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Regard judiciaire sur les violences institutionnelles

Regard judiciaire sur les violences institutionnelles

par Jean Pierre Rosenczveig
président du Tribunal pour enfants de Bobigny
président de l'Association Nationale des Communautés Educatives

Je vous remercie de m'avoir invité et de m'accueillir dans cette journée de réflexion. J'interviendrai donc avec ma double casquette de magistrat et en pratique de président du deuxième tribunal pour enfants de France après Paris. Je suis donc un praticien confronté régulièrement au thème de la violence. J'ai également des responsabilités associatives et militantes comme notamment président de l'Association Nationale des Communautés Educatives, mouvement qui regroupe notamment 300 organismes gestionnaires et un millier d'établissements accueillant des enfants en difficulté, handicapés physiques ou sociaux.

Compte tenu de sa présentation très générale et du peu de temps qui m'est imparti je me dois donc de cerner et donc de restreindre volontairement mon propos.

Je m'attacherai certes aux violences dans les institutions de protection de l'enfance, mais je voudrai auparavant m'arrêter à l'institution que je

connais le mieux ; la justice. Rend-elle vraiment justice aux enfants ?

Ne développe-t-elle pas une certaine violence je qualifierai illégitime à leur encontre ? J'ai conscience d'être un peu provocateur mais c'est le lot de journées comme celles-ci que de pousser la réflexion. Vous saurez retrouver le sens de la mesure. En réalité, il s'agit dans ce propos de s'interroger illégitimes sur les violences dans les institutions, mais aussi celle pratiquée par les institutions

I - La violence de la justice

Cette institution judiciaire se donne - ou plus exactement s'est vue allouer par le législateur - des objectifs ambitieux : garantir le droit à l'éducation de tous les enfants, veiller au droit de tout enfant à une famille et à une vie familiale, lui assurer le droit de se faire rendre justice quand il a été victime et d'être juger conformément aux grands principes universaux quand il est coupable. Pas moins. Voua savez par ailleurs que de longue date cette justice des mineurs est un champ d'expérimentation pour l'ensemble de la justice : c'est elle qui a introduit le travail sociale dans la machine judiciaire et la gestion du temps. Elle a le souci non pas de juger l'auteur des faits sur ce qu'il était mais aussi sur ce qu'il est devenu puisque son souci est de faire en sorte que les faits commis ne soient pas réitérés.

Il est d'autant plus intéressant de s'attacher à son fonctionnement que dans le même temps où notre pays doute de ses juges il attend de plus en plus d'elle dans le domaine de l'enfance depuis le début des années 1980. On assiste à une judiciarisation extrême des situations de maltraitance à enfants.

Elle joue un rôle majeur dans la régulation de la séparation des couples parentaux dans une période où les couples sont d'une extrême fragilité; elle gère la délinquance juvénile dont on connaît aujourd'hui l'ampleur et l'aggravation moderne. Bien évidemment c'est dans le domaine de la maltraitance à enfants que l'attente est aujourd'hui première. A des faits qui sont de plus en plus vécus comme insupportables voire s'agissant des violences sexuelles au niveau du crime contre l'humanité on attend que réponse ferme et rapide. c'est l'institution judiciaires qui est seule censée pouvoir sanctionner les auteurs tant sur le plan pénal (incarcération ) que sur le plan civil ( déchéance ou retrait d'autorité parentale). Encore faut-il que la justice soit informée des faits. C'est ici que s'est cristallisée la question moderne du secret professionnel en travail social car les premiers informés sont souvent des travailleurs sociaux. Qui est tenu au secret professionnel parmi eux? Quelles sont les obligations de ceux-là et des autres? Le souci de porter aide et assistance à la personne en péril ne l'emporte-t-il pas sur l'obligation de se taire ? Loin sait que la question est réactualisée avec la chute dans les années 1985 du tabou sur les violences sexuelles quand jusque là régnait trop souvent la loi du silence et la complicité objective avec l'auteur; en tous cas , l'ignorance du sort de la jeune victime.

La justice a des atouts pour remplir son rôle.

Elle conserve bien évidemment une autorité morale et peut imposer une contrainte. Cela chacun le sait. On sait moins que contrairement à l'image conservatrice qu'elle véhicule qu'elle est capable d'innover.

Dans les dernières années et pour les sujets qui nous intéresse, je relèverai qu'elle a su introduire l'exercice conjoint de l'autorité parentale, faire basculer le débat sur l'I.V.G., veiller à la mise en oeuvre de principes posés dans la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant comme le droit d'être entendu et assisté en justice eau point où la Cour de cassation a estimé que les juges allaient trop loin. elle sait encore prendre en contre les enfants errants comme à Marseille à travers l'association jeunes errants. On multiplierait les exemples.

Il ne s'agit bien évidemment pas de faire ici une apologie qui serait déplacée de la justice mais quitte à en mettre en exergue quelques limites au regard de ses objectifs il n'est pas illégitime de mettre en exergue ses qualités;

La première critique que l'on peut faire à l'institution judiciaire et qui est vécue comme une violence par les enfants est bien de leur rester accessible.

Le tribunal pour enfants est l'exception au principe de l'incapacité des enfants d'agir en justice. Seuls leurs parents ou tuteur sont compétence pour défendre leurs droits en justice. Cependant pour l'enfant en danger de longue date - 1958 - le législateur a dérogé à ce principe en permettant à l'enfant à tout âge de saisir valablement le juge.

L'enfant est donc légitime à être l'acteur de sa propre protection et on sait que nombre d'enfant ne manquent pas d'utiliser ces facilités légales. Cela ne v eut pas dire que les parents ou les services sociaux soient exonérés de leurs responsabilités dans ce domaine. J'observerai que la loi ne met pas de seuil d'âge à l'enfant pour saisir un juge des enfants. On vérifiera - vérification formelle - qu'il a le discernement; en d'autres termes qu'il parait suffisamment apte à exprimer ce qu'il ressent.

Reste et c'est sûr ce point que je voulais insister que dans un domaine essentiel du besoin de justice des enfants - les conflits et dissociations parentales - l'enfant ne s'est pas vu reconnaître le droit de saisir le juge aux affaires familiales on pas pour divorcer de ses parents mais pour au moins appeler l'attention sur le fait que ce qui avait été pris comme engagement dans la procédure de divorce ou de séparation pour les couples non mariés n'a pas été tenu. Les enfants n'ont donc dans cette hypothèse aucun recours judiciaire sauf à être relayé par l'autre parent. Mais celui ci sera par définition suspect. Et s'il a des reproches à faire aux deux il risque fort de n'être pas entendu du tout.

On aurait pu imaginer qu'à partir de 13 ans, âge auquel l'enfant peut être envoyé en prison ou doit donner sinon accord pour un changement de nom ou une adoption, qu'il puisse proprio motu saisir le juge des affaires familiales pour faire réviser le concernant les décisions organisant la séparation parentale.

Il faut attendre qu'il soit en danger pour qu'il retrouve une capacité d'initiative. Il va de soi que ce n'est pas la justice qui est directement en cause que le législateur qui n'a pas saisi l'occasion donnée par la loi du 8 janvier 1993.

Si le mineur entendait être émancipé il ne pourrait pas agir seul : il faut que l'un ou l'autre de ses parents saisisse le juge d'instance dit ici juge des tutelles. On verra plus loin que dans cette hypothèse rien ne lui garantit d'être entendu même si la pratique des juges est d'entendre les jeunes sur le projet d'émancipation auquel ils peuvent peu ou prou être associés.

Deuxième critique : quand elle est saisie, la justice fait une place trop petite aux enfants.

Il peut ne pas entrer par la parole dans le débat qui le concerne. C'est un vrai faux-droit d'être entendu qui lui a été reconnu par la loi du 8 janvier 1993. Il n'a pas le droit d'être entendu comme trop de gens l'on retenu à partir d'une approche journalistique des règles du jeu, mais simplement le droit de demander à l'être. La nuance est de taille.

L'enfant peut même être carrément exclu de procédure où il est censé être au couper du débat. Ce pourra être le cas devant le juge des enfants dans la procédure d'assistance éducative pour les enfants en danger; ce sera encore cas s'il l'estime nécessaire devant le tribunal pour enfants pour le jeune délinquant : pour totalité ou pour partie le juge peut faire sortir l'enfant. il s'agit dans l'esprit de la loi de le protéger contre des informations qui pourraient le choquer. Le fait est là : l'enfant n'a qu'un strapontin devant les tribunaux.

Devant le juge des enfants, en revanche, l'enfant est patrie au procès pourparler en langage juridique. A 16 an s le juge doit notifier ses décisions - pas les motifs mais le dispositif - aux mineurs. Ils peuvent faire appel. Ils doivent être prévenus de leur droit d'être assisté d'un avocat. Tout cela est théorique en pratique mais prévu par notre droit qui est ici très intéressant.

On mesure combien dans d'autres domaines où l'enfant pourrait interférer avec les parents, on a eu le souci de protéger les adultes plus que l'enfant en ne veillant pas ) mettre systématiquement celui dans le bain.

Si elle s'exprime la parole de l'enfant peut être assistée par le soutien d'un avocat. l'enfant peut faire le choix d'un avocat. C'est un autre question que de savoir qui paiera : l'aide juridictionnelle ou les parents 's'ils en ont les moyens. Le juge des enfants peut procéder à la désignation d'un avocat à la demande de l'enfant, mais cela est rare qu'il le demande.

Il pourrait prendre l'initiative de lui en faire désigner un par le bâtonnier ou de désigner un administrateur ad hoc qui y veillera.

Tout cela est bien lourd et ne facilite pas la défense des intérêts des enfants quand les parents sont incapables de le faire et ce d'autant plus qu'ils sont à l'origine des difficultés des enfants. Nous ne contesterons pas que ces dernières années notre droit s'est amélioré mai sil reste loin du compte et somme toute timoré pour veiller à la défense de la parole de l'enfant. On se méfie de cette parole. Voilà bien une violence que de poser pour principe que tous les enfants ne peuvent être que manipulés par les adultes qui les environnent et par conséquence de priver tous les enfants de facilités de s'exprimer.

Troisième grande critique : une justice qui dépossède encore trop souvent les enfants de leur procès

Qu'il soit victime ou délinquant l'enfant est plus considéré comme un objet que comme une personne concernés par les débats judiciaires.

Le débat se circonscrit rapidement ente les adultes et ce d'autant plus que la parole de l'enfant n'est pas assistée d'un avocat;

L'enfant victime n'intéresse la police et la justice que comme porteur de la preuve de la culpabilité de son agresseur mais jusqu'à il y a peu on se préoccupait guère comme pour les autres victimes de ce qu'il vivait dans cet procédure. Les examens et auditions se multiplient. Au point ou plus que d'autres l'enfant qui se répète peut avoir le sentiment d ' être pas cru. Qui prend en compte ses inquiétudes et ses angoisses dans le parcours du combattant de la victime à l'hôpital, au commissariat ou dans l'enceinte judiciaires; il faudrait part ailleurs introduire la dimension du temps car tout cela peut s'étaler dans le temps.

J'hésite à parler au présent ou au passé car vous savez combien ces critiques ont fini par être entendu. Des expériences intéressantes se développent pour accompagner la parole de l'enfant dan s son parcours (r voir rennes) ou pour éviter grâce à la vidéo ( procédure MELANIE) les répétitions. Les pouvoirs publics se sont engagés le 20 novembre 1996 à consacrer ces disposons et bien d'autres que nous avancions comme militants et spécialistes pour améliorer la condition de l'enfant dans l'instance policière et judiciaire. Reste à mettre en oeuvre ces annonces. On en est encore loin.

Quatrièmement : une justice encore trop répressive ou vécue comme telle.

Victime physique de la violence parentale ou sous influence de la violence sociale qui l'environne, l'enfant subit encore trop souvent la violence en retour de l'institution. On " place " l'enfant comme on place un objet sur un guéridon. Au " je te place " correspond " le juge te placera si tu continues! ". Or on ne place pas un enfant dans une institution mais on l'y accueille. Le mot placement fait aujourd'hui très peur: il est vécu comme une punition.

Il n'est pas toujours facile de trouver les places d'accueil correspondant aux besoins des enfants. Les listes d'attente dans toutes les domaines existe.

En revanche il est une structure d'accueil pour les mineurs qui fonctionne 24 h sur 24 et tous les jours de l'année : la prison. Elle est amenée à accueillir de plus en plus de jeunes devant la montée de la violence de ceux-ci. Observons que les conditions d'accueil en prison sont souvent contestables : ne fut-ce parce que les mineurs sont mélangés avec de jeunes majeurs. Le propos mériterait d'être nuancé dans la mesure où les très jeunes étant à vif ce sont souvent les jeunes majeurs qui calment le jeu. Quand les murs existent ils sont souvent vides malgré la bonne volonté des professionnels de la pénitentiaire. Il manque du matériel et des personnels pour s'occuper des jeunes le temps de leur incarcération; D'où la recrudescence de violence.

En creux je relèverai l'absence de réponse éducative adaptée aux jeunes en très grande souffrance qui font souffrir par leur violence par ce que ils sont eux-mêmes abandonnés de longue date.

Cinquièmement la justice est encore incertaine et dédaigneuse : elle fonctionne à son rythme. Elle prend son temps et n'a pas toujours tort de ne pas tomber dans l'activisme. mai selle devrait s'en expliquer alors qu'elle donne le sentiment de ne pas se soucier des situation;

Et puis il est vrai qu'elle a parfois un rythme de sénateur inadapté aux problématiques.

On ne peut que souligner ici les initiatives comme celle de travailler en " temps réel " dans les tribunaux pour enfants c'est-à-dire de ne plus attendre de recevoir les procédures écrites pour être en relation avec ceux qui ont des choses à signaler qu'il s'agisse d'actes de délinquance ou d'incivilité ou des situations de danger. S'agissant des jeunes délinquants il s'agit d'intervenir dans le temps où ils ont encore mémoire ce qu'ils ont pu faire.

Cela est indispensable pour engager le processus de responsabilisation, motiver les parents et répondre aux besoins des victimes. On ne laisse plus traîner les affaires comme on le faisait il y a encore peu au point où les jeunes étaient déboussolés quand ils étaient convoqués au tribunal. Tout cela était inutile. La nouvelle gestion du temps est à l'échelle des jeunes. A 90%, ils seront au tribunal, chez le procureur ou chez un juge dans les 15 jours; parfois plus vite encore.

Septièmement : une justice " arbitraire " ?

Le mot est un peu fort car je force le trait pour la facilité du raisonnement. Si un droit d'appel existe pour les enfants et parents il est souvent formel. Une défense qui se cherche encore comme on l'a dit; absences de voies de recours réellement exercées et, même parfois, pas de voie de recours du tout. Savez vous que le procureur de le République tient de la loi le pouvoir de retirer un enfant de sa famille s'il l'estime en danger sans avoir à recevoir les intéresses et à motiver sa décision et surtout sans qu'un appel soit ouvert sur ces " réquisitions aux fins de placement ". Tout au plus doit il saisir le juge des enfants dans un délai de 8 jours sinon sa décision serait caduque. Voilà une voie qui, plus est utilisée dans l'urgence, sur la base d'informations souvent incomplètes qui peut s'avérer dramatiques pour certaines familles. Alors on ,n'est pas loin de l'arbitraire au sens de décision prise sans débat et sans contestation possible;

A Bobigny nous avons le souci d'ouvrir un recours aux justiciables sur ces décisions du parquet. Aussi nous essayons de recevoir immédiatement les familles et si nous le pouvons pas du fait de nos agendas .... nous confirmons la décision par une ordonnance qui, elle, est susceptible d'appel.

8° Une justice qui a trop souvent sa vérité qui ne correspond pas à la réalité vécue par les justiciables

J'ai dit combien pouvait être mal vécu par les enfants, mais d'une manière générale par les victimes, le fait de devoir répéter les circonstances de leur agression comme si la parole déjà prononcée n'avait aucun poids. Nous savons combien cela peut s'expliquer, mais s nous savons aussi que cela est mal vécu notamment par les plus jeunes qui tut simplement pensent que si ils doivent revenir sur les faits devant les adultes c'est qu'on ne les croit pas. La violence infligée par l'institution judiciaire est évidente.

Mais il faut aller plus loin : la justice désapproprie le justiciable en ne lui rendent pas les décisions qu'elle prend pour lui. Je suis choqué que parfois encore personne n'explique à la (jeune ) victime qu'une décisions de classement sans suite (non poursuite) , de non lieu ( fermeture du dossier par le juge d'instruction) ou de relaxe (non condamnation) ait été prise. les magistrats et on doit le regretter ne prennent pas le temps d'expliquer aux gens les décisions qui interviennent. Souvent ceux-là s'ils n'ont pas de défenseurs restent dans un profond sentiment d'injustice.

Ne peut-on pas affirmer qu'à tout le moins ce sera la mission de procureur de la République d'expliquer au justiciable cette décision ?

Il y a même des cas où la loi crée les conditions même de cette frustration. je vise la prescription prolongée de dix ans après la majorité pour les crimes commis sexuels contre les enfants. Il va de soi que je n'en conteste pas le principe mais a durée. Il y a aura souvent de grande difficulté de preuve quelques 15 ou 20 ans après les faits et donc un fort sentiment d'injustice de la part de la victime qui aura cru que le justice parviendrait à confondre son agresseur. Je reconnais que la question est délicate.

9° Une justice qui oublie parfois d'appliquer la loi.

Là encore, pour la circonstance, je grossis le trait mais il existe bien ! Je prends un exemple d'actualité : combien dénombrez vous, je ne dirai pas de condamnations, mais à tout le moins de poursuites contre des touristes sexuels français parti en Asie ou ailleurs satisfaire leurs plaisirs ? Aucune. La loi de 1994 renforcée dès 1995 est pourtant très stricte et permet maintenant de condamner en France ceux qui se livrent à leurs turpitudes à l'étranger. pont besoin de plainte de la jeune victime ou de l'Etat concerné. L'affichage a été fait; en pratique, on est passé à autre chose. Nous verrons si l'affaire Dutroux a su réveiller les parquets et policiers endormis.

En écho à mon propos déçu, dans un autre domaine comme le combat contre les mutilations sexuelles, je pourrais démontrer si j'en avais le temps combien les procès et les condamnations intervenues, par leur médiatisation, on relayé la lutte de ceux qui combattent ces pratiques d'une autre époque attentatoires aux droits des femmes et aux droits de l'Homme tout court.

J'en resterai là car je pourrai vous donner l'impression d'être le procureur de l'institution judiciaire quand j'entends en vérité en être le défenseur qui en attend encore plus par quelques réformes bien senties donc vous avez relevé qu'elle ne passent pas un changement de la loi mais des attitudes professionnelles.

Des évolutions sont déjà intervenues; d'autres sont en cours. Je vise notamment aux efforts qui ont été déployés ces dernières années dans le domaine de la protection de l'enfance victime de violences sexuelles. je suis convaincu que le mouvement va s'accentuer avec le relais des pouvoirs publics vont donnez incités qu'ils sont par l'affaire Dutroux.

J'entends d'autant moins dénigrer la justice, non pas que j'y participe, que parce que je su s intimement convaincu du rôle irremplaçable qu'elle doit et peut tenir dans un pays démocratique comme le notre.

Rendre la justice moins injuste aux enfants c'est contribuer à combattre l'effritement du ciment social. Rien en serait plus grave que les enfants aient e sentiment que le monde des adultes n'est pas justice et qu'ils ne sont pas entendus quand trop d'entre eux sont à la recherche d'une affirmation identitaire et de points de repères que leurs proches ne leur donnent pas toujours.

Dans une deuxième partie de mon propos je voudrais m'attacher - plus brièvement aux violences à enfants pratiquée dans les institutions sujet qui me semble relever de la grande actualité.

II - Les violences dans les institutions

Nul ne peut ignorer aujourd'hui que les institutions de protection de l'enfance soit parfois génératrices elle-même de violence à l'égard des enfants qu'elles sont censées protéger. Ce que l'on découvre aujourd'hui au Pays de Galles ou dans les pays de l'est de l'Europe ne doit pas nous faire oublier que chez nous - à une échelle moindre - nous avons connu des processus analogues. Reste qu'il n'est pas indifférent de se demander pourquoi ils n'ont pas dégénéré.

Les maisons de correction et autres bagnes d'enfants ont existé (parlons de Belle-Île). On nous invite même régulièrement à en rouvrir pour juguler la violence des jeunes des banlieues. Il y a régulièrement des équipes qui ont des projets pédagogiques inscrits dans la famille comportementalistes avec des pratiques plus ou moins musclées qui souvent couvrent la perversité de leurs acteurs. Sans aller jusque-là dans les structures de base du dispositif de protection ou d'accueil de l'enfance régulièrement on découvre des faits contestables. Je ne viserai que les accusations qui se multiplient aujourd'hui contre les enseignants pédophiles quand jusqu'alors la chape du silence était première.

Les violences subies par les enfants dans les institutions peuvent donc être le fait d'une personne isolée; elles peuvent être aussi plus ou moins cautionnées par les responsables de l'institution quand ils n'en sont pas les principaux instigateurs.

Dans un passé encore récent il était difficile de voir ce qu'il se passait derrière les " hauts murs ". Aujourd'hui l'existence de hauts murs autour d'une institution et le refus de s'ouvrir sur l'extérieur quel qu'en soit les prétexte sont déjà des symptômes d'une violence institutionnelle. la multiplication des allées et venues dans l'institution et des contrôles administratifs ou pédagogiques, tout simplement des regards extérieurs évitent une grande partie des dérapages.

Mais que faire si des faits contestables moralement et pénalement se développent ,

Régulièrement on gérait cette découverte par des réponses discrètes et douces : démission, déplacement, mutation dans une autre structures etc.. Bref : pour éviter le scandale au mépris parfois des droits fondamentaux de la victime. ce qui était valable pour le directeur du foyer aux pratiques pédophiles l'était également pour le policier auteur de violence injustifiée ou pour l'enseignant qui dérapait.

Il est certain aujourd'hui que la médiatisation des violences à enfants dans la famille ou dans les institutions rend difficile ces pratiques qui confiaient disons le tout net à une complicité objective. Bien évidemment je ne jurerai pas - l'actualité m'en dissuaderait - de leur disparition. Du moins devant la réprobation sociale et la montée parallèle de la pression judiciaire, les professionnels dans et hors les institutions , prendront moins le risque aujourd'hui d'être ainsi tenus pour complices et les langues des délieront plus facilement. Dans cet esprit des règles ont été prises et seront renforcées pour interdire aux auteurs d'être à nouveau au contact d'enfants. On doit être choqués que cette mise à l'écart ne soit pas définitive;

Force est de constater que souvent les travailleurs sociaux sont démunis sur l'attitude à tenir quand ils sont confrontés à de tels faits. S'ils prennent leur distance par rapport à de telles pratiques et s'ils le condamnent, ils s'interrogent pour autant sur les obligations qui pèsent sur eux, mais encore sur la manière d'être le plus efficace possible pour faire cesser ces faits.

Ils ont le sentiment que le secret professionnel (art. 226-13 d code pénal) leur interdit de violer la loi de l'institution en restituant à l'extérieur leurs doutes ou les faits dont ils ont été les témoins. Dans le même temps ils savent qu'ils ne peuvent pas rester indifférents au risque, si les faits se renouvelaient, d'être poursuivis pour non-assistance à personne en danger;

De cette double injonction contradictoire ( se taire et parler), que doit-on privilégier ?

A ces professionnels légitiment tourmentés, il faut dire que les règles du jeu sont en fait plus simples qu'ils ne le croient s'ils veulent bien s'attacher cinq minutes aux termes du débat.

Il faut ici affirmer que ces injonctions ne sont pas du même niveau : elles protègent des valeurs qui n'ont pas le même poids. Le respect de la vie privée et de l'intimité doit céder devant la protection de la personne. En d'autres termes celui qui ne réunirait pas les moyens pour faire des violences qui ont encore court serait coupable de non assistance à personne en danger.

Celui qui révèle qu'un enfant de moins de 15 ans ou une personne particulièrement vulnérable est en danger viole le secret professionnel mai sil le fait avec l'ordre de la loi; s'ils décide de se taire, il viole l'obligation de dénoncer, mais avec l'ordre de la loi qui lui impose un secret professionnel mais encore faudra-t-il qu'il ait pris le son de réunir les moyens pour tenter de faire cesser les violences. A cet effet, il peut ne pas parler mais agir.

Poussons le bouchon : s'il a parle malgré tout dans un cas où il n'y est pas autorisé par la loi et viole donc le secret qui pourrait lui en vouloir et lui chercher des noises : la victime ? Ridicule ! Le procureur de la République , trop content , il ne fera rien. L'auteur du crime ou du délit : qu'il l'ose ! Même s'il le faisait vous seriez dispensé de peine par le tribunal car vous auriez volé le secret pour la bonne cause.

Je n'irai pas plus loin sur ce sujet très complexe vous renvoyant à l'ouvrage que nous avons commis Pierre Verdier et moi sur le secret professionnel en matière de travail social (Editions Jeunesse et Droit).

J'ajouterai cependant que les professions sociales ne s'exerçant pas encore en libéral chacun a le devoir de mettre son supérieur hiérarchique en situation d'exercer ses propres responsabilités et donc d'apprécier si le niveau de protection du à la victime a été atteint et s'il faut prévenir la police ou la justice.

A défaut de prévenir son supérieur on prend le risque d'une faute professionnelle et de poursuites disciplinaires.

J'observe que de plus en plus les travailleurs sociaux seront appelés à engager leurs responsabilités pénale ou civile dans leur activité professionnel comme il est normal de la part de professionnel qui affiche une compétence.

Voilà pour le droit. En pratique, confrontés que vous seriez à des pratiques contestables d'une personne ou d'un système je ne peux que vous recommande de prendre attache avec le procureur de la République. Content que vous le reconnaissiez dans sa professionnalité il acceptera le plus souvent de prendre en compte les considérations éducatives que vous ferez valoir. Par exemple, il acceptera de vous donner un certain temps avant de déclencher l'enquête de police. Le temps qui vous est nécessaire à préparer la victime à ce nouveau parcours qui va ouvrir devant elle et qui peut l'angoisser.

Ici on touche à un ressort du débat : si l'action sociale entend être reconnue dans sa légitimité par la justice encore faut-il qu'elle-même fasse l'effort de reconnaître les responsabilités judiciaires et policières. Très concrètement à ceux qui entendent faire état du secret professionnel qui leur interdirait de parler il faut conseiller de déferer à la convocation de police pour s'en expliquer quitte auparavant à) prévenir sa hiérarchie et à se faire accompagner dans ce déplacement au commissariat.

J'en terminerai par quelques mots sur les conditions à réunir pour prévenir la cristallisation de telle situations : la violence n'est pas inéluctable. Certaines institutions y sont vouées ; d'autres réuniront les codions pur y échapper. J'ai dit l'importance du fait de s'ouvrir sur l'extérieur au maximum. Cela suppose d'être à l'aide dans son projet pédagogique pour oser l'afficher explicitement et en débattre.

Dans ce projet, explicite ou implicite, il est des pratiques qui doivent être condamnées comme certaines sanctions vexatoires (coupe de cheveux autoritaire, port de certains vêtements et bien évidement contention ou autres violences physiques ou chimiques). Du débat interne à l'institution il dépendra supprimer des organisions ou temps pouvant être l'objet de dérapages : je vise notamment tut ce qui peut toucher à la sexualité par des attitudes ambigus tant à l'égard d'enfants que d'adultes handicapés.

La mise en place de structures de dialogue dans les institutions de l'enfance comme le veut la loi sur les conseils d'établissements est encore une précaution utile, mais bien évidement insuffisante à elle seule.

Il est clair que la première ligne de protection est bien de ne pas paraître un seul instant cautionner ces dysfonctionnements personnels ou institutionnels.

Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit dans la première partie de mon propos sur ce qui peut contribuer à libérer la parole des enfants victimes et à terme contribuer à la prévention des violences qui leur sont infligées

Voilà quelques unes des pistes que je voulais suivre pour montrer qu'il ne faudrait pas dans ce beau pas où l'on se targuons facilement d'être un paradis pour les enfants.

Le propos est bien évidemment induit par l'actualité. j'ai conscience d'avoir survolé ou même totalement éludé certains points particulièrement préoccupants.

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Pour conclure, je voudrais insister sur le fait que c'est bien à tout les bouts d la chaîne qu'il faut s'attacher si on veut réduire les violences illégitimes encore trop souvent supportées par les enfants. La société en général peut avoir des responsabilités comme celle de priver de pères 80 000 enfants que naissent chaque année en n'imposant pas l'établissement de la filiation paternelle au prétexte de protéger la liberté des familles. A l'autre bout de la chaîne certaines institutions doivent être contrainte de s'ouvrir sur la cité.

J'aurai pu insister sur la question centrale à mes yeux pour améliorer le dispositif de protection de l'enfance : renforcer le service social scolaire et le service médical scolaire qui sont les deux maillons faibles de notre dispositif. Les enfants ne disent rien d 'autres quand ils demandent à avoir des interlocuteurs dans les écoles. De mon point de vue il faut que l'Etat et les collectivités locales passent un bon accord pour allier leurs forces.

J'aurais pu insister sur des injustices fondamentales que supportent les enfants comme celle de n'avoir pas d'espoir de voir un jour s'améliorer leur situation . car c'est bien ce qui distingue la situation des plus défavorisés d'aujourd'hui : ils n'ont pas de perspective que cela change. les adultes qui les environnent doutent d'eux-mêmes et sont souvent en grande difficulté.

http://www.rosenczveig.com/contributions/violence/judiciaire.htm



06/03/2013
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