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Tout le système policier mexicain fonctionne mal»

«Tout le système policier mexicain fonctionne mal»

AFFAIRE CASSEZ - Un entretien avec Ana Laura Magaloni, juriste mexicaine au Centre de recherche et d'enseignement économique (CIDE).

LE FIGARO. - Comment voyez-vous le fonctionnement de la justice mexicaine?

Ana Laura MAGALONI. - J'ai analysé de nombreux procès qui se sont déroulés au Mexique. Dans nombre d'entre eux, j'ai relevé beaucoup d'irrégularités, qui proviennent la plupart du temps du ministère public et de la police.

Quels types d'irrégularités sont le plus courants?

Les plus importantes que j'ai relevées viennent des témoignages. Au Mexique, vous pouvez condamner quelqu'un sur la seule foi de témoignages, sans qu'il existe une quelconque preuve. Il n'y a pas de procédure fiable d'identification des témoins. N'importe qui peut témoigner sans qu'on sache vraiment qui il est. Dans la plupart des pays, l'identification des témoins est beaucoup plus rigoureuse.

La condamnation de Florence Cassez repose sur ce type de témoignages?

Cette procédure est typique de la capacité de la police et du ministère public à fabriquer des témoignages. La plupart n'étaient pas des témoignages spontanés mais des témoignages provoqués. Et toute la procédure ne repose que sur les témoignages. Il n'y a aucune preuve. C'est typique du système juridique mexicain. On a vu Florence Cassez se faire arrêter par la police «en direct à la télévision». Elle était donc forcément coupable pour tous les Mexicains et coupable du crime qui terrifie le plus toutes les familles mexicaines: l'enlèvement. Qui pouvait rester neutre après la diffusion de cette falsification? Les témoignages viennent des victimes. On sait qu'une victime livre toujours un témoignage peu fiable. Comment une personne, terrifiée par ce qui lui arrive, peut-elle se souvenir de façon aussi précise d'une voix? Qui plus est, les témoignages ont été enregistrés plusieurs mois après les faits. Et en plus, ils ont changé au cours du temps. Les premières déclarations, avant l'arrestation de Florence Cassez, ne l'incriminaient pas dans les enlèvements organisés par son ami Israel. Ces témoignages ne pouvaient donc suffire à la condamner.

L'opinion des Mexicains a-t-elle évolué ces derniers mois?

Oui. Beaucoup de prises de position dans les journaux et dans les médias en général remettent en cause le fonctionnement de la justice à partir de l'affaire Cassez. Un article de Silva-Herzog dans le journal La Reforma il y a quelques jours a eu un grand retentissement.

Avez-vous constaté une amélioration du fonctionnement de la justice récemment?

Non. La police, qu'elle soit fédérale ou locale, utilise toujours les mêmes méthodes. Certains juges ont tenté de lutter contre cela, mais cela n'a servi à rien. Ce n'est pas le fait d'individus isolés, c'est tout le système policier et judiciaire qui fonctionne mal. Tant qu'il n'y aura pas un coût à ces comportements, tout continuera comme avant. Une libération de Florence Cassez pourrait représenter un coût salutaire pour l'institution. C'est pour cela qu'il est important que la Cour se prononce en faveur d'une libération. Les juges n'exercent plus leur rôle de contrôle de l'arbitraire de la police et du ministère public car ils sont soumis au système. Une libération lancerait un signal fort pour montrer que tout n'est pas possible et que les juges doivent faire leur travail.



23/07/2013
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