Regard désabusé sur Vacte de juger
DOMINIQUE MAIN
Regard désabus
sur Vacte de jugerLa crise que traverse aujourd'hui la justice, plus encore la justice
pénale les péripéties que l'on connaît autour de l'application de
la loi amnistiant les infractions liées au financement des partis poli¬
tiques ont servi à cet égard de révélateur , conduit le citoyen à
s'interroger et les spécialistes à tenter un diagnostic et à proposer
avec prudence ou exiger avec assurance, selon les tempéraments,
des voies multiples vers une solution complexe ou des remèdes
simples. C'est aussi une pressante invitation pour celui qui est
chaque jour l'acteur direct de la justice pénale le juge à s'arrêter
un instant, à s'arracher à l'étreinte de la tâche quotidienne, où
finalité et principes tendent à se dissoudre dans l'utilité immédiate
et l'efficience quantitative, pour porter sur ce qui fait le cfur même
de son métier : l'acte de juger, un regard critique, aussi honnête et
lucide qu'il le peut.
Ce regard risque sans doute d'apparaître, même avec le recul
modeste que donnent une quinzaine d'années d'exercice de la fonc¬
tion de juger, quelque peu désabusé. Il est cependant, non seulement
un indispensable exercice d'hygiène mais le point de départ d'une
recherche des solutions qu'on voudrait débarrassée des hypocrisies,
des ambiguïtés et des fausses évidences.
Peut-être n'est-il pas inutile de rappeler en quelques mots quelles
sont les caractéristiques singulières de l'acte de juger au pénal.
Il s'agit d'abord pour le juge d'analyser les faits qui lui sont
soumis, de les qualifier pour savoir s'ils entrent dans l'une des
catégories incriminées par la loi pénale, ce qui peut nécessiter une
interprétation de la loi et exiger parfois l'appréciation de la confor-
Pouvoirs 55, 1990
108 Dominique Main
mité de cette loi à une norme supérieure, nationale ou supranationale,
tout ceci afin de se prononcer sur la culpabilité de celui qui est l'objet
de poursuites. Cette première étape dans l'acte de juger est certai¬
nement la plus essentielle puisque, d'un présumé innocent, elle
peut faire un coupable.
Le second volet de la décision judiciaire pénale, qui suppose
qu'il y ait eu déclaration de culpabilité, n'est pas moins délicat. Le
juge doit alors, à l'intérieur des limites fixées par la loi, déterminer
la sanction qui sera appliquée au coupable. Or on sait que ces limites
sont très larges, compte tenu de la faculté, très largement utilisée,
d'accorder des circonstances atténuantes.
Mais nous savons bien que ces définitions juridiques au
demeurant sommaires ne suffisent pas à rendre compte de ce
qu'est au fond la décision judiciaire pénale.
Elle est multiple, complexe, insaisissable. Elle est d'abord sym¬
bolique, « réconciliation du droit avec soi-même n1, rappel solennel
des valeurs les plus importantes que la société entend protéger
et de la hiérarchie qu'elle établit entre ces valeurs, réparation de
l'atteinte portée à ces valeurs au-delà du tort causé à une victime
privée. Par là on aperçoit déjà la connotation morale qui accompagne
généralement le jugement pénal. Parce que la partie essentielle
de notre droit pénal trouve encore sa référence lointaine dans le
Décalogue, plus encore parce que le mot même de justice désigne
une vertu, une aspiration qui ne peut trouver son fondement que
dans une morale, l'organe étatique chargé de « rendre la justice »
ne peut, qu'il le veuille ou non, se débarrasser tout à fait de cette
dimension, qui le dépasse et parfois l'écrase. Le juge pénal remplit,
de fait, une fonction morale. Il désigne et stigmatise le malhonnête
ou restitue au contraire son honneur à celui sur qui pesait le soupçon.
Les hommes politiques le savent bien, qui utilisent parfois l'arme
judiciaire comme le plus sûr moyen de discréditer et d'éliminer
définitivement un adversaiie. Le juge est là, consciemment ou non,
témoin, gardien et instrument d'une loi non écrite qui est au-dessus
de la loi positive, encore qu'elle ne puisse s'appliquer qu'à travers
elle et qui, quelle que soit par ailleurs la position qu'on adopte à
l'égard des théories du droit naturel, constitue sans doute le vieux
fonds de morale commune sans lequel ne se maintiendrait pas la
cohésion sociale. Pascal l'avait bien compris, qui affirmait que le
peuple n'obéit aux lois « qu'à cause qu'il les croit justes »2.
1. Hegel, Principes de philosophie du droit, p. 247.
2. Pascal, Pensées, 288, p. 1161.
Regard désabusé sur l'acte de juger 109
A côté et parfois à l'encontre de cette fonction symbolique,
voire morale, très présente mais rarement soulignée, la décision
pénale se voit assigner un objectif d'utilité sociale, exprimé sous des
formes diverses aboutissant à des conclusions qui peuvent être
contradictoires. C'est tout le débat sur la finalité de la peine : éli¬
mination temporaire, voire définitive, de la société ou « traitement »
en vue de la réinsertion, dissuasion des délinquants potentiels par
l'exemplarité, prévention de la récidive, soit par la sévérité de la
peine prononcée, soit au contraire par le choix d'une sanction non
désocialisante.
D'un autre côté, la décision pénale n'étant pas nécessairement
une condamnation, mais parfois un acquittement ou une relaxe,
ou encore l'annulation de tout ou partie de la procédure en raison
de la méconnaissance par les enquêteurs ou le juge d'instruction de
règles de procédure destinées à protéger l'individu seulement soup¬
çonné ou déjà inculpé, la décision pénale est aussi, à cet égard, une
prévention de l'arbitraire ou des abus toujours possibles dans la
conduite de l'enquête.
Cette décision aux aspects divers, aux finalités multiples et aux
effets complexes, comment le juge la prend-il ?
LIBERTE DU JUGE ET PRINCIPE DE LEGALITE
« Souverain soumis uniquement à sa conscience et à la loi »,
cette formule utilisée par Balzac à propos du juge d'instruction3
résume bien la position du juge pénal devant la décision qu'il a à
prendre. L'ordre des mots conscience et loi n'est sans doute pas
fortuit. Peut-être même faut-il se demander si la soumission à la loi,
principe fondamental dans notre système, a encore un contenu réel,
du moins par rapport à la conception qui prévalait à la fin du
xvme siècle. Pour ce qui est de la loi, par laquelle les révolution¬
naires avaient entendu borner strictement l'activité du juge, elle
laisse en fait à celui-ci une immense liberté, s'agissant d'apprécier
la culpabilité et de prononcer la peine. Le législateur n'ayant pu
prévoir toutes les situations de fait et laissant subsister, parfois à
dessein, un certain flou dans les incriminations, il revient d'abord
au juge de dire si tel comportement qui lui est soumis tombe ou non
sous le coup de la loi. La seule règle qui s'impose à lui est celle dite
3. Balzac, Splendeur et misère des courtisanes, 3e partie, p.
30.
110 Dominique Main
de l'interprétation stricte, lui interdisant d'étendre l'application
d'un texte répressif au-delà de ses prévisions initiales.
Quant à la culpabilité, il n'existe pas de système de preuve
contraignant, comme c'est le cas en matière civile. Le juge pénal
décide, certes, « sur des preuves qui lui sont apportées »... « et contradictoirement
discutées devant lui », mais d'après son « intime
conviction »4 ou « suivant (sa) conscience et (son) intime convic¬
tion »5.
S'agissant enfin d'appliquer une peine après que la culpabilité
a été reconnue, le juge jouit alors d'une liberté presque totale. Si
la loi lui interdit de relaxer pour des raisons d'opportunité ce qui
serait un refus d'application de la loi, dès lors que les faits sont
établis, et porterait atteinte aux intérêts des victimes éventuelles,
la déclaration de culpabilité étant en principe, avec des exceptions
très limitées, le support nécessaire de leur droit à réparation , le
juge peut cependant, en matière correctionnelle, aller jusqu'à
dispenser de peine le prévenu, en matière criminelle descendre
jusqu'à un ou deux ans, selon les cas, d'emprisonnement assorti
du sursis. Même en cas de récidive, si les peines encourues sont
aggravées, les textes en vigueur ne limitent cependant pas la loi
du 2 février 1981 avait tenté de le faire par une disposition ultérieu¬
rement abrogée le jeu des circonstances atténuantes. La seule
limite posée par le législateur consiste dans l'interdiction de faire
bénéficier du sursis simple le prévenu déjà condamné au cours des
cinq années précédant les faits à une peine d'emprisonnement,
avec ou sans sursis, supérieure à deux mois. Mais le tribunal peut
alors assortir la condamnation d'un sursis avec mise à l'épreuve
dont l'octroi est toujours possible quel que soit le passé judiciaire
de l'intéressé qui, paradoxalement, est en un sens plus avantageux
pour le condamné, qui sera quitte au plus tard à l'expiration d'un
délai de trois ans, alors que le sursis simple, accordé généralement
à des délinquants primaires, peut être révoqué pendant cinq ans.
Bien plus, toute nouvelle peine d'emprisonnement ferme révoquera
le sursis antérieur, sauf dispense expresse prononcée par le juge,
alors que le sursis avec mise à l'épreuve n'est jamais révoqué que
par une décision spéciale.
A cette très large liberté du juge, dont on ne donne ici que
quelques exemples, est venue s'ajouter, depuis quelques années,
la faculté d'apprécier la compatibilité de la loi française avec des
4. Art. 427 du code de procédure pénale applicable aux délits.
5. Serment de jurés, art. 304 du code de procédure pénale.
Regard désabusé sur l'acte de juger 111
normes supra-nationales, principalement le traité CEE et la Conven¬
tion européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales. C'est l'irruption du droit européen dont on mesure
encore mal les effets, tant le juriste français a été longtemps rétif
à cette désacralisation de la loi nationale et à l'abandon de souve¬
raineté qu'elle traduit. C'est un espace nouveau qui s'ouvre au juge
pénal pas à lui seul bien sûr , vaguement inquiétant mais pas¬
sionnant à conquérir. Il ne peut plus en tout cas le fuir, comme
il l'a fait jusqu'alors pour le contrôle de constitutionnalité. On
risquerait d'ailleurs, si le projet en cours concernant la saisine du
Conseil constitutionnel par voie d'exception devait aboutir, de se
trouver devant le paradoxe suivant : le juge judiciaire, y compris
le juge pénal, serait incompétent pour apprécier la conformité d'une
loi à la norme nationale suprême qu'est la constitution, alors qu'on
lui reconnaît déjà le pouvoir d'apprécier la conformité de la même
loi à cette autre norme supérieure qu'est le traité et qu'il aura de
plus en plus à appliquer directement le droit européen, l'utilité de
poser une question préjudicielle à la Cour de justice des Commu¬
nautés étant laissée à son appréciation.
Cette très grande liberté du juge pour partie, la conséquence
d'un certain effacement de la loi, qui ne fixe plus que les bornes
extrêmes recèle certains dangers.
Ce n'est pas pour rien que les révolutionnaires de 1789 avaient
entendu limiter les pouvoirs du juge pénal, qu'ils percevaient comme
source d'arbitraire. Sans doute le balancier est-il alors allé trop
loin dans l'autre sens, le système de la peine fixe étant beaucoup
trop mécanique et oublieux de la complexité des comportements
humains, qui ne peuvent être réduits à leur qualification juridique.
Mais n'a-t-on pas trop perdu de vue aujourd'hui ce qui était au
ceur de leur préoccupation : l'égalité des citoyens devant la loi,
la prééminence de la raison ?
Ne nous faisons pas d'illusions en effet : la place laissée vide par
la loi, c'est le juge qui l'occupe. Car comme il répugne naturellement
à traiter différemment des comportements semblables, il établit,
pour ne pas encourir à ses propres yeux le grief d'injustice s'agis¬
sant du niveau de la peine, une norme, un « tarif », une jurisprudence
qu'il appliquera aux cas individuels qui lui sont soumis. Prenons
l'exemple du trafic de stupéfiants, puni de deux à dix ans d'empri¬
sonnement vingt ans en cas d'importation. A l'intérieur de cette
énorme fourchette, pourquoi, pour un même type de comportement
délictueux par exemple le cas du passeur , prononcer dix ans
de prison plutôt que deux ou trois ? Faut-il tenir compte de la
112 Dominique Main
nature de la drogue, la gravité de la sanction doit-elle dépendre
de la quantité en cause ? Autant de questions auxquelles chaque
formation de jugement, chaque juge, peut donner une réponse
différente. Et cette réponse est proprement politique, car en dernière
analyse aucun raisonnement logique ne suffit à en rendre compte.
Elle est de l'ordre de l'irrationnel.
Il en va de même d'ailleurs de la décision sur la culpabilité, avec
cette grande différence que celle-ci n'a pas de portée générale.
Qu'est-ce qui, au bout du compte, hors les cas d'évidence, fait
basculer du côté de la culpabilité plutôt que de l'innocence, de
l'indulgence plutôt que de la rigueur ? Sans doute ce « je-ne-saisquoi
» ou ce « presque rien » dont Vladimir Jankélévitch a si lumi¬
neusement parlé, ce « quelque chose d'inévident et d'indénombrable »,
« mauvaise conscience de la bonne conscience rationaliste » ou « malaise
d'une conscience insatisfaite devant une vérité incomplète »6.
Il demeure que le juge tend à devenir son propre législateur,
et à instituer lui-même sa propre échelle des peines, comme consé¬
quence de sa propre hiérarchie des valeurs, ceci sans aucun autre
contrôle théorique que celui qui peut s'exercer, au cas par cas, à
l'occasion de l'exercice des voies de recours.
Cette situation est encore aggravée par le fait que le corps judi¬
ciaire n'est nullement homogène aujourd'hui, ne faisant que refléter
en cela l'hétérogénéité de la société elle-même. Tous les juges n'ont
pas la même conception de ce qui est grave et de ce qui ne l'est pas,
de la réponse à apporter à la délinquance en général ou à tel délit
en particulier, des effets utiles ou négatifs des différentes sanctions
qu'ils ont à leur disposition.
Pourquoi le citoyen devrait-il ainsi subir la loi d'hommes et de
femmes qui n'ont été investis d'aucun mandat électif et ne sont pas
responsables devant le peuple souverain ? N'est-ce pas là un prix
trop élevé à pay er pour l'individualisation de la peine ? Et au reste
ce principe généreux d'apparence est-il si juste ? Juger en fonction
de critères extérieurs à l'acte lui-même, est-ce encore respecter
l'égalité devant la loi ? L'expérience de la cour d'assises montre
que des éléments tels que la sympathie ou l'antipathie qu'inspirent
respectivement l'accusé et la victime, en matière de crime de sang
ou de viol, ou encore la biographie de l'accusé, ses perspectives
d'avenir, ont une part considérable dans la décision. Combien de
jurés voit-on mal à l'aise pour juger, après le rapport d'un psychiatre
6. V. Jankélévitch, Le je-ne-sais-quoi et le presque rien. La manière et l'occasion,
p. 11.
Regard désabusé sur l'acte de juger 113
qui laisse parfois le sentiment que l'acte est l'aboutissement presque
inéluctable d'un processus quasi logique et qu'il a en quelque sorte
échappé à son auteur. Mais les tribunaux correctionnels exclusive¬
ment composés de juges professionnels, si les écarts de peines entre
affaires de même nature y ont une moindre amplitude, n'en font
pas moins une large place, consciemment ou non, à des critères tels
que la dangerosité.
Mais alors, est-on encore jugé pour ce que l'on a fait ou pour
ce que l'on a été et ce que l'on pourrait devenir ? Et d'ailleurs que
sait-on vraiment de l'un et de l'autre ?
On répondra peut-être que l'égalité n'est pas la justice et que,
de toute manière, cette prise en compte des éléments de personnalité
ne peut pas aggraver le sort du coupable, puisque le juge ne peut
aller au-delà du maximum prévu par la loi. C'est en partie vrai
mais c'est oublier qu'à un certain degré l'inégalité ne peut être juste.
La prévisibilité est aussi un élément de la légalité.
Et cette inégalité, nous allons le voir, est encore aggravée,
toujours par souci d'individualisation, au stade de l'exécution de la
peine.
On doit observer au passage que la loi, qui fait au juge une
confiance quasi illimitée lorsqu'il s'agit de décider sur la culpabilité
ou d'appliquer la peine, l'enserre au contraire dans un réseau de
règles précises et contraignantes ou de principes exigeants lorsqu'il
s'agit de la procédure dont l'audience de jugement est l'aboutisse¬
ment, voire de la procédure d'audience elle-même pour la cour
d'assises. On peut s'interroger sur cette différence. En découle
d'ailleurs, dans les procès dont l'enjeu est important, un déplace¬
ment du débat vers la procédure, où une défense inquiète met tous
ses espoirs dans la mesure où l'espace de la discussion y est clairement
borné par des règles strictes et réinvesti par la rationalité, res¬
treignant les pouvoirs du juge, qui n'est plus pour un temps que le
gardien de la loi. Souvent le juge ressent comme une lâcheté, en tout
cas quelque chose d'immoral, cette fuite du débat au fond, surtout
si la culpabilité lui apparaît certaine. Mais, outre que certaines règles
invoquées à l'appui des demandes en nullité de la procédure sont
essentielles à la protection des libertés, c'est là peut-être la rançon
à payer pour un pouvoir trop peu contrôlé. Et notre situation à cet
égard reste encore éloignée de ce que l'on connaît aux Etats-Unis.
Existe-t-il des contrepoids capables de limiter les effets négatifs
de ce pouvoir que la loi laisse au juge ? Il en est deux, essentiels :
l'obligation de motiver, la collégialité.
Une vraie collégialité est, dans le contexte qu'on vient de décrire,
114 Dominique Main
une garantie de la plus haute importance pour le citoyen : trois
personnes de tempéraments différents, douze à la cour d'assises,
vont confronter leurs points de vue et deux d'entre elles au moins
devront être d'accord sur la décision. C'est réduire le risque d'une
trop grande subjectivité, c'est renforcer les chances qu'aucun aspect
important de l'affaire ne soit oublié ou laissé de côté. Prôner le juge
unique, comme certains le font aujourd'hui, pour des raisons de
productivité ou pour redonner au juge le sentiment de sa respon¬
sabilité sinon de son importance qui ferait défaut à l'assesseur,
parfois qualifié bien à tort de « potiche », ne va pas dans le bon sens.
La productivité doit-elle primer lorsqu'il s'agit de l'honneur et de
la liberté des gens, et la justice est-elle faite d'abord pour apporter
des satisfactions au juge ? Certes non. Ce que la justice pénale a
au contraire besoin de retrouver aujourd'hui, c'est une vraie collé¬
gialité, c'est-à-dire une discussion franche, égalitaire et complète,
qui ne se fasse pas sous la férule du président c'est devenu rare
mais on trouve encore des magistrats qui pensent et disent parfois
qu'on ne va pas contre l'avis d'un collègue occupant une position
hiérarchique plus élevée ni surtout sous la pression de la montre,
parce qu'il y a trop d'affaires à examiner. A cet égard, il faut redire
combien est scandaleuse l'insuffisance criante du temps que les
juges peuvent consacrer à l'examen des affaires. Cette quotidienne
course contre la montre est indigne de la justice. Et de cela les
magistrats sont comptables, car il leur revient de refuser de juger
dans une audience plus d'affaires qu'ils ne peuvent le faire dans
des conditions convenables, puisque les moyens de faire face à un
contentieux en progression constante leur sont obstinément refusés.
Quelques gadgets enrobés dans un ronflant vocabulaire technocra¬
tique ne peuvent en effet tenir lieu de solution.
Le deuxième rempart contre l'arbitraire du juge la motivation
obligatoire des décisions est lui aussi bien fissuré. Ce n'est pas
trahir un secret d'état que de dire que la grande majorité des juge¬
ments correctionnels n'est pas motivée, ou plus exactement comporte
des motifs préimprimés ou inscrits dans la mémoire d'un ordinateur
et adaptables à presque tous les cas de figure, ce qui revient au même.
De manière générale, seules sont motivées les décisions frappées
d'appel.
On sait par ailleurs que l'absence de motivation est la règle
pour les cours d'assises. Mais ici, c'est la loi qui le veut. On explique
généralement cette règle par le fait que cette juridiction est composée
de citoyens, qui représenteraient le peuple souverain, lequel n'a
aucun compte à rendre de ses décisions.
Regard désabusé sur l'acte de juger 115
Quoi qu'il en soit, le défaut de motivation a des conséquences
très fâcheuses. Tous les praticiens savent bien qu'expliciter par écrit,
fût-ce pour soi-même, les motifs de la décision qu'on a prise, ou qu'on
va prendre, est une discipline salubre. C'est limiter la part de l'ombre,
de l'irrationnel, du sentiment, de la pure opportunité, même si jamais
on ne peut la réduire à rien. C'est renforcer le rôle du raisonnement
et de l'intelligence « cette petite chose à la surface de moi », comme
disait à peu près Barrés, qui ne demande qu'à être submergée par
les puissances de l'instinct et du sentiment. Motiver, c'est rendre
compte, et d'abord à soi-même. Et c'est une expérience commune
que de s'apercevoir en motivant une décision déjà prise dans le prin¬
cipe qu'elle n'est pas bonne parce qu'on ne peut la justifier de manière
satisfaisante à ses propres yeux.
Mais si la loi laisse au juge pénal une liberté très grande, qu'on
peut à certains égards estimer excessive, dans l'acte de juger, et si le
juge accroît encore cette liberté en s'affranchissant, sous la pression du
nombre, de certaines contraintes légales qui la limitent, on s'aperçoit
cependant, à y regarder de plus près, que ce pouvoir est dans la réalité
en partie en trompe l'cil, parce que refusé, tronqué ou vidé d'une part
de sa substance, soumis aux pressions internes ou au poids du
politique.
UN POUVOIR TRONQUE ET SOUS INFLUENCE
Les décisions qui sont prises, généralement d'ailleurs par d'autres
magistrats, en amont et en aval de l'acte de juger restreignent dans
une certaine mesure sa portée et exercent une influence sur le juge.
Un des débats essentiels, à l'heure actuelle, et depuis bien des
années, concernant la procédure pénale est celui de la détention
provisoire. C'est là en effet que se joue l'essentiel, puisque l'inculpé
ou l'accusé qui comparaît détenu devant le juge du fond a de grandes
chances d'être condamné à de l'emprisonnement ferme pour une
durée au moins égale à celle de la détention provisoire, tandis que,
dans le cas contraire, le risque sera faible pour lui d'être condamné
à une peine ferme ou à une peine d'une durée excédant celle de la
détention provisoire qu'il a éventuellement subie avant d'être libéré.
C'est le préjugement que l'on reproche tant au juge d'instruction.
Ce faisant, on se trompe d'ailleurs de cible. Si quelqu'un est à incri¬
miner dans l'affaire c'est plutôt le juge du fond, qui trop souvent
se décharge d'un pouvoir qui lui pèse, en entérinant la décision
prise par un autre avant lui et qui a pour premier mérite d'exister.
116 Dominique Main
Et ceci ne vaut d'ailleurs pas seulement pour la détention mais
aussi pour l'essentiel qu'est la culpabilité. Il est bien difficile de
donner un contenu réel à la présomption d'innocence après qu'un
magistrat du parquet a décidé d'exercer des poursuites et qu'un
juge d'instruction, voire la chambre d'accusation de la cour d'appel
en matière criminelle , a estimé qu'il existait des charges suf¬
fisantes de culpabilité. En fait, il faut reconnaître que le processus
engagé un jour par la décision d'un substitut n'est pas aisément
réversible. Mais n'est-ce pas là encore la conséquence d'une certaine
abdication du juge du fond ? Qu'on ne se méprenne d'ailleurs pas :
il n'y aurait pas forcément plus d'acquittements si le juge, moins
pressé par le temps, plus soucieux d'exercer lui-même le pouvoir
qui lui est dévolu, accordait moins d'importance à la situation de
fait créée par les décisions antérieures. C'est que celles-ci certains
paraissent l'oublier parfois ne sont tout de même pas prises au
hasard ou de manière irresponsable.
Il est d'autres décisions qui ont une influence sur l'acte de juger :
il s'agit de tout ce qui concerne l'exécution ou l'application des
peines. On sait dans quelle importante mesure les réductions de
peine, les grâces présidentielles, les lois d'amnistie, la libération
conditionnelle peuvent modifier la durée réelle d'une peine, à partir
de critères qui sont sans lien direct avec les faits qui ont entraîné
la condamnation. Le juge pénal finit souvent par en retirer le sen¬
timent qu'on lui enlève d'une main le pouvoir qu'on lui a donné de
l'autre, qu'on lui fait prendre des décisions affectées d'un fort coef¬
ficient d'ineffectivité sans qu'il puisse cependant savoir exactement
ce qu'il en sera dans tel cas particulier. On lui dénie en quelque
sorte le droit de savoir si sa décision sera appliquée et dans quelle
mesure. On risque ainsi d'affaiblir chez lui le sentiment de sa res¬
ponsabilité. Plusieurs ministres de la justice l'ont compris et ont songé
à associer d'une manière ou d'une autre le juge pénal au devenir de sa
décision. Mais rien n'a été changé, tant on sent que ce terrain est miné.
Le juge ne se résigne d'ailleurs pas vraiment à cette dépossession.
Il peut aller parfois jusqu'à prendre en compte le coefficient prévisible
d'érosion de la peine pour fixer celle qu'il estime devoir être subie
ou à prononcer une peine un peu supérieure à celle qui lui paraît
appropriée pour qu'elle échappe à l'amnistie « au quantum » et
s'inscrive effectivement dans la mémoire du casier judiciaire.
On sent bien ce qu'une telle situation a de malsain. Faut-il se
contenter de fermer les yeux, par crainte de révéler au grand jour
les contradictions et les hypocrisies d'un système dont au fond on
s'accommode ?
Regard désabusé sur l'acte de juger 117
Pourtant, l'influence, voire la pression la plus évidente, la plus
permanente comme aussi la plus ancienne qui s'exerce sur le juge
pénal et tend à peser sur l'acte de juger est sans aucun doute celle
du politique.
Le poids du politique est certes d'abord dans la tête du juge ;
il n'existe guère de nos jours de pressions directes et personnelles,
mais, surtout dans la tradition française où le politique se voit
reconnaître une prééminence absolue l'ordre officiel des préséances
récemment remanié en porte la trace concrète , le pouvoir exécutif
n'a jamais vraiment renoncé à la réunion des pouvoirs qui s'opérait
jadis dans la personne du roi. Le courrier que reçoivent Président
de la République, Premier ministre et ministres conduit d'ailleurs
à se demander si la notion de séparation des pouvoirs a vraiment
un sens pour beaucoup de nos concitoyens. Cela devrait susciter
la réflexion sur les moyens de faire vivre la démocratie et d'abord
de l'enraciner vraiment dans les esprits. Mais c'est là un problème
bien complexe, tant ce qui touche au pouvoir est encore imprégné
de mystère et baigné d'irrationnel. Quoi qu'il en soit, l'homme poli¬
tique investi de responsabilités trop souvent s'abstient de détromper
explicitement le citoyen qui lui demande d'user de son pouvoir
pour obtenir, modifier ou annuler une décision de justice. On reste
dans le clair-obscur, le non-dit. Pourquoi un ministre de la justice
devrait-il être tenu pour responsable et ne pas refuser clairement
cette responsabilité des avatars de telle affaire judiciaire à sensa¬
tion, de la décision jugée critiquable de tel tribunal, de la « bavure »
qui a conduit à une remise en liberté inopportune ou de la sanction
jugée trop lourde qui aura entraîné un suicide ?
Le pouvoir politique pèse en fait sur l'acte de juger de plusieurs
manières. L'une de celles-ci est le statut de la magistrature, sur
lequel on ne s'étendra pas ici, tant le problème est connu et demeure
d'actualité. Balzac, qui avait encore en tête le modèle d'Ancien
Régime, avait bien vu la difficulté : « Avancer ! voilà le mot terrible,
l'idée qui, de nos jours, change le magistrat en fonctionnaire »7,
écrivait-il à propos du juge d'instruction Camusot, partagé entre sa
conscience professionnelle et le désir de ne pas déplaire, voire de
seconder les vTux de qui peut faire sa « carrière ». Mais, quel que soit
le statut du juge, la faveur du prince sera toujours un puissant
aimant. Thomas More, dont on sait quel fut le courage personnel
dans le conflit qui l'opposa au roi « I die the King's good servant
but God's first » , l'exprimait à sa manière, qui est de tous les
7. H. de Balzac, Splendeur et misère des courtisanes, 3e partie, p. 135.
118 Dominique Main
temps : « Les considérants ne manquent jamais au magistrat qui se
prononce en faveur du prince : il lui suffit d'évoquer soit l'équité,
soit la lettre de la loi, soit le sens dérivé d'un texte obscur. »8 L'his¬
toire est là pour montrer que les Camusot sont plus nombreux que
les Thomas More.
Par le biais de l'avancement, de la notation qui en est la clef,
le pouvoir politique peut tenter d'exercer un certain contrôle sur le
contenu de la décision. Trop de sévérité ou trop d'indulgence habi¬
tuelle au regard de ce qui est jugé normal ou raisonnable à un moment
donné par la hiérarchie judiciaire ou l'autorité politique peut avoir
des effets négatifs sur la carrière du magistrat.
Les déclarations publiques sont un autre mode d'intervention.
Chacun a pu entendre, en différentes occasions, des membres du
Gouvernement critiquer, de manière plus ou moins directe, des
décisions judiciaires rendues en matière d'accidents de la route et
réputées trop indulgentes. Il existe une très forte pression dans le
sens d'une aggravation de la répression contre ce qu'on appelle
aujourd'hui la délinquance routière. On trouverait d'autres exemples,
sans doute moins nombreux, dans d'autres domaines, au gré de
l'actualité.
Mais subsistent encore ou réapparaissent des modes d'inter¬
vention plus directs. C'est ainsi que dans le document largement
rendu public intitulé « Orientations pour un service public de la
justice », circulaire adressée aux magistrats du siège comme à ceux
du parquet le 7 novembre 1988, le garde des Sceaux indique aux
destinataires : « Vous y trouverez... les orientations générales au
sein desquelles doivent s'inscrire vos entreprises et vos actions »
(p. 6), stigmatise « les délibérés interminables, les décisions peu
motivées » (p. 15), « les jurisprudences inflexibles » (p. 21), invite
les juges à « faire une application plus réaliste des dispositions de
l'article 700 du nouveau code de procédure civile et 475-1 du code
de procédure pénale » (p. 16), ou à développer le recours à la peine
de travail d'intérêt général (p. 23), érige en doctrine que la répres¬
sion doit être « déterminée par un principe d'utilité sociale et de
justice » (p. 21) ce qui n'est pas forcément la même chose et peut
être parfois même antinomique ou que « l'emprisonnement...
constitue l'ultime recours au terme d'une précise gradation des
interventions judiciaires » (p. 21) ce que la loi ne dit pas pour
réaffirmer cependant en conclusion que l'indépendance, « impérieuse
obligation des magistrats à la dignité, doit être une réalité vécue
8. Thomas More, L'utopie, p. 58.
Regard désabusé sur l'acte de juger 119
dans l'exercice quotidien des fonctions » (p. 23). On peut encore
lire dans une circulaire récente de la Direction des affaires crimi¬
nelles adressée aux magistrats du siège et du parquet concernant
la question brûlante des écoutes téléphoniques des phrases telles
que : « Il s'impose notamment de veiller à ce que... » Empressons-nous
de dire d'ailleurs que les « conseils » qui suivent non seulement ne
sont pas scandaleux mais recueillent probablement un large assen¬
timent. Le procédé lui-même n'en pose pas moins question. Est-il
excessif de penser que ces documents contiennent à la fois remon¬
trances qui font écho à celles des anciens Parlements en sens
inverse et instructions ? Chacun peut en être juge.
Un esprit moins chagrin peut cependant y voir la confirmation
implicite que le juge a bien un véritable pouvoir, puisqu'on cherche
à obtenir de lui qu'il en use dans un certain sens. C'est ce que Marc
Bloch a bien vu qui, à propos de la justice médiévale, citant la phrase
attribuée à Henri Plantagenêt réclamant la condamnation de
Thomas Becket : « Vite, vite, dépêchez-vous de me faire un juge¬
ment », faisait ce commentaire : « Le mot résume assez bien et les
limites que la puissance du chef mettait à l'impartialité des juges et
l'impossibilité où le plus impérieux des tyrans était, cependant, de
se passer d'un jugement collectif. »9 II n'est évidemment pas ques¬
tion de comparer les procédés dont usait le souverain féodal avec
ses juges et les « conseils » gouvernementaux adressés au juge contem¬
porain. Mais le temps n'est-il pas venu de rompre avec certaines
habitudes, au reste largement partagées par l'ensemble de la classe
politique et dont il serait injuste de faire grief à tel ou tel pris singu¬
lièrement ? C'est ici l'attitude du pouvoir politique en général que
l'on veut illustrer.
Le pouvoir politique conserve au surplus est-il besoin de le
rappeler un moyen d'action considérable mais parfaitement
légal lui permettant de contourner le juge à défaut de l'influencer.
C'est l'appréciation de l'opportunité des poursuites qui appartient
au parquet, soumis en dernière analyse à l'exécutif. Le volume des
délits constaté est tel que le classement sans suite d'un très grand
nombre de procédures est une nécessité technique. Mais quels sont
les critères de classement ? Il n'existe aucune règle impérative en
la matière. C'est en fait par ce biais surtout que l'on peut parler
d'une politique pénale. C'est bien en effet une décision politique
que de ne pas poursuivre telle catégorie ou sous-catégorie d'infrac-
9. Marc Bloch, La société féodale, p. 509.
120 Dominique Main
tion, comme d'ailleurs de requérir telle sanction plutôt que telle
autre pour une catégorie de délits déterminée.
La vérité est que l'homme de gouvernement considère très natu¬
rellement la répression comme un élément d'une politique et sup¬
porte mal de ne pas en contrôler la phase ultime. C'est la conséquence
de cet investissement du droit par la politique, souligné par bien des
auteurs10.
Quant au recours à l'amnistie, trop d'encre a coulé sur ce sujet
ces derniers temps pour qu'on s'y attarde.
Le juge pénal à la recherche de lui-même ?
Une mission ambiguë - une image floue.
Au-delà, et peut-être à cause des problèmes qui viennent d'être
évoqués, l'acte de juger, au pénal, suscite parfois un certain malaise
qu'il est nécessaire de mentionner pour terminer, même s'il est rare¬
ment évoqué. C'est que le rôle du juge, tout à fait clair dans les
affaires civiles, devient plus complexe et ambigu au pénal. Ce juge
est-il le « tiers impartial qui maintient la balance égale entre les
deux parties b11, ou « l'offensé en tant qu'universel »12, ou encore,
comme on l'entend souvent dire aujourd'hui, celui qui lutte contre
la délinquance ou pour la protection des libertés individuelles à
travers le respect des règles de procédure. Devant ces attentes
contradictoires et simultanées, le juge pénal ne sait plus toujours
très bien où se situer. Le malaise est renforcé par l'image que lui
renvoie parfois et de plus en plus souvent l'avocat, qui n'est pas
celle d'un tiers impartial dans lequel on a confiance mais plutôt
celle d'un personnage de parti pris, hostile et dangereux. Plus sim¬
plement le juge se sent rejeté dans un camp et perçu comme usurpant
son fauteuil d'arbitre. C'est là un phénomène encore marginal mais
auquel il faudra être particulièrement attentif. Encore n'est-il pas
sûr que ce qui est éprouvé d'un côté corresponde à une réalité de
l'autre côté. Ce sentiment n'en serait d'ailleurs pas moins signifi¬
catif en lui-même.
S'il est vrai ces quelques lignes en sont le témoignage qu'il
est difficile pour le juge pénal d'aujourd'hui de ne pas porter sur
son activité un regard quelque peu désabusé, il ne peut se contenter
de cultiver avec une secrète jouissance un incurable spleen. Bien
10. Le droit investi par la politique, Archives de philosophie du droit, 1971.
11. Aristote, Ethique de Nicomaque, chap. V, p. 132.
12. Hegel, Principe de la philosophie du droit, p. 247.
Regard désabusé sur l'acte de juger 121
des changements certes ne peuvent venir que d'une prise de cons¬
cience politique de ce que doit être la place du juge pénal, sa mission
spécifique et irréductible à toute autre dans la société démocratique
et des moyens nécessaires pour remplir cette mission au tout
premier rang desquels le temps. Mais beaucoup dépend aussi du
juge lui-même, qui doit devenir pleinement adulte, apprendre à
ne pas craindre l'air du large et à ne pas se laisser impressionner par
quelques embruns. L'indépendance a besoin d'un statut qui la
garantisse lorsque les magistrats s'occupent loin d'elle, pour para¬
phraser ce que disait Tocqueville à propos de la liberté, des insti¬
tutions et du peuple. Mais l'indépendance vraie est une conquête
quotidienne, et d'abord un effort sur soi-même. Et qu'on n'oublie
surtout pas qu'elle n'est pas une fin en soi, mais un moyen au service
de la justice, cet objectif jamais atteint, cette aspiration toujours
vivante, qui, en prêtant son nom à une institution, lui a interdit
le repos et la satisfaction de soi.
Résumé. Le juge pénal se trouve dans une situation contradictoire
et paradoxale. Le législateur lui donne des pouvoirs toujours plus grands
et sans doute excessifs. Dans le même temps, l'exécutif lui refuse les moyens
de les exercer convenablement et conserve la faculté de le contourner ou de
peser au moins indirectement sur ses décisions. A cela s'ajoute une crise
d'identité liée à une crise de la finalité de sa mission. Il faut retrouver les
conditions d'une activité du juge pénal plus transparente, mieux tempérée
et régulée, d'une indépendance vraie au service d'une mission claire et reconnue
par tous.
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