TOME Président Lorentz Emeric Vice Présidente Christel Moreau Lorentz
TOME
Président
Lorentz Emeric
Vice Présidente
Christel Moreau Lorentz
S.E.F.C.A. Puteaux
Touche Pas à Mon Enfant
Site : http://eclma.wordpress.com/
Citation
Cessez de juger sur l’apparence
Jugez avec équité.
Un humaniste est un homme qui répugne à l’injustice, mais qui ne veut
pas se battre pour ce qui est juste.
Index
CHARTRE
Model de lettre
Lois
Jurisprudence
Violences au sein du couple et vs/mineurs Agressions
sexuelles, violences, menaces Code pénal : Viol, agression et
harcèlements sexuels
- · Violences au sein du couple et vs/mineurs
- · Agressions sexuelles, violences, menaces
- · Code pénal : Viol, agression et harcèlements sexuels
Présentation de la Loi No 2006-399 du 4 avril 2006 « renforçant la prévention et la répression des violences au sein
du couple ou commises contre les mineurs »
La Loi du 4 avril 2006 a été modifiée conséquemment par la Loi 2007-297 2007-03-05 art. 54 4° JORF 7 mars 2007
et par la Loi n°2009-526 du 12 mai 2009 – art. 124.
Cette Loi du 4 avril 2006, sans ambiguïté quant à sa portée, vient en appui de la loi initiale n°98-468 du
17 juin 1998 « relatives à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la
protectiosn des mineurs« . La Loi du 4 avril 2006 a très précisément pour but :
- · La prévention et la répression des violences au sein du couple
- · La prévention et la répression des violences commises contre les mineurs
Lorsqu’un délit ou un crime sera commis par le conjoint, le concubin, le partenaire lié à la victime par un pacte civil
de solidarité, ou par un ancien conjoint, concubin ou partenaire, cela constituera désormais une circonstance
aggravante de la peine encourue. ( article 132-80 du Code pénal )
Cette Loi a étendu la circonstance aggravante, prévue entre époux en cas de meurtre et de violences, aux nouveaux
et aux anciens pacsés et pacsées et aux concubins et concubines.
A la page : » Les divorces » vous pourrez prendre connaissance des nouvelles dispositions appliquées aux
différents cas de procédure qui peuvent se présenter lors de la séparation du couple.
Article 222-22 du code pénal, relatif aux agressions sexuelles
Texte intégral de cet article après modification et rajout d’un nouvel alinéa :
« Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise
»
Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu’ils ont été imposés à la victime dans les
circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa
victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage. Dans ce cas, la présomption de consentement des époux
à l’acte sexuel ne vaut que jusqu’à preuve du contraire.
Lorsque les agressions sexuelles sont commises à l’étranger contre un mineur par un Français ou par une personne
résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de
l’article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l’article 113-8 ne sont pas applicables. »
Ces modifications sont importantes car elles ont pris en compte notamment l’augmentation du nombre de femmes
victimes de violences conjugales mais va au-delà puisqu’elle met sur un même niveau le mariage, le pacs et le
concubinage.
Ci-dessous les autres articles relatifs aux agressions sexuelles :
Code Pénal – « Section 3 – Des agressions sexuelles » : Articles : 222-23 à
222-33-1
CODE PENAL
Paragraphe 1 : Du viol
Article 222-23 du Code Pénal
Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence,
contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle.
Article 222-24 du Code Pénal
(Loi N° 98-468 du 17 juin 1998 art. 13 Journal Officiel du 18 juin 1998 – Modifié par Loi 2007-297 2007-03-05 art.
54 3° JORF 7 mars 2007 )
Le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle :
1°- Lorsqu’il a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;
2°- Lorsqu’il est commis sur un mineur de quinze ans ;
3°- Lorsqu’il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une
infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l’auteur ;
4°- Lorsqu’il est commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité
sur la victime ;
5°- Lorsqu’il est commis par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
6°- Lorsqu’il est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;
7°- Lorsqu’il est commis avec usage ou menace d’une arme ;
8°- Lorsque la victime a été mise en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de
messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de télécommunications.
9° Lorsqu’il a été commis à raison de l’orientation sexuelle de la victime ;
10° Lorsqu’il est commis en concours avec un ou plusieurs autres viols commis sur d’autres victimes ;
11° Lorsqu’il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte
civil de solidarité ;
12° Lorsqu’il est commis par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de
produits stupéfiants.
Article 222-25 du Code Pénal
Le viol est puni de trente ans de réclusion criminelle lorsqu’il a entraîné la mort de la victime.
Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à l’infraction prévue par
le présent article.
Article 222-26 du Code Pénal
Le viol est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou
d’actes de barbarie.
Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à l’infraction prévue par
le présent article.
Paragraphe 2 : Des autres agressions sexuelles
Article 222-27 du Code Pénal
(Modifié par Ordonnance N°2000-916 du 19 septembre 2000 – art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er
janvier 2002
Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Article 222-28 du Code Pénal
(Loi N° 98-468 du 17 juin 1998 art. 13 Journal Officiel du 18 juin 1998 – Modifié par Loi 2007-297 2007-03-05 art.
54 4° JORF 7 mars 2007)
L’infraction définie à l’article 222-27 est punie de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende :
1°- Lorsqu’elle a entraîné une blessure ou une lésion ;
2°- Lorsqu’elle est commise par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant
autorité sur la victime ;
3°- Lorsqu’elle est commise par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
4°- Lorsqu’elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;
5°- Lorsqu’elle est commise avec usage ou menace d’une arme ;
6°- Lorsque la victime a été mise en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de
messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de télécommunications.
7° Lorsqu’elle est commise par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte
civil de solidarité ;
8° Lorsqu’elle est commise par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de
produits stupéfiants.
Article 222-29 du Code Pénal
(Modifié par Ordonnance N°2000-916 du 19 septembre 2000 – art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er
janvier 2002)
Les agressions sexuelle autres que le viol sont punies de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende
lorsqu’elles sont imposées :
1°- A un mineur de quinze ans ;
2°- A une personne dont la particulière vulnérabilité due à son -ge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience
physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur.
Article 222-30 du Code Pénal
(Loi N° 98-468 du 17 juin 1998 art. 13 Journal Officiel du 18 juin 1998 – Modifié par Loi 2007-297 2007-03-05 art.
54 3° JORF 7 mars 2007 )
L’infraction définie à l’article 222-29 est punie de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende :
1°- Lorsqu’elle a entraîné une blessure ou une lésion ;
2°- Lorsqu’elle est commise par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant
autorité sur la victime ;
3°- Lorsqu’elle est commise par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
4°- Lorsqu’elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;
5°- Lorsqu’elle est commise avec usage ou menace d’une arme.
6°- Lorsqu’elle a été commise à raison de l’orientation sexuelle de la victime ;
7°- Lorsqu’elle est commise par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de
produits stupéfiants.
Article 222-31 du Code Pénal
La tentative des délits prévus par les articles 222-27 à 222-30 est punie des mêmes peines.
Article 222-32 du Code Pénal
(Modifié par Ordonnance N°2000-916 du 19 septembre 2000 – art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er
janvier 2002)
L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an
d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.
Paragraphe 3 : Du harcèlement sexuel
Article 222-33 du Code Pénal
(Loi N° 98-468 du 17 juin 1998 art. 11 Journal Officiel du 18 juin 1998 rectificatif JORF 2 juillet 1998- Modifié par
Loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 – art. 179 JORF 18 janvier 2002)
Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d’un an d’emprisonnement et
de 15 000 euros d’amende.
Article 222-33-1 du Code Pénal
(inséré par Loi N° 2001-504 du 12 juin 2001 art. 8 Journal Officiel du 13 juin 2001 – Modifié par LOI n°2009-526 du
12 mai 2009 – art. 124)
Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l’article
121-2, des infractions définies aux articles 222-22 à 222-31 encourent, outre l’amende, suivant les modalités
prévues par l’article 131-38, les peines prévues par l’article 131-39..
L’interdiction mentionnée au 2°- de l’article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice
de laquelle l’infraction a été commise
Les femmes victimes de violences conjugales, le rôle des
professionnels de santé
INTRODUCTION
La violence à l’encontre des femmes est un problème majeur qui concerne tant la santé que les droits de la
personne humaine. A tout moment de leur vie, que ce soit dans l’espace public ou « à l’abri » au sein de l’espace
familial, les femmes sont exposées à des violences physiques, sexuelles et psychologiques, trop souvent subies
dans le silence comme une fatalité, voire même déniées par les victimes elles-mêmes. L’Organisation Mondiale de la
Santé, reprenant les termes adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies, donne la définition suivante de la
violence à l’égard des femmes : » tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant
causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace
de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie
privée ».
La violence englobe donc, outre les coups et les sévices corporels, les sévices sexuels, les comportements
dévalorisants tels que violences verbales, menaces, chantage, le proxénétisme et la prostitution, le harcèlement
sexuel et l’intimidation au travail, les mutilations génitales féminines et autres pratiques traditionnelles
préjudiciables à l’intégrité et à la dignité de la femme, les violences exercées au sein des institutions et la violence
économique.
La prise en charge des victimes de violences a longtemps été considérée comme un problème social et judiciaire, le
rôle des médecins se limitant à la rédaction de certificats médicaux et aux soins d’urgence.
Progressivement, la violence s’impose comme faisant partie intégrante de la santé publique, impliquant de plus en
plus les médecins et tous les personnels de santé. Le champ des études est large et les enjeux très importants
concernent :
- · l’épidémiologie et la connaissance scientifique du problème par la constitution de banques de données
représentatives ;
- · l’approche sociologique du phénomène ;
- · la prévention qui passe par la communication, l’information, la sensibilisation du public et des médecins et la
formation des professionnels de santé ;
- · le dépistage et la prise en charge thérapeutique qui doivent s’inscrire dans une démarche de qualité ;
- · l’organisation des soins et de réseaux multidisciplinaires coordonnés, condition sine qua non pour supprimer
les clivages qui séparent le sanitaire du social ;
- · la participation des usagers qui sont ici représentés par des associations particulièrement actives ;
- · la recherche et l’évaluation indispensables qui doitvent être développées ;
- · enfin, la défense des droits de l’homme qui est à la base des missions de la santé publique.
C’est dans cette dynamique que Madame Dominique GILLOT, Secrétaire d’Etat à la santé et aux handicapés, a
décidé en septembre 2000 de réunir un groupe d’experts, plaçé sous la présidence du Professeur Roger HENRION,
et de lui confier les missions suivantes :
- · recenser les données existantes sur les violences faites aux femmes : littérature, études épidémiologiques,
expériences innovantes…
- · évaluer l’impact des violences sur la santé physique et mentale des femmes victimes ;
- · présenter des propositions susceptibles d’améliorer l’information et la formation du corps médical sur le
repérage des situations de violence, de faciliter les conditions d’une prise en charge rapide et adaptée des
victimes, d’assurer un accompagnement et un suivi des conséquences de ces maltraitances.
Les résultats de ces travaux font l’objet du présent rapport remis au Ministre en février 2001. La constitution du
groupe (voir la liste des participants en annexe) a assuré la représentation des différentes disciplines médicales les
plus intéressées par la prise en charge des femmes victimes : urgences médicales, gynécologie-obstétrique,
médecine légale, psychiatrie, médecine générale, recherche en santé publique. Le Président de la conférence des
Présidents de Commission Médicale d’Etablissement (CME), des représentants de l’Institut de l’Humanitaire et de la
Fédération Solidarité Femmes se sont fait l’écho de l’expérience des praticiens et du témoignage des personnes
victimes. L’administration était représentée par la Direction Générale de la Santé, coordinatrice des travaux, la
Direction Générale de l’Action Sociale et le Service des droits des femmes. Le groupe de travail s’est réuni cinq fois
en séances plénières qui ont été l’occasion d’entendre en audition diverses personnalités : Madame Marie-Josèphe
SAUREL-CUBIZOLLES, épidémiologiste ayant participé à l’enquête ENVEFF, le Professeur Bernard GLORION,
Président de l’Ordre National des Médecins, Madame Solange MORACCHINI, Premier substitut au Tribunal de Créteil
et le commandant Etienne LEGROS, de la Direction centrale de la sécurité publique au Ministère de l’Intérieur. Deux
sous-groupes se sont constitués pour examiner concrètement certains aspects. Etant donné le délai qui était imparti
pour la remise des conclusions du groupe d’experts, il a été décidé de limiter les travaux aux violences dites
conjugales s’étendant au sens large aux violences exercées par l’entourage immédiat à l’intérieur de la famille. Les
réflexions du groupe peuvent cependant être extrapolées à d’autres formes de violences, notamment celles
exercées sur les lieux de travail. Les violences étudiées ont pour facteur commun un processus évolutif au cours
duquel un partenaire exerce, dans le cadre d’une relation privilégiée, une domination qui s’exprime par des
agressions physiques, psychiques ou sexuelles. Elles se distinguent des conflits de couples en difficulté. La violence
se manifeste au cours de scènes répétées, de plus en plus sévères, qui entraînent des blessures ainsi que des
séquelles affectives et psychologiques extrèmement graves. Elles obéissent à des cycles où, après les moments de
crise, s’installent des périodes de rémission au cours desquelles la femme reprend l’espoir de la disparition des
violences. Cependant la fréquence et l’intensité des scènes de violence augmentent avec le temps, pouvant aboutir
au suicide de la femme ou à un homicide.Le rapport présente successivement les chapitres suivants :
- · Les données épidémiologiques actuelles du problème
- · Les conséquences des violences sur la santé des femmes et de leurs enfants
- · Les aspects juridiques et déontologiques
- · Le rôle des médecins
- · Les difficultés rencontrées par les médecins et les raisons de leur réticence
- · Les agresseurs
- · Les propositions du groupe de travail
- · Dix actions prioritaires à mettre en oeuvre rapidement.
Il est complété par quelques annexes proposant l’analyse de cas cliniques et des modèles de certificats médicaux.
LES DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
Il s’agit d’étudier l’ampleur du phénomène des violences faites aux femmes et son effet sur la santé. De
nombreuses publications sont parues dans le domaine des sciences sociales mais elles sont beaucoup plus rares en
médecine ou santé publique, du moins en Europe. Aux Etats Unis, de nombreuses données quantitatives ont été
enregistrées dans les années 80, les données de santé publique datant surtout du début des années 90.
Ces études ont tenté de préciser la fréquence des violences envers les femmes, de caractériser des groupes de
population où elles sont plus élevées, de parvenir à une approche psychologique et sociologique du problème, de
cerner les réponses apportées par les institutions concernées : police, justice, services sociaux.
De manière générale, il est difficile de mesurer ce phénomène et de comparer les différentes études tant les limites
sont difficiles à définir, qu’il s’agisse de la nature des violences (jusqu’où doit-on prendre en compte la violence ?
violence physique et/ ou violence verbale, harcèlement, …), ou du cadre dans lequel elles s’exercent (violence
intrafamiliale commise par le conjoint, le partenaire, les parents, voire les enfants…). La difficulté découle aussi de
la façon d’effectuer les études : réponses téléphoniques, autoquestionnaires, questions en vis à vis.
Quoiqu’il en soit, quelques grandes lignes apparaissent dans toutes les études :
è les séquelles traumatologiques sont importantes ;
è les violences constituent un risque pour la santé mentale des victimes : dépressions, suicides, conduites addictives
pour le tabac, l’alcool, les drogues ou les médicaments psychotropes ;
è les femmes enceintes sont particulièrement exposées. Les gynécologues-accoucheurs sont parmi les plus
impliqués, ce qui ressort des études sur les violences faites aux femmes parues depuis 1995. Cependant, les effets
sur la grossesse et le risque périnatal devraient être étudiés plus précisément ;
è les femmes ne parlent pas beaucoup aux soignants des violences qu’elles subissent et ceux-ci ne posent pas
beaucoup de questions ou ne posent tout simplement pas les bonnes questions.
Les études réalisées en France
En 1993 / 1994, une enquête a été réalisée en France sur les violences conjugales subies après une naissance
(Saurel-Cubizolles et coll, 1997).
Dans 3 maternités , l’étude a porté sur les violences subies pendant les 12 mois qui ont suivi la grossesse de
femmes primipares ou secondipares. L’enquête concerne 761 femmes avec un taux de réponse de 93 % .
- · la fréquence des violences est de 3 à 6 % des cas, les violences de la part du conjoint représentant 4 % ;
- · les violences sont plus fréquentes si le couple est instable, et le conjoint sans emploi ;
- · il n’y a pas de différence significative selon l’âge de la femme, son niveau d’études, qu’elle ait ou non un
emploi, qu’elle soit primipare ou secondipare ;
- · les femmes victimes de violences ont plus souvent déclaré des fausses couches antérieures (31 % contre 17
% pour celles qui n’ont pas subi de violences) ; elles consomment plus de psychotropes (7 % contre 2 %).
En 1996, une étude a été menée en Loire-Atlantique sur la prise en charge de la violence conjugale en médecine
générale (Chambonet et coll, 2000).
L’objectif était d’analyser la prise en charge en soins primaires à partir d’un recueil de données rétrospectif effectué
auprès de 917 médecins généralistes de Loire-Atlantique : 419 réponses ont été exploitables.
- · en moyenne, les médecins sont confrontés à cette situation 2 fois par an, les médecins femmes déclarant
être plus souvent sollicitées ;
- · les motifs des consultations sont pour 83 % des blessures, ecchymoses ou hématomes, pour 79 % des
troubles psychologiques, pour 16 % des insomnies, pour 6 % l’enfant est le prétexte à consulter, 7 %
correspondent à des motifs divers ;
- · les déterminants le plus souvent évoqués sont l’alcoolisme (93 %), le conjoint connu comme violent ( 57 %
), les problèmes sociaux ( 52 % précarité, 48 % milieu défavorisé) ;
- · 2/3 des médecins gèrent seuls le problème, 82 % considèrent que c’est une situation difficile à gérer ;
- · 45 % donnent des informations ou des brochures, 81 % effectuent une prescription médicamenteuse
(anxiolytiques 76 %, antalgiques 71%, antidépresseurs 69 %, hypnotiques 63 %). Ils ont demandé une
hospitalisation dans 10 % des cas.
L’enquête conclut sur la nécessité d’une plus grande sensibilisation des médecins généralistes pour appréhender ces
dysfonctionnements relationnels.
En 1989, puis en 1999, une enquête sur les violences conjugales a été menée par le service de médecine légale du
centre hospitalier de Rangueil à Toulouse (Thomas et coll, 2000).
Par un questionnaire soumis aux femmes accueillies à la consultation de coups et blessures volontaires, il s’agissait
de réaliser une étude descriptive et comparative à dix ans d’intervalle.
- · deux fois et demie plus nombreuses qu’en 1989, les femmes victimes sont légèrement plus jeunes (37 ½
ans vs 36 ½ ans), leur durée de vie commune est plus courte, elles ont des enfants beaucoup moins âgés .
Les emplois ouvriers ne sont plus représentés mais les inactifs ont doublé. L’agresseur est plus âgé de 4 ans
par rapport à 1989 avec également un accroissement des inactifs ;
- · l’ITT nulle est moins fréquente, l’ancienneté des violences est moins alléguée, le médecin est plus souvent
au courant (58 % contre 30 %) ; l’alcool a toujours la même importance (29 %), la prise de drogue est
- ·
- · rapportée par une femme sur dix (non rapportée en 1989) ;
- · la séparation est envisagée dans 50 % des cas, la violence sur les enfants, exceptionnelle en 89, concerne
10 % des cas en 99 ; la violences devant les enfants est présente dans 68 % des cas. Toutes les catégories
sociales sont concernées.
- · Le nombre de consultations concernant la violence a triplé, les femmes consultent plus facilement, plus tôt.
En 2000, le service des urgences de l’Hôtel-Dieu de Paris a étudié la situation des victimes d’agressions (Espinoza et
coll).
L’objectif poursuivi était de décrire la population victime d’agressions accueillie aux urgences générales, établir le
bilan lésionnel, recenser ceux qui ont porté plainte, déterminer les motifs qui expliquent le refus ou l’absence de
dépôt de plainte.
- · sur une polulation de 116 patients, les victimes de violences conjugales représentent 7 % des cas ;
- · seulement 1 femme sur 11 a porté plainte.
Il est donc nécessaire d’améliorer les articulations entre les urgences générales et l’UMJ, de prévoir un soutien en
relation avec les associations, de développer la formation des soignants et l’information des patients, notamment
par la distribution d’une fiche technique.
L’Institut médico-légal de Paris a étudié les situations d’homicides subis par des femmes (Lecomte et coll, 2001).
Une étude menée de 1990 à 1999 concerne 652 femmes âgées de plus de 15 ans, victimes d’homicides. Leur
moyenne d’âge est de 45,5 ans. L’auteur de l’homicide est le mari dans 31 % des cas, un autre partenaire dans 20
% des cas, un proche pour 4 %, une connaissance de la victime dans 30 % des cas. 15 % des auteurs étaient
inconnus de la victime. La plupart des agresseurs étaient connus comme violents ou alcooliques chroniques ; ces
violences se sont déroulées dans un contexte de violence durant depuis longtemps. En ce qui concerne le moyen
employé, 33 % des victimes ont été poignardées, 30 % ont reçu des coups de fusil, 20 % ont été étranglées et
10 % sont décédées des suites de coups. 7 % des victimes avaient été violées.
Par ailleurs, dans une étude réalisée en 1998, un profil des auteurs d’homicide de leur conjointe a pu être précisé :
en dehors des cas d’alcoolisme, il s’agit d’hommes psychopathes, ayant une certaine notoriété, bénéficiant par leur
fonction d’un certain pouvoir pour lequel le sens de l’autorité est perçu comme une qualité professionnelle de prise
de responsabilité. On remarque une proportion très importante de cadres (67 %), de professionnels de santé (25
%), de représentants de l’armée, la police…
L’enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF)
Devant la dispersion de ces différentes enquêtes et les résultats très préoccupants qu’elles dévoilent, la nécessité
s’est imposée en 1997 de réaliser en France une grande enquête nationale : l’enquête nationale sur les violences
envers les femmes en France.
Pilotée par le Secrétariat d’Etat aux droits des femmes, cette enquête a été confiée à un groupe de 9 chercheurs (1
épidémiologiste et 7 spécialistes en sciences sociales sous la responsabilité de Maryse JASPARD). La collecte des
données a été réalisée de mars à juillet 2000.
Les objectifs peuvent se résumer ainsi :
- · cerner les divers types de violences personnelles qui s’exercent envers les femmes à l’âge adulte, dans leurs
différents cadres de vie, quels que soient les auteurs des violences ;
- · analyser le contexte familial, social, culturel et économique des situations de violence ;
- · étudier les réactions des femmes aux violences subies, leur recours auprès des membres de leur entourage
et des services institutionnels ;
- · appréhender les conséquences de la violence sur le plan de la santé physique et mentale, de la vie familiale
et sociale, et de l’usage de l’espace privé/public.
La population étudiée est constituée par un échantillon représentatif de 7000 femmes, âgées de 20 à 59 ans
révolus, résidant en France métropolitaine, dont les noms ont été tirés au sort ; la confidentialité de l’entretien a été
assurée. Certaines femmes appartenant à des populations spécifiques (détenues, SDF, hospitalisées en long séjour,
communautés religieuses…) ont échappé à cette enquête.
Une phase préalable a consisté dans la mise au point du questionnaire et du protocole de collecte des données, la
mise en oeuvre de l’appel d’offres européen, des démarches pour obtenir un avis favorable du CNIS (Comité national
des informations statistiques) et de la CNIL. Après une période de tests, le questionnaire a été soumis à la
population de mars à juillet 2000.
L’enquête est conduite par voie téléphonique (méthode CATI). La réponse à chaque questionnaire a duré en
moyenne 40 minutes. Les situations sont évaluées sur les 12 derniers mois, puis sur toute la vie.
Le questionnaire comprend 9 modules :
- · caractéristiques démographiques, sociales et économiques de la personne
- · aspects épidémiologiques
- · actes et situations de violences subis dans les espaces publics
- · actes et situations de violences subis dans la sphère professionnelle et étudiante
- · actes et situations de violences subis à l’occasion de contacts privés avec des professionnels
- · actes et situations de violences subis dans la vie de couple
- · actes et situations de violences subis dans les relations avec un ex-conjoint
- · actes et situations de violences subis avec la famille et les proches
- · agressions physiques ou sexuelles subies depuis le 18ème anniversaire ou depuis l’enfance.
Le module épidémiologique s’intéresse à l’état de santé des femmes : état de santé perçu, existence de maladies
chroniques, de handicaps, recours aux soins (consultations, hospitalisations…), antécédents de traumatologie, de
MST, hépatite , VIH (tests de dépistage), questions sur la santé mentale (confiance en soi, dépression, tentative de
suicide…), consommation de médicaments, de tabac, d’alcool, de drogues, comportement sexuel, recours à une
IVG…
Des premiers résultats de l’ENVEFF ont été publiés en décembre 2000. Nous nous limiterons au domaine des
violences intra familiales, les premières statistiques apportent d’ores et déjà des informations précieuses :
- · au cours des 12 derniers mois, l’indicateur global de violences conjugales concerne 10 % des femmes ;
- · les violences conjugales se répartissent comme suit : 4,3 % d’insultes, 1,8 % de chantage affectif, 24,2 %
de pressions psychologiques (dont 7,7 % d’harcèlement moral), 2,5 % d’agressions physiques, 0,9 % de
viols et autres pratiques sexuelles imposées ;
- · la fréquence des violences subies est homogène selon les catégories socio-professionnelles ;
- · les violences conjugales sont liées à l’âge : les femmes les plus jeunes (20 / 24 ans) sont environ deux fois
plus exposées que leurs aînées ;
- · de nombreuses femmes ont parlé pour la 1ère fois à l’occasion de l’enquête : les violences conjugales sont
les plus cachées ( plus des 2/3 des femmes contraintes par leur conjoint à des pratiques ou rapports sexuels
forcés avaient gardé le silence ; 39 % avaient caché des agressions physiques) ;
- · le recours des femmes victimes de violences au sein du couple se porte dans 24 % des cas sur les
médecins ;
- · les personnes qui, enfants ont supporté des sévices, ont 4 fois plus que les autres été victimes d’agressions
sexuelles ou physiques dans leur couple au cours des 12 derniers mois ;
- · la probabilité d’avoir été hospitalisée est significativement plus élevée lorsque les femmes ont subi des
agressions ; elles sont plus nombreuses à prendre des médicaments psychotropes, leur appréciation de leur
santé est moins bonne.
C’est dans la vie de couple que les femmes adultes subissent le plus de violences physiques, psychologiques et
sexuelles ; tous les groupes sociaux sont exposés, les inégalités socio-économiques étant cependant des facteurs
aggravants, notamment le chômage.
Il ne s’agit que d’une étape de ce travail qui, en se poursuivant, va permettre d’approfondir certains aspects :
analyse des éléments qui conduisent à la précarité, étude du problème de l’alcoolisme, analyse des contextes, des
éléments biographiques, comparaisons régionales…
Les études réalisées à l’étranger :
Certains pays ont réalisé des enquêtes nationales sur des échantillons représentatifs de la population :
- violences physiques ou sexuelles dans le couple (au sens de partenaire sexuel régulier) :
- Pays-Bas en 1986 : 26 % de femmes de 18 à 60 ans déclarent avoir subi des violences au cours de leur vie
- Canada en 1993 :
3 % des femmes ont subi des violences au cours des 12 derniers mois
25 % de femmes de 18 à 60 ans déclarent avoir subi des violences au cours de leur vie
- Suisse en 1994 :
6 % de femmes de 18 à 60 ans déclarent avoir subi des violences au cours des 12 derniers mois
21 % de femmes de 18 à 60 ans déclarent avoir subi des violences au cours de leur vie
- Finlande en 1997 :
9 % de femmes de 18 à 60 ans déclarent avoir subi des violences au cours des 12 derniers mois
22 % de femmes de 18 à 60 ans déclarent avoir subi des violences au cours de leur vie.
- violences au cours de la grossesse :
entre 3 et 8 % des femmes sont victimes de violences au cours de leur grossesse.
Une enquête européenne a été réalisée en 1995/1996 sur prématurité et violence familiale.
Elle concerne 59 maternités situées dans 16 pays. C’est un enquête cas-témoins portant sur 5035 femmes ayant
accouché de prématurés (22 à 36 semaines) et 7780 ayant eu leur enfant à terme (37 semaines).
- · 2,7 % des femmes ayant accouché prématurément ont déclaré avoir subi des violences alors que c’est le cas
pour 1,7 % des femmes ayant accouché à terme (odds ratio = 1,6)
- · la fréquence des violences augmente en ordre croissant de l’Europe du sud-ouest (0,9 %) à l’Europe du nord
(1,2 %) puis à l’Europe de l’est (3,6 %) ;
- · la fréquence augmente avec le jeune âge de la femme, l’inactivité du conjoint, l’instabilité des couples, leur
non-cohabitation. Elle est très liée à la séparation des couples pendant la grossesse.
Enfin récemment, les autorités anglaises et espagnoles se sont inquiétées de l’ampleur prise par les violences
conjugales dans leurs pays respectifs. En Angleterre, c’est un rapport de la police métropolitaine qui, le 25 octobre
2000, a annoncé qu’un « crime domestique » était perpétré toutes les six secondes, chaque jour, dans un foyer du
Royaume Uni. En Espagne, c’est la Secrétaire d’Etat aux Affaires Sociales, qui le 3 février 2000, a révélé qu’à l’issue
d’une enquête portant sur plus de 20000 femmes âgées de 18 ans ou plus, 14,2 % avaient été victimes de
« violences domestiques » au moins une fois au cours de leur vie et que pour 4,2 % d’entre elles, les violences
avaient été répétées. Le terme de terrorisme conjugal a été utilisé.
Aux Etats Unis, les études sont nombreuses.
Une mise au point de l’Association Médicale Américaine (1992) suggère que :
- 20 % des femmes adultes et 12 % des adolescentes ont été victimes d’actes sexuels accompagnés de violences
durant leur vie et que ces actes étaient plus souvent le fait de leur partenaire ou ancien partenaire que d’autres
membres de la famille ou d’étrangers ;
- 20 % à 30 % des femmes ont été victimes de violences conjugales durant leur vie, le nombre de victimes étant
estimé à cette époque à 4 millions.
D’après R. Jones (1993), toutes les 12 secondes, une femme est battue par son mari, son ami ou un parent.
Dans une autre mise au point d’Eisenstat et Bancroft datant de 1999, les auteurs rapportent qu’une femme sur trois
se présentant aux urgences, une femme sur quatre consultant les médecins généralistes, une femme sur quatre
ayant consulté en psychiatrie pour tentative de suicide ou syndrômes psychiatriques variés, une femme sur six
consultant en obstétrique ont été victimes de violences de la part de leur partenaire. D’autre part, ils estiment que
50 % à 70 % des mères d’enfants frappés l’ont été également et que 3,3 millions d’enfants sont chaque année
témoins de violences conjugales.
Dans une étude encore plus récente de décembre 1999, Kyriacou et coll notent que les violences domestiques sont
la cause la plus fréquente des blessures non mortelles observées chez les femmes. Elles sont à l’origine de 22 % de
toutes les formes de blessures, de 9 % des blessures graves et de 30 % des homicides de femmes.
CONSEQUENCES DES VIOLENCES CONJUGALES SUR LA SANTE DES FEMMES ET DE LEURS ENFANTS
La violence au sein du couple a une incidence majeure sur la santé des femmes, que ce soit du fait des blessures
provoquées ou des affections chroniques qu’elle peut engendrer. Les coups reçus, l’état de tension, de peur et
d’angoisse dans lesquel elles sont maintenues par leur agresseur, ont de graves conséquences et sont à l’origine de
troubles très variés.
Les données disponibles montrent que, comparées aux femmes n’ayant jamais subi de violences, ces femmes
présentent des symptomes physiques et psychiques plus nombreux et s’estiment en moins bon état de santé. 16%
l’ont qualifié de « moyen » et 4% de « médiocre » ou « mauvais » dans l’enquête Enveff 2000. Elles ont des
affections chroniques plus fréquentes et la probabilité d’avoir été hospitalisée au cours des douze derniers mois,
quel que soit le motif médical, est significativement plus élevée lorsqu’elles ont subi des agressions. Enfin, elles ont
une consommation accrue de médicaments psychotropes (22% dans l’enquête ENVEFF) et de soins médicaux.
Les incidences sociales sont également importantes. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les femmes
victimes de violences conjugales perdent entre une et quatre années de vie en bonne santé et la prise en charge
ambulatoire d’une femme victime de violences conjugales coûte deux fois et demi plus cher à la société que celle
des autres femmes.
La violence conjugale est donc un authentique problème de santé publique nécessitant une approche médicale
pluridisciplinaire.
Nous aborderons d’abord les principales conséquences de la violence conjugale sur les femmes puis sur leurs
enfants.
La traumatologie
Les lésions traumatiques sont une conséquence de la violence physique.
Elles sont souvent multiples, d’âge différent et de nature très variée. Erosions, ecchymoses, hématomes,
contusions, plaies, brulures, morsures, traces de strangulation, mais aussi fractures, sont les principales lésions
retrouvées. La fréquence de chaque type de blessure est variable. Nous citerons comme exemple une étude
américaine effectuée dans un service d’urgences à partir de 279 cas (Hotch et coll, 1995) dans laquelle la
répartition des blessures liées à la violence conjugale était la suivante : 59% de contusions, 24,1% de plaies
profondes, 13,9% de plaies superficielles, 6% de fractures, 1,2% de brulures. Dans la majorité des cas, les lésions
sont dûes à des coups donnés à main nue, mais toute sorte d’objets peuvent être utilisés. L’emploi d’armes est plus
rare.
La localisation des lésions est également variable. Les lésions siègent principalement au visage, au crâne, au cou,
aux extrêmités, mais peuvent être dissimulées par les vêtements. Parmi 138 femmes victimes de violences
conjugales et consultant dans une unité médico-judiciaire française, le nombre de lésions constatées par patiente a
été de 3. Elles concernaient seulement la face dans 23,9% des cas, le reste du corps dans 31,9% et l’ensemble du
corps dans 44,2% (Thomas et coll, 2000). Les traumatismes dentaires, maxillo-facials, ophtalmiques et otologiques
sont assez fréquents. On peut constater des fractures dentaires, des os propres du nez et du massif maxillo-facial
(os zygomatiques, mandibules), des hémorragies conjonctivales et des décollements de rétine responsables d’une
baisse de l’acuité visuelle, des perforations tympaniques responsables d’une baisse de l’acuité auditive.
Les violences physiques ne sont jamais isolées. Elles sont accompagnées d’injures, de menaces et précèdent le plus
souvent des rapports sexuels forcés.
Elle sont à l’origine de séquelles telles que fatigue intense, douleurs musculaires limitant l’activité, entraînant une
impotence fonctionnelle plus ou moins importante que le médecin devra apprécier pour déterminer l’Incapacité
Totale de Travail (ITT).
Les pathologies chroniques
Toutes les pathologies chroniques nécessitant un traitement continu et un suivi régulier sont susceptibles d’être
déséquilibrées ou aggravées par les violences que ce soit des affections pulmonaires (asthme, bronchites
chroniques, insuffisance respiratoire), des affections cardiaques (angine de poitrine, insuffisance cardiaque), ou des
troubles métaboliques (diabète). Il peut être difficile pour la femme de suivre son traitement ou de consulter, du fait
de son asthénie, de son mauvais état de santé physique, d’un état dépressif ou parce que son mari contrôle ses
faits et gestes et l’en empêche.
Les décès
Les violences conjugales sont une des causes principales de mortalité des femmes. La mort peut être l’issue ultime
de la violence qu’il s’agisse de suicides, d’homicides ou de décès dûs à des pathologies en lien avec la violence,
telles que lésions du foie, ruptures de la rate par exemple. D’après le Ministère de l’Intérieur, en France, trois
femmes meurent du fait de violences conjugales tous les 15 jours. D’autre part, sur un échantillon de 652 cas
colligés sur une période de 7 ans à l’Institut Médico-légal de Paris, 31% des homicides de femmes avaient été
perpétrés par le mari, 20% par son partenaire sexuel et dans seulement 15% des cas le meurtrier était inconnu de
la victime (Lecomte et coll, 2001). Enfin, on estime que les femmes victimes de violences conjugales font 5 fois plus
de tentatives de suicide que dans la population générale (Stark § Flitcraft, 1991).
La psychiatrie
La violence psychologique peut exister séparément ou n’être qu’un préalable à la violence physique. C’est une
violence faite d’attitudes ou de propos humiliants, dénigrants, méprisants, de menaces ou de chantage. Cette
violence insidieuse se poursuit sur une période souvent très longue. Par un phénomène d’emprise, la victime,
paralysée, subit sans rien dire les pires avanies pendant des années, cherchant parfois même des excuses à son
partenaire. L’état de tension, de peur et d’angoisse dans lesquels les femmes maltraitées sont maintenues par leur
agresseur peuvent produire différentes formes de troubles psychiques. Ainsi, parmi 60 patientes hospitalisées dans
un service de psychiatrie nord-américain, la moitié avaient été victime de violences conjugales (Post et coll 1980).
Il peut s’agir :
- de troubles émotionnels : colère, honte, sentiment de culpabilité, sentiment d’impuissance, « autodévalorisation
», états d’anxiété, de panique, ou manifestations phobiques, réponses normales à une situation
permanente de terreur ;
- de troubles psychosomatiques : troubles digestifs, lombalgies chroniques, céphalées, asthénie, sensation
d’engourdissements et de fourmillements dans les mains, tachycardie et palpitations, sentiment d’oppression et
difficultés à respirer ;
- de troubles du sommeil : difficultés à s’endormir, veille ou réveils nocturnes, cauchemars ;
- de troubles de l’alimentation : prises de repas irrégulières, anorexie ou boulimie ;
- de troubles cognitifs : difficulté de concentration et d’attention, pertes de mémoire.
Les dépressions sont fréquentes et frappent plus de 50% des femmes victimes de violences conjugales. Elles sont
caractérisées par une perte d’estime de soi, une prudence exacerbée, un repli sur soi, des troubles du sommeil et
de l’alimentation, des idées et/ou tentatives de suicide. Elles peuvent être la conséquence naturelle d’une situation
dans laquelle la femme se sent ou est réellement dans l’impossibilité de fuir le contrôle et le pouvoir de son
partenaire qui la maltraite. Elles peuvent être également dûes au sentiment que la vie du couple arrive à son terme,
à une grande incertitude de l’avenir, à la peur de représailles de la part du partenaire, à la crainte de perdre la
garde de ses enfants, à la crainte de difficultés économiques, ou encore à une intériorisation de la colère.
Les abus de substances psychoactives sont fréquents : consommation chronique et abusive de tabac, d’alcool, de
drogues psychoactives, de médicaments analgésiques, anxiolytiques, antidépresseurs ou hypnotiques. 10% des
femmes victimes abusent de drogues et de médicaments prescrits par leur médecin (sédatifs, somnifères,
analgésiques) (Stark & Flitcraft, 1988). Cet abus peut être interprété comme une tentative d’automédication pour
faire face à l’anxiété et à la violence qui la provoque.
D’autre part, de nombreuses femmes victimes de violences conjugales présentent tous les signes d’un syndrome
post-traumatique, syndrome commun à toutes les personnes qui ont subi un traumatisme grave. 46,7% à 58% des
femmes violentées présentent ce type de syndrome (Garibay-West, 1990, Austin, 1995).
Il comporte :
- une expérience itérative des évènements du traumatisme (pensées « intrusives », « flash back », cauchemars) ;
- des réactions émotionnelles et physiques exagérées, provoquées par « un évènement gachette » qui rappelle le
traumatisme ;
- une stratégie d’évitement des activités, des lieux, des pensées ou des conversations qui rappellent le traumatisme
;
- un état d’hyperexcitation avec réactions exagérées à toute stimulation, hypervigilance, irritabilité, troubles du
sommeil, troubles de la concentration ;
- des troubles dissociatifs : « déréalisation », « dépersonnalisation ».
Ce syndrome doit être recherché à l’aide d’échelles comme le Clinician Administered Post-traumatic Stress Disorder
Scales (CAPS-DX) particulièrement chez les femmes qui présentent une dépression, une anxiété ou un abus de
substances. Les formes les plus sévères du syndrome post-traumatique sont appelées complexe Post Traumatic
Stress Disorder (PTSD).
Ce cadre clinique comporte parfois des troubles d’allure psychotique : états de désorientation ou de confusion
mentale, altérations du niveau de conscience et pensées délirantes ou paranoïaques. Il ne s’agit pas de psychose
schizophrénique.
On peut aussi constater des troubles réellement psychotiques, la violence conjugale pouvant révéler ou exacerber
des troubles antérieurs. Cependant, on doit se garder de fausses interprétations. Par exemple, la peur et la terreur
engendrées par la violence peuvent être assimilées à tort à des troubles paranoïaques, alors qu’ils sont une
manifestation du complexe PTSD.
Dans l’ensemble, les femmes victimes de violences conjugales reçoivent 4 à 5 fois plus de traitements
psychiatriques que dans la population générale.
La gynécologie
Les violences sexuelles elles-mêmes ou l’impact des autres formes de violences sur l’image que la femme a de son
propre corps entrainent divers troubles gynécologiques :
- lésions traumatiques périnéales lors de rapports accompagnés de violences;
- infections génitales et urinaires à répétition, Maladies Sexuellement Transmissibles (MST), infections à
responsables de salpingites et de stérilités ultérieures, infections à Papilloma virus (HPV) dont on connaît la
fréquence et qui sont responsables de condylomes vénériens très contagieux et, dans certaines variétés (HPV 16 et
18), de lésions du col utérin pouvant conduire à un cancer, enfin transmission du VIH ;
- douleurs pelviennes chroniques inexpliquées ;
- troubles de la sexualité : dyspareunie, vaginisme, anorgasmie ;
- troubles des règles : dysovulations avec irrégularités menstruelles, dysménorrhées.
L’obstétrique
La grossesse est un cas particulier. Tous les auteurs considèrent qu’elle est un facteur déclenchant ou aggravant. La
fréquence des violences conjugales au cours de la grossesse varie de 3 à 8 % avec des chiffres extrèmes de 0,9% à
20,1% dans une enquête de Gazmarian et coll aux Etats Unis en 1996. Dans une étude française menée auprès de
706 femmes, la fréquence de ces violences au cours des 12 mois qui suivent la naissance a été de 4,1% (Saurel-
Cubizolles et coll, 1997). Par ailleurs, 40% des femmes battues rapportent avoir subi des violences
« domestiques » pendant leur grossesse (Chamblisset coll, 1997). Enfin, 51,2% des femmes enceintes décédées à
la suite de traumatismes physiques étaient connues de leur gynécologue comme étant victimes de violences de la
part de leur partenaire ou d’une connaissance (Parsons et coll, 1999).
Les violences sont graves car elles retentissent à la fois sur la mère et le foetus.
D’abord, la grossesse peut ne pas être désirée. Elle peut être la conséquence d’un viol conjugal, avoir été décidée
par le couple pendant une période d’accalmie ou être la conséquence de l’impossibilité pour la femme d’utiliser une
contraception. La grossesse aboutit alors à des interruptions volontaires ou à des déclarations tardives et des
grossesses mal surveillées avec leurs conséquences : accouchements prématurés, retards de croissance in utéro.
Les auteurs canadiens rapportent que 89% des femmes violentées au cours de leur grossesse, l’ont été lors d’une
grossesse non désirée. Ils estiment d’autre part que les femmes ont trois fois plus de risque d’être victime de
violence lorsque la grossesse n’est pas désirée.
Aux violences s’associent souvent un tabagisme, parfois l’usage d’alcool ou de drogues, une anémie maternelle, des
infections urinaires plus fréquentes, toutes conditions qui retentissent sur l’évolution de la grossesse et l’état de
l’enfant.
Les violences physiques en elles-mêmes peuvent entrainer des avortements spontanés, des ruptures prématurées
des membranes et des accouchements prématurés, des décollements prématurés du placenta suivis de souffrance
et de mort foetale, des hémorragies, voire des ruptures utérines.
Elles peuvent aboutir à la mort maternelle succédant à un homicide ou à des complications au cours de la grossesse
: 25% des morts maternelles sont secondaires à des violences physiques perpétrées par le père biologique (Fildes
et coll, 1992).
L’angoisse et le malaise de la femme peuvent s’exprimer après l’accouchement par une carence ou une absence de
soins immédiate à l’enfant, un allaitement déficient ou absent, des douleurs abdominales et pelviennes chroniques
persistantes.
L’enfant à naitre est lui aussi touché par la violence : mort foetale in-utero ou mort-né, retard de croissance inutero
(9,5% des enfants pesaient moins de 2500g dans une étude de Parker et coll en 1994), lésions foetales, à
vrai dire très rares car le foetus est protégé par le liquide amniotique : fractures de membres ou plaies par armes
blanches.
La pédiatrie
La violence dont l’enfant est témoin a les mêmes effets sur lui que s’il en était victime. Dans l’étude de Thomas et
coll portant sur 138 femmes victimes de violences conjugales et consultant dans une unité médico-judiciaire, 68%
des enfants avaient été témoins de scènes de violences. Dans 10% des cas, la violence s’exerce aussi contre les
enfants. Le risque pour les enfants de mères violentées d’être eux-mêmes victimes serait de 6 à 15 fois plus élevé
(Rosalind et coll, 1997).
Lors des scènes de violences, les enfants adoptent différentes attitudes : la fuite, l’observation silencieuse ou
l’intervention. Ils développent un fort sentiment de culpabilité, d’autant plus que le père les utilise comme moyen de
pression et de chantage. Ils ont parfois un comportement d’adultes et peuvent se sentir investis d’un rôle de
protection vis à vis de leur mère. Ils prennent parfois partie pour l’un des deux parents.
Comme pour leur mère, la violence conjugale a de nombreux impacts sur leur santé. Ils peuvent souffrir :
- de lésions traumatiques : blessures accidentelles lorsque l’enfant reçoit un coup qui ne lui était pas destiné, ou
violences intentionnelles, que l’enfant soit utilisé comme moyen de pression ou lui-même victime de violences de la
part de l’un de ses parents. Les blessures peuvent alors être de tous types et de localisations différentes ;
- de troubles psychologiques : troubles du sommeil, cauchemars ; troubles de l’alimentation ; anxiété, angoisse ;
état dépressif ; syndrome post-traumatique ;
- de troubles du comportement et de la conduite. Le climat de violence qui règne à la maison, la terreur engendrée
par cette violence déséquilibre l’enfant et peuvent provoquer en lui : désintérêt ou surinvestissement scolaire,
agressivité et violence ; fugues et délinquance ; conduites addictives et toxicomanies ; idées et tentatives de
suicide.
- des troubles psychosomatiques. Le manque de soins ou le traumatisme psychologique engendré par les violences
entrainent des troubles sphinctériens à type d’énurésie, des retards staturo-pondérals, des troubles de l’audition et
du langage, des infections respiratoires à répétition.
Ces enfants sont susceptibles de reproduire la violence, seul modèle de communication qu’ils connaissent, soit dans
les lieux publics (à l’école, dans la rue) soit en privé (à la maison, dans une future relation de couple).
LES ASPECTS JURIDIQUES ET DEONTOLOGIQUES
Le praticien appelé à prendre en charge une femme victime de violence conjugale se trouve dans une situation
délicate. Il est pris entre son devoir de protection de la santé de ses patientes et les impératifs du secret
professionnel. En effet, les dispositions législatives font apparaître une antinomie entre divers articles du code pénal
:
- l’article 223-6 prévoit » Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les
tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne, s’abstient volontairement de le faire,
est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 500 000 F d’amende.
Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance
que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un
secours ». Quatre éléments ressortent de cet article : le péril couru par une personne, la possibilité d’agir, l’absence
de risques et le refus d’agir.
- cependant, l’article 226-13 du même code précise : « La révélation d’une information à caractère secret par une
personne qui en est dépositaire soit par état, soit par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission
temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 100 000 F d’amende ».
En outre, la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes
prévoit dans son article 97 art 35 quater : « la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le
support, de la reproduction des circonstances d’un crime ou d’un délit, lorsque cette reproduction porte gravement
atteinte à la dignité d’une victime et qu’elle est réalisée sans l’accord de cette dernière, est punie de 100 000 F
d’amende.… Le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, des renseignements
concernant l’identité d’une victime d’une agression ou d’une atteinte sexuelles ou l’image de cette victime lorsqu’elle
est identifiable est puni de 100 000 F d’amende. » L’art 39 quinquies précise que les dispositions du présent article
ne sont pas applicables lorsque la victime a donné son accord par écrit.
- enfin l’article 226-14 stipule que le secret n’est pas applicable « à celui qui informe les autorités judiciaires,
médicales ou administratives, de sévices ou privations dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur
de 15 ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique
ou psychique » ; ensuite « aux médecins, qui, avec l’accord de la victime, portent à la connaissance du Procureur de
la République, les sévices qu’il a constatés dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que
des violences sexuelles de toute nature ont été commises ».
Aux articles du code pénal correspondent des articles du code de déontologie médicale, qui confirment la réalité du
conflit entre la prise en compte de l’intérêt du patient et l’obligation du secret professionnel :
- l’article 9 : « Tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril ou, informé qu’un
malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires. » De plus
l’article 44 précise : « Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de
sévices ou de privations, il doit mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de
prudence et de circonspection.
S’il s’agit d’un mineur de quinze ans ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge
ou de son état physique ou psychique il doit, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience, alerter les
autorités judiciaires, médicales ou administratives. »
- En revanche dans l’article 4, on note : « Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à
tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est à dire non
seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. »
Lorsque les violences s’exercent envers les enfants, le devoir de protection est clair d’après l’article 226-14 du code
pénal. Il l’est moins pour les femmes adultes où l’obligation de porter secours ne figure pas dans la loi en tant que
telle et est laissée à l’appréciation du médecin.
Plus la fragilité de la femme est avérée, plus impérative est l’obligation d’agir. Chez la femme victime de violences,
certains facteurs peuvent témoigner de cette plus grande fragilité : l’état de santé délabré, la grossesse, la présence
d’enfants au foyer, la dépression, les tendances suicidaires ou les tentatives de suicide. Les tribunaux considèrent le
danger au moment où le secret a été dévoilé.
En fait, dans les affaires récentes de violation de secret professionnel sanctionnées par les instances disciplinaires il
y avait apparemment confusion entre la constatation des éléments objectifs recueillis lors de l’examen physique et
psychologique que doit faire le médecin et la désignation de l’auteur de l’infraction qui n’est pas du ressort du
médecin.
On sait que des victimes sont décédées faute de n’avoir pas alerté les autorités judiciaires. L’analyse rétrospective
des circonstances d’assassinats a démontré qu’il aurait été possible de prévenir l’évolution fatale en tenant compte
des mains courantes qui n’avaient pas été portées à la connaissance des magistrats.
Dans tous les cas, ce sont le sens de la responsabilité et sa conscience personnelle qui doivent dicter au médecin sa
décision : il ne s’agit pas de se retrancher derrière le code de déontologie lorsque la vie d’une personne est en
danger. A vrai dire, l’efficacité quand il y a danger ne passe pas forcément par le droit : elle peut aussi consister à
adresser en urgence la personne en danger à une association d’aide aux victimes ou à la mettre à l’abri de son
agresseur dans les meilleurs délais.
Le cas de conscience ne se posera réellement que si la femme refuse obstinément tout soutien et toute solution
alors qu’elle paraît être en danger de mort.
LE ROLE DES MÉDECINS
Il est primordial. Le médecin est le plus souvent le premier interlocuteur et un acteur privilégié dans la chaîne de
prise en charge des femmes victimes de violence. Il a un rôle clé dans le dépistage de ces violences, le recueil de
l’histoire, le constat des lésions et la rédaction d’un certificat, pièce essentielle lors d’un dépôt de plainte. Il aussi un
rôle stratégique en donnant des conseils aux femmes, en les informant de leurs droits et en les orientant au mieux
des circonstances.
L’Enquête Nationale sur les Violences Envers les Femmes en France (ENVEFF), a confirmé cette prééminence en
montrant que les femmes victimes d’agressions physiques au cours des douze derniers mois se confiaient en
premier lieu au médecin (24% des cas), avant la police et la gendarmerie (13% des cas), la justice ou les
associations.
Trois catégories de médecins sont en première ligne pour recueillir les doléances des femmes et dépister les signes
de violence : les médecins généralistes en médecine libérale, les urgentistes dans les hôpitaux, et les gynécologuesobstétriciens,
soit à l’occasion des visites de contrôles, soit lors de la grossesse qui est, par excellence, le moment
où la femme consulte à de nombreuses reprises, les médecins et les sages-femmes dans un climat de confiance.
Mais d’autres catégories sont intéressées à divers titres : les pédiâtres à l’occasion des consultations des enfants,
les psychiatres, principalement à l’occasion des consultations pour dépression, les chirurgiens orthopédistes, les
intervenants spécialisés dans les différentes addictions, notamment les alcoologues, les médecins du travail.
Parmi les services hospitaliers, ce sont les services d’urgences qui occupent une place privilégiée en raison des
possibilités d’accueil 24 H/24, et d’une certaine forme d’anonymat. Ces services sont aussi bien placés pour traiter
les pathologies en lien avec les violences conjugales : tentatives de suicide, abus d’alcool et de médicaments.
L’Association Médicale Américaine rapporte que 22 à 35% des femmes se présentant dans les services d’urgences
ont été victimes de sévices, 21% dans les services d’urgences chirurgicales, pourcentages semblant heureusement
moins élevés en France (8% dans une étude de Madame Diamant-Berger à la consultation des urgences Médico-
Judiciaires de l’Hôtel-Dieu de Paris). Certes, tous les autres services peuvent être sollicités, en particulier le services
d’orthopédie et de traumatologie, les services de pédiatrie et de psychiatrie, mais on doit insister sur le rôle des
maternités, lieu de passage obligé pour plus de 700 000 femmes par an, des centres d’orthogénie et de planning
familial qui reçoivent quelques 300 000 femmes par an, des services de Protection Maternelle et Infantile.
Cependant, la méconnaissance de la fréquence et de la gravité des violences conjugales ou domestiques persiste
dans les milieux de soins, ce qui s’explique par des réticences, des freins culturels, qu’il convient de mettre en
lumière pour adopter des mesures correctrices efficaces.
Les textes de référence : textes de loi, circulaires, code de déontologie, documents professionnels existent pour
guider l’action des médecins. Ils sont disponibles sur les sites internet et dans des brochures à l’usage des
médecins, dont l’une aussi simple que complète, a été réalisée récemment (2000) par le service des droits des
femmes et de l’égalité avec le concours de la Direction Générale de la Santé et de la Fédération Nationale Solidarité
Femmes.
Le rôle des médecins ne saurait se limiter à la prescription de médicaments sédatifs ou anxiolytiques bien qu’une
telle prescription soit nécessaire, au cas par cas.
Accueillir et être à l’écoute
C’est, pour les médecins et les professionnels de santé, être disponibles, savoir engager le dialogue, poser quelques
questions simples qui mettent la femme en confiance et lui donne l’opportunité de raconter son histoire. La femme
victime de violences vit sous la contrainte, l’angoisse, la peur. Le médecin doit donc s’efforcer de lui faire exprimer
son désarroi. Il doit comprendre son sentiment de vulnérabilité, son désespoir, sa tendance à nier les faits, à les
minimiser, voire à défendre son oppresseur. Il doit accepter que la femme soit confuse, effrayée, honteuse ou
agressive.
Le médecin généraliste est parfois « le médecin de famille » ce qui représente à la fois un avantage car il connait les
problèmes du couple et peut apporter un conseil lucide et efficace, et un désavantage car ce peut être un facteur
limitant. Dans l’étude de C. Morvant, un médecin sur deux avoue être gêné dans son intervention par le fait de
connaître et de suivre le mari agresseur.
Dépister les violences
Le dépistage peut être facile devant des lésions visibles dont la multiplicité et la topographie sont suggestives,
d’autant plus qu’elles sont d’âges différents. Il est beaucoup plus difficile lorsque la femme consulte pour des
troubles dûs à une somatisation comme des troubles digestifs ou des lombalgies chroniques, des troubles
gynécologiques comme des douleurs pelviennes ou une dyspareunie, ou encore des troubles psychiques variés.
En l’absence de signes évocateurs, la seule possibilité de découvrir les violences est le dépistage systématique,
essentiel pour les auteurs américains et canadiens et très peu fait par les médecins français. Mais la plupart des
femmes n’osent pas ou ne souhaitent pas parler de ce qu’elles subissent. D’après les études canadiennes, 25%
seulement en parleraient spontanément à leur médecin. Il est évident que de nombreuses femmes ne sont pas
repérées.
Cela suppose donc de poser quelques questions simples dont certaines figurent sur le site internet de l’Institut
Humanitaire (www.sivic.org). Ce peut être des questions sur la vie conjugale :
* Vous entendez-vous bien avec votre mari ?
* Vous vous disputez avec lui? Que se passe-t-il alors ?
* Qu’est-ce qui vous rend triste ?
Ce peut être aussi des questions en rapport avec le climat actuel de violence :
* On parle beaucoup en ce moment de mésentente dans les familles, de violence dans la société. Avez-vous été
l’objet de menaces ? Quelqu’un vous a-t-il maltraitée ?
* De nombreuses patientes nous ont dit avoir été plus ou moins maltraitées par quelqu’un de proche. Est-ce que
celà vous est arrivé ?
* Etes-vous effrayée par le comportement de quelqu’un à votre domicile ?
Si la patiente répond affirmativement, le médecin doit tenter d’approfondir la situation en posant deux autres
questions:
*Voudriez-vous m’en parler plus longuement ?
* Que voudriez-vous faire ?
Dans le doute, certains éléments peuvent orienter le diagnostic tel que la notion recueillie à l’interrogatoire de
maltraitance de la femme dans son enfance, notion qui ressort de l’enquête ENVEFF: la proportion de victimes de
violences, au cours des 12 derniers mois, est 4 fois plus élevée chez les femmes ayant subi des sévices dans leur
enfance.
Certaines situations sont également évocatrices : le jeune âge de la femme, une séparation récente, une instance
de divorce, une instabilité du couple, l’alcoolisme du conjoint ou un conjoint connu pour être violent, aimant
commander, intimider ; le conjoint sans emploi ou encore un état de précarité du ménage sont également des
facteurs agravants.
Dans d’autres cas, c’est le comportement de la femme et/ou de l’homme lors de la consultation qui éveille
l’attention. La patiente tantôt craintive et apathique, tantôt irritée et agressive, sursaute au moindre bruit, à la
moindre stimulation. Ses déclarations peuvent être confuses ou incohérentes. L’homme est trop prévenant, répond
à la place de sa femme ou lui suggère ses réponses, la contrôle par des expressions du visage ou des attitudes
intimidantes. Mieux vaut alors faire sortir l’accompagnateur sous un prétexte quelconque.
La femme peut aussi consulter sous d’autres prétextes : un renouvellement de traitements médicamenteux, une
demande de soins pour ses enfants ou son compagnon.
Quoiqu’il en soit, dans certains cas, la femme ne veut pas parler. Le médecin peut l’aider en lui délivrant le message
qu’elle pourra toujours revenir et il peut lui donner des adresses ou numéros de téléphone utiles.
Evaluer la gravité
C’est apprécier les conséquences somatiques des lésions traumatiques mais aussi gynécologiques qui peuvent
survenir à la suite de rapports sexuels forcés (Maladies Sexuellement Transmissibles (MST), y compris le Virus de
l’Immunodéficience Humaine (VIH)). C’est aussi évaluer l’impact des violences sur le psychisme qui peut conduire la
femme à de graves manifestations anxieuses ou phobiques, à la dépression, à des tentatives de suicide, à un
comportement addictif vis à vis du tabac, de l’alcool, des autres drogues psychoactives, des médicaments
psychotropes. On doit se garder de sous-estimer le caractère très destructeur qu’un climat de violence à long terme
exerce sur la femme quelle que soit la gravité de signes cliniques apparents.
Il convient d’évaluer, outre la gravité des lésions :
- l’augmentation de la fréquence des actes de violence et leur aggravation qui, en se répétant, peut atteindre un
seuil mettant en danger la femme et son environnement familial ;
- le contexte d’alcoolisme chronique du partenaire ;
- le retentissement sur les enfants au foyer, très souvent témoins des actes de violence ;
- la présence de certains facteurs de vulnérabilité tel que la grossesse ;
- l’existence de menaces de mort ou l’usage d’armes, très inquiétantes.
La notion d’un risque élevé peut justifier soit de conseiller une hospitalisation en urgence, soit d’inciter la femme à
un éloignement immédiat même temporaire, soit de porter plainte. Au minimum il convient de l’orienter vers des
relais compétents tels que les associations d’aide aux victimes. L’examen a posteriori des cas d’homicide a parfois
permis de constater que si les acteurs de santé et de justice avaient tenu compte des signes d’alerte, le drame
aurait pu être évité.
Cependant, il n’est pas rare que la femme soit réticente. Divers facteurs interviennent dans sa conduite
apparemment paradoxale : outre sa fatique physique et son état dépressif, le souci de préserver l’unité familiale et
les enfants, la peur des représailles, la crainte de ne pouvoir surmonter les obstacles matériels, la crainte d’affronter
les institutions judiciaires, la crainte que l’abandon du domicile conjugal ne se retourne contre elle dans une
instance de divorce. C’est le rôle des soignants, du médecin et des associations, d’aider la femme dans sa décision
et de lui apporter un éclairage extérieur.
Assurer les soins et constituer un dossier
Le bilan des lésions nécessite parfois des examens complémentaires : radiographies, examens spécialisés oto-rhinolaryngologiques,
ophtalmologiques, gynécologiques.
Les soins consistent non seulement à traiter les lésions constatées mais aussi les manifestations douloureuses
immédiates et le retentissement psychologique : insomnie, anxiété, état dépressif.
L’établissement du certificat auquel tout médecin traitant est tenu peut être différé. Qu’il le soit ou non, tous les
éléments recueillis à l’interrogatoire et à l’examen doivent être consignés dans un dossier, tant les faits objectifs
que subjectifs : début des violences, fréquence, type des violences, contexte déclenchant, alcoolisme du mari et/ou
origine ethnique, lésions constatées, retentissement sur le psychisme, violences à l’encontre d’autres membres de la
famille.
Rédiger le certificat
Le certificat, (voir modèles en annexe), est un acte médical descriptif qui témoigne des dires de la patiente et décrit
les lésions traumatiques, leurs conséquences cliniques, et le retentissement physique et psychique des violences
subies par la femme.
C’est un document médico-légal qui prend toute sa valeur lorsqu’une plainte est déposée par la femme,
l’opportunité des poursuites judiciaires et l’importance des peines en dépendant largement. Il peut aussi constituer
un élément de preuves qui sera très utile ultérieurement lors d’une aggravation de la situation si la femme ne
l’utilise pas immédiatement.
Il doit comporter, outre les éléments d’identification du médecin et de la femme ainsi que la date et l’heure de
l’examen :
- la description exhaustive des lésions constatées en précisant leur aspect tout en respectant les termes médicaux
appropriés (échymoses, hématomes…), leur emplacement, leur ancienneté et leur étendue. Un schéma peut être
utile ;
- la description des soins nécessaires et prescrits ainsi que la liste des examens complémentaires prescrits et
effectués ;
- les conséquences fonctionnelles des blessures, tenant compte des appréciations objectives du médecin et des
allégations de la victime relatives aux douleurs ressenties, à la fatigue, à la gêne plus ou moins importante pour
accomplir les mouvements ;
- la détermination de l’Incapacité Totale de Travail (ITT) qui concerne le travail personnel et non professionnel.
Cette durée, évaluée en jours, bien que les violences perpétrées par le partenaire constituent dorénavant un délit
ressortant du tribunal correctionnel quelle que soit la durée de l’ITT, n’en conserve pas moins toute son importance
pour l’appréciation du préjudice subi, de la dangerosité de l’agresseur et la fixation de la peine. Celle-ci varie en
effet de 3 ans d’emprisonnement et 300 000 francs d’amende si l’ITT est égale ou inférieure à 8 jours, à 5 ans
d’emprisonnement et 500 000 francs d’amende si l’ITT est supérieure à 8 jours. L’estimation de l’ITT est médicale et
concerne le retentissement fonctionnel et psychologique de l’agression mais on doit noter que l’objectif « total »
peut être interprété de manière variable selon les médecins. Le retentissement psychique est souvent sous-estimé
en raison des difficultés d’évaluation et de la complexité du lien de causalité. Il peut être évident d’emblée ou n’être
que suspecté. Il convient alors d’émettre des réserves quant à l’évolution de ce retentissement et d’indiquer qu’un
nouvel examen sera nécesaire, à distance des faits, pour affiner la détermination de l’ITT.
On doit avoir conscience que les médecins ne sont pas toujours bien formés à la rédaction de ces certificats.
Certains abus tarifaires ont pu être constatés et déplorés. Ces difficultés ont conduit à la mise en place de services
médico-judiciaires qui sont présents dans plus de 60 villes. Cependant les violences conjugales sont disséminées sur
tout le territoire et relèvent le plus souvent de la responsabilité de chaque médecin.
Informer et orienter la patiente
C’est une des missions essentielles du médecin et des professionnels de santé en général. Le médecin dispose de
plusieurs possibilités en fonction de la gravité de la situation, de l’état de réceptivité de la patiente et de ses désirs.
Toutefois, l’analyse de nombreux cas démontre que la capacité d’une femme victime de violences conjugales à
mettre fin à sa situation dépend étroitement de la clarté des réponses qui lui sont données et de l’aide qui lui est
offerte.
Si la situation est grave et laisse craindre l’irréparable, le médecin peut décider une hospitalisation immédiate. Il
peut aussi conseiller à la femme de porter plainte auprès de la police ou de la gendarmerie. Il doit l’informer de son
droit de quitter le domicile conjugal et de partir avec ses enfants, en signalant son départ à la police (main
courante) ou à la gendarmerie (procès verbal de renseignement judiciaire). Il peut surtout lui conseiller de
s’adresser aux associations d’aide aux victimes qui lui fourniront conseils et assistance.
S’il estime ne pas avoir la compétence voulue, il peut adresser la femme dans un service médico-judiciaire qui
possède le savoir-faire pour le constat des lésions et leur traitement et offre aux victimes une information sur la
procédure éventuelle et ses conséquences tant pour elles que pour le responsable des blessures. En pratique, les
médecins semblent assez peu recourir directement à ce moyen, ne serait-ce que pour des raisons de logistique.
Si la situation ne lui parait pas avoir atteint un degré de gravité imposant une solution d’urgence, il peut vouloir
s’impliquer personnellement, en sachant qu’il s’agit d’un travail ardu ne se limitant pas à des prescriptions
médicamenteuses. En fait, le médecin est souvent isolé, notamment en zone rurale ou dans les villes de taille
moyenne où, en outre, la crainte de ne pouvoir éviter les rumeurs peut constituer un frein à son action. C’est là
qu’intervient la notion de réseaux de proximité qui fait entrer en liaison tous les acteurs de terrain, l’animateur du
réseau pouvant être l’un quelconque d’entre eux.
En l’absence de réseau constitué ou de prime abord, le médecin peut alerter les associations en ayant recours au
numéro de téléphone de « violences conjugales femmes info-service » (01 40 33 80 60) qui peut donner à la
femme, sur le champ, ligne de conduite et conseils pratiques. Il devrait s’assurer également d’un lien avec l’hôpital
le plus proche, voire avec celui d’une ville plus éloignée, dont les service pourraient assurer les soins et
l’accompagnement de la femme tout en la mettant à l’abri de son agresseur.
Enfin, si le médecin juge qu’il ne peut alerter les autorités car la femme ne le veut pas ou que les conditions ne s’y
prêtent pas, il serait utile qu’il puisse s’entretenir avec un substitut du procureur ou un policier, sans rompre pour
autant le secret professionnel, et préparer ainsi une réponse mieux adaptée lors d’une récidive.
Le cas de conscience se pose si la femme, refusant toute solution, le médecin estime qu’elle est en danger de mort.
Quelques itinéraires divers
L’étude des quelques cas cliniques présentés en annexe est significative et témoigne des réseaux à mettre en alerte
sur ce thème.
L’urgentiste du centre 15 à la ville ou à la campagne peut intervenir en urgence pour un constat de coups et
blessures, pour une tentative de suicide, pour un état dépressif, un alcoolisme aigü.
L’évaluation au domicile constitue un témoignage essentiel. Si l’hospitalisation est décidée, elle permet de préserver
dans l’immédiat la femme et les enfants. Le cloisonnement entre l’hôpital et les soins en ville risque d’être un
obstacle à l’information et à une orientation adaptée de la femme.
Les urgences hospitalières
Des mesures sont en cours d’application pour mettre en place un réseau d’accueil des victimes.
Le gestion des urgences conduit à l’hospitalisation de 20 à 30% des malades des urgences avec un débordement
des structures qui accueillent chaque année un flux croissant.
Les femmes victimes de violences conjugales sont méconnues et le dépistage systématique proposé dans une étude
un jour donné devrait en confirmer la réalité. Ce sont souvent des patientes non admises qui bénéficient de soins en
traumatologie.
Les urgences psychiatriques sont rarement sollicitées mais il est vrai que l’urgentiste méconnait ou évalue mal le
retentissement psychique des violences. Les dépressions réactionnelles, les conduites addictives sont observées et
devraient être considérées comme un état clinique d’alerte traduisant la gravité des violences.
Les urgences gynécologiques et obstétricales devraient faire l’objet d’une recherche sur le thème des violences
et de la grossesse.
LES DIFFICULTES RENCONTREES PAR LES MEDECINS ET
LES RAISONS DE LEUR RÉTICENCE
En dehors des études étrangères, deux études françaises récentes, malgré la taille relativement modeste de leur
échantillon, apportent des renseignements intéressants sur le médecin face aux violences conjugales : la thèse de
médecine de Cécile Morvant soutenue en mai 2000 et un article de Jean-Yves Chambonet et collaborateurs parue en
septembre 2000. Elles montrent que certains médecins généralistes restent volontiers passifs face aux violences
conjugales ou trouvent ces situations particulièrement difficiles à gérer.
Beaucoup de médecins sont inconscients de l’ampleur du problème et du fait que la violence peut s’exercer dans
n’importe quel milieu sans égard à l’âge, la race, l’éducation, la religion, le statut marital, le niveau socioéconomique.
Beaucoup pensent que le phénomène est réservé à des couches de population défavorisée et ne peut
atteindre leur clientèle. Ils ont tendance à s’identifier à leurs clientes d’autant plus volontiers qu’elles appartiennent
à la même couche sociale et ont un mode de vie semblable.
Ils pensent que toute enquête est une intrusion dans la vie privée du couple et craignent d’offenser la patiente en
posant certaines questions, au même titre que le médecin généraliste hésite à se renseigner sur la consommation
d’alcool, de drogue ou la vie sexuelle des couples.
Ils expriment souvent un sentiment de frustration estimant qu’aucun remède n’est efficace dans de tels cas et que
les perspectives d’amélioration sont faibles. Ils ont l’impression de ne pas pouvoir contrôler la situation. Ils sont
découragés par la complexité du problème, l’attitude des femmes, leur réticence à se confier, leur ambivalence, leur
refus de quitter leur compagnon ou de porter plainte, mais aussi par la fréquence des retraits de plainte qui les
mettent en porte-à-faux et la difficulté d’agir sur le comportement de l’agresseur. Ils redoutent la réaction des
familles qui leur reprochent d’être à l’origine de mesures qui les font montrer du doigt par le voisinage ou, pour les
enfants, par les camarades d’école.
Ils ont le sentiment d’être isolés. Dans l’enquête de C. Morvant, 75,6% n’ont pas eu de contact avec les autres
professionnels de santé qui s’occupent des mêmes patientes et 44,7% ne savaient pas si les patientes violentées
avaient consulté d’autres structures sanitaires.
D’autres se plaignent du manque de temps car il en faut pour écouter et rassurer une patiente traumatisée. Il se
plaignent d’avoir souvent à donner en urgence un certificat demandé par la police. Or, la consultation souvent
longue ne peut se résumer à la rédaction précipitée d’un certificat. D’autres, enfin, ont tout simplement peur d’un
scandale qui serait préjudiciable à leurs relations de confiance avec leur clientèle.
Les médecins craignent également des retombées judiciaires, d’autant plus qu’ils ne se sentent pas toujours
soutenus par les conseils ordinaux départementaux. On doit reconnaître que, face à la loi, la situation des médecins
est particulièrement délicate. Ils sont pris entre leur devoir de protection des patientes et les impératifs du secret
professionnel, entre l’article 223-6 du code pénal et 44 du code de déontologie médicale sur l’obligation de porter
secours et l’article 226-13 du code pénal et 4 du code de déontologie médicale prévoyant les punitions pour
violation du secret professionnel, encore renforcé par l’article 97 de la loi du 15 juin 2000 sur les droits des victimes
(voir supra).
Leurs réactions sont aggravées par le fait que nombreux sont ceux qui n’ont reçu aucune formation au cours de
leurs études. Ils ne savent comment aborder le problème et prendre de bonnes décisions. Ils redoutent d’aggraver
la situation avec des réactions inadéquates. 82% dans la thèse de C. Relhinger (1983) et 60,3% dans celle de C.
Morvant (2000) se disent mal formés. Paradoxalement, les étudiants ne vont pas aux cours organisés par leurs
doyens. Ce sont les médecins qui, installés et confrontés au problème, demandent des enseignements postuniversitaires.
Parfois aussi les médecins ont une histoire personnelle de violence dont ils ont été les témoins ou les victimes dans
leur enfance ou de sévices sexuels subis dans l’enfance, ce qui parait plus répondre aux médecins féminins que
masculins, du moins aux Etats-Unis.
Enfin, certains mettent en doute les déclarations de la femme et disent n’avoir aucune raison de croire l’un plutôt
que l’autre des protagonistes. On ne peut nier l’existence de couples qui entretiennent sciemment des relations
sado-masochistes.
Dans l’étude de J-Y Chambonet et coll., 82% des médecins pensent qu’il s’agit effectivement d’un problème difficile,
les difficultés étant dues, à leur avis, dans 61% des cas au comportement de la femme elle-même, dans 64% aux
difficultés de l’exercice de leur métier, dans 34% au conjoint, et dans 30% à la lenteur de la réponse des
partenaires sociaux.
A vrai dire, passivité et réticence ne se limitent pas aux médecins généralistes. Elles atteignent aussi d’autres
médecins spécialistes : gynécologues-accoucheurs, chirurgiens, psychiâtres entre autres, ainsi que le personnel
médical et infirmier des services hospitaliers qui a lui aussi du mal à appréhender ce phénomène de société.
Le résultat de ces craintes, en partie légitimes, et du manque de formation est que, si les médecins font
effectivement des certificats dans 70 à 80% des cas, ceux-ci ne sont pas toujours correctement rédigés.
Les médecins ne font que peu de dépistage systématique (7 à 9%).
Ils ne recueillent pas toujours les données cliniques et les examens complémentaires dans leurs archives. Ainsi,
50,8% de médecins dans l’étude de C. Morvant n’avaient pas consigné les données de l’entretien et de l’examen
clinique dans un dossier.
Ils ont tendance à gérer seuls le problème (70% des cas) en prescrivant des traitements symptomatiques :
anxiolytiques, antidépresseurs, antalgiques, hypnotiques, qui atténuent les symptômes, mais enclenchent un
véritable cercle vicieux.
Enfin ils ne donnent pas toujours les renseignements utiles que la femme attend (45% des cas dans l’étude de J-J
Chambonet et coll.) et les orientent plutôt vers la police ou la gendarmerie que vers les associations ou d’autres
confrères.
Toutes ces remarques ne doivent pas être interprétées comme des critiques envers le corps médical mais doivent
servir à modifier l’enseignement donné aux médecins au cours de leur cursus ou lors de la formation continue
ultérieure et à multiplier les informations qui leur sont nécessaires. La priorité est de les convaincre qu’ils occupent
une position clé pour dépister les violences conjugales, conseiller les femmes, prévenir l’escalade de la violence et
éviter les drames.
LES AGRESSEURS
Certes, l’homme violent « est simplement un homme qui veut que ses proches se conforment et obéissent à ses
désirs » (Welzer-Lang, 1992) et peut appartenir à toutes les classes sociales. Il n’en reste pas moins que certains
hommes ont plus tendance à être violents que d’autres. Il est étonnant, à ce propos, de constater à quel point on
manque de renseignements sur les agresseurs et les raisons de leur comportement.
On sait cependant que sont plus enclins à la violence :
- les hommes autoritaires, investis de fonctions de commandement, de responsabilité, volontiers psychorigides, ou
encore des hommes impulsifs capables d’actes agressifs irrationnels, ou encore des hommes à la personnalité
perturbée ayant une piètre estime d’eux-mêmes et besoin de compensations narcissiques.
- les hommes victimes de violences ou d’abus sexuels dans leur enfance qui reproduisent à l’âge adulte ce qu’ils ont
subi.
- les psychopathes, paranoïaques et autres pervers dont on ignore la proportion, mais qui représenteraient 15 à
25 % des hommes violents (Alain Legrand, président de l’association de lutte contre les violences).
- les migrants qui arrivent de pays où les coutumes sont différentes et où les femmes ne bénéficient pas du même
statut que dans les pays européens.
- surtout les alcooliques (85 à 95 % des cas dans toutes les statistiques). La consommation d’alcool facilite les
agressions, les passages à l’acte, par désinhibition selon l’adage freudien du « surmoi soluble dans l’alcool »,
entraînant une diminution de l’autocritique ou une exagération du sentiment de pouvoir. Il agit souvent comme
révélateur. Mais on ne possède que peu de données épidémiologiques. Par exemple, dans une excellente mise au
point de Claudine Perez-Diaz, chargée de recherche au CNRS-CESAMES (Centre de Recherche psychotropes, santé
mentale, société), sur « Alcool et délinquance, état des lieux » datant de décembre 2000, les violences conjugales
ne sont pas individualisées en tant que telles dans la liste des actes délictuels commis sous l’influence d’une
alcoolisation chronique ou aigüe, alors que les mauvais traitements à enfants et les viols le sont. Elle cite quelques
auteurs dont Murdoch et coll. (1990) pour lesquels « la violence conjugale serait spécifiquement liée à l’alcool
indépendamment d’autres problèmes du couple. Une vive discussion, générée par la victime ou l’agresseur, précède
généralement l’acte violent qui est souvent précipité par l’intoxiqué ».
Parfois, l’alcoolisme est partagé. Parfois aussi, il est à l’origine de tentatives d’homicide de la part de l’alcoolique ou
de tentatives dirigées contre l’alcoolique, « commises par les membres de la famille qui, excédés par la fréquence
des menaces et des coups, se trouvant en état de légitime défense ou désirant mettre fin à une vie de plus en plus
intolérable, tuent l’alcoolique pour protéger les membres de la famille menacée, ou par haine personnelle de
l’ivrogne » (Mosès, 1984). Enfin, l’alcool est souvent présenté comme un alibi ou une excuse par le conjoint violent.
En fait, la discussion est toujours ouverte pour savoir si les violences à répétition sont la conséquence d’une
consommation chronique d’alcool ou l’association d’un trouble de la personnalité et d’une alcoolodépendance.
Récemment est apparu en France le problème désormais bien connu de la consommation de médicaments
psychotropes et des polyconsommations de produits psychoactifs aboutissant à de redoutables mélanges pouvant
favoriser la violence.
Quelle que soit la personnalité de l’agresseur, certains facteurs sont reconnus comme déclenchants : la jalousie, la
séparation, le divorce, la mise au chomage récente du partenaire, la précarité, la grossesse, la naissance d’un
enfant.
Dans l’enquête de Chambonet et coll., les causes de violences conjugales repérées par les médecins et souvent
associées étaient : l’alcoolisme dans 93 % des cas, le conjoint connu comme violent dans 57 %, la précarité dans
52 %, le milieu défavorisé 48 %, la volonté de contrôle par le mari, 32 %, la provocation de la femme et la
différence de milieu culturel dans 13 %.
PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL
Le constat décrit dans ce rapport souligne la nécessité d’engager une action coordonnée avec les différents
ministères intéressés, notamment le Secrétariat d’Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Les
mesures d’ordre général qui concernent le droit des femmes se traduisent sur le terrain par une réponse qui relève
pour partie de la responsabilité des médecins généralistes ou spécialistes, et des professionels de santé, dans les
villes et les campagnes. Améliorer l’efficacité des acteurs de santé et la confiance des femmes envers les réseaux de
soins suppose un programme concerté entre les ministères.
Le retard constaté en France dans le dépistage, l’accueil et la prise en charge des femmes victimes de violences
conjugales est lié, nous l’avons décrit, à des réticences, des freins culturels, une méconnaissance de la situation par
les professionnels de la santé alors que les compétences, les documents, les textes de référence existent.
Le groupe de travail a volontairement limité sa réflexion aux violences conjugales, au sens large de violences
« domestiques » ou « intra-familiales ». Cependant, diverses mesures s’intégreraient légitimement au sein d’une
politique plus générale à l’égard des violences faites aux femmes en général (travail, voie publique…).
Quatre points forts ressortent du rapport sur les violences conjugales :
- la fréquence des violences, en partie méconnue du public et des médecins ;
- leurs conséquences sur la santé des femmes et des enfants, dans l’ensemble sous-estimées;
- le rôle des médecins qui s’avère primordial ;
- les difficultés éprouvées par les médecins pour prendre en charge efficacement les femmes victimes et résoudre
leurs problèmes.
Les propositions du groupe de travail s’orientent autour de cinq axes principaux : l’indispensable sensibilisation du
public et des professionnels de santé, l’intérêt de la prévention, la nécessaire formation des médecins et des
professionnels de santé, l’amélioration de la prise en charge des patientes, le développement des études et des
recherches sur le sujet.
La sensibilisation du public et des professionnels de santé
Elle doit s’exercer en effet à deux niveaux : le public et les professionnels de santé.
* Sensibilisation du public sur les conséquences des violences conjugales sur la santé des femmes et de leurs
enfants
Une campagne nationale « grand public » serait souhaitable, d’une part pour faire prendre conscience à la
population de la fréquence des violences conjugales et de la gravité de leurs conséquences sur la santé des femmes
et des enfants, d’autre part pour faire prendre en considération les femmes qui allèguent de telles violences, enfin
pour faire accepter l’aide des professionnels, amorçant ainsi la possibilité de dialogue avec les médecins.
Cette action devrait prévoir, outre des émissions de télévision et de radio :
- des articles, reportages, éditoriaux dans la presse féminine, donnant des adresses de relais de soutien et d’écoute,
administratives ou associatives ;
- la diffusion de documents d’information sur les réseaux d’accueil et de prise en charge de proximité dans tous les
lieux de soins, publics et privés, les salles d’attente, les pharmacies.
* Sensibilisation des médecins et professionnels de santé
Il serait essentiel de faire prendre conscience aux médecins, professionnels de santé, travailleurs sociaux, qu’ils sont
très souvent le maillon initial de la chaîne de prise en charge et que leur première réaction est fondamentale. Pour
cela il convient :
- de trouver des relais dans le milieu médical : Académie Nationale de Médecine, Ordre National des Médecins,
Commissions Médicales d’Etablissement, Collège National des différentes disciplines, notamment celui des
gynécologues et obstétriciens français, syndicats médicaux, instituts de santé publique ;
- de faire paraître des articles dans la presse professionnelle des médecins, sages-femmes, infirmières, travailleurs
sociaux, pharmaciens mais aussi dans les revues destinées aux magistrats, à la police et à la gendarmerie ;
- de mettre les violences conjugales au programme des conférences régionales de santé.
Cette sensibilisation des médecins et des professionnels de santé devrait logiquement précéder et/ou accompagner
celle du public. Les professionnels, pour agir avec efficacité, devraient préalablement recevoir tous les documents et
informations utiles afin d’être prêts à répondre à l’attente des femmes.
Actions de prévention
Il n’est pas suffisant de constater la violence conjugale. Mieux vaudrait tenter de la prévenir. On peut envisager
plusieurs mesures :
- inciter les gynécologues-obstétriciens, le personnel des services de gynécologie-obstétrique, des services de
pédiatrie, celui des centres de planning familial et des centres de protection maternelle et infantile à dépister des
signes et des comportements faisant craindre l’existence de violences conjugales. La grossesse est, par excellence,
le moment où la femme consulte à de nombreuses reprises les médecins et les sages-femmes dans un climat de
confiance ;
- insister sur la prise en charge des enfants victimes de maltraitance pour éviter, qu’à l’âge adulte, les hommes
reproduisent la violence qu’ils ont subi et les femmes leur comportement de victime ;
- prendre en compte le risque accru de violences conjugales dans le suivi des alcooliques, des usagers de drogue,
des personnes en situation de précarité ;
- installer des lieux d’écoute et de prise en charge des hommes violents, tout en sachant la difficulté de traiter et
d’amender ces hommes ;
- prévoir une information dès l’école primaire et le collège comme cela a été fait au Canada ;
- organiser un dispositif de repérage des situations à risque en amont dans les collèges, lycées ou lieux de travail
(rôle des médecins et infirmières scolaires, des médecins du travail mais aussi des ilôtiers).
Formation des médecins et professionnels de santé
Dans toutes les études consultées, les médecins se plaignent de n’avoir reçu aucune formation. Ils ne savent
comment aborder le problème et prendre de bonnes décisions. Ils redoutent d’aggraver la situation avec des
réactions indéquates. Paradoxalement, les étudiants ne vont pas aux cours organisés par leurs doyens.
Il convient donc :
- d’intégrer dans la formation médicale initale et la formation continue des enseignements qui incitent les médecins
à s’impliquer activement dans la prévention et le dépistage des violences envers les femmes et d’inscrire
impérativement ce sujet dans les programmes des examens voire de l’internat ;
- d’inscrire les violences conjugales au programme des études de sages-femmes et d’infirmières ;
- de mettre à la disposition des médecins et des sages-femmes des fiches techniques simples rappelant les
questions à poser pour dépister les violences, la nécessité de tout consigner dans un dossier, l’importance et la
manière de rédiger le certificat d’ITT, d’évaluer la gravité de la situation, et d’orienter la patiente ;
- de faire connaître le site internet « www.sivic.org » de l’Institut de l’Humanitaire ;
- de demander au Conseil National de l’Ordre des Médecins d’alerter les conseils départementaux sur l’importance
des violences conjugales et les difficultés rencontrées par les médecins confrontés à des violences extrêmes et faire
en sorte qu’ils harmonisent leurs réponses ;
- d’organiser des formations multidisciplinaires pour tous les professionnels de santé.
Modalités de prise en charge
Il s’agit de mettre en place une politique coordonnée d’aide aux victimes.
- Inciter les médecins à faire un dépistage systématique des violences en posant quelques questions simples lors
des consultations médicales. On sait qu’un grand nombre répugne à le faire ou n’ose pas pour plusieurs raisons :
immixion dans la vie privée des couples, sentiment de frustration devant l’incapacité de résoudre le problème,
manque de temps, manque de formation, crainte de s’aliéner leur clientèle et peur d’éventuelles retombées
judiciaires ;
- Encourager la formation de réseaux facilitant la coordination entre les médecins généralistes se sentant isolés, les
hospitaliers, les médecins spécialistes, notamment les psychiatres, les travailleurs sociaux, les membres des
associations, en choisissant un animateur qui, de quelque discipline qu’il soit, soit reconnu de tous. Recenser au
niveau régional les réseaux qui se constituent et en diffuser l’existence au niveau local. Envisager une astreinte
téléphonique assurant une permanence de nuit ;
- Assurer un suivi ambulatoire au décours d’une hospitalisation, d’une tentative de suicide, moments clés pour la
patiente ou ses enfants, ou lors du retour à domicile de l’auteur des violences après une hospitalisation, une garde à
vue ou une incarcération, moments où les proches sont particulièrement exposés ;
- Identifier dans les services de maternité « un référent » qui assurerait un suivi personnalisé de toutes les femmes
en situation de vulnérabilité : femmes victimes de violences, toxicomanes, marginales. Eventuellement, constituer
une cellule polyvalente psychosociale à l’instar de ce qui va être mis en place incessamment dans les services
d’urgence, assurant l’orientation des femmes vers les différents services concernés ;
- Etablir dans chaque hôpital des protocoles de repérage des patientes, de prise en charge, de protection et
d’intervention. Ces protocoles doivent pouvoir être évalués, faire partie de l’accréditation et être adaptés à l’activité
de l’établissement ;
- Organiser, à l’échelon local, des rencontres entre les médecins et les autres intervenants : magistrats, policiers,
gendarmes, travailleurs sociaux, membres des associations afin d’examiner les dossiers les plus épineux et faire
évoluer l’accueil de première intention ( commissariats de police, brigades de gendarmerie, hôpitaux) et le suivi des
femmes victimes ;
- Assurer la mise à l’abri de la femme victime de violences : possibilités d’hospitalisation sous X, solutions
d’hébergement d’urgence, le cas échéant avec les enfants ;
- Assurer une participation des médecins à la commission départementale de lutte contre les violences faites aux
femmes.
Etudes et recherches
Elles sont capitales pour perfectionner la connaissance du problème et affiner les réactions des pouvoirs publics et
des professionnels de santé.
- Recenser les homicides pour violences conjugales qui, pour le moment, ne sont pas identifiables dans les
statistiques médicales des causes de décès et en assurer une publication annuelle, ce que font plusieurs pays
européens, dont l’Espagne. Cette mesure témoignerait de la gravité des violences conjugales et pourrait avoir une
importante portée symbolique ;
- Faire une étude dans les instituts médico-légaux sur les circonstances des décès, y compris les morts suspectes,
pour mettre en évidence les homicides perpétrés dans un contexte de violences conjugales et définir le profil des
femmes victimes et celui des agresseurs ;
- Faire une étude sur les violences subies pendant la grossesse : leur fréquence, la caractéristique des populations,
l’évolution au cours des trois trimestres, les conséquences médicales ;
- Faire évaluer par l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES) dans des sites déterminés
des stratégies pilotes de dépistage systématique lors des consultations médicales en appréciant le bien-fondé de
cette conduite ;
- Procéder à une étude sur les hommes violents ;
- Pérénniser les enquêtes un jour donné dans les services d’urgence ;
- Demander à un économiste de la santé une étude sur le coût engendré par les violences conjugales.
L’INSERM pourrait participer activement à des programmes de recherche en définissant le choix des indicateurs et la
modélisation des enquêtes, en collaboration avec les Observatoires Régionaux de Santé (ORS) et l’Institut de Veille
Sanitaire (InVS).
Il est évident que toutes ces mesures ne peuvent être appliquées immédiatement mais elles sont parfaitement
applicables au prix d’efforts de communication et d’organisation plus que d’efforts financiers
DIX ACTIONS PRIORITAIRES A METTRE EN OEUVRE RAPIDEMMENT
1 – Sensibiliser les médecins et les professionnels de santé. Les inciter à dépister les violences conjugales au
moindre soupçon. Mettre à leur disposition des fiches techniques simples rappelant les questions à poser pour
dépister les violences, la manière de rédiger les certificats, l’importance d’évaluer la gravité de la situation et
d’orienter la patiente au mieux de ses intérêts. Organiser des formations multidisciplinaires sur le sujet pour tous
les professionnels de santé.
2 – Evaluer dans des sites déterminés des stratégies pilotes de dépistage systématique lors des consultations
médicales et apprécier le bien-fondé de cette conduite.
3 – Inciter les gynécologues-obstétriciens, le personnel des services de gynécologie-obstétrique, celui des centres
de planning familial et des centres de protection maternelle et infantile à dépister des signes et des comportements
faisant craindre l’existence de violences conjugales. Identifier dans les services de maternité « un référent » qui
assurerait un suivi personnalisé de toutes les femmes en situation de vulnérabilité. Eventuellement, constituer une
cellule polyvalente psychosociale assurant l’accueil et l’orientation des femmes vers les différents services
concernés.
4 – Faire connaître le site internet www.sivic.org de l’Institut de l’Humanitaire.
5 – Encourager la formation de réseaux facilitant la coordination entre les médecins généralistes, les hospitaliers,
les médecins spécialistes, notamment les psychiatres, les travailleurs sociaux, les membres des associations, en
choisissant un animateur qui soit reconnu de tous à l’échelon local. Recenser au niveau régional les réseaux qui se
constituent et en diffuser l’existence. Envisager une astreinte téléphonique assurant une permanence de nuit.
6 – Etablir dans chaque hôpital des protocoles de repérage, de prise en charge, de protection et d’intervention. Ces
protocoles devraient faire partie de l’accréditation et être adaptés à l’activité de l’établissement.
7 – Organiser à l’échelon local, des rencontres entre les médecins et les autres intervenants : magistrats, policiers,
gendarmes, travailleurs sociaux, membres des associations afin d’examiner les dossiers les plus épineux et faire
évoluer l’accueil de 1ère intention (commissariats de police, brigades de gendarmerie, hôpitaux) et le suivi des
femmes victimes.
8 – Assurer une participation des médecins à la Commission départementale de lutte contre les violences faites aux
femmes.
9 – Assurer la mise à l’abri de la femme victime de violences : hospitalisation sous X, solutions d’hébergement
d’urgence, le cas échéant avec les enfants.
10 – Recenser les homicides pour violences conjugales et en assurer une publication annuelle. Cette mesure
témoignerait de leur gravité et pourrait avoir une importante portée symbolique
Annexe 1 : CAS CLINIQUES
OBSERVATION 1 :
Catherine, 35 ans, secrétaire, mariée, mère de deux enfants âgés de 4 et 8 ans, est conduite aux urgences par les
pompiers à la suite d’une chute dans les escaliers, survenue à 19h.
A l’arrivée, on constate un traumatisme facial avec plaie du cuir chevelu nécessitant 4 points de suture et un
hématome en lunettes faisant suspecter une fracture du plancher de l’orbite. L’existence d’une perte de
connaissance minime conduit à proposer l’hospitalisation pour surveillance du traumatisme crânien pendant 24
heures. Le bilan radiologique, notamment le scanner, confirme la fracture du plancher de l’orbite ; il n’y a pas de
complication neuro-chirurgicale.
A son arrivée, le personnel infirmier constate que la patiente est dépressive, pleure, s’inquiète pour ses enfants qui
sont au domicile. L’arrivée de son mari engendre une crise d’angoisse. L’écoute infirmière et médicale confirment
qu’elle a été poussée par son conjoint dans les escaliers. Le dialogue, dans une relation de confiance, à l’écart dans
un box d’examen, au calme, révèle la notion de violences conjugales depuis plusieurs années, survenues à la suite
de l’accouchement du second enfant.
Le mari se présente à l’accueil, demande à rejoindre son épouse, puis interpelle violemment le personnel qui n’a pas
répondu immédiatement à son injonction.
L’angoisse et la crise de panique que la situation engendre chez la patiente conduisent le médecin à l’hospitaliser
pour observation pendant 24 heures. Il n’était pas possible à ce stade de discuter et d’envisager une procédure de
plainte au commissariat. La décision a donc été prise avec son accord et intervention de l’administrateur de garde
d’une hospitalisation sous X pour soustraire la patiente à cette situation de crise et de domination violente.
Le lendemain matin, la patiente souhaite regagner son domicile. Elle bénéficie d’un arrêt de travail d’une semaine.
Un certificat médical prévoyant une ITT de 15 jours avec un nouvel avis médico-judiciaire à ce terme est établi. Il
est proposé de faire l’enregistrement d’une main courante ou d’un dépôt de plainte. Mais la patiente ne souhaite pas
déposer plainte car elle veut avant tout préserver l’existence d’une cellule familiale pour ses enfants. Une liaison
avec une association a été instaurée à la sortie ainsi qu’un bilan avec l’assistante sociale en parallèle avec le suivi de
la lésion maxillo-faciale. Un entretien avec le mari le lendemain se passe dans une situation plus calme et révèle
une alcoolisation chronique sévère justifiant un suivi.
Commentaires :
Le médecin, dans la situation d’assistance à personne en danger, peut engager une procédure d’hospitalisation pour
instaurer une phase de repos et soustraire la femme aux violences. L’hospitalisation sous X peut être utile pour
préserver l’essentiel lorsque la gravité des faits et la violence font craindre une menace immédiate.
La présence des enfants met la femme dans une situation difficile pour franchir le pas et porter plainte. Une enquête
sociale est indispensable pour vérifier qu’il n’y a pas une maltraitance associée des enfants.
Le médecin a l’obligation de constituer un dossier médical complet, qui pourra être très utile ultérieurement et servir
de témoignage lors d’une éventuelle procédure judiciaire.
OBSERVATION N° 2 :
Muriel, 41 ans, se présente à l’accueil des urgences pour une demande de certificat médical dans le cadre de coups
et blessures volontaires, un samedi à 23h. Elle est venue par ses propres moyens. Elle ne présente pas de traces
évidentes de traumatismes.
La patiente s’est présentée au commissariat, qui a refusé d’enregistrer une plainte et l’a orientée vers l’hôpital pour
qu’un certificat médical soit établi afin d’attester préalablement de l’existence de coups et blessures. Ce n’est
qu’avec ce certificat que les policiers décideront d’enregistrer une plainte.
L’examen somatique ne révèle aucune trace de traumatismes, hormis un minime hématome de l’épaule gauche.
L’interrogatoire retrouve des antécédents de violence conjugale depuis deux ans, avec une aggravation récente au
cours des derniers jours. Cette violence se manifeste par des insultes, une contrainte forte dans la vie quotidienne.
La patiente, qui vit au domicile conjugal avec trois enfants de 10, 14 et 17 ans, ne dispose d’aucune ressource
personnelle. L’examen clinique note un alcoolisme chronique (absorption de 80 g d’alcool/jour). On constate un
syndrome dépressif, une situation de panique et des pleurs à l’évocation des violentes disputes conjugales. Elle ne
dispose d’aucun soutien dans son environnement lui permettant d’envisager une alternative de vie. Deux ans plus
tôt, un certificat médical faisant mention d’hématomes multiples a été établi avec une ITT de 5 jours. Le
retentissement semble essentiellement être psychologique. Une consultation est proposée à la patiente 24h plus
tard, sans avoir la certitude qu’elle puisse s’y présenter.
Commentaires :
Lorsque les violences conjugales sont psychologiques, l’évaluation est difficile et parfois complexe et nécessite un
avis psychiatrique. L’alcoolisation et le syndrome dépressif peuvent être secondaires à des violences conjugales. Le
médecin doit établir un certificat médical en notant les dires de la patiente et ses constatations cliniques. Ce
certificat doit être fait par un docteur en médecine, possédant une expérience. La formation de médecin urgentiste
n’est pas actuellement adaptée.
Cette observation illustre deux faits : il est anormal que le commissariat n’ait pas enregistré la plainte ou une main
courante ; la sensibilisation des personnels infirmiers et médecins des urgences est indispensable pour assurer le
bon repérage de ce type de patientes, prendre une décision et surtout orienter la femme vers une association d’aide
aux victimes.
OBSERVATION N° 3 :
Jeanne, 52 ans, est hospitalisée pour tentative de suicide, associant la prise de différents médicaments et d’alcool.
Le bilan à la 24ème heure montre l’existence d’un syndrome dépressif évoluant depuis 3 ou 4 ans. C’est sa troisième
tentative de suicide. Le psychiatre pendant son entretien engage une relation de confiance avec la patiente, qui le
conduit à découvrir au bout de 45 minutes d’entretien, l’existence de violences conjugales. Des hématomes sont
constatés au niveau du dos et des cuisses, témoignant de violences datant de 5 ou 6 jours. Il n’y a pas d’argument
pour un traumatisme plus sévère. La patiente a perdu son travail depuis trois mois et se trouve confrontée à une
recrudescence des violences. Les trois épisodes de tentatives de suicide semblent toujours liés à une recrudescence
des violences. La femme ne souhaite pas être maintenue en hospitalisation et désire regagner son domicile. Elle ne
veut pas porter plainte, ni même recevoir de certificat descriptif. Elle sort contre avis médical, sans soutien
organisé.
Commentaires :
La récidive de tentative de suicide constitue une situation à risque et doit inciter le médecin à faire le diagnostic et
porter assistance. L’hospitalisation aurait peut-être permis une mise à l’écart ; elle est refusée par la patiente et il
ne peut être question de l’hospitaliser sous contrainte. La proposition d’assistance par une association, voire un
relais par un médecin traitant, sont essentiels pour essayer d’accompagner au plus proche du domicile les femmes
victimes de violences conjugales qui refusent toute autre solution. La procédure n’a pas été mise en route faute
d’une bonne articulation entre les différentes acteurs oeuvrant sur le terrain
MODELE DE CERTIFICAT MEDICAL
sans réquisition, pour un adulte
Je soussigné (e) : ………………….(NOM, prénom)………………, docteur en médecine,
certifie avoir examiné ce jour ( heure, jour, mois, année ) ……….…..…………………………,
à sa demande, Madame, Mademoiselle :……………………………….( NOM, prénom), née le : …………..……(jour,mois,
année), domiciliée à : ……………………………………………… (adresse précise).
Elle déclare avoir été victime de (description de l’agression)…………………………..…………
………………………………………………………………………………………………………le (heure, jour, mois, année)………………. à
……………………………………(lieu) par (inconnu ou personne connue)…………………
Madame, Mademoiselle……………….……. présente les signes suivants :
- à l’examen général : ………………………………………………………………………
(préciser le comportement, prostration, excitation, calme, frayeur, mutisme, état dépressif….)
- à l’examen somatique : …………………………………………………………………
( donner la description précise de toute lésion observée, traces d’ecchymoses, érosions cutanées, traces de
griffures, morsures, strangulation, tuméfactions, brulûres….….., indiquer le siège, l’étendue, le nombre, le caractère
ancien ou récent, les éléments de gravité………..).
- examens pratiqués : prélèvements, radiographies………….
En conclusion, Madame, Mademoiselle…………………..présente (ou non) des traces de violences récentes et une
réaction psychique compatible (ou non) avec l’agression qu’elle dit avoir subie (L’absence de lésions ne permet pas
de conclure à l’absence d’agression ).
L’Incapacité Totale de Travail (ITT) pourrait être de ….. jours sous réserve de complications. Des séquelles
pourraient persister donnant lieu à une Incapacité Permanente Partielle (IPP) à expertiser ultérieurement.
Certificat fait ce jour et remis en mains propres à l’intéressée pour valoir ce que de droit.
signature du médecin
MODELE DE CERTIFICAT MEDICAL
sur réquisition, pour un adulte
Je soussigné (e) : ………………….(NOM, prénom)………………, docteur en médecine,
certifie avoir été requis (e) en date du …………… par ……………………………..( OPJ, Police, Gendarmerie, Procureur…) afin
de procéder à ………………….. (mission figurant sur la réquisition).
Je certifie avoir examiné ce jour……………( heure, jour, mois, année ), Madame, Mademoiselle :……………………..(
NOM, prénom), née le : …………………..………… (jour, mois, année)
domiciliée à : ……………………………………………..………….( adresse précise).
Elle déclare avoir été victime de (description de l’agression)
……………………………………………………………………………………………………… le ………………. (heure, jour, mois, année) à
……………………….…………(lieu) par (inconnu ou personne connue)……………………………
Madame, Mademoiselle……………. présente les signes suivants :
- à l’examen général : ……………………………………………………………………
(préciser le comportement, prostration, excitation, calme, frayeur, mutisme, état dépressif….)
- à l’examen somatique : …………………………………………………………………
( donner la description précise de toute lésion observée, traces d’ecchymoses, érosions cutanées, traces de
griffures, morsures, strangulation, tuméfactions, brulûres….….., indiquer le siège, l’étendue, le nombre, le caractère
ancien ou récent, les éléments de gravité………..).
- examens pratiqués : prélèvements, radiographies………….
En conclusion, Madame, Mademoiselle…………..présente (ou non) des traces de violences récentes et une réaction
psychique compatible (ou non) avec l’agression qu’elle dit avoir subie.(L’absence de lésions ne permet pas de
conclure à l’absence d’agression).
L’Incapacité Totale de Travail (ITT) pourrait être de ….. jours sous réserve de complications. Des séquelles
pourraient persister donnant lieu à une Incapacité Permanente Partielle (IPP) à expertiser ultérieurement.
Certificat fait ce jour et remis en mains propres aux autorités requérantes.
Signature du médecin
Annexe 3 :
LISTE DES MEMBRES DU GROUPE D’EXPERTS
Président :
Pofesseur Roger HENRION
Ancien chef du service de gynécologie-obstétrique
de la Maternité Cochin Port Royal
Membre de l’Académie Nationale de Médecine
Mme Chantal BIRMAN
Sage-femme à la Maternité des Lilas
Professeur Dominique LECOMTE
Directrice de l’Institut Médico-légal de PARIS
Professeur Gérard BREART
Directeur de l’Unité 149 INSERM
Madame Viviane MONNIER
Fédération Nationale Solidarité Femmes
Docteur Pierre ESPINOZA
chef du service des Urgences de l’Hôtel-Dieu
Docteur Cécile MORVANT
Institut de l’Humanitaire
Docteur Sophie EYRAUD
Médecin généraliste
Hôpital Antoine Béclère
Docteur Monique MOULIAS
Présidente de CME
Hôpital de Neuilly/Courbevoie
Docteur Marie-France HIRIGOYEN
Psychiatre
Docteur Antoine PERRIN
Président de CME et de la Conférence des
présidents de CME
Chef du département d’ORL-Ophtalmologie
Centre hospitalier du Mans
Docteur Jacques LEBAS
Institut de l’Humanitaire
Membre du Haut comité de santé publique
Madame Marie-Josèphe SAUREL-CUBIZOLLES
Unité INSERM 149
Madame Catherine LESTERPT
Service des droits des femmes
Monsieur Bruno HUISMAN
Conseiller technique au cabinet dela secrétaire d’Etat à la santé
et aux handicapés
Monsieur François DELALANDE
Direction générale de l’Action sociale
La protection de l’enfant dans le droit
international humanitaire
FLa protection de l’enfant dans le droit international humanitaire
Denise Plattner, Juriste au CICR
I. INTRODUCTION [1]
C’est après la deuxième guerre mondiale que la protection juridique de l’enfant a trouvé sa place dans le droit
international humanitaire. Les expériences de ce conflit avaient en effet démontré de façon impérieuse la nécessité
d’élaborer un instrument de droit international public destiné à protéger, en temps de guerre, la population civile.
Les efforts du CICR dans ce domaine aboutirent à l’adoption de la IVe Convention de Genève, de 1949, relative à la
protection des personnes civiles en temps de guerre. Les enfants, en tant que membres de la population civile,
étaient dès lors mis au bénéfice de cette Convention. Par ailleurs, la Conférence diplomatique de 1949 donna le jour
à la première réglementation de droit international humanitaire des conflits armés non internationaux, contenue
dans l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949. Là également, les enfants sont protégés,
comme toutes « les personnes qui ne participent pas aux hostilités ».
Après la deuxième guerre mondiale, la communauté internationale voit l’apparition de nouvelles formes de conflits.
Les méthodes et les moyens de combat se perfectionnent. On assiste de plus en plus à des conflits mettant aux
prises des forces armées organisées et des combattants irréguliers. La guerre moderne cause des pertes beaucoup
plus sévères parmi les civils et, bien sûr, chez les enfants. De 1974 à 1977, une Conférence diplomatique se réunit,
en vue de compléter et de développer le droit international humanitaire pour tenir compte de cette évolution. A
l’issue de cette Conférence, en 1977, les deux Protocoles additionnels aux Conventions de Genève sont adoptés.
Ces instruments améliorent considérablement la protection de la population civile et, par conséquent, celle des
enfants. Que ce soit dans le Protocole I, applicable lors de conflits armés internationaux, ou dans le Protocole II,
relatif aux situations de conflits armés non internationaux, les dispositions nouvelles réaffirment et développent
celles de la IVe Convention de Genève [2].
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui oeuvre en faveur des victimes des conflits armés, a toujours
été particulièrement sensible au sort des enfants pendant la guerre. Depuis la première guerre mondiale en
particulier, il s’est efforcé de limiter leurs souffrances en contribuant à la codification de leur protection juridique,
d’une part, par son action dans les pays affectés par les conflits, d’autre part.
Il. LA PROTECTION DE L’ENFANT DANS LES CONVENTIONS DE GENÈVE ET
LES PROTOCOLES ADDITIONNELS
Dans le droit international humanitaire, l’enfant est l’objet d’une protection générale, en tant que personne ne
participant pas aux hostilités, et d’une protection spéciale, en raison de sa qualité d’être particulièrement
vulnérable. L’enfant qui participe aux hostilités est, d’autre part, également protégé. Les différents aspects de la
protection juridique de l’enfant seront examinés successivement dans les paragraphes qui suivent.
A. Protection générale de l’enfant, membre de la population civile
Lors d’un conflit armé international, l’enfant entre dans la catégorie des personnes protégées par la IVe Convention
de Genève, relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. A ce titre, il bénéficie notamment de
toutes les dispositions relatives au traitement des personnes protégées, qui énoncent le principe fondamental d’un
traitement humain, comportant le respect de la vie et de l’intégrité physique et morale, et interdisant notamment la
contrainte, les sévices corporels, la torture, les peines collectives, les représailles.
En tant que membre de la population civile, l’enfant bénéficie des règles de droit international humanitaire relatives
à la conduite des hostilités. Ces règles, qui développent le principe de la distinction entre civils et combattants et
celui de l’interdiction d’attaques dirigées entre la population civile, ont trouvé, en ce qui concerne les conflits armés
internationaux, leur expression écrite dans le Protocole additionnel I de 1977.
Dans un conflit armé non international, les enfants sont protégés par les garanties fondamentales relatives au
traitement des personnes qui ne participent pas aux hostilités, énoncées dans l’article 3 commun aux quatre
Conventions de Genève. Grâce à cette disposition, l’enfant a droit, pour le moins, dans le cadre de ces conflits
souvent très cruels, à un traitement humain, excluant les atteintes à sa vie, à son intégrité corporelle, à sa dignité.
Le Protocole additionnel II de 1977 codifie également le principe selon lequel ni la population civile en tant que telle
ni les personnes civiles ne devront être l’objet d’attaques.
B. Protection spéciale de l’enfant, membre de la population civile
1. Le principe
La IVe Convention de Genève contient un très grand nombre de dispositions en faveur des enfants. Elles
démontrent que, en 1949 déjà, on entendait protéger particulièrement l’enfant contre la guerre. Nulle part,
cependant, cette Convention n’énonce le principe qui se trouve à la base de ses nombreuses règles en faveur des
enfants.
Le Protocole additionnel I comble cette lacune. Son article 77 dispose: « Les enfants doivent faire l’objet d’un
respect particulier et doivent être protégés contre toute forme d’attentat à la pudeur. Les Parties au conflit leur
apporteront les soins et l’aide dont ils ont besoin du fait de leur âge ou pour toute autre raison. » Le principe de la
protection spéciale de l’enfant dans un conflit armé international est ainsi consacré de façon explicite.
Le même développement a été apporté, pour les conflits armés non internationaux, par le Protocole additionnel Il.
Son article 4, intitulé « Garanties fondamentales », contient un paragraphe exclusivement consacré aux enfants. Il y
est stipulé que « les enfants recevront les soins et l’aide dont ils ont besoin ». Cet article énumère les mesures
particulières dont les enfants doivent faire l’objet, donnant un contenu précis à la règle générale ci-dessus énoncée.
La teneur de l’article 4 permet d’apprécier l’importance que les auteurs du Protocole additionnel Il ont accordée à la
protection de l’enfant dans les conflits armés non internationaux et de soutenir que le principe de la protection
spéciale de l’enfant dans ces conflits y est affirmé.
2. Dispositions spéciales pour la protection contre les effets des hostilités
Les nouveau-nés sont assimilés aux « blessés », tels que définis par le Protocole I (art. 8, litt. a).
Les enfants de moins de quinze ans et les mères d’enfants de moins de sept ans font partie des catégories de la
population civile qui peuvent être accueillies dans les zones sanitaires et de sécurité établies par les Parties à un
conflit armé international conformément à l’article 14 de la IVe Convention de Genève. De même, les enfants et les
femmes en couches entrent dans la catégorie des personnes civiles qui, en vertu de la IVe Convention, devraient
être évacuées d’un lieu assiégé ou encerclé (art. 17).
Le Protocole additionnel I prévoit, à des conditions toutefois très strictes, l’évacuation temporaire des enfants, si
celle-ci est rendue nécessaire pour des raisons impérieuses tenant à leur sécurité (art. 78).
Pour le conflit armé non international, le Protocole additionnel Il encourage, à certaines conditions, l’évacuation
temporaire des enfants d’un secteur où des hostilités ont lieu vers un secteur plus sûr du pays (art. 4, par. 3, litt.
e).
3. Droit aux soins et à l’aide
Comme il a été mentionné auparavant, le Protocole additionnel I impose aux Parties à un conflit armé international
l’obligation d’apporter des soins et de l’aide aux enfants.
Dans la IVe Convention de Genève, plusieurs dispositions prennent en considération les besoins particuliers des
enfants.
Ainsi, toute Haute Partie contractante doit autoriser le libre passage de secours destinés aux enfants de moins de
quinze ans et aux femmes en couches (art. 23). Une Puissance occupante doit faciliter le bon fonctionnement des
établissements consacrés aux soins des enfants se trouvant en territoire occupé (art. 50). Une Partie en conflit a
l’obligation de pourvoir à l’entretien des personnes dépendant des internés qui restent sans moyens suffisants de
subsistance ou incapables de gagner elles-mêmes leur vie (art. 81). Les femmes en couches et les enfants âgés de
moins de quinze ans, qu’une Partie en conflit a dû interner pour des raisons de sécurité, doivent recevoir des
suppléments de nourriture, conformément à leurs besoins physiologiques (art. 89).
En vertu du Protocole additionnel I, priorité sera donnée, entre autres, aux enfants et aux femmes en couches lors
de la distribution d’envois de secours (art. 70, par. 1).
Enfin, l’évacuation temporaire des enfants aux termes de l’article 78 de ce Protocole est prévue également dans le
cas où des raisons tenant à la santé ou à un traitement médical des enfants l’exigent (art. 78, par. 1).
En ce qui concerne le conflit armé non international, le Protocole additionnel II, comme il a été mentionné
auparavant, énonce le droit aux soins et à l’aide des enfants (art. 4, par. 3).
4. L’enfant et sa famille
Au regard des conclusions d’une étude de l’UNESCO sur l’enfant et la guerre, les dispositions de droit international
humanitaire qui ont pour objet de préserver l’unité familiale dans les conflits armés revêtent une importance
particulière. Selon cette étude en effet:
«Lorsqu’on approfondit la nature de la souffrance psychique chez l’enfant victime de la guerre, on découvre que ce
ne sont pas les faits de guerre eux-mêmes – tels que bombardements, opérations militaires qui l’ont affecté
émotionnellement. Son sens de l’aventure, son intérêt pour la destruction et le mouvement peuvent s’accommoder
des pires dangers, et il ne prend pas conscience du péril s’il garde auprès de lui le protecteur qui, dans son coeur
d’enfant, incarne la sécurité, et s’il peut en même temps serrer dans ses bras quelque objet familier.
C’est la répercussion des événements sur ses liens affectifs familiaux et la séparation d’avec le cadre coutumier de
sa vie qui affectent l’enfant et, par-dessus tout, l’arrachement brutal à sa mère » [3].
Le Protocole additionnel I énonce le devoir général des Hautes Parties contractantes et des Parties en conflit de
favoriser le regroupement des familles qui se retrouvent dispersées après l’éclatement d’un conflit armé
international (art. 74).
L’unité de la famille est prise en considération dans les différentes prescriptions relatives au traitement des
personnes privées de liberté. La IVe Convention de Genève dispose que, dans toute la mesure du possible, les
membres d’une famille qui sont internés seront réunis dans les mêmes locaux, seront logés séparément des autres
internés, et que les facilités nécessaires leur seront accordées pour mener une vie de famille (art. 82). Les internés
pourront demander que leurs enfants laissés sans surveillance soient internés (art. 82). Selon le Protocole
additionnel I, l’unité des familles arrêtées, détenues ou internées sera préservée autant que possible pour leur
logement (art. 75, par. 5).
C’est aussi le souci de préserver une présence maternelle à l’enfant qui se trouve à l’origine des règles du Protocole
additionnel I sur les mères d’enfants en bas âge dépendant d’elles qui sont arrêtées, détenues ou internées. Leur
cas doit être examiné en priorité (art. 76, par. 2). Les Parties en conflit doivent éviter de prononcer des
condamnations à mort contre elles, si la condamnation à mort est prononcée, elle ne sera pas exécutée (art. 76,
par. 3).
La protection du lien familial a été prise en considération pour l’évacuation temporaire des enfants aux termes de
l’article 78 du Protocole additionnel I. Cette opération est soumise à des conditions très strictes. Le consentement
des parents, des tuteurs ou des personnes à qui la loi ou la coutume attribue principalement la garde des enfants
est requis (art. 78, par. 1). En outre, toutes les mesures devront être prises pour conserver l’identité des enfants
évacués (art. 78, par. 3).
En vertu du principe de l’intangibilité du statut personnel de l’enfant, énoncé dans la IVe Convention de Genève, il
est interdit à une Puissance occupante de modifier la situation de famille ou l’état civil des enfants (art. 50).
En ce qui concerne la protection de la famille, citons également l’article 51 de la IVe Convention de Genève, qui
interdit à une Puissance occupante d’astreindre au travail des personnes protégées âgées de moins de dix-huit ans.
Enfin, l’exposé de toutes les mesures prévues par le droit international humanitaire pour préserver les liens entre
l’enfant et sa famille serait incomplet si l’on ne mentionnait pas, d’une part, les dispositions qui ont pour but de
garder la trace des personnes protégées, d’autre part, celles qui permettent aux membres de leur famille de
connaître le sort des personnes protégées.
Au vu de la IVe Convention de Genève, les Parties en conflit doivent s’efforcer de prendre des mesures pour que
tous les enfants de moins de douze ans soient identifiés, notamment par le port d’une plaque d’identité (art. 24).
Une Puissance occupante doit faciliter l’identification des enfants et l’enregistrement de leur filiation, et créer, au
sein de son bureau de renseignements sur les personnes protégées, une section spéciale chargée de rechercher
l’identité des enfants qui serait restée incertaine (art. 50). Il faut insister sur l’extrême importance d’un système
d’identification des enfants et notamment des enfants en bas âge. C’est le seul moyen d’éviter que des milliers
d’enfants ne soient abandonnés par suite des événements de la guerre: exodes, bombardements, destructions de
villes, déportations, etc.
La IVe Convention de Genève reconnaît en outre le droit à toute personne se trouvant sur le territoire d’une Partie
en conflit ou dans un territoire occupé par elle de donner de ses nouvelles aux membres de sa famille, où qu’ils se
trouvent (art. 25). Enfin, grâce au système mis en place par les Conventions de Genève et les compétences
reconnues à l’Agence centrale de recherches par les Conventions de Genève [4] , les parents peuvent recevoir des
informations sur les enfants qui se trouvent au pouvoir d’une Partie en conflit et réciproquement (art. 136 et ss).
Pour le conflit armé non international, le Protocole additionnel Il dispose que toutes les mesures appropriées doivent
être prises pour faciliter le regroupement des familles momentanément séparées (art. 4, par. 3, litt. d).
L’évacuation des enfants est subordonnée « au consentement des parents ou des personnes qui en ont la garde à
titre principal en vertu de la loi ou de la coutume » (art. 4, par. 3, litt. e). La peine de mort ne sera pas exécutée
contre les mères d’enfants en bas âge (art. 6, par. 4).
5. L’environnement culturel de l’enfant
Lorsque l’enfant reste au sein de sa famille, il bénéficie de l’environnement culturel auquel il est habitué. En
protégeant le milieu familial de l’enfant, le droit international humanitaire protège également les valeurs morales, la
religion, la culture et les traditions dans lesquelles l’enfant a été élevé. Si l’enfant est orphelin, ou séparé de ses
parents, cet environnement culturel peut être affecté par le conflit. Il ressort des dispositions du droit international
humanitaire relatives à cette catégorie d’enfants, que les auteurs de la IVe Convention de Genève et du Protocole
additionnel I se sont tenus au principe selon lequel les enfants, en cas de conflit armé international, doivent
bénéficier d’un environnement aussi proche que possible de celui auquel ils sont habitués.
Ainsi, dans la IVe Convention de Genève, les Parties en conflit doivent en toutes circonstances faciliter, pour les
enfants séparés ou orphelins, « la pratique de leur religion et leur éducation. Celle-ci sera si possible confiée à des
personnes de même tradition culturelle » (art. 24). L’accueil de ces enfants en pays neutre devra répondre aux
mêmes principes (art. 24). La Puissance occupante devra prendre des dispositions pour assurer l’entretien et
l’éducation des enfants orphelins ou séparés, « si possible par des personnes de leur nationalité, langue et religion,
… en l’absence d’un proche parent ou d’un ami qui pourrait y pourvoir » (art. 50).
Dans le Protocole additionnel I, l’article relatif à l’évacuation des enfants vers un pays étranger dispose que «
l’éducation de chaque enfant évacué, y compris son éducation religieuse et morale telle que la désirent ses parents,
devra être assurée d’une façon aussi continue que possible » (art. 78, par. 2).
6. L’éducation des enfants
Outre les dispositions qui viennent d’être mentionnées sur l’éducation des enfants orphelins ou séparés, la IVe
Convention de Genève impose certains devoirs généraux en matière d’éducation des enfants à une Partie à un
conflit armé international. La Puissance occupante doit faciliter le bon fonctionnement des établissements consacrés
à l’éducation des enfants (art. 50). La Puissance détentrice doit assurer l’instruction des enfants et des adolescents
internés, qui peuvent fréquenter des écoles (art. 94).
Pour le conflit armé non international, le Protocole additionnel II prévoit que les enfants « devront recevoir une
éducation, y compris une éducation religieuse et morale, telle que la désirent leurs parents ou, en l’absence de
parents, les personnes qui en ont la garde » (art. 4, par. 3, litt. a).
7. Les droits personnels de l’enfant
La IVe Convention de Genève interdit à la Puissance occupante de modifier le statut personnel des enfants (art. 50).
Leur nationalité et leur état civil ne devront donc pas subir de changements du fait de l’occupation qui complète, en
faveur des enfants, les principes essentiels du respect de la personne et des droits familiaux proclamés à l’article 27
de cette Convention. D’autre part, la Puissance occupante ne doit pas enrôler les enfants dans des formations ou
des organisations dépendant d’elle (art. 50). Cette interdiction est destinée à empêcher le renouvellement des
massives incorporations forcées qui se sont produites au cours de la seconde guerre mondiale, où de nombreux
enfants avaient été enrôlés d’office dans des organisations et mouvements consacrés principalement à des fins
politiques.
8. Le respect du traitement préférentiel de l’enfant
Si la IVe Convention de Genève n’énonce pas le principe de la protection spéciale qui doit être accordée à l’enfant,
deux de ses dispositions stipulent en revanche expressément que le régime de faveur accordé aux enfants par les
législations nationales doit être respecté en cas de conflit armé international. En effet, bien souvent, les pays en
guerre promulguent des dispositions en faveur des personnes dont la vulnérabilité appelle des mesures spéciales :
octroi de cartes d’alimentation supplémentaires, facilités pour les soins médicaux et hospitaliers, assistance sociale,
mesures de protection contre les effets de la guerre, etc. Les enfants de moins de quinze ans et les mères d’enfants
de moins de sept ans qui sont ressortissants de la Partie adverse doivent bénéficier de tout traitement préférentiel
qui est accordé aux ressortissants nationaux des catégories correspondantes (art. 38). De même, la Puissance
occupante ne devra pas entraver l’application des mesures préférentielles prises en faveur de ces personnes avant
l’occupation (art. 50).
9. L’enfant arrêté, détenu ou interné
Le droit international autorise une Partie à un conflit armé international à prendre, à l’égard des personnes
protégées, des mesures destinées à assurer sa propre sécurité. L’internement constitue une de ces mesures. En
outre, la Puissance occupante peut inculper des personnes protégées, pour infraction à la législation nationale en
vigueur dans le territoire occupé, ou pour infraction aux dispositions qu’elle aura édictées pour assurer sa propre
sécurité. L’enfant, comme n’importe quelle personne protégée, peut être interné. Il peut également être inculpé,
comme il pourrait l’être en temps de paix, pour avoir commis, sur un territoire occupé, une infraction au droit pénal,
ou s’être livré à des actes portant atteinte à la sécurité de la Puissance occupante. Il peut, enfin, contrairement au
droit international humanitaire (voir C ci-dessous), avoir été enrôlé dans les forces armées et être capturé en tant
que combattant de ces forces. Le droit international humanitaire, en tenant compte de ces situations, prévoit des
dispositions particulières en faveur de l’enfant privé de liberté.
En vertu du Protocole additionnel I, l’enfant arrêté, détenu ou interné doit être gardé dans des locaux séparés de
ceux des adultes, sauf dans les cas où il loge avec sa famille (art. 77, ch. 4).
La IVe Convention prévoit le regroupement des enfants avec leurs parents internés (art. 82), tandis que le Protocole
additionnel I l’étend à toutes les personnes qui sont au pouvoir d’une Partie en conflit (art. 75,
par. 5) (voir § 4 ci-dessus).
La IVe Convention de Genève prévoit l’instruction des enfants et des adolescents internés (voir § 6 ci-dessus), ainsi
que des emplacements spéciaux pour le jeu et le sport (art. 94). Des suppléments de nourriture (art. 89) sont
prévus (voir § 3 ci-dessus). Enfin, cette Convention encourage la libération, le rapatriement, le retour au lieu de
domicile ou l’hospitalisation en pays neutre des enfants et des mères avec nourrissons et enfants en bas âge
internés (art. 132).
Selon la IVe Convention de Genève, il sera tenu compte, pour les mineurs inculpés, du régime spécial prévu par la
législation en vigueur avant l’occupation (art. 76).
Aux termes du Protocole additionnel I, les enfants participant directement aux hostilités alors qu’ils n’ont pas quinze
ans révolus restent, s’ils tombent au pouvoir d’une partie adverse, au bénéfice de la protection spéciale accordée
par l’article 77 (art. 77, par. 3) (voir C ci-dessous).
Pour le conflit armé non international, le Protocole additionnel Il contient une stipulation identique en faveur des
enfants de moins de quinze ans participant aux hostilités (art. 4, par. 3, litt. d) (voir C ci-dessous).
10. L’enfant et la peine de mort
Les auteurs tarit de la IVe Convention de Genève que des Protocoles additionnels ont fixé à dix-huit ans l’âge limite
au-dessous duquel aucune condamnation à mort ne doit être exécutées. Selon le Commentaire de la IVe
Convention:
« Il s’agit d’une limite absolue qui s’oppose à l’exécution de la peine capitale, même si toutes les conditions qui
rendent cette peine applicable se trouvent réunies. Elle correspond à des dispositions que l’on retrouve dans le code
pénal de nombreux pays, et procède de l’idée qu’avant dix-huit ans l’individu n’est pas entièrement capable de
discernement, qu’il ne mesure pas toujours la portée de ses actes et agit souvent sous l’influence d’autrui, si ce
n’est sous la contrainte» [5].
En ce qui concerne le conflit armé international, le Protocole additionnel I interdit l’exécution d’une condamnation à
mort pour une infraction liée au conflit armé contre les personnes qui n’avaient pas dix-huit ans au moment de
l’infraction (art. 77, par. 5). La IVe Convention de Genève interdit de prononcer la peine de mort contre une
personne protégée d’un territoire occupé âgée de moins de dix-huit ans au moment de l’infraction (art. 68).
Pour le conflit armé non international, le Protocole additionnel II interdit également de prononcer la peine de mort
contre les personnes âgées de moins de dix-huit ans au moment de l’infraction (art. 6, par. 4).
11. L’enfant orphelin ou séparé
Les dispositions que les Parties à un conflit armé international doivent prendre à l’égard des enfants orphelins ou
séparés du fait de la guerre ont déjà été évoquées dans les paragraphes consacrés à l’enfant et sa famille (voir § 4)
et à l’environnement culturel de l’enfant (voir § 5).
La IVe Convention de Genève accorde une importance particulière à la situation des enfants orphelins ou séparés de
leur famille. Les Parties en conflit ont le devoir de prendre les mesures nécessaires pour que l’entretien et
l’éducation des enfants de moins de quinze ans devenus orphelins ou séparés du fait de la guerre soient assurés, et
qu’ils ne soient pas laissés à eux-mêmes (art. 24). L’accueil en pays neutre est prévu (art. 24). Les auteurs de la
Convention ont choisi la limite d’âge de quinze ans, parce qu’ils ont estimé que le développement des facultés à
partir de cet âge n’imposait plus avec la même nécessité des mesures spéciales [6]. De même, la Puissance
occupante doit veiller à ce que l’entretien et l’éducation des enfants orphelins ou séparés en territoire occupé soient
assurés (art. 50).
C. La participation des enfants aux hostilités
Les Protocoles additionnels contiennent des dispositions relatives à un problème nouveau, celui de la participation
des enfants aux hostilités.
Il s’agit de l’une des conséquences de l’évolution survenue dans la nature des conflits, caractérisés par le fait que
civils et combattants sont souvent mélangés. C’est dans ce contexte qu’il faut placer la participation des enfants aux
hostilités, participation qui peut s’étendre d’une aide indirecte aux combattants jusqu’à l’enrôlement dans les forces
armées. Il n’aurait été ni réaliste, ni même possible, d’interdire de façon absolue la participation des enfants aux
hostilités. Les Protocoles additionnels tendent à l’exclure dans la mesure du possible, en prohibant notamment le
recrutement de jeunes gens au-dessous de quinze ans (art. 77, par. 2 du Protocole I et art. 4, par. 3, litt. c du
Protocole II). Le Protocole I encourage en outre les Parties en conflit, si elles enrôlent des personnes de plus de
quinze ans mais de moins de dix-huit ans, à donner la priorité aux plus âgés (art. 77, par. 2).
Si, malgré les dispositions des Protocoles additionnels, les enfants de moins de quinze ans participent directement
aux hostilités et sont capturés, ils restent au bénéfice de la protection des enfants prévue par ces instruments (art.
77, par. 3 du Protocole I et 4, par. 3, litt. d du Protocole II).
III. L’ACTION DU CICR EN FAVEUR DES ENFANTS VICTIMES DE CONFLITS
Le CICR a toujours travaillé activement à la promotion de la protection juridique de l’enfant. C’est ainsi que, en
1939 déjà, le CICR et l’Union internationale de protection de l’enfance présentèrent un projet de Convention pour la
protection de l’enfant, qui ne vit pas le jour en raison du début de la seconde guerre mondiale. Lors des
Conférences diplomatiques de 1949 tout d’abord, puis de 1974-1977, le CICR s’est employé à promouvoir, puis à
développer et à compléter la protection juridique de l’enfant.
Conformément à sa tradition d’institution humanitaire et à son mandat, le CICR n’a cependant pas attendu la
création de dispositions légales protégeant l’enfant dans les conflits armés pour entreprendre, sur le terrain, des
actions destinées à la protection des enfants. Tout au long des conflits, les initiatives du CICR précèdent la
protection juridique de l’enfant, et cherchent à la compléter ou à y suppléer, lorsque les mécanismes d’application
du droit international humanitaire font défaut.
Pendant la seconde guerre mondiale, au milieu de tant d’horreurs et malgré les difficultés qu’il a rencontrées dans
ses activités en faveur des civils, notamment en raison de l’absence de toute base juridique, le CICR a pu organiser
certaines actions, telles que le placement des jeunes au-dessous de dix-huit ans dans des camps spéciaux,
l’organisation d’émissions radiophoniques en vue de faciliter la réunion d’enfants séparés de leurs parents, la
création de homes d’accueil dans les pays dévastés par la guerre.
Il y a un domaine dans lequel le CICR a apporté et continue d’apporter une contribution d’une importance
primordiale pour les enfants: la recherche de personnes disparues, l’échange de messages familiaux et le
regroupement des familles séparées des deux côtés du front. Depuis plus d’un siècle, l’Agence centrale de
recherches du CICR recueille et transmet des renseignements sur les personnes disparues, capturées, réfugiées,
libérées ou rapatriées et informe les familles; lorsque les canaux normaux de communication sont coupés, elle
assure la transmission des messages familiaux. Dans le cadre de ces tâches, les délégués du CICR s’occupent en
priorité de retrouver les enfants disparus, de les mettre en contact et de les réunir avec leur famille. Parmi les
tâches de l’Agence centrale de recherches du CICR accomplies ces dernières années en faveur des enfants séparés
de leurs parents du fait de la guerre, on peut mentionner, entre autres, l’identification des enfants khmers non
accompagnés installés dans les camps de réfugiés en Thaïlande à la suite du conflit du Kampuchéa. C’est ainsi que,
en 1980, 3500 cas de mineurs non accompagnés ont été enregistrés par le CICR, en collaboration avec le Haut
Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et certaines Agences volontaires, dans la perspective de réunir des
familles séparées par suite du conflit.
En matière d’assistance, les enfants bénéficient des actions de secours que le CICR entreprend en faveur des
populations civiles affectées par un conflit. Dans certains cas, les bénéficiaires principaux des programmes
d’assistance du CICR sont les enfants et les adolescents. Il en a été ainsi, par exemple, en Zambie, lors du conflit en
Rhodésie/Zimbabwé, où, sur 29 000 réfugiés de Rhodésie/Zimbabwé, 18 000 étaient des jeunes gens et des jeunes
filles de moins de seize ans, et 300 des jeunes femmes avec leurs bébés. Le CICR, jusqu’à la fin du conflit (1980),
fournit en faveur de ces personnes une importante aide médicale et matérielle.
Il arrive également au CICR de décider d’entreprendre une action destinée spécialement aux enfants. On peut citer,
à cet égard, le programme d’assistance aux orphelinats que le CICR a entrepris au Kampuchéa, en 1981.
Le CICR cherche à protéger toutes les victimes des conflits armés, et les enfants, à ce titre, sont inclus dans les
interventions du CICR lors de ces conflits. C’est dire que les enfants seront visités par le CICR s’ils sont au pouvoir
d’une Partie en conflit et seront, de manière générale, compris dans les démarches ou les interventions du CICR en
faveur des victimes des conflits armés. Les enfants peuvent cependant faire l’objet d’une mesure particulière de
protection du CICR. C’est ainsi que, par exemple, le lendemain de la première visite du CICR au camp d’Al-Ansar au
Sud-Liban, où furent détenus principalement des prisonniers palestiniens, 212 enfants de moins de seize ans ont été
libérés sous les auspices du CICR. Le groupe d’enfants a été pris en charge par les délégués du CICR, qui se sont
assurés de leur retour dans leurs familles dans les différentes régions du Liban (septembre-octobre 1982).
IV. CONCLUSION
De nombreuses dispositions du droit international humanitaire consacrent et développent le principe de la protection
spéciale de l’enfant en temps de conflit armé. L’action du CICR, aussi bien lorsqu’elle est destinée à toutes les
victimes des conflits armés que lorsqu’elle s’adresse aux enfants en particulier, qu’elle tend au respect du droit
international humanitaire ou qu’elle se manifeste par des mesures concrètes, inscrites dans le quotidien des tâches
de ses délégués, contribue indubitablement à donner une certaine affectivité au principe de la protection de l’enfant
victime de la guerre. A vrai dire, cette protection fait partie de la protection des civils contre les effets des hostilités.
C’est dans cette perspective-là que la protection de l’enfant doit tout d’abord être située.
Notes
1. Travail présenté au Symposium international « Les enfants et la guerre», réuni à Siuntio Baths, Finlande, du 24
au 27 mars 1983.
2. Au 31 décembre 1983, 38 Etats étaient parties au Protocole I, et 31 au Protocole Il.
3. Extrait de L’enfance, victime de la guerre, une étude de la situation européenne, par le docteur Thérèse Brosse,
UNESCO, 1949, Paris, pp. 11-12, cité dans le « Rapport sur les travaux de la Conférence d’experts
gouvernementaux », vol.II, CICR, 1972, p. 98.
4. L’origine des dispositions sur l’Agence centrale de renseignements dans les Conventions de Genève remonte aux
toutes premières actions du CICR en faveur des victimes des conflits. Mais c’est en 1914 que le CICR créa, pour la
première fois, une Agence internationale des prisonniers de guerre, chargée de recueillir et de transmettre des
renseignements sur les prisonniers (blessés, malades et morts) et également sur les civils. L’existence et le
fonctionnement de cette Agence fut sanctionnée par la Convention de 1929 relative au traitement des prisonniers
de guerre. Pendant la deuxième guerre mondiale, le CICR ouvrit, à Genève, l’Agence centrale des prisonniers de
guerre, dont l’activité, qui s’étendit aux civils également, fut considérable. La Conférence diplomatique de 1949
confirma les compétences de l’Agence centrale de renseignements dans la Ille Convention de Genève, relative aux
prisonniers de guerre, et les répéta dans la IVe Convention de Genève, relative aux civils. Les tâches principales de
l’ACR au vu des Conventions de Genève sont le recueil et la transmission de renseignements sur les personnes
protégées. Actuellement, l’Agence centrale de recherches du CICR continue le travail de l’Agence centrale des
prisonniers de guerre. Elle fonctionne sous cette dénomination depuis 1960, en tant que département du CICR et à
titre permanent.
5. Commentaire de la IVe Convention de Genève, Comité international de la Croix-Rouge, Genève, 1956, ad article
68, p. 372.
6. Ibid., ad article 24, p. 201
Ce recueille et uniquement pour mieux vous défendre
Un grand merci
Professeur Jean-Paul Doucet
Maitre A
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Merci également à SOS PAPA
Mr……………..
Merci a Mr Céccaldi Raynot
Conseiller Général des hauts de S eines
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Un grand merci également aux Artiste
Merci à la vice Présidente qui fait un travaille
Remarquable
Président Lorentz Emeric Marc
Vice Présidente et Présidente de La Gazette de Puteaux
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