qui s'accompagne de la mise en oeuvre d'une réponse éducative renforcée
Parallèlement à la mise en oeuvre du décret n° 2007-1573 du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur public de la PJJ, qui a regroupé l'ensemble des structures de placement relevant du secteur public en deux catégories d'établissements : le centre éducatif fermé et l'établissement de placement éducatif (EPE), la PJJ a entrepris de rationaliser son réseau d'établissements et de renforcer la prise en charge éducative apportée aux mineurs par l'adoption des principes suivants :
- d'une part, la capacité d'accueil des structures d'hébergement de la PJJ ne doit pas être inférieure à 12 places, ce qui a conduit cette dernière à engager un programme de restructuration tendant à augmenter la capacité d'accueil de certains établissements tout en fermant les structures qui paraissaient inadaptées ou sous-utilisées ;
- d'autre part, le nombre d'éducateurs par structure est progressivement porté de 12 à 14, afin d'améliorer la qualité de la prise en charge par la mise en oeuvre d'activités de jour pour l'ensemble des mineurs accueillis.
3. Des marges de manoeuvre budgétaires désormais limitées
L'accent mis par la PJJ sur le renforcement de la prise en charge éducative des mineurs qui lui sont confiés a ainsi été permis par l'imputation de la quasi-totalité des réductions budgétaires sur les fonctions « support », par la fin des prises en charge au civil et par un effort de rationalisation de l'offre sur l'ensemble du territoire.
Aujourd'hui, ce mouvement semble atteindre ses limites : toute nouvelle baisse de crédits risquerait d'affecter le taux d'encadrement des mineurs et la qualité de leur prise en charge.
En effet, s'agissant de la mise en oeuvre des mesures de milieu ouvert, un éducateur prend d'ores et déjà en charge 25,1 mineurs, ce qui est au-delà de la cible fixée, qui est de 25 mineurs par éducateur exerçant en milieu ouvert. En foyer, la masse salariale représente l'essentiel des dépenses des structures d'hébergement. De ce fait, une diminution des crédits de fonctionnement qui leur sont affectés ne réduit qu'à la marge le coût de la prise en charge. L'amélioration des taux d'occupation de ces structures constitue aujourd'hui l'unique levier de maîtrise des coûts.
Dans un contexte d'augmentation tendancielle de la population pénale, votre commission souhaite que les crédits affectés à la PJJ fasse désormais l'objet d'une stabilisation, au risque de voir se développer un « effet de ciseaux » particulièrement préjudiciable à la qualité de la prise en charge des mineurs délinquants, et, à terme, à l'objectif de prévention de la délinquance juvénile qui constitue pourtant une des priorités des pouvoirs publics.
* 29 A une exception près : les départements situés en région Champagne-Ardenne relèvent de la zone grand-est pour la DIRPJJ et de la zone Centre pour la DISP.
* 30 Par ailleurs, afin d'unifier la carte des pôles territoriaux de formation (PTF) avec celle des nouvelles DIR, deux PTF ont été supprimés à Orléans et Rouen et un PTF a été créé à Bordeaux.
II. DES RÉFORMES D'AMPLEUR DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE CONTRAINT
Depuis plusieurs années, la PJJ s'est engagée dans une démarche de modernisation qui se traduit par une profonde évolution de son organisation et de ses métiers. La mise en oeuvre de cette démarche a été effectuée dans un contexte budgétaire contraint : sur la période 2008-2011, une part importante des réductions budgétaires a été portée par les fonctions « support », qui ont subi une baisse de crédits de 18% sur trois ans.
A. UNE RÉORGANISATION DES SERVICES
1. Des restructurations territoriales
La PJJ s'est engagée dans un mouvement tendant à adapter ses structures déconcentrées à des territoires reconnus pertinents au regard de ses missions.
Dans un rapport daté de juillet 2003, la Cour des comptes avait noté que le maillage du territoire (15 directions régionales et 100 directions départementales) était peu compatible avec les moyens disponibles et avait contesté l'utilité de maintenir dans tous les départements une direction de plein exercice.
Depuis le 1er janvier 2009, les 15 directions régionales ont cédé la place à 9 directions interrégionales (DIR), qui coïncident désormais avec les directions interrégionales des services pénitentiaires29(*). 130 personnes ont été affectées par cette restructuration, pour lesquelles un plan personnalisé d'accompagnement ainsi qu'une prime de restructuration ont été mis en place30(*).
Cette réorganisation a été prolongée par l'adaptation de l'organisation infrarégionale, le but étant de regrouper plusieurs départements sous l'autorité d'un même directeur au sein d'un territoire considéré comme pertinent au regard des missions de la PJJ - la pertinence d'un territoire s'évaluant en fonction de la capacité de la direction territoriale à disposer au mieux des dispositifs existants en matière de santé et d'insertion scolaire et professionnelle, mais également à garantir une bonne mise en oeuvre des politiques publiques en matière de protection de l'enfance et de prévention de la délinquance.
Au 1er septembre 2010, la DPJJ comptait 63 directions territoriales (outre-mer inclus). En 2011, seule une cinquantaine de directions territoriales devraient subsister.
Ce mouvement de réorganisation de la PJJ a permis de mutualiser les moyens administratifs et d'encadrement et ainsi de maintenir les effectifs dédiés aux fonctions éducatives dans un contexte de réduction des emplois.
La diminution du nombre de services déconcentrés a ainsi eu pour corollaire :
- une baisse de 5% des surfaces utilisées ;
- une diminution des effectifs affectés dans les services déconcentrés, qui passent de 1.447 ETPT en 2007 à 1.173 en 2012 (ce qui correspond à une baisse de 274 ETPT, soit une baisse d'effectifs de 19%) ;
- enfin, une diminution corrélative des crédits de fonctionnement, permettant d'économiser 2,5 millions d'euros sur la période 2007-2012.
2. Une restructuration des établissements qui s'accompagne de la mise en oeuvre d'une réponse éducative renforcée
Parallèlement à la mise en oeuvre du décret n° 2007-1573 du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur public de la PJJ, qui a regroupé l'ensemble des structures de placement relevant du secteur public en deux catégories d'établissements : le centre éducatif fermé et l'établissement de placement éducatif (EPE), la PJJ a entrepris de rationaliser son réseau d'établissements et de renforcer la prise en charge éducative apportée aux mineurs par l'adoption des principes suivants :
- d'une part, la capacité d'accueil des structures d'hébergement de la PJJ ne doit pas être inférieure à 12 places, ce qui a conduit cette dernière à engager un programme de restructuration tendant à augmenter la capacité d'accueil de certains établissements tout en fermant les structures qui paraissaient inadaptées ou sous-utilisées ;
- d'autre part, le nombre d'éducateurs par structure est progressivement porté de 12 à 14, afin d'améliorer la qualité de la prise en charge par la mise en oeuvre d'activités de jour pour l'ensemble des mineurs accueillis.
3. Des marges de manoeuvre budgétaires désormais limitées
L'accent mis par la PJJ sur le renforcement de la prise en charge éducative des mineurs qui lui sont confiés a ainsi été permis par l'imputation de la quasi-totalité des réductions budgétaires sur les fonctions « support », par la fin des prises en charge au civil et par un effort de rationalisation de l'offre sur l'ensemble du territoire.
Aujourd'hui, ce mouvement semble atteindre ses limites : toute nouvelle baisse de crédits risquerait d'affecter le taux d'encadrement des mineurs et la qualité de leur prise en charge.
En effet, s'agissant de la mise en oeuvre des mesures de milieu ouvert, un éducateur prend d'ores et déjà en charge 25,1 mineurs, ce qui est au-delà de la cible fixée, qui est de 25 mineurs par éducateur exerçant en milieu ouvert. En foyer, la masse salariale représente l'essentiel des dépenses des structures d'hébergement. De ce fait, une diminution des crédits de fonctionnement qui leur sont affectés ne réduit qu'à la marge le coût de la prise en charge. L'amélioration des taux d'occupation de ces structures constitue aujourd'hui l'unique levier de maîtrise des coûts.
Dans un contexte d'augmentation tendancielle de la population pénale, votre commission souhaite que les crédits affectés à la PJJ fasse désormais l'objet d'une stabilisation, au risque de voir se développer un « effet de ciseaux » particulièrement préjudiciable à la qualité de la prise en charge des mineurs délinquants, et, à terme, à l'objectif de prévention de la délinquance juvénile qui constitue pourtant une des priorités des pouvoirs publics.
* 29 A une exception près : les départements situés en région Champagne-Ardenne relèvent de la zone grand-est pour la DIRPJJ et de la zone Centre pour la DISP.
* 30 Par ailleurs, afin d'unifier la carte des pôles territoriaux de formation (PTF) avec celle des nouvelles DIR, deux PTF ont été supprimés à Orléans et Rouen et un PTF a été créé à Bordeaux.
B. UNE MODERNISATION DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA FORMATION
1. Une diversification des modes de recrutement
L'administration de la PJJ a diversifié les modes de recrutement de ses agents afin de privilégier l'expérience et la motivation pour le travail social plutôt que les connaissances théoriques de candidats surdiplômés.
Trois nouveaux modes de recrutement ont été mis en place : des concours « de troisième voie » et concours sur titres, une validation des acquis professionnels, ainsi qu'un recours aux contractuels.
* un bilan en demi-teinte des concours « de troisième voie » et des concours sur titres
S'agissant des éducateurs, la DPJJ a introduit en 2004, d'une part, un concours dit « de troisième voie » réservé à des candidats disposant d'une expérience professionnelle dans les domaines éducatif, culturel ou sportif, et, d'autre part, un concours sur titres réservé aux titulaires du diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé (DEES).
Six ans après l'introduction de ces modes de recrutement, le nombre d'inscrits à ces deux concours demeure limité. De plus, les résultats enregistrés témoignent des difficultés à recruter des candidats répondant aux compétences requises. Au regard de ces résultats, la DPJJ tente depuis 2007 d'améliorer la publicité de ses concours en ciblant davantage les annonces auprès d'un public proche des métiers recherchés. Par ailleurs, il semble que ces lauréats privilégient l'affectation géographique et n'hésitent pas à renoncer au bénéfice du concours lorsque les postes proposés ne correspondent pas à leurs souhaits. La mise en place en 2010 d'une procédure recensant préalablement leurs voeux géographiques n'a pas permis d'enrayer ce phénomène.
Les concours de troisième voie et sur titres ont toutefois permis de recruter, entre 2006 et 2010, 334 éducateurs (soit plus de 28% des recrutements, hors liste d'aptitude et examen professionnel).
S'agissant des directeurs, un concours « de troisième voie » a été mis en place en 2005. Si cette voie de recrutement ne concerne qu'un nombre restreint de candidats31(*), il est toutefois possible d'observer que les résultats sont mitigés et le niveau des candidats généralement moyen.
* la validation des acquis professionnels
Dans le cadre de l'examen professionnel, la validation des acquis professionnels permet aux agents techniques d'éducation et adjoints techniques de devenir éducateurs.
Par ailleurs, le concours externe sur épreuves d'éducateur prévoit également la reconnaissance de l'expérience professionnelle (REP) en équivalence des conditions de titres ou diplômes. Le nombre de demandes de REP est toutefois en baisse régulière (104 demandes en 2007, 50 en 2009), bien qu'il offre une réelle opportunité pour les candidats ayant une expérience de terrain.
* le recours aux contractuels
En 2003, la DPJJ a obtenu l'autorisation de recruter 10% de ses effectifs budgétaires en personnels sous contrat pour des durées maximales de trois ans renouvelables une fois. Cette souplesse permet notamment aux foyers de pallier les effets des vacances durables de postes. Pour l'année 2010, le plafond d'emplois de contractuels a été fixé à 1.221,5 ETPT.
Les recrutements organisés en 2010 ont permis à 77 contractuels assurant des missions d'éducateurs d'être intégrés dans le corps des éducateurs, ce qui représente plus d'un tiers des recrutements.
2. L'évolution des statuts et des régimes indemnitaires envisagée en 2011
* les réformes statutaires
La réforme du statut de la filière de direction a été mise en oeuvre avec la publication de deux décrets, le 24 mai 2005, portant statut particulier du corps des directeurs des services de la PJJ et relatifs aux statuts d'emplois des directeurs territoriaux et des directeurs fonctionnels de la PJJ. En 2008, la DPJJ a entrepris de réexaminer ce statut afin, notamment, de l'adapter aux évolutions de l'organisation territoriale de ses services déconcentrés. Outre la répartition des emplois de directeurs fonctionnels en trois groupes, le nouveau statut prévoit de réduire la période de détachement dans un emploi fonctionnel à trois ans maximum (renouvelables une fois dans les mêmes fonctions et sur le même emploi). Par ailleurs, afin de prendre en compte l'allongement des carrières, un parcours de carrière sera établi pour les directeurs sous statut d'emploi. Parallèlement, les échelons de fin de grille seront revalorisés afin de mettre en place des fins de carrière attractives. Cette réforme devrait entrer en vigueur au début de l'année 2011.
Par ailleurs, le corps des infirmiers de la PJJ devrait être intégré dans le corps interministériel des infirmiers de l'Etat, ce qui permettrait aux infirmiers de la PJJ de passer d'une grille indiciaire structurée en trois grades à une grille indiciaire structurée en deux grades. Cette intégration présente également l'intérêt de s'inscrire dans la politique interministérielle de rapprochement des corps qui remplissent des missions voisines et de résorption des petits corps.
* les réformes indemnitaires envisagées en 2011 :
- une revalorisation du régime indemnitaire des psychologues, afin de compenser l'augmentation de leur temps de présence dans les structures dans le cadre du passage à l'aménagement et réduction du temps de travail. En outre, cette revalorisation accompagnera la mise en place de la nouvelle mesure judiciaire d'investigation éducative, destinée à renforcer le rôle d'aide à la décision des magistrats (voir supra) ;
- une revalorisation, d'un montant de 500 euros annuels, du régime indemnitaire des assistants de service social et des conseils techniques de service social devrait voir le jour en 2011 ;
- enfin, la PJJ poursuivra en 2011 la mise en place du régime indemnitaire des responsables d'unité éducative (RUE)32(*).
3. Une réforme de la formation
La diversification des recrutements et l'évolution des missions confiées à la PJJ doivent permettre de trouver une meilleure adéquation entre les profils recrutés et les prises en charge de publics multiples et difficiles. Cela suppose une individualisation plus poussée des parcours de formation, notamment pour les personnes recrutées par la troisième voie ou après reconnaissance des acquis de l'expérience, qui ont besoin avant tout d'une formation d'adaptation.
a) L'école nationale de protection de la jeunesse (ENPJJ)
L'école nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ), ouverte à Roubaix en octobre 2008, assure la prise en charge des formations statutaires des éducateurs et des directeurs de service.
Les enseignements sont dispensés en respectant trois modalités pédagogiques que sont l'alternance, le parcours individualisé et la pluri-professionnalité :
- en plus des formations théoriques dispensés à l'ENPJJ, les élèves sont placés en stage dans des unités afin d'être mis en situation opérationnelle à chaque étape de leur progression ;
- les formations sont adaptées aux parcours antérieurs des stagiaires ;
- enfin, les formations communes aux différents corps sont privilégiées, afin d'améliorer l'efficacité de la prise en charge pluridisciplinaire des mineurs délinquants.
En 2009, l'école a dispensé 123.031 journées de formation statutaire pour un effectif global de 1.315 stagiaires.
Par ailleurs, elle a dispensé 2.235 journées de formation continue, qui ont bénéficié à 661 agents, tandis que les pôles territoriaux de formation ont dispensé 27.731 journées de formation continue à 4.489 agents.
Enfin, l'ENPJJ a mis en place une classe préparatoire intégrée pouvant préparer 21 jeunes remplissant les conditions pour s'inscrire au concours d'éducateur 2010. Les résultats obtenus en 2010 confirment la tendance de l'année précédente : 20 candidats ont été admissibles et 9 d'entre eux ont été admis au concours d'éducateur 2010.
Prochainement, l'ENPJJ proposera des formations aux magistrats intervenant dans le domaine de la justice des mineurs. Ces formations pourront être ouvertes aux avocats, par le biais du Conseil national des barreaux.
b) La réforme de la formation des éducateurs et des directeurs
La DPJJ a entrepris, conformément aux orientations données par la Direction générale de l'administration et de la fonction publique à la suite du rapport de Raymond-François Le Bris sur la formation initiale des agents de l'État33(*), de modifier la formation initiale des éducateurs (recrutés à bac +2). Désormais, la formation à l'ENPJJ, d'une durée d'un an, sera suivie de six mois dans un service, période au cours de laquelle les éducateurs stagiaires seront placés en situation de prise en charge des mineurs et suivis par un tuteur. La durée de la formation initiale passera ainsi de 24 à 18 mois. Un bilan de positionnement permettant de tenir compte du passé académique et professionnel du stagiaire sera mis en place, afin de supprimer les redondances avec les enseignements qu'il aurait préalablement suivis. Enfin, l'apprentissage opérationnel sera développé dans le cadre de stages pratiques organisés durant la première année de formation, avant que n'intervienne une période de pré-affectation de six mois consécutifs dans un poste que l'éducateur stagiaire aura vocation à conserver dans le cadre de son affectation définitive.
Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, M. Eric Corsin, représentant du syndicat SNPES-PJJ-FSU, s'est inquiété des conséquences de cette réduction du temps de formation initiale des éducateurs, craignant, dans la mesure où celle-ci ne s'accompagne pas d'un relèvement des exigences de qualification au concours, qu'elle aboutisse à une dégradation de la qualité des prises en charge.
Par ailleurs, la DPJJ propose de modifier la formation des directeurs des services de la PJJ (recrutés à bac +3) selon des modalités similaires : réduction de la durée de la formation (18 mois), application du principe de l'alternance, période de pré-affectation. Toutefois, contrairement à la formation des éducateurs, le rang de classement final serait supprimé pour les directeurs et pourrait être remplacé par un croisement entre les voeux des stagiaires et ceux de l'employeur. Cette réforme serait applicable aux promotions entrant en formation en 2012.
4. Un renforcement du dialogue social rendu nécessaire par l'évolution des missions de la PJJ
La mise en oeuvre des orientations du projet stratégique national 2008-2011 de la PJJ et les réorganisations engagées dans le cadre de la RGPP ont rendu nécessaire un renforcement du dialogue social à la PJJ :
- la DPJJ s'efforce tout d'abord de développer les instances de concertation. En 2009, 7 CTP centraux, 43 réunions bilatérales et 5 réunions multilatérales ont eu lieu. Au premier semestre 2010, 5 CTP centraux et 40 réunions ont eu lieu avec les organisations syndicales, dont 8 réunions multilatérales. 9 réunions de groupes de travail sur l'évolution des statuts des infirmiers, des psychologues et des assistants de service social ou sur la mise en place d'observatoires des relations sociales et des conditions de travail ont été tenues avec des représentants du personnel. Plusieurs CTP ont fait l'objet d'un boycott par les organisations syndicales ;
- depuis février 2010, la DPJJ expérimente dans deux DIR la mise en place d'observatoires des relations sociales et des conditions de travail, destinés à prendre en compte les difficultés rencontrées par les agents des services déconcentrés en matière d'organisation et de conditions de travail ;
- par ailleurs, la DPJJ participe à l'élaboration d'une charte du dialogue social ministérielle et souhaite développer avec les organisations syndicales des pratiques de contractualisation, notamment locales ;
- une concertation a été engagée au niveau national sur le recrutement et le maintien dans l'emploi des personnes handicapées, ainsi que sur les moyens accordés aux organisations syndicales en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication ;
- enfin, la DPJJ met en place un plan pluriannuel de formations de deux jours destinées aux 192 élus des CTP interrégionaux (notions budgétaires liées à la LOLF, gestion prévisionnelle des ressources humaines).
Le recentrage au pénal de la PJJ a suscité de nombreux débats avec les organisations syndicales. Les représentants syndicaux rencontrés par votre rapporteur pour avis lui ont notamment fait part de leurs vives inquiétudes quant aux incidences de la baisse continue des moyens alloués à la PJJ sur la qualité de la prise en charge, ainsi que sur l'insuffisante évolution des statuts des personnels. Ils ont par ailleurs exprimé le sentiment que la PJJ, qu'ils ont qualifiée d' « enfant délaissé » du ministère de la Justice, ne bénéficiait pas de perspectives d'évolution claires ni d'une attention suffisante de la part des pouvoirs publics.
* 31 Un poste offert en 2005, 2 en 2006, 3 en 2007, 5 en 2008, et 2 en 2009 et 2010.
* 32 Cette nouvelle fonction de cadre intermédiaire, mise en place en 2010 et complémentaire de celle de directeur de service, est désormais assurée par les directeurs de service responsables d'une unité éducative et par les chefs de services éducatifs fonctionnels, les professeurs techniques et les conseillers techniques de service social qui le souhaitent. Chaque unité d'un établissement (qui doit en comporter au moins deux) est ainsi placée sous les ordres d'un RUE, l'établissement étant quant à lui dirigé par un directeur de service. Le directeur est responsable du pilotage de la structure tandis que le RUE se concentre sur l'encadrement des équipes éducatives. Au 1er septembre 2010, 253 RUE (sur les 380 à recruter) étaient en fonctions.
* 33 « Propositions pour une réforme de la formation des agents de l'Etat », rapport remis en décembre 2008.
C. LE DÉVELOPPEMENT DE L'ÉVALUATION
La DPJJ, qui s'est vu reconnaître un rôle central dans la coordination de l'ensemble des acteurs de la justice des mineurs, a inscrit le contrôle, l'audit et l'évaluation parmi les axes de son projet stratégique national 2008-2011, afin de garantir l'aide à la décision des magistrats et la qualité de la prise en charge.
Dans son rapport thématique consacré à la protection de l'enfance, la Cour des comptes constatait que « les rares contrôles d'établissements et services [réalisés par la PJJ] restent centrés sur le secteur public, de moins en moins impliqué dans la prise en charge des mineurs en danger. Ainsi, entre 2002 et 2007, 70 % des 39 contrôles de l'inspection concernaient des établissements du secteur public. Au rythme actuel, un établissement du secteur associatif sera contrôlé en moyenne tous les vingt-six ans. Seule la DRPJJ du Centre est particulièrement engagée dans la démarche, en termes de méthodologie notamment, mais selon un rythme qui reste insuffisant (6 contrôles annuels pour 128 structures). La plupart de ces contrôles portent sur les établissements d'hébergement : les services de milieu ouvert sont rarement contrôlés. Le contrôle est lié le plus souvent à un incident, à une situation financière dégradée ou à la demande d'un tiers, notamment le département »34(*). Aussi la Cour a-t-elle salué la décision prise par la DPJJ de renforcer en son sein la pratique du contrôle.
Depuis septembre 2008, la DPJJ s'est ainsi progressivement dotée d'une force d'audit : au 1er septembre 2010, 72 auditeurs territoriaux avaient été recrutés et formés.
Organisées au niveau interrégional, les équipes d'audit ont vocation à intervenir dans les 1.600 établissements et services d'investigation, de milieu ouvert, de placement et d'insertion de la PJJ, qu'ils relèvent du secteur public ou du secteur associatif habilité. L'objectif est de les auditer au moins une fois tous les cinq ans, ce qui représente une amélioration notable - ces services n'étaient auparavant contrôlés en moyenne que tous les trente ans.
L'audit a pour but de contrôler la bonne mise en oeuvre des pratiques éducatives, d'identifier les bonnes pratiques et de fournir aux magistrats une base d'information sur les projets pédagogiques de chaque établissement et leur adéquation au profil des mineurs qu'ils souhaitent y placer.
En 2009, 110 audits ont été effectués. Deux tiers de ces audits ont concerné des établissements et services du secteur associatif habilité.
La création du service d'audit central national (SACN), en avril 2010, complète le dispositif. A terme, ce service sera composé de huit agents, chargés d'auditer les DIR et l'ENPJJ, ainsi que de coordonner les audits territoriaux des établissements et services du secteur public et du secteur associatif habilité.
Les audits donnent lieu à l'organisation de comités de suivi semestriel dans chaque DIR et au niveau national.
34 audits ont été réalisés conjointement avec les conseils généraux en 2009 (voir supra).
III. LA PJJ FACE À L'ÉVOLUTION DE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS
A. LA PJJ : UN ACTEUR ESSENTIEL DE LA PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE
D'après les informations transmises par le Gouvernement, 70% des mineurs délinquants âgés de moins de 17 ans pris en charge par la PJJ n'ont ni récidivé, ni réitéré dans l'année qui suit la clôture d'une mesure pénale. Toutefois, plusieurs enquêtes ont parallèlement mis en évidence l'existence, au sein de la population pénale mineure, d'un petit nombre d'auteurs d'actes de délinquance répétés, représentant environ 5% des jeunes concernés, qui seraient responsables de près de la moitié des actes de délinquance commis par cette classe d'âge35(*). Ce double constat rend indispensable la participation de la PJJ aux politiques de lutte contre la délinquance.
1. Une mission de participation aux politiques de prévention de la délinquance réaffirmée
Le décret n°2007-1573 du 6 novembre 2007 relatif à la structuration judiciaire des établissements et services du secteur public de la PJJ confie à la PJJ une mission de participation aux politiques publiques visant :
- la coordination des actions de la PJJ avec celles des collectivités publiques en vue d'assurer une meilleure prise en charge des mineurs délinquants ou en danger ;
- l'organisation et la mise en oeuvre d'actions de protection de l'enfance et de prévention de la délinquance.
Dans ce cadre, les services territoriaux de la PJJ participent aux dispositifs de prévention de la délinquance réformés par la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, et contribuent aux actions définies dans les contrats locaux de sécurité (CLS) et les conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD et CISPD).
Par ailleurs, conformément à la circulaire du 6 février 2008 relative au rôle de l'institution judiciaire en matière de prévention de la délinquance, les services territoriaux de la PJJ contribuent aux plans départementaux de prévention de la délinquance, aux travaux des conseils départementaux de prévention de la délinquance et des comités départementaux de sécurité, et, localement, aux groupes locaux de traitement de la délinquance. En particulier, un certain nombre d'actions à contenu éducatif proposées par les services territoriaux de la PJJ sont désormais financées par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance.
Enfin, dans le cadre du plan national de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes du 2 octobre 2009, la PJJ participe à la mise en oeuvre des instances tripartites de coordination de la justice des mineurs, destinées à renforcer le suivi des mineurs multiréitérants. Ces instances, qui regroupent représentant du parquet, juge des enfants et directeur du service territorial du milieu ouvert de la PJJ, ont pour but d'adapter les stratégies judiciaires sur un secteur géographique déterminé, afin d'assurer notamment la mise en oeuvre effective et rapide des mesures prescrites.
2. La mise en oeuvre de partenariats ciblés
En outre, la PJJ participe à la politique de prévention de la délinquance par le biais de partenariats et de dispositifs de concertation avec l'ensemble des acteurs intervenant dans cette matière :
* des dispositifs anciens de concertation avec les conseils généraux
La PJJ a tout d'abord et depuis longtemps mis en oeuvre des dispositifs de concertation ciblés avec les conseils généraux, responsables de la protection de l'enfance en danger.
Ce partenariat a d'abord été développé dès la fin des années 1980 sur la base d'une démarche dite « de complémentarité » portant sur les thèmes suivants :
- la mise en place de dispositifs d'accueil d'urgence : aujourd'hui, 75 départements bénéficient d'un tel dispositif et 6 ont entamé les démarches nécessaires ;
- la participation à des commissions « parcours » ou « cas difficiles », qui sont des instances de concertation pluridisciplinaires centrées sur la recherche de solutions concrètes à la situation individuelle de jeunes rencontrant de grandes difficultés sur le plan comportemental, scolaire ou psychiatrique. 61 départements ont mis en place de telles instances ;
- enfin, les services de la PJJ sont toujours associés à l'élaboration du volet « enfance » des schémas d'organisation sociale et médico-sociale, 69 sur 87 de ces derniers étant signés conjointement bien que la loi ne l'exige plus.
En outre, les services territoriaux de la PJJ contribuent aux instances créées par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance :
- d'une part, les cellules de recueil des informations préoccupantes. A la fin de l'année 2009, plus de 83% des départements avaient mis en place une telle cellule. La PJJ est signataire de la quasi-totalité des protocoles de création et de fonctionnement de cette instance ;
- d'autre part, les observatoires départementaux de la protection de l'enfance, qui constituent le cadre institutionnel de concertation privilégié pour analyser les problématiques des publics visés ainsi que les besoins de matière de protection de l'enfance, dans le but d'organiser au mieux la prise en charge.
* un renforcement de la concertation avec les forces de sécurité
Par ailleurs, la PJJ a développé des dispositifs de partenariat avec les forces de sécurité (police nationale, gendarmerie, police municipale) dans le cadre de la politique des quartiers en difficulté. Outre les concertations organisées dans le cadre du CLSPD et du plan départemental de prévention de la délinquance (voir supra), les forces de sécurité participent régulièrement à des actions conjointes de prévention avec des éducateurs de la PJJ, dans le cadre de la sécurité routière, d'activités sportives ou des opérations « Ville Vie Vacances » par exemple. En outre, depuis l'été 2009, il est demandé aux services territoriaux de la PJJ, en liaison avec le procureur de la République, de renforcer leurs échanges avec les forces de sécurité au niveau de 35 quartiers prioritaires ainsi que dans le cadre des actions de lutte contre les violences scolaires décidées par les états-majors départementaux de sécurité.
* la participation de la PJJ à la « dynamique espoir banlieue »
La PJJ participe à la mise en oeuvre de la « dynamique espoir banlieue », définie par le comité interministériel des villes du 20 juin 2008, à travers trois actions spécifiques :
- la signature de 1.000 contrats CIVIS36(*) par an au profit de jeunes suivis par la PJJ, dont 33% pour des jeunes issus de 215 quartiers prioritaires. En 2009, 2.131 contrats ont été signés, dont 473 pour les quartiers prioritaires ;
- la signature de 500 conventions de « parrainage » par an au profit des jeunes suivis par la PJJ, dont 50% pour les jeunes issus de 215 quartiers prioritaires. 334 conventions ont été signées en 2009, dont 120 pour les quartiers prioritaires ;
- enfin, la préparation de 25 candidats issus des quartiers prioritaires par an au concours d'éducateur. 36% de ces candidats ont été admis au concours en 2009, 48% en 2010.
* des partenariats ciblés avec l'Éducation nationale
En-dehors des relations entretenues dans le cadre du fonctionnement de certaines structures de placement (CEF et EPM notamment), la PJJ participe de façon conjointe avec le ministère de l'Éducation nationale à la mise en oeuvre d'un certain nombre de projets ciblés.
La PJJ est notamment investie dans le développement et le pilotage des dispositifs relais (classes et ateliers), qui représentent un élément essentiel de la politique de lutte contre l'échec scolaire et la marginalisation sociale des jeunes. En 2009-2010, 444 dispositifs relais se répartissaient en 300 classes et 144 ateliers, permettant une prise en charge de 8.134 élèves. Environ un tiers d'entre eux bénéficiaient d'une mesure éducative administrative ou judiciaire. Dans les classes relais, l'équipe d'encadrement des élèves est constituée d'enseignants de l'Education nationale, d'éducateurs du conseil général ou de la PJJ et éventuellement de personnels associatifs. En 2009-2010, ce dispositif concernait 63 agents de la PJJ.
La PJJ est également impliquée dans la création, annoncée au cours de l'été 2010, d'une dizaine d'établissements de réinsertion scolaire (ERS), un personnel d'encadrement et un éducateur de la PJJ ayant vocation à être affectés dans chaque structure. Les difficultés rencontrées dans certains établissements au cours des récentes semaines devraient probablement conduire à une adaptation prochaine de leur cahier des charges.
* la nécessaire amélioration de la prise en charge des mineurs présentant des troubles mentaux
Bien que le ministère de la Justice ne dispose pas de données chiffrées sur ce point, les jeunes en difficulté confiés à la PJJ au civil ou au pénal présentent souvent des troubles du comportement plus ou moins prégnants qui peuvent nécessiter une prise en charge psychiatrique.
Or, le bilan des relations entre la PJJ et le secteur psychiatrique semble loin d'être satisfaisant, tant en raison d'une insuffisance de moyens (manque de services d'hospitalisation psychiatrique suffisamment « contenants » pour accueillir ces enfants ou ces adolescents en crise, manque de services d'hospitalisation pour adolescents, inadéquation des services de psychiatrie générale au suivi de ces jeunes, etc.) que d'une faiblesse des articulations. En outre, les services éducatifs se montrent parfois réticents à reprendre ces mineurs après résolution de leur crise psychiatrique, notamment lorsque cette crise a été violente ou spectaculaire ou lorsque le suivi impose la poursuite d'un traitement médicamenteux ou de soins ambulatoires. Seuls quelques départements ou quelques services paraissent avoir trouvé des solutions opérationnelles généralement construites autour de structures conjointes ou de relations personnelles bien établies.
Ces éléments ont conduit la DPJJ à mettre en place une mission d'appui nationale chargée d'étudier de façon plus approfondie les articulations entre PJJ et psychiatrie dans cinq départements sélectionnés pour représenter la diversité des situations sur le territoire national. Votre rapporteur pour avis regrette que le rapport de ce groupe de travail, annoncé pour janvier 2010, n'ait pas encore été diffusé.
En outre, depuis le 1er janvier 2008, cinq centres éducatifs fermés (CEF) ont été dotés de moyens supplémentaires dans le domaine de la santé mentale (voir supra).
Dans son rapport remis le 3 décembre 2008, la commission présidée par le recteur Varinard s'est prononcée en faveur de la généralisation de la passation de conventions entre les services de la PJJ et les services de santé mentale, afin de permettre une prise en charge adaptée des mineurs le nécessitant, notamment sous la forme d'une hospitalisation de brève durée. La commission a souhaité qu'un établissement permettant un tel accueil existe au sein de chaque région37(*).
* 35 Voir notamment le rapport de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs précité, page 24.
* 36 Le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) s'adresse à des jeunes de 16 à 25 ans rencontrant des difficultés particulières d'insertion professionnelle. Il vise à organiser les actions nécessaires à la réalisation de leur projet d'insertion dans un emploi durable.
* 37 « Adapter la justice pénale des mineurs. Entre modifications raisonnables et innovations fondamentales : 70 propositions », commission présidée par le recteur André Varinard, La Documentation française, pages 202-204.
B. LA PJJ FACE À LA DÉLINQUANCE DES JEUNES FILLES
1. Une délinquance peu nombreuse mais en augmentation
Une étude récente de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a attiré l'attention sur l'augmentation importante de la délinquance des jeunes filles au cours des années récentes, qui demeure malgré cela minoritaire au sein de la délinquance des mineurs.
Ainsi, en 2009, un peu moins de 1.175.000 personnes ont été mises en cause pour crimes et délits non routiers, dont 214.612 mineurs au sein desquels on compte 33.316 jeunes filles : ces dernières représentent 2,8% de l'ensemble des personnes mises en cause en 2009, et 15,5% des mineurs délinquants.
Or, en 1996, seules 14.251 filles sur un total de 143.824 mineurs délinquants avaient été mises en cause par les services de police et de gendarmerie, soit une proportion inférieure à 10%. Sur cette période, la hausse du nombre de mineures mises en cause a été régulière, avec une augmentation moyenne annuelle de 6,8%.
Dans un peu plus de la moitié des cas, ces mineures sont mises en cause pour des atteintes aux biens. Dans un quart des cas, elles le sont pour atteintes volontaires à l'intégrité physique. Enfin, en 2009, plus de 22% des mineurs mis en cause pour vols sans violence étaient des filles.
Si les violences volontaires continuent à représenter une part minoritaire de la délinquance des jeunes filles, l'ONDRP observe toutefois les tendances suivantes :
- le nombre de filles mises en cause pour violences et menaces (hors vol) a augmenté de plus de 80% sur cinq ans ;
- en particulier, le nombre de filles mises en cause pour violences non crapuleuses a doublé entre 2004 et 2009. La hausse a essentiellement porté sur les violences, mauvais traitements et abandons d'enfants (+136% en cinq ans) et sur les coups et blessures volontaires non mortels sur personnes de plus de 15 ans (+97% sur la même période).
Ce constat a été partagé par la plupart des personnes entendues par M. Jean-Marie Bockel, ancien secrétaire d'Etat à la justice et auteur d'un rapport consacré à la prévention de la délinquance des jeunes38(*), qui ont notamment souligné l'augmentation des phénomènes de bandes chez les jeunes filles, dont les comportements tendraient sur ce point à se rapprocher de ceux des garçons. Dans son rapport, M. Jean-Marie Bockel a préconisé la mise en oeuvre d'une politique de prévention et d'action spécifiquement ciblée sur les bandes de filles.
2. Une nécessaire adaptation de la prise en charge en structure d'hébergement et en détention
Parce qu'elles représentent une part minoritaire de l'ensemble des jeunes confiés à la PJJ, la prise en charge des mineures délinquantes nécessite un certain nombre d'adaptations, particulièrement en CEF et en détention.
Le nombre de mineures placées en CEF est très faible et très variable. De ce fait, un seul centre s'est spécialisé dans l'accueil de jeunes filles délinquantes - il s'agit du CEF de Doudeville (Seine-Maritime), que votre rapporteur pour avis a visité (voir supra). Du fait du faible nombre de mineures placées, ce centre accueille des jeunes filles provenant de l'ensemble du territoire national, outre-mer inclus, ce qui ne facilite pas les relations avec les familles. Par ailleurs, une dizaine de CEF sont mixtes, sous réserve de pouvoir héberger au moins deux ou trois jeunes filles en même temps. La plupart de ces centres comportent des aires distinctes, avec des chambres réservées aux jeunes filles.
La détention des filles mineures obéit quant à elle en théorie à un double impératif : d'une part, une incarcération dans un lieu strictement distinct des lieux de détention des majeurs, conformément aux règles pénitentiaires européennes ; d'autre part, un hébergement en unité « non-mixte », sous la surveillance de personnels de sexe féminin39(*).
Toutefois, ces deux impératifs paraissent difficiles à mettre en oeuvre compte tenu du faible nombre de jeunes filles détenues - une trentaine en moyenne.
La mixité a été prévue dans le cahier des charges des EPM : chacun dispose en théorie d'une unité « filles » de quatre places, les activités socioculturelles et d'enseignement pouvant avoir lieu en commun. Toutefois, du fait du petit nombre de mineures détenues, seuls les EPM de Quiévrechain et de Lavaur accueillent aujourd'hui des jeunes filles, à condition qu'elles soient en nombre suffisant. En effet, ces dernières sont fréquemment victimes d'insultes violentes de la part des garçons détenus. Un effectif critique est donc nécessaire afin d'éviter leur isolement.
En quartier mineurs, la disposition des établissements pénitentiaires ne permet généralement pas une séparation totale entre les différentes unités. De ce fait, la plupart des mineures détenues en établissement pénitentiaire sont généralement hébergées avec les détenues adultes, ce qui n'est pas satisfaisant. En outre, leur faible effectif rend difficile la mobilisation de professionnels à temps complet qui ne peuvent, de surcroît, disposer de locaux adaptés au sein des quartiers femmes.
Ces constats ont conduit la DPJJ et la direction de l'administration pénitentiaire à mettre en place un groupe de travail conjoint chargé d'envisager des modalités d'amélioration des conditions d'incarcération des jeunes filles. Ces dernières pourraient ainsi être regroupées dans sept établissements répartis sur le territoire métropolitain : les EPM de Quiévrechain, de Lavaur et de Meyzieu, les maisons d'arrêt pour femmes de Fleury-Merogis et d'Epinal et les centres pénitentiaires des Baumettes et de Rennes. Cette répartition permettrait aux jeunes filles de bénéficier d'une prise en charge adaptée et renforcée. Afin de limiter les effets de l'éloignement des familles, les services de l'administration pénitentiaire seraient chargés de faciliter les visites, tandis que les services éducatifs garantiraient l'accompagnement des familles sur le lieu de détention.
* 38 « La prévention de la délinquance des jeunes », rapport à M. le Président de la République, novembre 2010.
* 39 Conformément à l'article R. 57-9-12 du code de procédure pénale.
C. LES PERSPECTIVES DE RÉFORME DE L'ORDONNANCE DU 2 FÉVRIER 1945
Depuis 2009, la DPJJ contribue, avec la direction des affaires criminelles et des grâces, à l'élaboration d'un projet de loi portant réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. En effet, depuis son entrée en vigueur, cette dernière a fait l'objet de plus d'une trentaine de modifications, dont certaines d'une ampleur importante sans que, pour autant, l'architecture et la cohérence globale de la justice pénale des mineurs ne fasse l'objet d'une réflexion d'ensemble.
1. Les conclusions de la commission présidée par M. André Varinard
La commission présidée par M. André Varinard, chargée de formuler des propositions pour réformer « en profondeur » l'ordonnance du 2 février 1945 et procéder à une véritable refondation de la justice pénale des mineurs, a remis son rapport le 3 décembre 2008.
Ce dernier formule 70 propositions qui peuvent être, pour l'essentiel, regroupées en trois rubriques : élaboration d'un code de la justice pénale des mineurs, modification des règles de fond, réforme de la procédure.
a) L'élaboration d'un code de la justice pénale des mineurs
La commission a préconisé de rassembler l'ensemble des textes relatifs au droit pénal des mineurs au sein d'un code dédié à la justice pénale des mineurs. Un tel code, qui regrouperait en un seul instrument juridique l'ensemble des règles de droit pénal de fond, de procédure pénale et d'application des peines, permettrait d'affirmer la spécificité et l'autonomie du droit pénal des mineurs. Les principes fondamentaux de ce dernier (primauté de l'éducatif, atténuation de la responsabilité en fonction de l'âge, caractère exceptionnel de l'emprisonnement, etc.) figureraient dans les articles liminaires de ce code.
b) Une modification du droit pénal applicable aux mineurs
Deux questions complémentaires ont été examinées : celle des seuils de responsabilité, et celle des mesures encourues.
S'agissant des seuils de responsabilité, la commission a proposé de fixer à douze ans l'âge de la responsabilité pénale40(*). A partir de cet âge, les mineurs pourraient encourir indifféremment des sanctions éducatives et des peines. Néanmoins, la commission a proposé de ne fixer qu'à quatorze ans l'âge à partir duquel une peine d'emprisonnement serait encourue, sauf en matière criminelle.
S'agissant des mesures encourues, la commission a proposé de réorganiser et de clarifier les solutions actuellement en vigueur. Les mesures éducatives et les sanctions éducatives seraient unifiées au sein d'une seule catégorie dénommée sanctions éducatives. Une mesure unique de suivi éducatif en milieu ouvert serait créée. Enfin, le rapport préconise l'instauration d'une peine principale de placement sous surveillance électronique, la création d'une peine de confiscation d'un objet sans lien avec l'infraction et appartenant au mineur ainsi qu'une peine d'emprisonnement de fin de semaine. Les peines et les sanctions éducatives pourraient par ailleurs être combinées.
c) Une réforme des règles de procédure
Au-delà de la consécration des principes directeurs du procès pénal applicables aux mineurs (nécessaire connaissance de la personnalité du mineur, publicité restreinte, assistance obligatoire d'un avocat et du défenseur unique pour le mineur, etc.), la commission a formulé un certain nombre de préconisations concernant la procédure pénale applicable. En particulier, elle s'est prononcée en faveur du maintien de la double compétence (au civil et au pénal) du juge des enfants, qui deviendrait le juge des mineurs. Elle s'est déclarée favorable à une déjudiciarisation de la première infraction et a préconisé de soumettre, sur renvoi du juge des mineurs ou du juge d'instruction, à un tribunal correctionnel spécialement composé les mineurs devenus majeurs au moment du jugement, les mineurs poursuivis avec des majeurs et les mineurs âgés de 16 à 18 ans en état de nouvelle récidive.
2. Une réflexion engagée
A la suite de la remise de ce rapport, les directions des affaires criminelles et des grâces et de la protection judiciaire de la jeunesse ont commencé à travailler conjointement à la rédaction d'un projet de loi. Un document de travail a été élaboré.
Celui-ci s'organise sous la forme d'un code de la justice pénale des mineurs regroupant l'ensemble des dispositions applicables en la matière. La spécificité et les principes fondamentaux de la justice pénale des mineurs y sont réaffirmés et la terminologie est modernisée. L'avant-projet de loi maintient par ailleurs le principe de la primauté de l'éducation sur la répression et favorise le recours aux alternatives à l'incarcération et aux aménagements de peine. Un dossier unique de personnalité pourrait être créé. En matière de procédure, de nouveaux délais de traitement des procédures et l'instauration de saisines directes des juridictions seraient instaurés.
En revanche, le Gouvernement a fait savoir qu'il n'avait pas souhaité retenir l'ensemble des propositions formulées par la commission présidée par M. Varinard. En particulier, les propositions tendant à créer un tribunal correctionnel des mineurs ou à fixer à douze ans l'âge de la responsabilité pénale ne devraient pas figurer dans le projet de loi.
A la suite de la diffusion de l'avant-projet, une série de consultations a été engagée avec la Défenseure des enfants, les associations et les syndicats professionnels (magistrats et éducateurs). Les représentants du barreau ont également été consultés.
Certaines préconisations du rapport Varinard ont par ailleurs fait l'objet d'expérimentations dans certaines DIR. Tel est notamment le cas du dossier unique de personnalité pour les mineurs ou du mandat de placement confié aux directeurs départementaux de la PJJ afin de garantir l'exécution immédiate et effective d'une décision de placement prise par un juge des enfants statuant en matière pénale.
En tout état de cause, le Gouvernement fait valoir que ce texte devrait être examiné en lien avec la réforme de l'ensemble de la procédure pénale, qui pourrait également être prochainement soumise à l'examen du Parlement.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « protection judiciaire de la jeunesse » au sein de la mission « justice » du projet de loi de finances pour 2011.
* 40 A l'heure actuelle, la condition fondamentale de la responsabilité pénale des mineurs est le discernement, que l'on situe généralement aux environs de l'âge de sept ans. A partir de dix ans, ils peuvent encourir des sanctions éducatives. Ils peuvent faire l'objet d'une peine à partir de l'âge de treize ans.
ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR
Ministère de la justice - Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ)
- Mme Mireille Gaüzère, directrice adjointe
- M. Damien Mulliez, sous-directeur des missions de protection judiciaire et d'éducation
- M. Olivier Petit, sous-directeur du pilotage et de l'optimisation des moyens
Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille
- Mme Catherine Sultan, présidente
Convention nationale des associations de protection de l'enfant (CNAPE)
- Mme Fabienne Quiriau, directeur général adjoint
- Mme Laure Sourmais, conseillère technique
CGT-PJJ
- Monsieur Alain Dru, secrétaire général
SNPES - PJJ - FSU
- M. Eric Corsin, membre du bureau national
Assemblée des départements de France
- M. Jean-Pierre Hardy
- Mme Marylène Jouvien
Citoyens et Justice
- M. Francis Bahans, directeur général adjoint
ANNEXE 2 - LISTE DES DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR
- Établissement pénitentiaire pour mineurs d'Orvault (5 novembre 2010), avec M. Jean-René Lecerf et Mme Alima Boumediene-Thiery
- Centre éducatif fermé de Doudeville (15 novembre 2010), avec Mme Alima Boumediene-Thiery
C. LES PERSPECTIVES DE RÉFORME DE L'ORDONNANCE DU 2 FÉVRIER 1945
Depuis 2009, la DPJJ contribue, avec la direction des affaires criminelles et des grâces, à l'élaboration d'un projet de loi portant réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. En effet, depuis son entrée en vigueur, cette dernière a fait l'objet de plus d'une trentaine de modifications, dont certaines d'une ampleur importante sans que, pour autant, l'architecture et la cohérence globale de la justice pénale des mineurs ne fasse l'objet d'une réflexion d'ensemble.
1. Les conclusions de la commission présidée par M. André Varinard
La commission présidée par M. André Varinard, chargée de formuler des propositions pour réformer « en profondeur » l'ordonnance du 2 février 1945 et procéder à une véritable refondation de la justice pénale des mineurs, a remis son rapport le 3 décembre 2008.
Ce dernier formule 70 propositions qui peuvent être, pour l'essentiel, regroupées en trois rubriques : élaboration d'un code de la justice pénale des mineurs, modification des règles de fond, réforme de la procédure.
a) L'élaboration d'un code de la justice pénale des mineurs
La commission a préconisé de rassembler l'ensemble des textes relatifs au droit pénal des mineurs au sein d'un code dédié à la justice pénale des mineurs. Un tel code, qui regrouperait en un seul instrument juridique l'ensemble des règles de droit pénal de fond, de procédure pénale et d'application des peines, permettrait d'affirmer la spécificité et l'autonomie du droit pénal des mineurs. Les principes fondamentaux de ce dernier (primauté de l'éducatif, atténuation de la responsabilité en fonction de l'âge, caractère exceptionnel de l'emprisonnement, etc.) figureraient dans les articles liminaires de ce code.
b) Une modification du droit pénal applicable aux mineurs
Deux questions complémentaires ont été examinées : celle des seuils de responsabilité, et celle des mesures encourues.
S'agissant des seuils de responsabilité, la commission a proposé de fixer à douze ans l'âge de la responsabilité pénale40(*). A partir de cet âge, les mineurs pourraient encourir indifféremment des sanctions éducatives et des peines. Néanmoins, la commission a proposé de ne fixer qu'à quatorze ans l'âge à partir duquel une peine d'emprisonnement serait encourue, sauf en matière criminelle.
S'agissant des mesures encourues, la commission a proposé de réorganiser et de clarifier les solutions actuellement en vigueur. Les mesures éducatives et les sanctions éducatives seraient unifiées au sein d'une seule catégorie dénommée sanctions éducatives. Une mesure unique de suivi éducatif en milieu ouvert serait créée. Enfin, le rapport préconise l'instauration d'une peine principale de placement sous surveillance électronique, la création d'une peine de confiscation d'un objet sans lien avec l'infraction et appartenant au mineur ainsi qu'une peine d'emprisonnement de fin de semaine. Les peines et les sanctions éducatives pourraient par ailleurs être combinées.
c) Une réforme des règles de procédure
Au-delà de la consécration des principes directeurs du procès pénal applicables aux mineurs (nécessaire connaissance de la personnalité du mineur, publicité restreinte, assistance obligatoire d'un avocat et du défenseur unique pour le mineur, etc.), la commission a formulé un certain nombre de préconisations concernant la procédure pénale applicable. En particulier, elle s'est prononcée en faveur du maintien de la double compétence (au civil et au pénal) du juge des enfants, qui deviendrait le juge des mineurs. Elle s'est déclarée favorable à une déjudiciarisation de la première infraction et a préconisé de soumettre, sur renvoi du juge des mineurs ou du juge d'instruction, à un tribunal correctionnel spécialement composé les mineurs devenus majeurs au moment du jugement, les mineurs poursuivis avec des majeurs et les mineurs âgés de 16 à 18 ans en état de nouvelle récidive.
2. Une réflexion engagée
A la suite de la remise de ce rapport, les directions des affaires criminelles et des grâces et de la protection judiciaire de la jeunesse ont commencé à travailler conjointement à la rédaction d'un projet de loi. Un document de travail a été élaboré.
Celui-ci s'organise sous la forme d'un code de la justice pénale des mineurs regroupant l'ensemble des dispositions applicables en la matière. La spécificité et les principes fondamentaux de la justice pénale des mineurs y sont réaffirmés et la terminologie est modernisée. L'avant-projet de loi maintient par ailleurs le principe de la primauté de l'éducation sur la répression et favorise le recours aux alternatives à l'incarcération et aux aménagements de peine. Un dossier unique de personnalité pourrait être créé. En matière de procédure, de nouveaux délais de traitement des procédures et l'instauration de saisines directes des juridictions seraient instaurés.
En revanche, le Gouvernement a fait savoir qu'il n'avait pas souhaité retenir l'ensemble des propositions formulées par la commission présidée par M. Varinard. En particulier, les propositions tendant à créer un tribunal correctionnel des mineurs ou à fixer à douze ans l'âge de la responsabilité pénale ne devraient pas figurer dans le projet de loi.
A la suite de la diffusion de l'avant-projet, une série de consultations a été engagée avec la Défenseure des enfants, les associations et les syndicats professionnels (magistrats et éducateurs). Les représentants du barreau ont également été consultés.
Certaines préconisations du rapport Varinard ont par ailleurs fait l'objet d'expérimentations dans certaines DIR. Tel est notamment le cas du dossier unique de personnalité pour les mineurs ou du mandat de placement confié aux directeurs départementaux de la PJJ afin de garantir l'exécution immédiate et effective d'une décision de placement prise par un juge des enfants statuant en matière pénale.
En tout état de cause, le Gouvernement fait valoir que ce texte devrait être examiné en lien avec la réforme de l'ensemble de la procédure pénale, qui pourrait également être prochainement soumise à l'examen du Parlement.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « protection judiciaire de la jeunesse » au sein de la mission « justice » du projet de loi de finances pour 2011.
* 40 A l'heure actuelle, la condition fondamentale de la responsabilité pénale des mineurs est le discernement, que l'on situe généralement aux environs de l'âge de sept ans. A partir de dix ans, ils peuvent encourir des sanctions éducatives. Ils peuvent faire l'objet d'une peine à partir de l'âge de treize ans.
ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR
Ministère de la justice - Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ)
- Mme Mireille Gaüzère, directrice adjointe
- M. Damien Mulliez, sous-directeur des missions de protection judiciaire et d'éducation
- M. Olivier Petit, sous-directeur du pilotage et de l'optimisation des moyens
Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille
- Mme Catherine Sultan, présidente
Convention nationale des associations de protection de l'enfant (CNAPE)
- Mme Fabienne Quiriau, directeur général adjoint
- Mme Laure Sourmais, conseillère technique
CGT-PJJ
- Monsieur Alain Dru, secrétaire général
SNPES - PJJ - FSU
- M. Eric Corsin, membre du bureau national
Assemblée des départements de France
- M. Jean-Pierre Hardy
- Mme Marylène Jouvien
Citoyens et Justice
- M. Francis Bahans, directeur général adjoint
ANNEXE 2 - LISTE DES DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR
- Établissement pénitentiaire pour mineurs d'Orvault (5 novembre 2010), avec M. Jean-René Lecerf et Mme Alima Boumediene-Thiery
- Centre éducatif fermé de Doudeville (15 novembre 2010), avec Mme Alima Boumediene-Thiery