UNIVERSITE DE PARAKOU mémoire FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
REPUBLIQUE DU BENIN
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MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE
SCIENTIFIQUE
UNIVERSITE DE PARAKOU
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
MEMOIRE DE MAITRISE Es Sciences Juridiques
OPTION I : DROIT PUBLIC
THEME :
LE TRAFIC DES ENFANTS AU BENIN : ANALYSE DES CONDITIONS SOCIO-JURIDIQUES ET DU CADRE ADMINISTRATIF
PRESENTE ET SOUTENU PAR : SOUS LA DIRECTION DE :
EL-Oumar ABOUBAKAR Monsieur Kossi Albert-Francis THOO
LL. M., Docteur en Droit Privé, Professeur Assistant à l'Université de Parakou
ANNEE ACADEMIQUE 2006-2007
INTRODUCTION GENERALE
Le trafic des enfants est décrié depuis plusieurs décennies sur le continent africain et surtout au Bénin, qui est perçu comme plate tournante de mouvements migratoires d'enfants en Afrique de l'Ouest. Le phénomène est devenu aujourd'hui un véritable fléau qui ne cesse de faire de nombreuses victimes.
Malgré les multiples séances de sensibilisation et de répression, ce phénomène continue encore d'être pratiqué dans l'ombre à travers des réseaux bien organisés qui opèrent au grand mépris de toute morale, de toute éthique et en violation des règles en matière des droits des enfants. Entre 1996 et 2000, il y a eu plus de trois cent mille (300) enfants âgés de huit à quinze ans que des trafiquants tentaient d'emmener à l'étranger ont été interceptés aux frontières par la police béninoise. En 2001, l'affaire «ETIRENO«, du nom du navire intercepté dans le Golf de Guinée, chargé de près de deux cent cinquante enfants béninois victimes présumés d'un trafic, a suscité l'émoi dans la communauté internationale.1
Dans le cas du Bénin et du Nigéria par exemple, entre septembre et octobre 2003, deux cent soixante un (261) enfants victimes d'exploitation et de trafic ont pu être récupérés dans le cadre des opérations de secours menées par la communauté béninoise d'Abeokuta, puis par les services nigérians de la police et de l'immigration.2
En effet, ce phénomène est lié à la forte demande et à la présence de main d'oeuvre, mais aussi à la réalité d'une situation économique très difficile à laquelle sont confrontées les populations, particulièrement les femmes et les enfants.
Du fait, des profits très importants que rapporte ce trafic, des faibles chances que les trafiquants ont de se faire arrêter et des peines non dissuasives qu'ils risquent, les groupes criminels organisés s'investissent de plus en plus dans les activités de traite des personnes.
1 Le Bénin, plate tournante du trafic des mineurs en Afrique de l'ouest (ECLAIREGE) (AFV, Cotonou, 14 avril 2001), p 8.
2 TERRE DES HOMMES : Les petites mains des carrières de pierre, Cotonou, 2005, p 12.
A ce titre, chaque année, plusieurs centaines d'enfants quittent les villages et campagnes du Bénin pour aller à destination, soit pour se retrouver dans des centres urbains comme Cotonou, Porto-Novo, Parakou ; soit pour se retrouver dans certains pays de la sous-région dont le Nigéria, le Gabon ou la Côte d'Ivoire où ils sont soumis à de pires formes de travaux, aux activités inhumaines et dégradantes. Ils sont exploités, maltraités, bref, ils vivent dans des conditions défavorables présentant des caractéristiques communes ayant des conséquences multiples et variées.
Au demeurant, il est significatif de mentionner que le phénomène du trafic des enfants reste avant tout favorisé par des facteurs d'ordre économique, sociologique, culturel... dont seule la répression pourrait permettre de venir à bout.
En effet, beaucoup d'efforts sont déployés pour mieux cerner les contours du trafic des enfants en vue d'analyser la situation et de réduire substantiellement voire systématiquement la persistance du phénomène. Ces efforts se traduisent par la prise de mesures dissuasives (création d'importantes structures étatiques, l'ouverture à l'appui des ONGs internationales travaillant pour la lutte contre le trafic d'enfants) par le gouvernement béninois.
Cependant, force est de constater que ces efforts sont restés jusqu'ici quelque peu épars car, le Bénin continue d'être un pays récepteur, un pays pourvoyeur et un pays de transit.
C'est dans cette perspective que s'inscrit le choix de ce thème intitulé : «Le trafic des enfants au Bénin : Analyse des conditions socio-juridiques et du cadre administratif ».
En effet, la présente étude a pour buts de faire l'analyse des conditions juridiques et l'examen du cadre politique et administratif de la lutte contre le trafic des enfants au Bénin, de dénoncer ou de relever les insuffisances du système de lutte contre ce trafic, et par ricochets de proposer quelques approches de solutions.
Par ailleurs, l'objectif est de renforcer les capacités des communautés en vue de contribuer à la réduction voire à l'éradication systématique du phénomène.
En conséquence, face au phénomène du trafic des enfants, une multitude d'interrogations se posent à savoir :
Quelles sont les différentes causes de ce phénomène ?
Quelles en sont les manifestations et les conséquences ?
Quelles sont les mesures prises par la communauté internationale en général et le Bénin plus précisément pour lutter contre le trafic ?
Quelles insuffisances peut-on relever dans ces différentes mesures et quelles perspectives envisager à ce propos ?
Pour répondre à ces interrogations, une méthode a permis d'aborder le sujet deux aspects :
D'une part, il faudra faire une analyse de l'espace juridique et social applicable au trafic (conventions internationales et / ou accords bilatéraux ratifiés, lois et textes réglementaires formant la législation nationale en la matière).
D'autre part, il faudra faire un examen du cadre politique et administratif du trafic des enfants au Bénin, afin d'en identifier les insuffisances et de proposer des solutions d'amélioration.
Première partie :
Espace juridique et social de la lutte contre
le trafic des enfants
L'enfant africain perd de plus en plus toute considération et l'attention dont il était l'objet jadis dans l'ancienne société africaine. Autrefois l'enfant africain était sacralisé, il faisait l'objet d'un véritable culte. Les parents ne laissaient leurs enfants partir de la maison qu'à une double condition, à savoir : la certitude qu'il ont d'une bonne éducation à leur destination et la garantie d'une sécurité totale.
Aujourd'hui, « certains parents par manque d'informations, d'imprudence, de cupidité ou par désespoir dus aux conditions de vie difficiles laissent partir leurs enfants pour des destinations inconnues et sans la moindre garantie de protection et d'épanouissement ».3
A cet effet, le placement d'enfants qui, autrefois constituait une coutume dans la culture africaine, devient malheureusement aujourd'hui une migration infantile illicite, aussi bien au plan interne qu'au plan international : «c'est le trafic des enfants«.
Pour mieux comprendre la question du trafic des enfants, il faudra dans un premier chapitre, faire un exposé sur la signification et les causes profondes du «fléau«. Dans un second chapitre, il sera question de faire une analyse du cadre juridique du trafic d'enfants en République du Bénin.
3 Manuel d'information, d'éducation et de communication pour la lutte contre les migrations et le trafic des enfants 1ère édition, septembre 2002, p 8.
Chapitre 1er : Signification et causes profondes du trafic des enfants
Le trafic des enfants a pour effet non seulement, l'exploitation sexuelle des enfants mais également leur utilisation pour des travaux parfois ignobles.
Une définition plus ample et une identification plus approfondie de quelques causes profondes nous permettront de mieux appréhender ou mieux connaître le phénomène du trafic des enfants.
Section 1 : Significations et manifestations du trafic des enfants.
Il s'agira ici dans un premier temps de définir le concept «trafic des enfants«, puis dans un second temps de décrire les différentes manifestations du phénomène.
Paragraphe 1 : Signification du phénomène.
Pour mieux appréhender le phénomène du trafic des enfants, une appréciation se fera sur le plan juridique que sociologique.
A/ Approches juridiques du trafic des enfants.
Il est très difficile de définir le trafic d'enfants car il renvoie à des réalités très différentes selon les pays. Traite ou trafic d'enfants constituent deux termes très semblables.
En effet, depuis l'année 2000, le terme juridiquement consacré sur le plan international est celui de traite des enfants, et non celui de trafic. Le débat opposant l'usage en français du mot « traite » à celui de « trafic » pour définir et désigner le problème lié au placement d'enfants à des fins d'exploitation a donc été tranché, sur le plan du droit international, par l'élaboration en anglais de deux Protocoles additionnels à la Convention des Nations- Unies contre la criminalité transfrontalière4.
4 Convention de Palerme du 15 juin 2000 : l'un, appelé Protocole de Palerme, « visant à prévenir et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants » ; l'autre, portant « sur le trafic illicite de migrants par terre, air et mer ».
Lors de la traduction en français de ces deux protocoles, un groupe d'experts internationaux, essentiellement composés de juristes, a établi une double équivalence entre les termes « trafficking/traite » (terme utilisé dans la définition du Protocole de Palerme) et « smuggling/trafic » (défini comme le fait de faire passer une frontière à des migrants de façon illicite ou de les placer en suite dans une situation d'exploitation). En effet, qu'il n'y a eu aucun consensus sur le terme "trafic"5.
Les différentes définitions existantes sont souvent contestées et fortement débattues lors des rencontres et conférences sur la question de l'exploitation des enfants.
Plusieurs définitions existent au sein des Nations Unies, de l'Union Européenne, du Bureau International du Travail et d'autres organisations internationales.
En 1994, l'Assemblée Générale des Nations-Unies s'est approchée d'une définition globale du "trafic" comme étant "le mouvement illicite et clandestin de personnes à travers les frontières nationales et internationales, en grande partie venant des pays en développement et de quelques pays avec des économies de transition. Ainsi le but final, est de forcer femmes et jeunes filles dans des situations d'exploitation sexuelle ou économique accablantes au bénéfice des recruteurs, trafiquants, aussi bien que d'autres activités illégales liées au trafic, tels que le travail domestique forcé, les faux mariages, l'emploi clandestin et les fausses adoptions.".
Pourtant, d'après l'étude de l'OIT, la définition est incomplète. Elle n'inclut pas les jeunes garçons et les hommes qui sont également parfois victimes du trafic6.
En 1996, le Parlement Européen a défini le trafic des êtres humains comme: "l'action illégale d'une personne qui, directement ou indirectement, encourage un citoyen d'un pays tiers à entrer ou rester dans un autre pays en vue de l'exploiter en utilisant la duperie ou n'importe quelle autre forme de coercition, en abusant de la situation vulnérable ou du statut administratif de cette personne".
Une autre définition assez claire est celle proposée dans le rapport préliminaire préparé pour le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la Violence contre les Femmes.
5Terre Des Hommes : Les petites mains des carrières de pierre, Cotonou, 2005, p. 5.
6Terre Des Hommes : Les petites mains des carrières de pierre, Cotonou, 2005, p. 6.
Dans le rapport, le mot "trafic des femmes" signifie: "tous les actes qui sont liés au recrutement et/ou au transport d'une femme (ou d'une jeune fille) à l'intérieur ou hors des frontières nationales en vue du travail ou des services au moyen de violence, d'abus d'autorité ou de position dominante, de servitude pour dette, de déception ou d'autres formes de coercition".7
Quant au Bureau International du Travail (BIT), il définit la traite des enfants comme "le recrutement et le transport légal ou clandestin d'un enfant - consentant ou non - à travers une frontière, généralement mais pas toujours organisés par un intermédiaire: parents, membres de la famille, enseignants, proxénètes ou autorités locales. A destination, l'enfant est contraint par la force ou la tromperie à exécuter certaines tâches dans des conditions d'exploitation."
Dans une autre étude se concentrant sur le trafic des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre, le trafic désignerait "l'ensemble du processus et des conditions par lesquelles un enfant est retiré du champ de la protection et de l'autorité parentales, pour être considéré comme une valeur marchande à un moment quelconque de ce processus. Il est ainsi constitué de tout acte comportant le recrutement, le transport, le recel ou la vente de personnes, impliquant la tromperie, la contrainte ou la force, la servitude pour dette ou la fraude, entraînant un déplacement de l'enfant à l'intérieur ou à l'extérieur d'un pays".
Dans le Protocole additionnel à la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies, portant sur l'implication des enfants dans les conflits armés ainsi que la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, la vente d'enfants y est définie comme suit :
« La vente d'enfants s'apparente à tout acte ou toute transaction faisant intervenir le transfert d'un enfant de toute personne ou de tout groupe de personnes à une autre personne ou un autre groupe contre rémunération ou tout autre avantage».8
7 Rapport préliminaire des Nations- Unies sur la Violence contre les Femmes, UNICEF décembre 2005, p. 5.
8 Protocole additionnel à la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies, concernant l'implication des enfants dans les conflits armés ainsi que la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, Paris, 2003, p. 22.
Sont reconnus comme infractions le fait d'offrir, de remettre ou d'accepter un enfant, quel que soit le moyen utilisé, aux fins d'exploiter l'enfant à des fins sexuelles, de transférer les organes de l'enfant à titre onéreux ou de soumettre l'enfant au travail forcé».
Finalement, en prévision des travaux de clôture de la Commission des Nations Unies sur la Prévention du Crime et la Justice Criminelle, plusieurs organisations internationales ont proposé d'inclure certaines normes à ce protocole en particulier celui relatif au trafic des femmes et des enfants.
Ces organisations suivent de très près les travaux de la Commission : en effet, ce protocole constituerait le premier et le seul traité international contenant une définition du trafic des femmes et des enfants. Ces normes sont extraites d'instruments internationaux relatifs aux droits humains. Elles ont pour but de protéger et de promouvoir le respect des droits humains des personnes qui ont été victimes de trafic, incluant celles qui ont été assujetties à la servitude, au travail forcé et/ou à toute pratique comparable à l'esclavage. Ces organisations proposent également une définition du trafic, des personnes victimes de trafic et des trafiquants. Elles proposent que les Etats adoptent une législation conforme aux définitions suivantes :
Le trafic inclut tous les actes et tentatives en vue de commettre des actes impliquant le recrutement, le transport à l'intérieur ou au delà des frontières, l'achat, la vente, le transfert, l'accueil ou l'hébergement d'une personne
§ (a) entraînant l'utilisation de la déception, la coercition (incluant l'utilisation, la menace ou l'abus d'autorité) ou la servitude pour dette ;
§ (b) dans le but de placer ou retenir cette personne dans des conditions de servitude involontaire (domestique, sexuelle), de travail forcé, ou de situation de quasi esclavage, dans une communauté différente de celle dans laquelle vit cette personne. 9
Dans le contexte béninois, il peut signifier le placement d'un enfant à l'intérieur ou à l'extérieur du pays qui ne respecte pas toutes les conditions exigées en la matière par les lois en vigueur au Bénin.
9 Commission des Nations Unies sur la Prévention du Crime et la Justice Criminelle, Genève, 2004, p. 18.
En principe, « la traite des enfants est le fait d'aliéner ou tenter d'aliéner soit à titre onéreux, soit à titre gratuit la personne ou la liberté d'un mineur, tandis que le trafic des enfants désigne le commerce illicite et clandestin des mineurs, l'acte de commerce impliquant l'idée de répétition »10.
Puisqu'il s'agit ici du trafic des enfants, le terme « enfant » signifie ici « toute personne âgée de moins de dix-huit (18) ans»11. C'est un être en développement. Du fait de son jeune âge (moins de 18 ans), il est sous la responsabilité des adultes (à qui il doit respect et soumission) qui finissent par l'embrigader et l'assujettir. Son avis importe très peu dans les décisions qui, pourtant, le concernent.
En un mot le trafic d'enfants peut être compris comme étant « tout acte comportant le recrutement, le déplacement, le détournement, le transport, l'hébergement, le recel, la mise en gage ou la vente de mineurs et basé sur la tromperie, la contrainte ou la force, la servitude pour dette ou fraude entraînant un déplacement de l'enfant à l'intérieur ou à l'extérieur d'un pays»12.
De ce qui précède, force est de constater que le trafic international des enfants, surtout dans le Sud Bénin, n'est que le résultat d'un certain malaise économique et social. Cela nous amène à considérer les approches sociologiques du phénomène en matière du trafic des enfants.
B/ Approches sociologiques du trafic
On entend par trafic suivant une approche sociologique, les différentes conceptions ou perceptions qu'ont les véritables intéressés du phénomène du trafic des enfants et ses implications sociales.
Selon la tradition africaine, l'enfant est considéré comme une richesse. Il est considéré comme un don de Dieu et on en prend donc grand soin. Cela se traduit par l'attachement et la protection dont les parents entourent leurs enfants.
10 E. ADJOVI, Forces et faiblesses de la législation béninoise en matière de lutte contre le trafic et la traite de enfants, document dactylographié, page 1.
11Article 2 de la Loi N° 2006-4 du 05 avril portant conditions de déplacement des mineurs et répression de la traite d'enfant en République du Bénin.
12 Manuel d'information, d'éducation et de communication pour la lutte contre les migrations et le trafic des enfants 1ère édition, septembre, 2002, p. 11.
Pour ce faire, soucieux de leur éducation, les parents prennent parfois l'initiative de confier leurs enfants à d'autres parents (l'oncle ou la tante de l'enfant), ou, une personne plus nantie et moins empressée qu'eux, à même de leur assurer un avenir meilleur.
Cependant, la question est de savoir comment en est-on arrivé au trafic des enfants ?
En effet, on confiait à un tiers pour en assurer la garde ou la tutelle : c'est ce qu'on appelait le « placement d'enfant ». En réalité, il n'y avait rien de dégradant puisqu'il traduisait d'une certaine façon, la solidarité légendaire des familles en Afrique.
Mais aujourd'hui, avec le phénomène du trafic des enfants, ce placement traditionnel a laissé place à un système avide de main-d'oeuvre infantile qui s'apparente à une simple livraison de marchandises. Ainsi, la bonne tradition du placement de l'enfant s'est transformée en un trafic dont l'enfant est l'objet.
En réalité, le placement traditionnel normalise le départ des enfants dans le contexte du trafic. Concrètement, les trafiquants profitent de l'existence de cette tradition pour masquer leur pratique mercantile ou cupide.
Mais ce qui facilite avant tout ce phénomène semble être la pauvreté. Car l'enfant devient comme une charge pour ses parents qui, face aux difficultés quotidiennes de la vie, l'envoient très tôt sur le marché du travail afin qu'il devienne une source de revenus. A partir de là, on peut dire que, sociologiquement, le trafic d'enfant est une migration temporaire qui va générer une promotion économique et sociale pour l'enfant et sa famille.
Somme toute, on peut comprendre le trafic des enfants comme étant une transaction illégale, mettant en présence plusieurs acteurs à savoir : les entremetteurs locaux ou étrangers et les parents de l'enfant. Il repose sur des réseaux villageois ethniques, familiaux et professionnels. L'enfant apparaît comme une marchandise ou un article d'échange. Ce trafic est rendu possible grâce à la perméabilité des frontières, aux conditions de vie difficiles des régions pourvoyeuses d'enfants.
C
Paragraphe 2 : Les manifestations du fléau.
Il serait judicieux d'en faire deux différentes études à savoir : les types et les différentes formes de trafics.
A/ Les différents types de trafic
Il existe plusieurs types de trafic d'enfants à savoir : le trafic interne et le trafic transfrontalier.
Le trafic interne est celui qui se déroule à l'intérieur d'un pays. Les trafiquants déplacent donc les enfants dans les limites de la frontière du pays. C'est un phénomène qui se déploie à l'intérieur du pays, généralement du milieu rural au milieu urbain.
A travers ce type de trafic, on peut retrouver diverses formes de migrations dont :
· la migration rurale, qui se justifie par le déplacement des enfants d'une zone rurale vers un autre lieu rural à la recherche d'une activité agricole rémunératrice. Par exemple, au Bénin pendant la saison pluvieuse, les enfants des communes de Za-kpota et d'Agbangnizoun migrent massivement vers la commune de Djidja où ils sont mis à la disposition d'entrepreneurs agricoles pour des travaux champêtres ;
· l'exode rural, consiste en la migration des enfants des milieux ruraux vers les centres urbains comme Cotonou, Porto-Novo, Bohicon, Abomey, ou Parakou, à la recherche d'un emploi salarié ;
· la migration interurbaine, correspond au déplacement des enfants de certaines villes vers d'autres centres économiques. Ils quittent les villes comme Abomey et Bohicon pour d'autres comme Cotonou, Porto-Novo, Parakou ;
· le trafic transfrontalier, quant à lui, est le trafic vers l'extérieur du Bénin. Ce type de trafic renferme la migration externe. Celle-ci correspond au déplacement de jeunes enfants hors des frontières béninoises.
Certaines conditions géographiques favorisent la mise au travail précoce des enfants. Il s'agit de la proximité des zones pourvoyeuses avec les pays limitrophes utilisant de façon intensive la main d'oeuvre infantile. C'est le cas des départements du septentrion, Atacora et Borgou avoisinant le Nigéria, le Burkina Faso, le Niger et le Togo. Les zones les plus pourvoyeuses sont donc les régions qui ont un contact direct avec les pays limitrophes. L'Atacora met en jeu sa proximité avec le Togo pour faciliter le convoiement des enfants, les fillettes surtout, vers la Côte d'Ivoire. Par exemple des enfants de Za-kpota, Zangnanado, Ouinhi sont déplacés vers le Nigéria et la Côte d'ivoire13.
De manière spécifique, les résultats de l'étude ont révélé que les enfants qu'on convoie vers le Gabon proviennent surtout des départements de l'Ouémé plus de 55%, du Mono 36%, de l'Atlantique 6% et du Zou 3%.
En 1995, 117 enfants ont été interceptés aux frontières béninoises avec les trafiquants. En 1996, 416 enfants ont encore fait l'objet d'arrestation au Bénin. En 1997, le nombre d'enfants objet de trafic a atteint 802. En 1998, seulement 31 ont été interceptés. Ainsi, en cinq ans, le nombre officiel des enfants en risque de trafic a atteint 1363 dont 1117 filles et 246 garçons14.
Il faut faire remarquer que bien souvent, les enfants migrants ne reviennent plus dans leur pays d'origine.
En un mot, le trafic transfrontalier implique nécessairement le déplacement d'un ou de plusieurs enfants de leur pays vers un autre pays dans le but d'être exploité.
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13 ADIHOU, A et FANOU-AKO, N : Enquête sur le trafic des enfants entre le Bénin et le Gabon, Cotonou, avril-juillet 1998,14 p.
14 idem
B- Les différentes formes de trafics
Il existerait plusieurs formes de trafics :
- le trafic don, caractérisé par l'absence de contre partie immédiate;
- le trafic gage, ou servitude pour dette. Ici, l'enfant est "mis en dépôt" pour garantir le paiement d'une dette. Autrement dit, l'enfant est mis en gage pour garantir le paiement d'une dette octroyée à ses parents par un tiers. Il constitue donc une garantie de remboursement auprès des créanciers ;
- le trafic ouvrier, caractérisé par l'exploitation de la force de travail des enfants placés chez les entrepreneurs agricoles moyennant une somme d'argent que perçoivent les intermédiaires ou les parents. Durant deux à quatre ans, l'enfant placé est obligé de travailler durement pour rentabiliser l'investissement de l'employeur ;
- le trafic vente, caractérisé par l'achat de l'enfant sans possibilité de retour ;
- l'adoption illégale, consiste à confier ou à donner un enfant à une autre personne en violation des procédures administratives et judiciaires en la matière. C'est l'une des formes de trafic d'enfants les plus répandues au Bénin ;
- le vol ou l'enlèvement de mineur, consiste à enlever de force ou par ruse l'enfant pour être placé chez une autre personne à des fins diverses. C'est par exemple le cas des fillettes qui sont données en mariage contre paiement d'une dot aux parents ;
- la vente d'enfants consiste à échanger un enfant à un prix qui varie selon les besoins des parents ou l'offre du trafiquant. Cet enfant peut subir tous les sorts possibles : être donné en mariage, traité comme esclave, soumis à la prostitution, offert en sacrifice ou tout simplement tué.
En somme, pour réussir dans leur activité, les trafiquants procèdent de différentes manières:
ü ils font de fausses promesses aux parents et aux enfants;
ü ils utilisent le service des intermédiaires;
ü ils s'entendent directement avec les parents qui font ensuite pression sur les enfants;
ü ils procèdent à des enlèvements de mineurs ou encore à des falsifications de pièces ?parfois, avec la complicité de certaines personnes travaillant dans des services administratifs.
Mais comment peut-on expliquer l'ampleur qu'a prise ce phénomène ?
Section 2 : Causes et conséquences du trafic d'enfants
La notion de trafic d'enfant et les manifestations étant ainsi clarifiées, il s'avère nécessaire de rechercher les causes de ce phénomène. Elles sont de plusieurs ordres, notamment économiques et socioculturelles.
Paragraphe 1 : Les causes d'ordre économique
Ce sont des causes qui sont inhérentes à la situation économique des familles mais également à la volonté des mineurs de se faire de l'argent pour satisfaire certains besoins.
A/ Pour des raisons économiques volontaires
Elles sont caractéristiques de la situation des jeunes enfants qui prennent la décision de quitter leur région pour d'autres à la recherche d'emploi économique. Ces périples leur permettent de vendre leur force de travail contre l'acquisition de certains biens matériels à moindre valeur tels que : des vélos, des habits, des postes radio etc ; du fait que la vie au village ne leur permet pas de s'offrir ces biens, ils suivent des recruteurs qui les placent chez des employeurs.
Mais, il faut constater que ceux-ci sont ces trafiquants (c'est-à-dire les recruteurs) qui perçoivent directement le fruit de leur labeur.
C'est le cas des dizaines d'enfants béninois convoyés vers la Côte d'Ivoire avec la promesse de travailler dans des plantations de cacao et de café contre une rémunération annuelle de 250.000 FCFA à 300.000 FCFA. Au lieu de les payer comme convenu, les trafiquants s'approprient l'argent et disparaissent sans autre forme de procès, abandonnant les enfants sans ressource15.
Cependant, d'autres raisons favorisent le trafic des enfants, liées à la situation économique des parents.
Par rapport aux origines de la pratique du trafic, on a généralement défendu la thèse que c'est la pauvreté des parents pris isolément qui justifie le travail précoce des enfants et par ricochet le trafic. Une telle opinion répandue à propos des pays africains ne vaut pas de manière absolue.
En effet, il est judicieux de comprendre que c'est la pauvreté de l'environnement économique et la détérioration de la solidarité traditionnelle qui prédispose à l'emploi prématuré des enfants. L'insertion des enfants dans le secteur du travail est dans l'esprit des parents pour un temps limité. Elle traduit aussi une volonté de sortir l'enfant du piège que constitue la dégradation de l'environnement marqué par la cherté de la vie, l'aggravation de la pauvreté des familles et du chômage qui en fait sont les répercussions du poids de la dette extérieure et des programmes d'ajustement structurels.
Une famille vivant dans la misère et ne parvenant que difficilement à nourrir ses enfants sera plus sensible aux fausses promesses des trafiquants et ne verra donc pas d'un mauvais oeil un ou plusieurs de ses enfants partir tenter leurs chances ailleurs.
15 Revue internationale du travail n° 3 Vol .132, 1993 portant sur le travail des enfants en Afrique, p. 4.
La crise économique que connaissent les pays sous-développés à l'heure de la mondialisation accroît la paupérisation des populations surtout en zones rurales. Cette situation pousse les parents qui n'ont pas accès aux moyens de la production à se laisser séduire par des migrants qui fallacieusement sèment dans leur esprit le germe de la quête du bonheur ailleurs.
De nombreuses études ont montré que les enfants victimes de trafic sont généralement issus de parents pauvres qui, face à la misère et ne disposant pas de moyens suffisants pour nourrir toutes les « bouches » à leur charge, se trouvent parfois contraints d'accepter ou de se livrer à n'importe quel acte pour se procurer de l'argent. Certains parents prêtent même main- forte aux trafiquants pour faire délivrer aux enfants de faux papiers afin de les faire sortir du territoire national.
On peut également citer comme autres raisons économiques : l'insuffisance de réalisation de projets de développement (surtout dans les milieux ruraux), le manque d'initiative en matière d'industrialisation, l'inversement des priorités de l'Etat etc.
En somme, l'une des raisons principales de l'intensification du trafic des enfants est la situation économique souvent très difficile des familles surtout en zone rurale, manifestée par le manque de ressources auquel elles sont confrontées. Les parents sont, généralement analphabètes, peu fortunés et en situation de survie au regard de l'environnement économique et social dans lequel ils vivent. Ces enfants constituent donc une proie facile qui tombe rapidement dans les pièges de leurs interlocuteurs au service du trafic.
Quelles sont les causes socioculturelles?
Quelles-en sont les causes et les conséquences?omment se manifeste donc ce phénomène ?
B/ Causes socioculturelles
Au-delà de l'insuffisance de ressources économiques, se trouvent non seulement la dégradation de la solidarité traditionnelle (causes sociologiques) mais aussi l'influence d'une culture occidentale qui crée de fait de nouveaux besoins et incite à la cupidité (causes culturelles).
A travers la diversité culturelle qui décrit la société béninoise, l'enfant est perçu comme le «bénéfice» du père ou de la famille élargie et reste l'enjeu fondamental des comportements matrimoniaux. La richesse d'une famille sans enfants et même la monogamie à certains endroits sont considérées comme un signe de pauvreté, l'enfant constituant «l'assurance vieillesse» des parents.
Auparavant, parce qu'une famille était pauvre ou qu'un enfant devenait orphelin, il était courant dans les sociétés africaines, de l'envoyer vivre dans un autre ménage. De même, lorsqu'un enfant était trop indiscipliné, le père le confiait à l'un de ses parents qui se chargeait de son éducation. Le placement s'effectuait donc dans l'intérêt de l'enfant. Mais de nos jours, avec l'effritement de la solidarité organique, la dégradation des valeurs traditionnelles et la désagrégation des structures traditionnelles, le fait d'envoyer un enfant dans un autre foyer ou de l'accueillir n'a plus pour objectif premier de servir l'intérêt de l'enfant.
Malheureusement, depuis quelques années, la pratique de placement des enfants a connu une dérive grave qui a introduit une distorsion dangereuse pour la sécurité et l'avenir même des enfants victimes d'une exploitation sans pareille, à l'occasion du travail en milieu domestique ou dans le petit commerce. Il est plutôt question d'une transaction dans laquelle l'enfant sert de marchandise. L'enfant est donc traité comme un étranger dans la famille d'accueil et soumis à des travaux qui dépassent sa force, ses capacités de réflexion et d'action.
Par ailleurs, l'envie de ressembler et de copier les occidentaux a créé des comportements nouveaux, parfois incompatibles aux réalités locales (causes culturelles). L'esprit des adultes s'est mis au service du mal pour traquer, tromper et exploiter des êtres faibles qui autrefois étaient protégés et adulés. La recherche du gain facile pousse certaines personnes cupides et malhonnêtes (trafiquants et intermédiaires) à tromper les enfants et leurs parents par des manoeuvres frauduleuses. Ils se font domestiques ou dans des carrières de pierres (Abeokuta au Nigéria) ou dans des plantations (Côte d'Ivoire). Les parents, en laissant ainsi partir leurs enfants ont une vision culturelle positive du déplacement16.
En effet, par ignorance du danger que court leur enfant loin d'eux, ils les laissent partir avec des inconnus qui leur font de fausses promesses. Les trafiquants gagnent leur confiance en se faisant passer pour de généreux bienfaiteurs, en leur faisant des dons en nature ou en leur faisant la promesse de scolariser leur enfant, de leur apprendre un métier ou de les initier au commerce. Les parents et leurs enfants sont donc convaincus que le déplacement est une migration temporaire qui va générer une promotion économique et sociale de l'enfant et de la famille. Ils ignorent donc les dangers et la vraie nature du trafic.
Selon les leaders communautaires, il existe dans presque tous les groupes socioculturels du Bénin une tradition de migration. Ainsi, les Goun de Porto-Novo et ses environs, ont l'habitude de migrer vers les grandes villes du Bénin, en Côte d'Ivoire, au Gabon, au Congo. Les Ifè de Bantè allaient au Ghana. Aujourd'hui, ils s'orientent comme les Ani de Bassila et les Taneka de Copargo, tant vers les principales villes du pays que vers le Nigéria et le Togo.
Au sein du groupe socioculturel Wémè, presque chaque famille a déjà envoyé au moins une fois son enfant au Nigéria. Chez les Sahouè de Bopa, les Mina de Grand Popo, les Watchi de Comè et les Fon de Za-Kpota, la migration est beaucoup plus orientée vers Cotonou, la Côte d'Ivoire, le Nigéria. Chez les Batombu au nord du Bénin, le phénomène n'est pas très perceptible. A Banikoara et à Gogounou, par exemple, les populations voyagent beaucoup plus pour des raisons de mariage et de formation (étude et artisanat). Par contre, cette région reçoit les Gourmantché du Burkina-Faso, les kotocoli du Togo, les jeunes de l'Atacora, de Tchaourou qui travaillent dans le secteur agricole et quelques Peulh pour des raisons de pâturage17.
16 UNICEF : Etude Nationale sur la traite des enfants, novembre 2007, p. 33.
17 UNICEF : Etude Nationale sur la traite des enfants, novembre 2007, p. 33.
On peut citer également d'autres causes qui relèvent aussi bien des populations elles-mêmes que du manque de responsabilité des gouvernants. L'éducation inadaptée et peu attrayante offerte aux enfants favorise la déperdition scolaire. De même, le manque d'infrastructures scolaires entraîne le faible taux de scolarisation au Bénin.
Ainsi, les trafiquants profitent de la crise du système éducatif, de la mauvaise qualité de l'enseignement et du manque de matériels éducatifs pour établir un empire de migration bien établi.
Comme ce phénomène a des causes, indéniablement, il a des effets sur toutes les couches de la société. En effet, les conséquences se manifestent au niveau des enfants, des parents et de la nation.
Paragraphe 2 : Conséquences du trafic d'enfants
La traite des enfants, l'exploitation et la maltraitance qui en sont les caractéristiques communes ont des conséquences multiples et variées sur les enfants. Elles sont à la fois physiques, mentales, comportementales.
En effet, il sera question de présenter les conséquences qui sont visibles tant au niveau de la cellule familiale ou de la communauté familiale, qu'au niveau national et régional.
A/ Conséquences sur l'enfant et sa famille
La traite des enfants entraîne pour eux, un certain nombre de conséquences. Ces enfants sont vulnérables tant au plan physique, sanitaire, moral que psychique.
- Au plan physique et sanitaire, les enfants se retrouvent dans divers secteurs d'activités. Il s'agit par exemple des enfants utilisés comme domestiques, de même les enfants utilisés dans le domaine agricole (champ de cacao, de café, de coton) 18 sont des enfants qui se plaignent de tous les maux. Ils peuvent avoir des blessures physiques, des morsures de serpent, des factures, et souffrir d'une déformation de la colonne vertébrale.
18 UNICEF : Etude Nationale sur la traite des enfants, novembre 2007, p. 9.
On peut également noter les courbatures, les chutes sur des chantiers, le transport de matériaux lourds, les accidents mortels, les blessures avec les outils de travail...
En un mot, l'enfant souffre de malnutrition, d'un retard de croissance, de déformation, de lésions ou séquelles. Ils sont atteints parfois du VIH/SIDA et d'autres maladies contagieuses comme la tuberculose.
- Au plan psychosocial, l'enfant victime développe des problèmes de comportements (drogue, vol, agressivité sexuelle, prostitution, agressivité contre des tiers, la délinquance, mensonge les larcins etc.). Il souffre de troubles émotionnels et psychiques (angoisse, dépression, perte d'estime de soi, crainte, ennui etc....) ; ils peuvent garder des séquelles toute leur vie.
- Au plan cognitif et scolaire, la non scolarisation et le travail forcé conduisent à l'analphabétisme. Les enfants victimes manifestent ou présentent des difficultés de compréhension, de concentration et d'attention. Ce manque d'éducation réduit leurs chances de survie pour leur vie présente et pour le futur. Il influence aussi leurs capacités à participer à la vie nationale, à la prise des décisions familiales et professionnelles et accentue la vulnérabilité future des enfants en général. L'enfant ou les enfants deviennent étrangers à leur propre groupe social, ils sont complexés ou démotivés. Ils n'arrivent pas à s'intégrer économiquement et professionnellement d'où la propension à l'errance, à la délinquance.
- Au plan culturel, en cas de retour, l'enfant est en déphasage avec sa culture, son milieu et les normes locales. Il est marginalisé par le groupe social dont il est issu; ceci est aggravé par les disparités linguistiques qui privent les enfants d'échanges verbaux. Cette situation les enferme dans leur mutisme.
- Au niveau de la famille, la traite des enfants a également des conséquences. Cela peut se traduire par la perte d'affection familiale car, les parents non seulement ne bénéficient pas des avantages promis par les trafiquants au départ, mais ils ont à faire à la détresse due à la séparation et à l'absence de leur enfant. Ils vivent en permanence dans le stress, l'affrontement, l'anxiété et le traumatisme19.
Outre les conséquences chez l'enfant et sa famille, quelles conséquences peut engendrer le trafic des enfants sur la communauté ?
19 UNICEF : Etude Nationale sur la traite des enfants, novembre 2007, p.10
B/ Conséquences sur la communauté
Le trafic des enfants a des impacts socio-économiques négatifs non seulement pour le village mais aussi, pour le pays et pour la communauté en général.
En effet, le phénomène du trafic des enfants affecte l'individu, les familles, et la communauté sur les plans démographique, social, économiques et politique.
Au niveau des zones pourvoyeuses, les villages se dépeuplent et se vident de leurs bras valides et s'appauvrissent. La pyramide des âges est inversée. Les enfants qui doivent assurer l'avenir, s'en vont, compromettant ainsi dangereusement le développement de leur communauté, laquelle, ne peut compter sur leur retour surtout s'ils ne sont pas qualifiés pour initier des projets qui réanimeraient une dynamique locale.
Au niveau des zones « réceptrices », on peut signaler un accroissement certain de la main d'oeuvre infantile, avec beaucoup d'exactions commises sur les enfants victimes de traite.
Le Bénin a la triple qualification de pays pourvoyeur, de pays récepteur et de pays de transit pour la traite des enfants.20
En effet, en tant que pays récepteur, les conséquences sont nombreuses :
- un accroissement de la population infantile ;
- un accroissement de la main d'oeuvre des enfants travailleurs ;
- un développement de la prostitution infantile ;
- un accroissement de la délinquance juvénile ;
- une insécurité généralisée ;
- une accélération de la propagation du VIH/SIDA ;
- un regain de xénophobie.
20 communication sur « les impacts de la traite des enfants » présentée par Me DAGBA Cécile, décembre 2005, p. 4.
En tant que pays pourvoyeur, on peut citer entre autres :
- un dépeuplement, un départ massif des jeunes vers les pays récepteurs ;
- une perte de ressources humaines essentielles ;
- une déstabilisation des familles ;
- une augmentation du taux de déscolarisation ;
- une accélération de la propagation du VIH/SIDA ;
- des difficultés à élaborer des plans d'actions faute de non maîtrise des flux migratoires ;
- une perte de crédibilité du pays.
En tant que pays de transit, les conséquences sont les mêmes que pour les pays récepteurs, sauf qu'elles sont limitées dans le temps, la fin de la période de transit mettant fin au passage des victimes sur le territoire.
Par ailleurs, le phénomène du trafic des enfants a aussi des conséquences au plan régional et qui se justifient entre autres en :
- une insécurité transfrontalière ;
- une criminalité transfrontalière ;
- un déséquilibre régional au niveau des populations ;
- une tension entre les pays pourvoyeurs et les pays récepteurs, conséquences de la traite des enfants, qui se renvoient les qualificatifs « d'envahisseurs » ou « d'esclavagistes... ».
En somme, la traite des enfants a des conséquences multiples et variées, tant sur la santé physique, morale et psychologie des enfants, avec à la clé un effet destructeur sur les communautés familiales et surtout sur la nation, et également sur la communauté régionale et internationale. L'image du pays est ternie, et les enfants victimes de trafic sont considérés comme des enfants esclaves. Le dépeuplement des régions de départ des enfants entraîne une compromission de la relève et la disparition des bras valides.21
21Communication sur les « migrations et trafic des enfants » présentée par Issa Mama ABOUDOU, administrateur des services de Sécurité Sociale, Directeur de la famille, de l'Enfance et de l'Adolescence, Septembre 2004, p.34.
Chapitre 2 : Cadre juridique du trafic des enfants au Bénin
La communauté internationale, par le procédé :
- de la Convention relative aux droits des enfants22,
- de la Convention de la Haye sur la protection des enfants23,
- de la Conventions N°138 de l'OIT24,
- de la Charte africaine des droits de l'Hommes et des Peuples25 et
- de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant26, a strictement réprimé ce phénomène c'est-à-dire ce commerce illicite des enfants.
De même, la législation béninoise n'est pas restée en marge en matière de lutte de lutte contre le trafic des enfants.
Par ailleurs, le Bénin a mis sur pied des mesures nationales dans le but de protéger les enfants.
22Convention relative aux droits des enfants, adoptée par l'Assemblée Générale de l'ONU en 1989 et ratifiée par le Bénin par décret n°90-172 du 3 août 1990.
23Convention de la Haye sur la protection des enfants, adoptée par l'Assemblée Générale de l'ONU, le 20 novembre 1959
24Conventions N°138 de l'OIT, adoptée par la Conférence de Genève du 17 juin 1999 portant sur l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination.
25Charte africaine des droits de l'Hommes et des Peuples, adoptée à la Conférence des Chefs d'Etats et de gouvernement le 18 juin 1981 à Nairobi au Kenya et ratifiée par le Bénin le 20 Janvier 1986.
26Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, adoptée à la Conférence des chefs d'Etats et de Gouvernement de l'OUA le 11 juillet 1990 à Addis-Abeba en Ethiopie et entrée en vigueur le 29 novembre 1999 puis ratifiée par le Bénin en 1996.
Section 1 : Les instruments juridiques internationaux ratifiés par le Bénin
Il convient de distinguer dans le cadre de l'analyse de ces instruments juridiques internationaux les conventions et traités multilatéraux d'un côté et les accords bilatéraux de l'autre.
En règle générale, ces accords s'intègrent dans l'ordonnancement juridique d'un Etat par le simple fait que leur procédure d'adoption est arrivée à son point d'achèvement. En clair, ces traités internationaux ou accords bilatéraux ont été régulièrement signés, ratifiés, promulgués et publiés. Le décret de promulgation suffit généralement, à moins que l'application d'une convention ou d'un traité ne nécessite la médiation d'autres normes nationales, lesdits instruments juridiques n'étant pas alors immédiatement applicables dans l'Etat signataire. Ici, il s'agira de faire une étude de quelques Conventions internationales et les traités multilatéraux.
Paragraphe 1 : Les conventions internationales
La répression du trafic des enfants est organisée sur le plan international tant par les textes adoptés, dans le cadre de l'ONU que par les textes régionaux. Au nombre de ces textes on peut citer entre autres :
- la Déclaration des droits de l'enfant et le Pacte relatif aux droits civils et politiques ;
- les Conventions de l'OIT et la Convention relative aux droits des enfants.
A/ La déclaration des droits de l'enfant et le Pacte relatif aux droits civils et politiques
Encore appelée Convention de la Haye sur la protection des enfants, la Déclaration des droits de l'enfant adoptée par l'Assemblée Générale de l'ONU, le 20 novembre 1959 énonce dix principes concernant la protection de l'enfant et la sauvegarde de sa plénitude ou de son identité corporelle.
Au sens de l'article 1 de cette Convention, un enfant se définie « tout être, âgé de moins de dix huit ans » 27, sauf si la majorité arrive plus tôt en vertu de la législation qui est applicable.
Ainsi, certains principes de cette déclaration, visent une protection spéciale des possibilités et des facilités par l'effet de la loi afin que l'enfant puisse se développer d'une façon saine et normale sur les plans physique, intellectuel, moral, spirituel et social dans des conditions de liberté et de dignité.28 Le texte prescrit que l'adoption des lois à cette fin doit tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. De même, le principe 4 préconise la protection sociale et une couverture sanitaire et alimentaire adéquate aux enfants. 29
Quant au principe 8, il insiste sur la priorité qui doit revenir aux enfants en matière de secours et assistance en cas de péril.30 C'est cette priorité qui est mise en exergue de nos jours à travers le slogan de l'UNICEF : « Les enfants d'abord......».
Enfin, le principe 9, fait appel à la protection de l'enfant contre toutes formes de cruauté et d'exploitation, de négligence et surtout contre la traite.
Une Déclaration de 1959 avait déjà initié toutes les mesures de protection de l'enfant surtout les mesures concernant les enfants en situations difficiles telles que la guerre et la traite.
Outre cette Déclaration, il y a également le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ce texte, adopté le 16 décembre 1966, a été élaboré pour compléter les divers textes juridiques déjà existants.
27 Article 1 de la Convention de la Haye sur la protection des enfants, adoptée par l'Assemblée Générale de l'ONU, le 20 novembre 1959.
28Principe2 de la Déclaration des droits de l'enfant adoptée par l'Assemblée Générale de l'ONU, le 20 novembre 1959 concernant la protection de l'enfant et la sauvegarde de sa plénitude ou de son identité corporelle.
29 Déclaration des droits de l'enfant adoptée par l'Assemblée Générale de l'ONU, le 20 novembre 1959 concernant la protection de l'enfant et la sauvegarde de sa plénitude ou de son identité corporelle.
30 Déclaration des droits de l'enfant adoptée par l'Assemblée Générale de l'ONU, le 20 novembre 1959 concernant l'assistance de l'enfant et la sauvegarde de sa plénitude en cas de péril.
Ainsi, en son Article 26, le Pacte dispose que toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. L'article 7 stipule que : « Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (...) ». Il faut également ajouter l'article 8, qui dispose que « nul ne sera tenu en esclave ni en servitude » 31.
Cependant, l'article qui restitue le plus les droits des enfants est l'article 26. Il stipule que « tout enfant sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion nationale, ou sociale, la fortune ou la naissance, a droit, de la part de sa famille, de la société, et de l'Etat, aux mesures de protection qu'exige sa condition de mineur ». On constate ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques n'est pas resté indifférent à la protection des droits des enfants.
Il convient de souligner qu'il existe d'autres normes en matière de protection des droits des enfants.
B/Les conventions de l'OIT et la convention de l'ONU.
1- Les conventions de l'OIT
La protection des droits des enfants et du bien-être de l'enfant constitue l'une des préoccupations majeures de la communauté internationale. A cet effet, plusieurs Déclarations, Traités et Conventions ont été adoptés et ratifiés par plusieurs pays dont le Bénin.
Les dispositions importantes portent sur l'âge minimum d'admission (à l'emploi adopté au cours de la conférence générale de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) de juin 1973). 32
Ainsi que, la Convention sur l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination adoptée par la Conférence de Genève du 17 juin 1999 en sa quatre-vingt septième Session.
31 Article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté le 16 décembre 1966, portant sur protection de l'enfant contre toutes formes de cruauté et d'exploitation, de négligence et surtout contre la traite.
32 Convention de l'OIT de juin 1973, portant sur l'âge minimum d'admission à l'emploi des enfants.
Ces Conventions sont respectivement dénommées Conventions 138 et 182 de l'OIT. 33
Elles ont été respectivement ratifiées, le 11 juin 2001 et le 16 novembre 2001, par le Bénin.
Concernant la Convention N° 138 de l'OIT, fixe l'âge minimum d'admission à l'emploi. Obligation est faite à chaque Etat de respecter ces dispositions.
A la lecture de la Convention, il ressort que l'âge minimum d'admission à l'emploi est fixé à 14 ans révolus et cet emploi ne doit en aucun cas compromettre la santé, la sécurité ou la mortalité de l'enfant. Toutefois, selon l'article 3-1, l'âge minimum de dix-huit (18) ans est fixé pour tout travail ou emploi pouvant compromettre la santé, la sécurité ou la vie de l'enfant.
Cependant, il convient de souligner que tout enfant a droit de participer au travail effectué dans les établissements d'enseignement général, les écoles professionnelles et techniques ou autres institutions de formation professionnelle. Il peut également travailler dans les entreprises à partir de l'âge de quatorze (14) ans dans des conditions fixées par la loi lorsque l'enseignement émane d'une école de formation professionnelle et que l'autorité compétente approuve le programme de formation ou lorsque le programme d'orientation vise à faciliter le choix d'une profession.
Néanmoins la législation nationale peut autoriser l'enfant par dérogation à l'article 2, à participer à des activités comme par exemple des spectacles artistiques, à condition d'en limiter la durée et les conditions. 34
Quant à la Convention N°182 de l'OIT, en ce qui concerne la forme, elle peut-être divisée en trois parties : d'abord, le préambule nécessaire à tout texte, ensuite les articles 1 à 5 qui définissent l'enfant et les pires formes de travail des enfants, enfin, les articles 5 à 16 définissent les dispositions que doit prendre chaque Etat en vue de l'application effective de ladite Convention.
33 Conventions 138 et 182 de l'OIT de juin 1973, portant sur l'âge minimum d'admission à l'emploi des enfants, ratifiées le 11 juin 2001 et le 16 novembre 2001, par le Bénin.
34 Article 2 de la Convention N° 138 de l'OIT.
Quant au fond, l'article 2 de la convention définit la tranche d'âge à laquelle s'applique le terme « enfant » c'est-à-dire toute personne ayant moins de 18 ans ; l'article 3 de la même convention définit ce qu'on peut entendre par l'expression « les pires formes de travail des enfants ». 35
En effet, aux termes de l'article 3,36 l'expression pires formes de travail des enfants comprend :
a) toutes les formes d'esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dette et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés ;
b) l'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ;
c) l'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant aux fins d'activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants, tels que les définissent les conventions internationales pertinentes ;
d) les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s'exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la mortalité de l'enfant.
L'article 4 en son alinéa 3 oblige chaque Etat à déterminer la liste des types de travail incriminés37. A cet effet, l'Etat béninois par arrêté interministériel du Ministère de la Santé Publique (MSP) et du Ministère de la Fonction Publique du Travail et de la Réforme Administrative (MFPTRA) a identifié ces types de travail.
Quant à l'article 5, il oblige les Etats parties à cette convention à établir des mécanismes appropriés pour surveiller l'application des dispositions de la présente convention38. Le reste des articles (6-16) indique pour chaque Etat, les dispositions à prendre pour créer un environnement favorable à l'application de l'article 3 ci-dessus cité.
35 Article 3 de la Convention N°182 de l'OIT.
36 Article 3 de la Convention N°182 de l'OIT.
37 Article 3 de la Convention N°182 de l'OIT.
38 Article 3 de la Convention N°182 de l'OIT.
De ces dispositions, on peut citer :
- l'Etat doit empêcher que les enfants soient engagés dans les pires formes de travail des enfants ;
- assurer l'accès gratuit à l'éducation de base et lorsque cela est possible et approprié, à la formation professionnelle pour tous les enfants qui auront été soustraits des pires formes de travail des enfants ;
- identifier les enfants particulièrement exposés à des risques et entrer en contact avec eux.
2- Convention relative aux droits des enfants
La Convention relative aux droits de l'enfant a été adoptée par l'Assemblée Générale de l'ONU en 1989 et ratifiée par le Bénin par décret n°90-172 du 3 août 1990. Elle est actuellement l'instrument juridique international le plus complet qui prend en compte la protection de tous les droits des enfants.
C'est ainsi qu'en son article 11, elle exhorte les Etats à prendre « des mesures pour lutter contre les déplacements et les non-retours illicites d'enfants à l'étranger ». Cette convention reconnaît aux enfants le droit à la liberté d'expression39, de pensée, de conscience et de religion. En son article 20, la convention dispose que « tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial (...), a droit à une protection et une aide spéciales de l'Etat ».40 Elle défend également les droits relatifs à la protection contre l'exploitation économique, l'exploitation et la violence sexuelles.
Après avoir énuméré les droits des enfants, la Convention relative aux droits des enfants invite les Etats à prendre les mesures nécessaires pour empêcher la violation des droits des enfants. C'est ainsi qu'en son article 35, elle dispose « les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que soit » . 41
39Article 11 de la convention relative aux droits des enfants.
40Article 20 de la convention relative aux droits des enfants.
41Article 35 de la convention relative aux droits des enfants.
Les Etats protègent ainsi les enfants contre toutes les formes d'exploitation qui portent préjudice à leur bien-être et veillent à ce qu'ils ne soient soumis à des traitements cruels et dégradants.
On remarque donc que la Convention relative aux droits des enfants a largement évoqué les droits des enfants sans toutefois oublier de responsabiliser les Etats parties à cet effet. Ainsi, chaque Etat est tenu de prendre des mesures appropriées sur le plan national ou bilatéral pour garantir aux en
Paragraphe 2 : Les conventions régionaux
Depuis son accession à l'indépendance en 1960, le Bénin a signé et ratifié plusieurs instruments juridiques internationaux relatifs à la condition des enfants. Il s'agit entre autres de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CADHP), dont certaines dispositions peuvent être utilisées pour lutter contre le trafic des enfants et de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'Enfant (CADBE).
A/ La Charte africaine des droits de l'Homme et des Peuples
Adoptée à la dix-huitième Conférence des Chefs d'Etats et de gouvernement le 18 juin 1981 à Nairobi au Kenya, cette Charte a été ratifiée par le Bénin le 20 Janvier 1986. Elle est la plus importante au niveau continental dans la protection des droits de l'homme. Elle fait partie intégrante de la Constitution béninoise et est donc d'application au Bénin (Article 7). 42
En effet, elle protège les droits humains et par conséquent assure la protection des droits des enfants. Elle interdit la traite des personnes et les traitements inhumains et dégradants.
Elle dispose que « toutes les formes d'exploitation et d'avilissement de l'homme notamment l'esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont interdites » (Article 5). 43
42Article 7 de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin qui protège d'une manière générale toute personne humaine, y compris l'enfant.
43Article 5 de la Charte africaine des droits de l'Homme et des Peuples de juin 1981.
De même, à travers elle, les Etats s'engagent à « veiller à l'élimination de toutes formes de discrimination contre la femme et d'assurer la protection des droits de la femme et de l'enfant tels que stipulés dans les déclarations et conventions internationales » .44
Ainsi, la femme et l'enfant sont pris en compte dans les dispositions de la Charte africaine des droits de l'Homme et des Peuples. Il faut également faire remarquer que les pires formes d'exploitation de l'homme sont interdites par la Charte. En effet, toutes les personnes bénéficient d'une totale égalité devant la loi et ont droit à une égale protection de celle-ci, les enfants sont implicitement pris en compte dans cette Charte.
Cependant hormis l'article 5 et plus particulièrement l'article 18-3, la CADHP ne s'intéresse pas spécifiquement aux droits des enfants et se contente uniquement d'être généraliste dans ses dispositions. Mais on ne doit pas pour autant lui reprocher cet aspect puisqu'il existe une charte spéciale protectrice des droits des enfants africains, dénommée Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'enfant.fants leurs droits
B- La Charte africaine des droits et du Bien-être de l'enfant
Elle a été adoptée à la vingt-sixième Session Ordinaire de la Conférence des chefs d'Etats et de Gouvernement de l'OUA le 11 juillet 1990 à Addis-Abeba en Ethiopie et entrée en vigueur le 29 novembre 1999. Le Bénin l'a ratifiée en 1996. 45
Elle fait suite à l'adoption de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui consacrent d'une manière générale le respect dû à la personne humaine, à sa dignité et aux libertés fondamentales. C'est un instrument africain des droits de l'enfant en Afrique. Il est subdivisé en trois parties :
1. Le préambule qui situe le contexte de son adoption et les idéaux qui le sous-tendent ;
2. La première partie consacrée aux droits et devoirs de l'enfant (article 1 à 31) ;
3. La deuxième partie qui a trait aux dispositions de contrôle et de mise en oeuvre (article 32 à 48).
44Article 5 de la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.
45 Charte africaine des droits et du Bien-être de l'enfant, adoptée à la Conférence des chefs d'Etats et de Gouvernement de l'OUA le 11 juillet 1990 à Addis-Abeba en Ethiopie et entrée en vigueur le 29 novembre 1999. Le Bénin l'a ratifiée en 1996.
Il faut signaler, qu'à travers les articles de cette charte, on remarque l'existence et la reconnaissance de nombreux droits à l'enfant africain ainsi qu'il est fait recommandation aux Etats parties, de prendre des mesures appropriées pour que ces droits lui soient reconnus et respectés.
C'est ainsi que, de l'article 3 à l'article 14 de cette charte, il est fait une présentation de tous les droits des enfants sans exclusion (les enfants handicapés compris) tels que le droit à un nom et une nationalité, le droit à la liberté d'association, le droit à l'éducation, le droit à une protection spéciale correspondant aux besoins physiques et moraux pour les enfants handicapés. Elle s'érige également contre le travail des enfants45, contre les abus et les mauvais traitements faits aux enfants. 46
En son article 21, la CADBE préconise la protection contre les pratiques sociales et culturelles. De même, en son article 24, les Etats parties s'engagent à « prendre toutes les mesures appropriées pour qu'en cas d'adoption transnationale, ce placement ne donne pas lieu à un trafic, ni à un gain financier inapproprié pour ceux qui cherchent à adopter un enfant ». Comme pour venir renforcer cet article, l'article 29 énonce que «les Etats parties à la présente Charte prennent les mesures appropriées pour empêcher l'enlèvement, la vente ou le trafic à quelque fin que ce soit ou sous toute forme que ce soit, par toute personne que ce soit y compris leurs parents ou leur tuteur légal ». 47
A la lecture de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'Enfant, on se rend compte qu'elle n'est qu'une copie de la Convention relative aux droits des enfants. Elle est une adaptation aux réalités africaines de la Convention relative aux droits des enfants.
Cependant, il est à remarquer l'absence de sanctions à l'encontre des Etats parties qui ne respecteraient pas les dispositions de la Charte. Il n'en demeure pas moins qu'elle a le mérite de prendre en compte les situations que vivent les enfants dans les sociétés africaines.
Le Bénin a ratifié les conventions en faveur des enfants et de la protection de leurs droits. Qu'en est-il alors de la législation nationale en la matière ?
45Article 15 de la Charte africaine des droits du bien-être de l'enfant
46Article 16 de la Charte africaine des droits du bien-être de l'enfant
47Article 21 de la Charte africaine des droits du bien-être de l'enfant.
Section 2 : La législation nationale en matière du trafic des enfants
En dehors des textes internationaux que le Bénin a ratifiés, la législation béninoise de protection des enfants provient à la fois des textes nationaux existant en matière constitutionnelle, civile, pénale et sociale.
Paragraphe 1 : Dispositions législatives générales
La protection des droits des enfants au Bénin est organisée par la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, le Code civil, le Code du travail, le Code des personnes et de la famille et d'autres lois, ordonnances, décrets et arrêtés.
A/ La constitution du 11 décembre 1990
La loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin protège d'une manière générale toute personne humaine, y compris l'enfant. Elle garantit l'inviolabilité de la personne humaine, le droit de tout individu à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l'intégrité de sa personne (article 8). 48
L'Etat a l'obligation absolue de la protection de la personne humaine. Il lui garantit un plein épanouissement. A cet effet, il assure à ses citoyens l'égal accès à la santé, à l'éducation, à la culture, à l'information, à la formation professionnelle et à l'emploi, la présomption d'innocence.
En effet, de l'article 12 à l'article 14 de la loi suprême béninoise, l'enfant a été le point focal. Ainsi, l'article 12 dispose que « l'Etat et les collectivités publiques garantissent l'éducation des enfants et créent les conditions favorables à cette fin » 49. Les articles 13 et 14 traitent également de l'accès à l'éducation qui éloigne les jeunes de l'ignorance et de l'illettrisme.
Par ailleurs, l'article 26 s'intéresse à la protection spéciale de la mère et de l'enfant et dispose que « l'Etat protège la famille particulièrement, la mère et l'enfant... ».
48Article 8 de la n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin.
49Article12 de la n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin.
Au regard de tout ce qui précède, on remarque que la constitution béninoise a prévu des dispositions pour garantir l'éducation et le développement de l'enfant. Cependant, on se rend compte que ces dispositions ne font pas cas ni de tous les droits des enfants ni de la maltraitance et du trafic des enfants, qui est un phénomène non moins récent.
Or, en tant que Loi suprême, elle devrait prévoir un cadre de protection des enfants qui sont de loin une couche très importante de notre société.
Mais les insuffisances de la Constitution sont compensées par l'existence de lois plus protectrices des droits des enfants.
B/ Les textes spécifiques
Ces différents textes protègent l'enfant, non seulement contre les déplacements illicites, mais réglementent aussi leur accès au travail.
Ainsi, la loi n° 61-20 du 5 juillet 1961 relative au déplacement des mineurs de moins de 18 ans hors du territoire du Dahomey règle la question de la répression du trafic d'enfants. L'article 5 de cette loi dispose : « Quiconque aura, pour tirer un profit de quelque nature que ce soit, aliéné ou tenté d'aliéner la personne ou la liberté d'un mineur de moins de 18 ans ... » 50, subira une peine de mort ou une peine de travaux forcés à perpétuité selon que l'enfant ait été enlevé sans le consentement de ses parents ou tuteurs ou que l'enfant ait été remis au trafiquant par ses parents ou tuteurs.
Ainsi, des sanctions sont prévues contre toute personne pratiquant le trafic d'enfants ou se trouvant en compagnie d'un mineur de moins de 18 ans, autre que son enfant, à moins de 10 km de la frontière ou d'un poste frontalier (article 2). 51 L'article 3 de la même loi stipule que : « Sera puni d'un emprisonnement de 2 à 5 ans et d'une amende de 25.000f en monnaie locale, toute personne, qui, accompagnant un mineur de moins de 18 ans autre que son propre enfant, sera trouvé dans la zone frontalière définie à l'article précédent ci-dessus sans pouvoir produire pour ce mineur l'autorisation prévue à l'article 1er de la présente loi ». 52
50 Article 5 de la Loi n° 61-20 du 5 juillet 1961 relative au déplacement des mineurs de 18 ans hors du territoire du Dahomey.
51 Article 2 de la Loi n° 61-20 du 5 juillet 1961 relative au déplacement des mineurs de 18 ans hors du territoire du Dahomey.
52 Article 3 de la Loi n° 61-20 du 5 juillet 1961 relative au déplacement des mineurs de 18 ans hors du territoire du Dahomey.
En effet, la loi est faite de telle sorte que rien n'est laissé au hasard comme cette autorisation que doit avoir tout mineur de 18 ans voulant partir du territoire national. C'est l'article 1er de la loi 61-20 qui prévoit cette autorisation, en ces termes : « Aucun mineur dahoméen de moins de 18 ans ne pourra quitter le territoire national s'il n'est porteur d'une autorisation spéciale établie par le sous-préfet de son lieu d'origine ».
On voit que cette loi, bien qu'étant ancienne, a su réglementer le déplacement des mineurs de 18 ans hors du territoire national et a prévu des sanctions en cas d'irrégularités.
Il reste que cette loi n'est pas sans insuffisances. Tout d'abord, en son article 1er, elle ne prend en compte que la protection du mineur dahoméen alors qu'aujourd'hui, le phénomène est tel qu'on doit prendre des mesures protectrices pour tout mineur victime de déplacement irrégulier, sans considération de nationalité. De même, il y a le rayon de 10 km d'une frontière ou d'un poste frontalier prévu à l'article 2 de la loi 61-20 qui, paraît ne plus avoir sa raison d'être.
En effet, apparemment au-delà ou en deçà de ce rayon, aucun déplacement ne fera l'objet d'une poursuite si nous comprenons bien l'esprit de cet article. Cet état de choses pourrait favoriser donc le trafic des enfants, de même que les trafiquants qui ne se verront pas inquiéter dans leur sale besogne. On ne peut donc plus continuer à faire du micro protectionnisme face au phénomène devenu transnational qu'est le trafic des enfants.
On pourrait donc conclure que cette loi est inefficace d'une certaine manière du fait qu'elle est dépassée par rapport aux réalités en la matière.
On peut également compter parmi les lois qui protègent contre les déplacements illicites, la loi 95-191 du 24 juin 1995. Elle fixe les modalités de délivrance des autorisations de sortie du territoire national des mineurs de 18 ans. Cette autorisation se fait par demande au Maire, après avis motivé du chef de village ou de quartier de ville, du Chef d'arrondissement ainsi que de l'assistant social compétent, à l'occasion de chaque déplacement de mineur de moins de moins de 18 ans hors du territoire national, soit par les parents eux-mêmes, soit par la personne assurant la garde de l'enfant.
Le demandeur devra indiquer donc le motif du voyage, l'identité complète de la personne qui accompagne l'enfant, ainsi que celle de la personne qui aura la garde définitive du mineur à destination.
A l'appui de sa requête, il produira :
- Toutes pièces de nature à établir sa propre identité et son état civil ainsi que ceux de l'accompagnateur et celui qui assurera la garde définitive de l'enfant ;
- 3 photos d'identité de l'enfant, de la personne qui l'accompagne, ainsi que de celui qui assurera sa garde définitive ;
- Une caution équivalente aux frais de rapatriement éventuels devra être versée dans un compte ouvert à cet effet par le Ministère des Affaires Etrangères qui se chargera, en relation avec la représentation diplomatique ou consulaire intéressée, d'effectuer les formalités nécessaires au retour du mineur au Bénin. 53
De plus, après la constitution des pièces à fournir, une enquête est ouverte afin de s'assurer du consentement des parents, de l'exactitude des motifs allégués pour le déplacement, de la moralité du déclarant et de la personne accompagnant l'enfant (article 4). 54
On voit que tout un dispositif est mis en place pour empêcher le déplacement illicite.
Si toutes ces formalités devraient être remplies par toute personne mal intentionnée et que chaque autorité à son niveau faisait son travail, le trafic d'enfants aurait diminué considérablement.
Quant au décret n°99-559, il porte création d'une Commission Nationale des droits de l'enfant. Cette commission est chargée de la coordination, de la protection et de la promotion des droits de l'enfant. Elle a pour mission :
- de promouvoir les droits de l'enfant et de veiller à ses intérêts, en particulier par la mise en oeuvre de la Convention des droits de l'enfant ;
- d'élaborer et de conduire la politique nationale en matière de protection judiciaire de l'enfant et de la jeunesse ;
53Recueil des textes de lois sur le trafic des enfants, MFPSS, 3ème édition mai 2003. p. 5.
54 Article 4 de la loi 95-191 du 24 juin 1995 fixant les modalités de délivrance des autorisations de sortie du territoire national des mineurs de 18 ans.
- de suivre la mise en oeuvre de la Convention des droits de l'enfant ;
- de coordonner et d'harmoniser les activités de toutes les structures nationales ou internationales relevant de ses compétences.
La Commission nationale des droits des enfants est un cadre idéal pour la sauvegarde de leurs droits. Elle contribue non seulement à la protection mais aussi à la promotion des droits des enfants.
A ces lois, il faut ajouter l'arrêté n°1781 ITLS/D du 12 juillet 1954 relatif au travail des enfants et des jeunes gens, 55 et l'arrêté n°371/MTAS du 26 Août 1987 portant dérogation à l'âge d'admission à l'emploi des enfants en République du Bénin. 56 Récemment nous avons la loi N° 2006-04 du 05 avril 2006, portant conditions de déplacement des mineurs et répression de la traite d'enfants en République du Bénin. 57
Mises à part les dispositions constitutionnelles et législatives, l'arsenal juridique béninois de protection des droits des enfants comporte également des dispositions de droit commun.
Paragraphe 2 : Autres dispositions éparses.
Elles sont relatives aux règles pénales et civiles d'une part, et les règles contenues dans le code du travail et dans le code des personnes et de la famille, d'autre part.
A- Les dispositions en matière pénale et civile
En matière pénale, la loi prévoit une protection de l'enfant contre l'exploitation sexuelle, le viol, la vente, la traite et les déplacements illicites. Ainsi, concernant les déplacements illicites et le trafic d'enfants, on peut mentionner l'ordonnance n°73-37 du 17 avril 1973. Ainsi l'article 354 dispose que « quiconque aura conclu au Dahomey (Bénin) une convention ayant pour objet d'aliéner, soit à titre onéreux, la liberté d'une tierce personne, sera punie de la peine de mort ». 58
55Arrêté n°1781 ITLS/D du 12 juillet 1954 relatif au travail des enfants et des jeunes gens.
56Arrêté n°371/MTAS du 26 Août 1987 portant dérogation à l'âge d'admission à l'emploi des enfants en République du Bénin.
57Loi N° 2006-04 du 05 avril 2006, portant conditions de déplacement des mineurs et répression de la traite d'enfants en République du Bénin.
58 Article 354 de l'ordonnance n°73-37 du 17 avril 1973 portant protection de l'enfant contre l'exploitation sexuelle, le viol, la vente, la traite et les déplacements illicites.
L'article 354 A précise que « sera puni de la même peine le fait d'introduire ou tenter d'introduire au (Dahomey) Bénin des individus destinés à faire l'objet de la convention citée à l'article 1er, ou de faire sortir ou tenter de faire sortir des individus du (Dahomey) Bénin en vue d'une telle convention à contracter à l'étranger ». 60
On remarque que ces articles concernent la traite et le trafic des personnes en général et ne spécifient rien en ce qui concerne les enfants.
Cependant, l'article 355(B) précise que « si le mineur est retrouvé vivant, saint d'esprit et de corps avant le prononcé de l'arrêt de condamnation et ce, sur les indications fournies par le ravisseur, la peine applicable sera les travaux forcés à perpétuité ».61 Contrairement à l'article précédent, celui-ci est plus spécifique au trafic des enfants. Il est à remarquer également que dans chaque cas, il est prévu les peines qui conviennent. C'est le cas de la loi N°2006-4 du 05 avril 2006 portant conditions de déplacement des mineurs et répression de la traite d'enfants en République du Bénin comportant vingt-neuf articles subdivisés en trois chapitres.
Le premier chapitre intitulé « Des définitions et dispositions générales » (huit articles) fixe le champ d'application de la loi et définit les notions telles que l'enfant, la traite et le trafic des enfants, l'exploitation d'enfant, les traitements cruels, inhumains, dégradants et/ou humiliants.
Le second chapitre (six articles) réglemente « les conditions de déplacement des enfants tant à l'intérieur que vers l'extérieur du territoire de la République du Bénin et l'entrée d'enfants de nationalité étrangère en République du Bénin ». Cette loi dispose par exemple aux termes de l'article 7, qu'« aucun enfant ne peut être déplacé à l'intérieur du pays séparé de ses parents biologiques ou de la personne ayant autorité sur lui sans une autorisation spéciale délivrée par l'autorité administrative compétente du lieu de sa résidence sauf décision judiciaire ou les cas spécialement recommandés par les services sociaux et les services sanitaires»
60 Article 354 (A) de l'ordonnance n°73-37 du 17 avril 1973 portant protection de l'enfant contre l'exploitation sexuelle, le viol, la vente, la traite et les déplacements illicites.
61 Article 354 (B) de l'ordonnance n°73-37 du 17 avril 1973 portant protection de l'enfant contre l'exploitation sexuelle, le viol, la vente, la traite et les déplacements illicites.
Le troisième chapitre intitulé « Des dispositions pénales » (quinze articles) est consacré aux peines prévues pour la répression des diverses infractions énumérées dans cette loi. Signalons que les infractions prévues par cette loi sont essentiellement des contraventions, des délits et des crimes. Des circonstances aggravantes ont été également évoquées :
La contravention : est punie d'une amende de dix mille (10000) francs, toute personne qui ayant connaissance du déplacement frauduleux d'un enfant, s'est abstenu d'en informer l'autorité administrative territorialement compétente ou l'officier de police judiciaire le plus proche (article 20). 62
Les délits
Ils sont entre autres :
- Le père ou la mère qui, sciemment, a transporté et/ou a remis son fils en vue de la traite de celui-ci ou qui a aidé d'une façon quelconque le trafiquant encourt un emprisonnement de six (06) mois à cinq (05) ans (article 16). 63
- Quiconque a placé, tenté de déplacer ou accompagné un enfant pour une destination située en République du Bénin hors de la résidence de son père et/ou de sa mère ou de la personne ayant autorité sur lui, sans accomplir les formalités administratives requises est puni d'un emprisonnement d'un (1) an à trois (03) ans et d'une amende de cinquante mille (50000) francs à cinq cent mille (500000) francs (article 17) ; 64
- Quiconque a placé, tenté de déplacer ou accompagné hors du territoire de la République du Bénin un enfant autre que le sien ou un enfant sur lequel il a autorité sans accomplir les formalités administratives en vigueur, est puni d'un emprisonnement de deux (02) ans à cinq (05) ans et d'une amende de cinq cent mille (500000) francs à deux millions cinq cent mille (2.500.000) francs (article 18). 65
62Article 20 de la loi N°2006-4 du 05 avril 2006 portant conditions de déplacement des mineurs et répression de la traite d'enfants en République du Bénin.
63 Article 16 de la loi N°2006-4 du 05 avril 2006 portant conditions de déplacement des mineurs et répression de la traite d'enfants en République du Bénin.
64 Article 17 de la loi N°2006-4 du 05 avril 2006 portant conditions de déplacement des mineurs et répression de la traite d'enfants en République du Bénin.
65 Article 18 de la loi N°2006-4 du 05 avril 2006 portant conditions de déplacement des mineurs et répression de la traite d'enfants en République du Bénin.
Les crimes :
- Quiconque s'est livré à la traite est puni de la réclusion à temps de dix (10) ans à vingt (20) ans.
En cas de récidive, les peines prévues aux articles 16 à 21 alinéa 1er de la présente loi, sont portées au double (article 25). 66
Les circonstances aggravantes : (ce sont des faits laissés à l'appréciation du juge, qui aggravant le caractère d'une infraction, lui permettent de prononcer une peine plus forte).
- Aux termes de l'article 23 de la présente loi « le recours à la menace, à la force ou à d'autres formes de contraintes, à l'enlèvement, à la fraude, à la tromperie, à l'abus d'autorité ou à la situation de vulnérabilité, à l'offre ou l'acceptation de paiement ou d'avantages pour obtenir le consentement de l'enfant ou d'une personne ayant autorité sur lui, aux fins de son exploitation, est une circonstance aggravante de la traite d'enfants ». 67
· En matière civile, le Code civil organise la protection de l'enfant. Il lui confère le droit à un nom, à une nationalité aux articles 55 à 61. Également, le Code civil déclare le mineur incapable de faire un contrat (article 1124) en vertu des conditions de validité fixées à l'article 1108. En effet, le mineur ne peut contracter que s'il a dépassé l'âge de scolarité obligatoire. Il ne peut également souscrire à des emplois qui lui sont interdits. Au vu de tout ceci, l'enfant est incapable de contracter. Ceci constitue d'ailleurs une cause de nullité du contrat.68
66 Article 14 de la loi N°2006-4 du 05 avril 2006 portant conditions de déplacement des mineurs et répression de la traite d'enfants en République du Bénin.
67 Article 23 de la loi N°2006-4 du 05 avril 2006 portant conditions de déplacement des mineurs et répression de la traite d'enfants en République du Bénin.
68Article 1124 du Code civil, protection de l'enfant
De même, par rapport au consentement qui est le fondement même du contrat de travail, on peut dire que l'enfant ne possède pas a priori un esprit de discernement lui permettant de donner un consentement intègre pour la conclusion d'un contrat. Or selon l'article 1109 du Code civil, « il n'y a pas de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol ».69 Le consentement de l'enfant n'étant pas a priori libre, il s'ensuit que le contrat qu'il conclut est nul.
Par ailleurs, l'objet du contrat constitue en élément de validité du contrat. Et, cet objet, dans un contrat de travail, consiste en la prestation de travail pour l'une des parties et la rémunération pour l'autre partie. Or, le travail du mineur n'étant pas rémunéré, il donne lieu à un contrat sans objet qui est considéré comme nul.
Enfin, une cause illicite, fausse ou inexistante entraîne la nullité du contrat. Ainsi, l'emploi des enfants dans des conditions de travail de l'enfant dans le code civil, nous pouvons dire que les enfants sont illégalement employés et que leurs intérêts ne sont pas toujours pris en compte. Mais le code civil qui réglemente tous les aspects du travail veille à la protection de ces intérêts.
Le Code des personnes et de la famille et le code du travail ont également abordé la question de la protection des droits des enfants.
B- Les dispositions du code du travail et du code des personnes et de la famille
La Loi n°98-04 du 27 janvier 1998 portant Code du travail en République du Bénin interdit le travail des enfants de moins de 14 ans. En effet, l'article 166 du Code prévoit que « Les enfants ne peuvent être employés dans aucune entreprise avant l'âge de 14 ans ». 70 Ainsi, il est prévu un âge d'admission à l'emploi. Il faut également noter qu'une catégorisation est faite au niveau des travaux et des entreprises auxquels l'enfant a accès par l'article 168, en ces termes : « Un arrêté
(...) fixe la nature des travaux et la catégorie d'entreprises interdites aux femmes, aux femmes enceintes et aux jeunes gens, et l'âge limite auquel s'applique l'interdiction ». 71
69Article 1109 du Code civil, protection de l'enfant.
70 Article 166 du Code du travail en République du Bénin.
71 Article 168 du Code du travail en République du Bénin.
Aussi, lorsque le travail dépasse les forces du jeune travailleur, soit il est affecté à un autre emploi, soit le contrat est résolu avec indemnisation comme en cas de rupture normale du contrat de travail (article 169).72 En outre, le contrat d'apprentissage est prévu aux articles 64 à 70. On peut retenir aux termes de ces articles que, nul ne peut être apprenti s'il n'est âgé de 14 ans révolus. Il doit également être précisé dans ce contrat les modalités de rémunération, de nourriture, de logement sans toutefois oublier que ce contrat doit être soumis au visa des services compétents du Ministère du travail.
On se rend compte que le Code de travail, en mettant autant de garde-fous au travail des enfants et en limitant l'âge d'accès, contribue d'une manière ou d'une autre à l'élimination du travail des enfants et de surcroît, à celle du trafic des enfants puisque les enfants, constituant une main d'oeuvre abondante et bon marché sont très sollicités : c'est une source abondante de trafic.
Quant au Code des personnes et de la famille, c'est la loi n° 2002-07 du 14 juin 2004 qui l'institue.
C'est un document réparti en quatre livres dont le premier, intitulé « Des personnes », procède à une distinction entre personne physique et personne morale. Il régit également l'état civil. A cet effet, en son article 6 alinéa 1, l'enfant légitime porte le nom de famille de son père, l'enfant né hors mariage porte le nom de celui des parents à l'égard duquel la filiation est établie. Le livre II aborde avec précision les différents aspects de la vie de famille, introduisant les innovations relatives au mariage, à la filiation, à l'autorisation parentale, au régime matrimonial, à la suspension et à la rupture de la vie conjugale. Par rapport à l'autorité parentale, l'article 411 dispose que « Le père et mère ou toute personne investie de l'autorité parentale sont tenus de subvenir aux frais d'entretien et d'éducation de l'enfant ». 73
72 Article 169 de la loi n°98-04 du 27 janvier 1998 portant Code du travail en République du Bénin.
73Article 411 la loi n° 2002-07 du 14 juin 2004 portant protection des personnes et de la famille.
En effet, le Code de la personne et de la famille prévoit que le mineur non émancipé sera obligé de rester au domicile de ses parents ou de la personne exerçant le droit de garde et peut être contraint à y revenir lorsqu'il quitte ce domicile sans l'autorisation de ces personnes. La nouveauté réside dans le fait que cette autorisation parentale est exercée par les deux parents.
Ainsi, grâce à cette autorité parentale, aucun enfant ne peut partir du domicile de ses parents sans leur autorisation même si, quelquefois, certains parents sont complices du départ à l'extérieur de leur progéniture.
Eu égard à tout ce qui procède, on peut dire qu'il existe un enchaînement de mesures en faveur de l'enfant. Nonobstant cela, on assiste à certaines situations d'enlèvements et de déplacements illicites d'enfants. En résumé, nous pouvons dire que malgré l'abondance d'une législation protectrice des droits des enfants, le trafic des ces êtres fragiles persiste au Bénin. Il en ressort donc que cette législation n'est pas qualitativement appropriée. Il y a alors des failles auxquelles il convient de trouver des solutions.
C'est à cet effet qu'on note l'existence au Bénin de structures étatiques, d'ONG nationales ou internationales qui s'impliquent activement dans le processus de lutte contre le trafic des enfants.
Deuxième partie :
Cadre politique et administratif
L'enfant a droit à toute forme de protection. Les institutions étatiques et les organisations non gouvernementales ont le devoir de lui garantir les droits reconnus aux plans national, régional et international.
Pour y parvenir, une meilleure coordination des actions régionales et sous-régionales, voire internationales, s'impose surtout en matière de traite des enfants qui a des effets au-delà de nos frontières.
Il sera question dans cette deuxième partie, de faire un examen du cadre politico administratif en matière de lutte contre le trafic des enfants au Bénin notamment.
Ainsi, il sera examiner d'une part le dispositif administratif et institutionnel en matière du trafic des enfants; et d'autre part, il sera question d'énumérer les limites ou insuffisances en matière de lutte contre le trafic des enfants au Bénin et par ricochet, donner quelques propositions de solutions
Chapitre 1er : Dispositif administratif et institutionnel
En ratifiant les instruments internationaux et régionaux des droits de l'enfant, le Bénin s'est engagé à prendre des mesures de protection de l'enfant à tous les niveaux. Cette volonté politique s'est manifestée d'une part par la création de bon nombre de structures étatiques, mais également par une ouverture à l'appui des ONG et des structures internationales travaillant en la matière au Bénin.
L'accent sera donc mis sur les actions engagées par les autorités au plan national, et celles engagées au niveau sous-régional et international.
Section 1 : Les actions engagées par les autorités
La mission des institutions étatiques de protéger des enfants se dégage des engagements internationaux pris par le Bénin. A partir de la Convention relative aux droits de l'enfant et de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, le rôle de l'Etat est à situé à plusieurs niveaux. A ce titre, plusieurs structures sont créées au niveau des Ministères de la protection de l'enfance de même par la mise en place des organisations non gouvernementales nationales et internationales.
Paragraphe 1 : Les actions engagées au niveau national
Elles sont relatives aux actions prises par l'Etat à travers des institutions étatiques de protection des enfants ainsi que leurs missions et les engagements pris par le Bénin dans leur mise en oeuvre.
A/ Mise en place des instances publiques de protection de l'enfance
Ce sont des organismes, services de l'Etat qui exercent le pouvoir de protection des populations. Il s'agit de certains Ministères et de leurs structures décentralisées et directions techniques. Au nombre de ceux-ci on peut citer comme :
· Le Ministère de la famille, de la femme et de l'enfant avec des Directions comme :
- La Direction de l'enfance et de l'Adolescence. Cette Direction est responsable de la cellule « Enfant en situation difficile » devenu Cellule « Enfant ayant besoin des mesures spéciales de protection » avec les comités locaux de lutte contre le trafic des enfants.
- La Cellule Nationale de Suivi et de Coordination pour la Protection de l'Enfant au Bénin, créée par Arrêté N° 503/MFPSS/DC/SGM/DEA/SPEA/SA du 15 mars 2006, qui a pour mission aux termes de l'article 5 « ...de l'étude des questions spécifiques, notamment : la traite des enfants, l'exploitation économique des enfants, la justice juvénile, les violences et les pratiques néfastes, les orphelins et les enfants vulnérables». 74
· Le Ministère de la Justice, de la Législation et des Droits de l'Homme, chargé des droits de l'Homme sur tout le territoire ; donc en charge des droits de la femme et des droits de l'enfant, avec des structures compétentes comme :
- La Direction des droits de l'homme,
- la Direction de la Protection judiciaire de l'enfance et de la Jeunesse ;
- la Direction du Centre national de Sauvegarde de l'Enfance et de l'adolescence.
Il faut signaler qu'il existe d'autres structures créées par des décrets spécifiques, au niveau dudit ministère à savoir :
- Le Conseil National Consultatif des Droits de l'Homme ;
- La commission Nationale des Droits de l'Enfant créée par décret N° 99-559 du 22 novembre 1999 qui a pour mission aux termes de l'article 2 dudit décret :
- « de promouvoir les droits de l'enfant et de veiller à la sauvegarde de ses intérêts, en particulier par la mise en oeuvre de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- d'élaborer et de conduire la politique nationale en matière de protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse ;
- de coordonner et d'harmoniser les activités de toutes les structures nationales ou internationales relevant de ses compétences ». 75
Selon les statistiques de la BPM (Brigade de Protection des Mineurs) et des tribunaux de première instance, le nombre de trafiquants arrêtés et déférés à la justice béninoise depuis janvier 2001 s'élève à 160 (7 en 2001, 13 en 2002, 23 en 2004, 30 en 2005, 52 en 2006). 76
74Article 5 de l'Arrêté N° 503/MFPSS/DC/SGM/DEA/SPEA/SA du 15 mars 2006, portant Protection de l'Enfant au Bénin
75Article 2 du Décret N° 99-559 du 22 novembre 1999, portant promotion des droits des l'enfant.
76 UNICEF et MFE : Etude Nationale sur la traite des enfants, Novembre 2007, p. 77.
Du 1er janvier au 23 février 2007 dix (10) trafiquants d'enfants ont été déférés devant le Procureur de la République. Le jugement est largement médiatisé afin de décourager d'éventuels trafiquants ou utilisateurs de main d'oeuvre infantile et des parents plus proches ou moins complices.
Nombre de trafiquants arrêtés et déférés
Années/Période |
Nombre de trafiquants arrêtés et déférés |
2001 |
07 |
2002 |
13 |
2003 |
23 |
2004 |
25 |
2005 |
30 |
2006 |
52 |
2007 |
10 |
Total 160 |
Source : Etude Nationale sur la traite des enfants, Novembre 2007, p. 77.
Figure 1 : Evolution des trafiquants arrêtés et déférés de 2001 à 2007
· Le Ministère de la Fonction Publique, qui est en relation avec le monde du travail, et certaines institutions comme le Bureau International du Travail (BIT) et le Programme International pour l'Abolition du Travail des Enfants (IPEC).
· Le Ministère de l'Intérieur, de la Sécurité et de la décentralisation, avec ses services de la Police, de la Brigade de protection des mineurs, de la gendarmerie nationale, qui veillent à la protection des personnes et des biens. Elles répriment et empêchent la circulation des enfants sans documents. Comme structures compétentes nous avons :
- La Direction de la Prévention et de la Sécurité Civile ;
- Les commissariats de police ;
- Les brigades de protection des mineurs ;
- Les maires, les chefs d'arrondissements et les chefs de villages ou quartiers.
· Le Ministère de la Défense Nationale, qui est chargé des questions concernant les enfants dans les zones rurales ou parfois dans certaines localités, avec les services de la police ou de la gendarmerie.
· Le Ministère des Affaires Etrangères et de l'Intégration Africaine (MAEIA) à travers ses ambassades et les consulats.
Par ailleurs, sur le terrain, le Gouvernement béninois s'est illustré à travers certaines réalisations telles que :
- l'installation de 1023 comités locaux de lutte contre le trafic des enfants dans les communes à forte prévalence du trafic,
- la mise en place d'une entreprise des enfants ayant besoin d'une mesure spéciale de protection,
- la campagne synchronisée Bénin-Togo le long des frontières des deux pays,
- la création de deux fonds au Ministère de la famille, de la Protection Sociale et de la Solidarité (MFPSS) destinés à l'octroi de micro-crédits aux populations rurales pour les activités génératrices de revenus etc. 77
En plus des institutions étatiques pour la protection des droits de l'enfant, nous avons également des organisations non gouvernementales nationales et internationales qui oeuvrent pour la même mission.
77Communication, migration et trafic d'enfants, Issa Mama ABOUDOU.
B- Organisations non gouvernementales spécialisées dans la protection de l'enfance.
D'une manière générale, les organisations non gouvernementales qu'elles soient nationales ou internationales, ont une mission globale : celle d'appuyer l'Etat.
Ce sont des groupements ou associations à vocation universelle, nationale et internationale à but non lucratif et ayant pour objet la sécurité collective et la promotion de la condition humaine.
Elles participent à la protection des enfants par des appuis divers à l'Etat. Dans ce cadre, elles ont :
- une mission de prévention,
- une mission de protection,
- une mission de dénonciation,
- une mission d'accueil, de prise en charge, de scolarisation,
- une mission d'éducation des familles et des enfants,
- une mission de réinsertion, de réintégration et de réhabilitation,
- une mission d'écoute, d'accompagnement et d'appui aux enfants et à leurs familles,
- une mission de renforcement des capacités des acteurs d'encadrement des enfants.
Par ailleurs, il est à signaler que des actions de plaidoyer et de sensibilisation pour une meilleure attention aux questions de l'enfant.
Dans le contexte de la protection de l'enfant et de la lutte contre le trafic des enfants, les ONG luttent non seulement pour la protection, mais aussi pour la promotion et le respect de l'être humain. Elles veillent au développement socio-économique des populations et plus particulièrement à celui des couches vulnérables, dont les enfants. Elles sensibilisent, dénoncent les cas de trafic, accueillent les enfants victimes, les protègent et aident à leur scolarisation ou réinsertion socioprofessionnelle. Elles participent aussi à l'élaboration des lois.
On peut citer comme Organisations Non Gouvernementales : « Enfants Solidaires d'Afrique et du Monde » (ESAM), le projet Enfance en Situation Difficile (ESD), le Carrefour d'Ecoute et d'Orientation (CEO), la Croix rouge, la Fondation Regard d'Amour, Racines, le réseau CLOSE, le PIED (Programme d'Insertion des Enfants Déshérités), Tomorrow Children, OMEGA, le CAEB (Conseil des Activités Educatives au Bénin), ESD (Enfance en Situation Difficile), le GRABS (Groupe de Recherche et d'Action pour le Bien-être Social)....et certains organismes Internationaux comme l'UNICEF, le Bureau International des droits de l'Enfant, `'Save the Children UK'', `'Aide à l'Enfance- canada'', Terre des Hommes, Plan Bénin, Villages d'Enfants SOS, Aide et Action etc...78
Au total, il existe beaucoup d'institutions aussi bien au Bénin que sur le plan international qui interviennent dans la lutte contre le trafic des enfants.
La Communauté internationale à travers diverses conventions oeuvre pour la diffusion et la protection des droits des enfants.
Paragraphe 2 : La pratique béninoise en matière de rapatriement et de réinsertion
Depuis quelques années, le Bénin, taxé de plaque tournante du trafic des enfants, a enclenché des mesures en vue du rapatriement de ces enfants béninois victimes de cette pratique peu orthodoxe. Egalement, la question de la prise en charge et de la réinsertion de ceux-ci dans leur société d'origine est évoquée de manière constante. Il en est ainsi parce qui est de la présomption et de l'intérêt de l'Etat béninois de faire en sorte pour aider le retour de ses enfants illégalement déplacés et soutenir ensuite leur insertion dans leur société d'origine (société béninoise)
78A. ADIHOU, A FANOU-AKO, N : Enquête sur le trafic des enfants entre le Bénin et le Gabon, Cotonou, 1998, p. 13.
A/ Rapatriement : Processus
Ce paragraphe entend mettre en exergue les différentes approches de la notion de rapatriement et exposer les procédures liées à sa mise en oeuvre.
Dans le cadre des enfants victimes de trafic, le rapatriement peut être défini comme un acte de faire revenir ces derniers dans leur pays d'origine ou de départ.
En effet, aux termes de l'article 1er, du chapitre I de l'Accord de Coopération entre le Bénin et le Nigéria sur la prévention et la suppression de la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, « le rapatriement désigne le processus qui consiste à faire revenir un ou plusieurs enfants victimes de la traite dans leur pays » 79
Selon l'Accord de Coopération en Matière de Lutte Contre la Traite des Enfants en Afrique de l'Ouest en son article 1 alinéa 7 du chapitre I, le rapatriement se définit comme étant « le processus humanisant et sécurisé consistant à faire revenir un ou plusieurs enfants victimes de traite dans leur pays d'origine, en tenant compte de son opinion et de son intérêt supérieur. Il comporte l'identification, la prise en charge, notamment l'hébergement, les soins, la nourriture, l'appui psychologique et le transport vers le pays d'origine». 80
En un mot, le rapatriement est le mouvement par lequel les enfants victimes de la traite ou de l'exploitation sont retirés à leur(s) exploitant(s) pour être ramenés dans leur pays d'origine.
Le rapatriement a pour objectif de permettre aux enfants de rejoindre leurs parents ou leur pays et de leur éviter une exploitation, n'importe laquelle, afin de leur bâtir un avenir meilleur. Ceci nous amène à nous intéresser au processus du rapatriement.
Le concept de rapatriement met en jeu plusieurs acteurs à savoir : l'Etat d'accueil, les ambassades des pays concernés (par le rapatriement), des « cellules de coordination et d'intervention ».
79Source : MAEIA-Bénin, projet en cours de signature officielle
80Article 1 alinéa 7 de l'Accord de Coopération en Matière de Lutte Contre la Traite des Enfants en Afrique de l'Ouest, signé à Abidjan, le 27 juillet 2005.
Le processus qui aboutit au rapatriement proprement dit des enfants victimes de trafic débute par une descente des autorités compétentes de l'Etat d'accueil dans les plantations, les carrières ou les ménages selon leurs sources d'information. Ces autorités recherchent par la suite les pays d'origine des enfants afin de leur constituer un dossier. Après quoi, elles avertissent les ambassades des pays concernés afin qu'elles organisent le processus de rapatriement. Entre temps, les enfants sont pris en charge et hébergés soit par un centre d'accueil soit par l'Ambassade de leur pays d'origine si elle en a les possibilités. L'Ambassade saisit le Ministère des Affaires Etrangères de son pays par correspondance aux fins de connaître l'attitude à adopter et également de savoir dans quelle mesure les autorités locales pourraient intervenir. Le Ministère des Affaires Etrangères saisit à son tour le Ministère en charge de l'enfant ou de la famille qui prend sur lui d'informer les autres structures étatiques et les ONG intervenant dans la lutte contre le trafic des enfants.
Toutes ces structures suscitées se rencontrent et négocient afin de voir dans quelle mesure elles peuvent travailler en synergie pour que l'opération s'effectue sans difficulté. Après les différentes concertations, une correspondance est envoyée à l'Ambassade de l'Etat d'accueil dans l'Etat d'origine des enfants pour l'informer des dispositions à prendre pour convoyer les enfants à la frontière. Le jour officiel de rapatriement, toutes les structures compétentes des deux pays concernés arrivent à la frontière où les enfants sont accueillis par les autorités locales de leur pays d'origine. Ils sont ensuite transférés dans une cellule de coordination et d'intervention qui a la charge de les répartir dans les divers centres d'accueil du pays où ils devront séjourner, le temps que les intervenants sociaux ou les animateurs des centres retrouvent leurs parents.
De tout ce qui précède, on déduit que le rapatriement est un long processus qui n'est guère exempt de difficultés.
En effet, le processus de rapatriement est parsemé de nombreuses difficultés depuis le pays de départ jusqu'au pays de destination des enfants, en passant par les ambassades.
La première difficulté que connaît ce processus est liée à l'absence ou à l'insuffisance de représentations diplomatiques de certains pays de départ d'où partent des enfants dans les pays de destination, surtout dans ceux qui connaissent un fort taux d'accueil d'enfants victimes de trafic. Ceci engendre un déficit, voire, un défaut de sensibilisation des nationaux de l'Etat de départ dans l'Etat d'accueil et des ressortissants des Etats tiers quant à l'aide qu'ils pourraient apporter aux autorités de l'Etat d'accueil dans la mise en oeuvre de rapatriement.
Une deuxième difficulté est d'ordre organisationnel. En effet, aucune organisation matérielle n'est faite pour contrôler les réseaux de trafic des enfants. Ceci est d'autant plus vrai que le nombre d'enfants victimes de trafic est de plus en plus élevé. Les trafiquants ont également développé de nouvelles stratégies pour venir à bout des normes établies par les Etats pour lutter contre le trafic. Cela a pour effet de déjouer les plans des autorités.
Il faut également souligner le manque de discrétion qui caractérise les descentes des autorités de l'Etat d'accueil lorsqu'elles entreprennent de récupérer les enfants étrangers exploités sur leur territoire. Les descentes tapageuses entraînent comme conséquence le nombre peu élevé d'enfants finalement rapatriés, les trafiquants ayant été avertis par leurs réseaux de renseignements ou par les sirènes des véhicules policiers.
Ce manque de discrétion soulève également le problème de l'intense médiatisation qui est faite autour du phénomène du trafic des enfants. Il est vrai que l'objectif premier de cette intense médiatisation est d'informer les populations. Mais elle a par ailleurs un effet traumatisant. C'est qu'elle heurte l'opinion publique et, partant, génère une crise de confiance entre les tuteurs qui ne maltraitent pas les enfants à eux confiés.
A ces difficultés, il faut ajouter également celles liées au manque de moyens de déplacement pour assurer le transport des enfants rapatriés.
En effet, les structures qui doivent aller à la rencontre des enfants à la frontière ne disposent pas toujours de moyens appropriés pour accomplir leur mission. Elles sont parfois obligées d'emprunter des véhicules ou au mieux de confier la mission à d'autres organisations qui s'occupent du rapatriement des enfants victimes de trafic, l'effectif des agents réellement compétents est limité. Ce qui fait qu'on assiste parfois à une lenteur notoire dans l'exécution des tâches administratives et même dans l'accueil des enfants à la frontière.
De même, l'inexistence de démembrements des cellules de coordination et d'intervention au niveau des frontières ne permet pas de contrôler les transactions qui s'y font, vu la perméabilité de certaines frontières. Cette perméabilité des frontières favorise également la corruption des agents de sécurité à la frontière. En effet, ces agents ne résistent pas longtemps aux pots-de-vin que leur glissent les trafiquants.
Au regard de tout ce qui précède, quelle a été l'expérience béninoise en matière de rapatriement ?
Au Bénin, il n'existe pas un processus standard de rapatriement. Cela dépend des accords entre le Gabon et le Nigéria. Le Bénin qui a eu à effectuer des rapatriements d'enfants à partir de ces pays. Cependant, il faut noter que le procédé est le même dans tous les cas à quelques différences près. Grâce à ce processus de rapatriement, la BPM a pu faire revenir en 2003, 190 enfants béninois victimes de trafic et d'exploitation dans des carrières au Nigéria. En 2004, ce sont près de 247 enfants en provenance du Gabon, du Nigéria, du Ghana, du Cameroun, du Burkina Faso et de la Côté- d'Ivoire qui ont foulé le sol de leur terre d'origine, le Bénin. Il faut également dire que 25 trafiquants ont été interceptés dans la même année et transférés devant les tribunaux après que la BPM a enclenché la procédure de répression. 81
Sur ces entrefaites, le Consul honoraire du Bénin à Yaoundé informa l'ambassadeur du Nigeria par correspondance N°027/CHB/YDE/OU du 17/9/04 de la situation. 82 Celui-ci informe à son tour le MAEIA qui prit sur lui le soin de mettre au courant le MFPSS. A la suite de cet échange de correspondances, le MFPSS saisit la BPM et les centres d'accueil pour une réunion de concertation où il fut décidé de la date et de l'heure de rapatriement.
81TERRE DES HOMMES : Les petites mains des carrières de pierre, Cotonou, 1998, p. 31.
82 Correspondances N°027/CHB/YDE/OU du 17/9/04 entre le Consul honoraire du Bénin à Yaoundé.
Ainsi, lorsque les autorités compétentes du Gabon ou du Nigéria effectuent des descentes dans les ménages ou les carrières, elles récupèrent tous les enfants qu'elles y trouvent. Après leur récupération, elles les conduisent au poste afin d'établir leur identité pour constitution de dossiers. Par la suite, elles avertissent les ambassades des pays d'origine des enfants récupérés.
Dans le cas du Bénin, lorsque l'Ambassade est ainsi saisie, elle envoie une correspondance aux autorités béninoises pour les informer de la situation.
Elle en informe particulièrement le Ministère des Affaires Etrangères et de l'Intégration Africaine (MAEIA) qui à son tour saisit le Ministère de la Famille, de la Protection Sociale et de la Solidarité (MEPSS). A ce niveau, il revient à la Direction de la Famille, de l'Enfance et de l'Adolescence (DFEA) de prendre les dispositions nécessaires afin que le rapatriement s'effectue sans difficultés. Pour ce faire, une correspondance est envoyée aux centres d'accueil et aux ONG qui s'occupent des enfants et également à la Brigade de Protection des Mineurs (BPM).
Souvent, les ministères de l'intérieur, de la justice et des Affaires étrangères sont associés dans la mise en oeuvre du processus.
Lorsque toutes ces structures sont informées de la situation, une réunion de concertation est tenue entre elles afin de définir une stratégie commune pour faciliter le rapatriement et pour que les enfants ne soient pas traumatisés. Ainsi, chaque structure connaît le rôle qu'elle doit jouer le jour du rapatriement.
Le jour du rapatriement, les différentes structures ci-dessus énumérées se rencontrent à la frontière pour accueillir les enfants mais surtout pour constater les faits et procéder aux premiers soins qu'il est souvent nécessaire d'apporter aux enfants. Après quoi, ils sont envoyés à la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) où les agents s'occupent des formalités administratives afin de légaliser leurs actes et d'avoir dans les archives le nombre d'enfants accueillis et les différents centres qui s'en sont occupés. Ainsi, chaque structure (centre d'accueil et ONG) prend en charge un certain nombre d'enfants selon ses moyens et selon des critères d'admission propres.
Par exemple, l'ONG « Terre des hommes » s'occupe des enfants de 0 à 14 ans. 83 Les centres de l'Archevêché de Cotonou prennent en charge, en plus des petits enfants, les plus âgés c'est-à-dire les enfants de plus de 14 ans. Avec l'appui du Bureau Central d'Analyse Technique (BCAT) et de l'IPEC (International Program for Elimination of Child Labour), la BPM arrive à s'en sortir à mener à bien ces activités.
Le rapatriement a eu lieu le 10 novembre 2004 à l'Aéroport de Cadjèhoun. Il y avait les accompagnateurs de Fabricia, âgée de 11 ans, les agents de la BPM qui étaient sous la direction du Commissaire et les agents du Centre d'écoute et d'orientation (CEO) d'Abomey-Calavi. L'adresse des parents de Fabricia étant déjà mentionnée sur la correspondance de l'Ambassadeur, il n'a pas été difficile de les retrouver dans un village de Pobè.
Le rapatriement étant élucidé, il reste à s'intéresser au processus de réinsertion qui fait suite à celui du
B/ Réinsertion: Procédure.
Elle consiste non seulement à réintégrer l'enfant dans une famille d'accueil mais à identifier avec lui un projet qui aboutira à son insertion dans la société. Ce projet peut être un retour à la vie scolaire qui devra être couronnée par un diplôme ou une mise en apprentissage qui devra aboutir à l'obtention de diplôme et à l'installation d'un atelier. La réinsertion est donc un processus qui inclut la réintégration de l'enfant. C'est plus exactement l'action de réintroduire l'enfant dans un milieu afin de lui permettre un épanouissement dans la société ; de ne pas être un étranger dans son propre environnement et de ne pas se sentir marginalisé. Dès lors, les Etats s'engagent à favoriser cette réinsertion.
83 TERRE DES HOMMES : Les petites mains des carrières de pierre, Cotonou, 1998, p. 28.
C'est dans cette optique que l'article 39 de la Convention relative aux droits des enfants stipule que « les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour faciliter la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale de tout enfant victime de toute forme de négligence, d'exploitation ou de sévices, de torture ou de toute autre forme de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou de conflits armés. Cette réadaptation et cette réinsertion se déroulent dans des conditions qui favorisent la santé, le respect de soi et la dignité de l'enfant ». 84
Il faut par ailleurs noter qu'il existe plusieurs types de réinsertion à savoir : la réinsertion familiale, la réinsertion scolaire et la réinsertion socioprofessionnelle.
En d'autres termes, la réinsertion permet à l'enfant de retrouver sa valeur dans la société, de se réconcilier avec son milieu d'origine et de s'intégrer. L'objectif de la réinsertion est donc le rétablissement des liens familiaux de l'enfant, de sa dignité en vue de son épanouissement et pour lui assurer un avenir meilleur. Ceci nous amène à nous intéresser au processus même de la réinsertion.
La réinsertion d'un enfant se déroule au minimum à deux niveaux : au niveau de l'enfant et au niveau des acteurs du milieu où il sera réinséré. Pour qu'il y ait une bonne réinsertion, l'intervenant social doit d'abord identifier la situation de crise qui pourrait exister entre l'enfant et son milieu de départ et dans la mesure du possible la désamorcer.
Ensuite, il doit identifier le milieu de réinsertion de l'enfant, ses caractéristiques économiques, ses possibilités à termes etc. et surtout chercher à savoir si la situation de crise ayant amené l'enfant à se retrouver dans un centre d'accueil ne pourrait pas se reproduire. Replacer un enfant dans une famille alors que les problèmes économiques et sociaux qui ont amené les parents à « vendre » ou à « placer » cet enfant n'ont pas disparu peut poser problèmes. L'intervenant social doit également prendre contact avec les acteurs de la réinsertion, la famille naturelle ou d'accueil, l'école ou l'atelier, la BPM, les ONG et voir avec chacun d'eux quel rôle ils pourraient jouer dans le bon déroulement de la réinsertion.
84 Article 39 de la Convention relative aux droits des enfants
Il doit enfin oeuvrer à concilier les voeux de l'enfant avec ceux de sa famille et de son milieu de réinsertion. Il doit tout faire pour que le jour de la réinsertion formelle, aucun problème ne se pose, qu'au contraire l'enfant se sente soutenu et encouragé dans sa démarche. C'est donc à l'intervenant social d'évaluer toutes les chances de réussite de la réinsertion. Celle-ci doit s'accompagner d'une sensibilisation du milieu d'accueil afin que l'enfant ne soit pas constamment stigmatisé.
Qu'en est-il de l'expérience béninoise en matière de réinsertion ?
Au Bénin, le processus de réinsertion se fait entre les centres d'accueil et les enfants. En effet, lorsque les centres reçoivent les enfants de la BPM, ils les hébergent, les nourrissent et travaillent à leur redonner confiance. L'enfant est dès cet instant confié à un animateur du centre qui essaie d'en savoir un peu plus sur lui. Mais il faut dire que chaque centre a ses méthodes et ses principes.
Par exemple, à « Terre des hommes » qui est une structure qui s'occupe de la réinsertion et de la protection des enfants victimes de trafic et de maltraitance, les enfants sont reçus entre 0 et 14 ans. Dans ce centre, il y a une différence entre une réintégration et une réinsertion. Pour les agents, la réintégration consiste à remettre les enfants à leurs parents dans leur ancien milieu de vie sans aucun suivi. Or la réinsertion, quant à elle, consiste à suivre l'enfant après son retour dans sa famille d'origine ; c'est-à-dire qu'il y reçoit la visite régulière des animateurs qui l'aident à vite s'intégrer. Ce suivi s'étend sur un an. Après la période de suivi, l'enfant est supposé n'avoir plus de problème de réintégration et être à même de connaître ses droits. Dès cet instant, on parle de réinsertion. 85
Quant aux centres d'écoute et de formation de l'Archevêché de Cotonou, ils s'occupent de toutes les catégories d'enfants. Par exemple, le centre de formation d' « Omo loto » s'intéresse aux jeunes du quartier désirant apprendre un métier (ceux-ci ne sont donc pas des internes).
85 TERRE DES HOMMES : Les petites mains des carrières de pierre, Cotonou, 1998, p. 33.
Le centre d'écoute et d'orientation de Sainte Rita prend en charge surtout les enfants victimes de trafic et de maltraitance qui attendent d'être réinsérés dans leur famille ou d'être scolarisés.
C'est aussi le cas du centre ARMOIRITE d'Abomey-Calavi où les enfants sont hébergés en attendant soit de retrouver leurs parents, soit d'être scolarisés ou de trouver un centre d'apprentissage. C'est à la formation des jeunes garçons que s'attelle l'Atelier Saint-Joseph. Il leur donne une formation technique en menuiserie, radiographie, dépannage etc.
Ainsi, pour ces centres, il y a réinsertion dès lors qu'il y a remise aux parents. Il n'empêche que leurs agents aussi effectuent des visites périodiques dans le but de suivre l'évolution de l'enfant dans son milieu de réinsertion.
Il est à mentionner que pendant leur séjour dans les centres, les enfants sont bien soignés tandis que les animateurs s'évertuent à leur trouver le meilleur mode de réinsertion possible.
Grâce à ce processus de réinsertion et avec l'aide de l'UNICEF, de l'IPEC et de la Banque Mondiale, « Terre des Hommes » a réussi à réintégrer 100% des 80 enfants qu'elle a reçus en 2003 au bout de trois mois, et réinsérer 65% au bout d'un an. Leur objectif pour les années à venir est de pouvoir réduire d'au moins 90% le trafic des enfants dans les zones pourvoyeuses d'enfants au Bénin. 86
On voit donc que la réinsertion n'est pas une démarche aisée et qu'elle peut présenter des difficultés non négligeables.
La plus grande difficulté à laquelle l'on est confronté dans le processus de réinsertion est le manque de centre d'accueil suffisant.
En effet, lorsque les enfants sont rapatriés et qu'ils sont confiés à la BPM, il va faut bien les répartir dans les divers centres d'accueil. Or, ces centres sont presque inexistants, sinon que ceux qui existent sont en nombre insuffisant et souffrent bien souvent d'un manque d'infrastructures et de places pour accueillir un grand nombre d'enfants.
86 TERRE DES HOMMES : Les petites mains des carrières de pierre, Cotonou, 1998, p. 34.
De même, on peut citer comme autre difficulté le désengagement de l'Etat. Ce désengagement se traduit par le manque de vision et d'implication de l'Etat dans le processus de réinsertion. Ainsi, on constate qu'après la réinsertion des enfants, l'Etat ne les suit plus aux fins de voir dans quelles mesures améliorer leurs conditions de vie ou dans quelles mesures aider les centres d'accueil à mieux s'occuper d'eux.
De plus, l'inexistence de structures étatiques dans ce domaine explique la légèreté avec laquelle les enfants sont pris en charge. Cet état de choses est aggravé par l'absence d'une vision étatique prospective de la réinsertion dans la mesure où depuis le début du processus de rapatriement, aucune structure n'a été mise en place par l'Etat. De même, aucun projet n'est prévu à cette fin. Ceci révèle le manque d'engagement de l'Etat face aux problèmes sociaux et surtout face aux problèmes des enfants. Or, dans les conventions internationales y afférentes, il est fait obligation aux Etats qui s'engagent à cet effet pour d'assurer le bien-être et la protection des enfants. Ce manque d'engagement des Etats pourrait être traduit comme l'une des conséquences de l'inexistence de mesures coercitives et répressives dans les conventions et traités internationaux.
A toutes ces difficultés, s'ajoute celles liées au manque de coopération des parents des enfants victimes de trafic. En effet, il faut dire que lorsque les enfants sont placés dans les centres d'accueil, l'on estime que certains d'entre eux pourraient retrouver à terme leurs parents. Or, ce n'est pas le cas souvent car certains parents refusent de recevoir leurs enfants ou pis encore, font semblant de ne pas les reconnaître. Ceci peut s'expliquer par le fait que les parents vivent toujours la même pauvreté ambiante qui les a poussés à envoyer leurs enfants travailler à l'extérieur. Cet état de choses peut créer un trouble psychologique chez l'enfant et l'amener à préférer retourner dans le pays de provenance ou, dans les cas extrêmes, devenir un enfant de la rue ou s'adonner au banditisme.
Une se pose donc : comment convaincre un enfant qui a déjà le goût de l'aventure de rester dans son pays pour y construire son avenir ? rapatriement.
Section 2 : Implication des institutions internationales.
L'Etat béninois a compris que la lutte contre la traite des enfants requiert une solution aussi bien endogène qu'exogène fondée sur l'implication des acteurs au niveau sous régional et à travers un partenariat et une collaboration avec des institutions internationales.
Paragraphe 1 : Actions engagées au niveau sous - régional
Des accords de coopération bilatéraux et multilatéraux ont été signés entre le Bénin et d'autres pays de la CEDEAO et de la CEEAC dans le but de renforcer la collaboration en matière de lutte contre la traite des personnes et particulièrement celle des femmes et des enfants. Ces accords couvrent des domaines ci-après : identification, prise en charge, accueil, rapatriement, répression, investigation et surveillance des frontières.
A- En matière de coopération bilatérale
En matière de coopération bilatérale, le Bénin a conclu le 9 juin 2005 un accord avec le Nigeria sur la prévention, la répression et la suppression de la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants. Cet accord s'est traduit par la mise en place d'un comité conjoint, d'un plan d'action commun pour la période 2006-2008 et d'un plan d'action spécial «Za-kpota Abeokuta«. Au niveau de la coopération bilatérale entre les deux pays, des progrès ont été faits dans ce sens et cette question a été intégrée dans le cadre d'un nouveau : «Memorandum of Unders tanding«, signé entre les deux pays. 87
Le Bénin a entrepris avec le Gabon des contrats depuis juillet 2006 dans le sens de la mise en place d'un cadre de concertation pour l'élaboration d'un accord en vue de renforcer la coopération et l'entraide judiciaire pour la protection des enfants victimes de la traite transnationale.
88 Accord de Coopération entre le Bénin et le Nigéria du 9 juin 2005, traduit par la mise en place d'un comité conjoint, d'un plan d'action commun pour la période 2006-2008 et d'un plan d'action spécial «Za-kpota Abeokuta«.
Cet instrument juridique, qui représente une avancée considérable dans la lutte contre le trafic d'enfants, tente d'appréhender de manière concrète le phénomène du trafic transfrontalier entre les deux pays en énonçant des règles de conduite précises pour chacune des parties contractantes et en dégageant un ensemble d'obligations qui leur sont communes.
Une cartographie des différents acteurs intervenant au Bénin, au Gabon et au Togo est en cours de réalisation dans le cadre de cet accord.
Par ailleurs, une mission d'investigation a été effectuée auprès des communautés béninoises vivant au G
B/ En matière d'accord multilatéral de coopération
En matière d'accord multilatéral de coopération, un accord a été signé le 27 juillet 2005 avec huit pays de la CEDEAO. Ce processus s'est poursuivi pour aboutir le 7 juillet 2006 à la signature d'un accord multilatéral de coopération régional entre les vingt-six pays de la CEDEAO et de la CEEAC. 89
Le gouvernement en collaboration avec l'UNICEF a organisé en juin 2006 à Cotonou un atelier national d'adaptation au contexte béninois des Principes Directeurs pour la protection des enfants victimes de la traite. Le but était de produire un guide pour le gouvernement et les autres acteurs. Cet atelier a débouché sur des recommandations. L'objectif est de finaliser puis de diffuser au niveau départemental des principes directeurs adaptés au Bénin.
Par ailleurs, des résolutions sur le trafic a été tirée par quelques représentations diplomatiques du Bénin de certains pays africains comme le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Gabon, et le Nigeria. 90 Un comité interministériel a été mis en place afin d'attribuer des fonctions aux différents ministères pour faire disparaître à terme le problème de trafic des enfants.
89Accord multilatéral de coopération régional du7 juillet 2006 entre les vingt-six pays de la CEDEAO et de la CEEAC en matière de lutte contre la traite des personnes et particulièrement celle des femmes et des enfants.
90 Atelier national du juin 2006 à Cotonou portant adoption des Principes Directeurs et recommandation pour la protection des enfants victimes de la traite entre le Bénin et certains pays africains.
L'action en direction des pays d'accueil consistait à donner des instructions aux représentations diplomatiques et consulaires du Bénin à l'étranger en vue de mieux gérer la situation des enfants en instance de rapatriement au Bénin. Ces représentations devraient également assurer, en collaboration avec les services compétents des pays hôtes, le contrôle et le suivi des conditions de vie de ces enfants dans les cellules familialesabon, afin de mieux appréhender le phénomène.
Paragraphe 2 : Coopération Bénin et institutions internationales
En dehors des accords bilatéraux et multilatéraux avec les pays et les institutions sous-régionales, le Bénin a entretenu d'autres initiatives à travers un partenariat avec des institutions internationales, pour la protection et la lutte contre la maltraitance des enfants.
A- Bénin - UNICEF
A la tête des institutions internationales, on retrouve l'UNICEF pour qui l'enfant constitue l'enjeu. Le programme de coopération Bénin-UNICEF 2004 -2008 comporte trois volets orientés exclusivement vers l'enfant : le programme survie, le programme éducation et le programme protection.
Le Programme protection vise les principales formes de vulnérabilité et d'abus de droit des enfants. Un plan d'action quinquennal relatif à la politique et stratégie nationale de protection de l'enfant est disponible et diffusé en 2008. la stratégie principale de prévention contre le travail, la traite et l'exploitation sexuelle des enfants reste l'éducation. Ce programme travaille étroitement avec le programme Education pour mieux sensibiliser et éduquer les populations et augmenter les taux de scolarité et de rétention des enfants à l'école.
Signalons que les actions de l'UNICEF Bénin s'inscrivent dans un cadre global de coopération et sont visibles sur le terrain. Il a ainsi mis en place des comités locaux de lutte contre la traite des enfants dont les actions ont été retenues par beaucoup d'acteurs comme contribuant à perturber la tranquillité des trafiquants. L'UNICEF apporte également un appui financier et logistique à l'Etat béninois et certaines organisations de la société civile qui luttent contre le phénomène.
L'UNICEF intègre dans son plan d'action la lutte contre le trafic des enfants tant au niveau national que sous- régional. Des séminaires sous-régionaux sont organisés pour informer de l'ampleur du problème du trafic afin que les différents participants s'investissent à la recherche d'une stratégie pour combattre la pratique.
B- Bénin, Union Européenne et Bureau International du Travail.
Dans le même ordre d'idées, l'Union Européenne a mis en place en 2002, un projet dénommé (8 ACP BEN 026-Appui à la lutte contre le trafic des enfants).91Ce projet d'une durée de trois ans (2002-2005) a couvert quatre axes essentiels :
1. Appui et renforcement de la Brigade de protection des mineurs ;
2. Appui et renforcement des structures d'accueil et de réinsertion des enfants ;
3. Sensibilisation et communication ;
4. coordination au niveau sectoriel.
Dans la même période, l'Union Européenne a appuyé l'ONG CARE Bénin et le réseau CLOSE (regroupement des Organisations de la Société Civile Locale) dans la mise en place du projet PROCHILD (Programme de renforcement des capacités locales des enfants victimes de trafic). Le soutien de l'Union Européenne est prévu pour s'étendre sur les prochaines années (2007-2011).92 Le projet vise principalement le renforcement du dispositif institutionnel national du Ministère de la famille et de l'enfant, l'appui à la mise en oeuvre de l'arsenal juridique en matière de promotion et de protection des droits des enfants, la mise en place d'un outil de financement des initiatives locales portées par les acteurs non étatiques béninois à travers un fonds
91 Projet mis en place par l'Union Européenne en 2002, dénommé (8 ACP BEN 026-Appui à la lutte contre le trafic des enfants).
92 Projet mis en place par l'Union Européenne en 2002, dénommé PROCHILD (Programme de renforcement des capacités locales des enfants victimes de trafic)
national, la sécurisation des conditions de vie des enfants travailleurs et la valorisation de leur compétence professionnelle.
Quant au Bureau International du Travail (BIT), à travers son Programme International pour l'Abolition du Travail des Enfants (IPEC) et le Projet sous régional de Lutte contre la Traite des Enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre, il a mené de nombreuses actions contre la traite des enfants à des fins d'exploitation de leur travail. Il s'agit principalement de l'élimination de la traite des enfants à travers le renforcement de la capacité des écoles ; l'adoption et l'opérationnalisation d'un plan national de lutte contre la traite des enfants au Bénin ; l'appui à la création d'un centre pilote d'accueil d'enfants victimes de traite dans une région frontalière à haut risque et réhabilitation d'au moins 200 enfants victimes de traite. De même, dans le cadre de la prévention et la lutte contre la traite et l'exploitation des enfants, il y a la mise en oeuvre d'un programme d'éducation alternative et de réinsertion socioprofessionnelle dans les départements de l'Atlantique et du Zou.
Par ailleurs, l'Ambassade Royale du Danemark a initié en 2002, en partenariat avec le Ministère de la Famille et de l'Enfant, un projet de lutte contre la migration et le trafic des enfants dans le département du Zou. D'une durée d'un an, ce projet s'articule autour de quatre axes essentiels : le renforcement de la collaboration au niveau départemental, communal et local, l'information et la sensibilisation des leaders d'opinion et des groupes socioprofessionnels, la sensibilisation des populations, la création des comités locaux, le renforcement des capacités d'intervention des structures déconcentrées dudit ministère etc.
Chapitre 2 : Vers une amélioration de lutte contre le trafic des enfants au Bénin
Bien que, dans un certain sens, l'on puisse se réjouir des avancées que les autorités gouvernementales, les organisations onusiennes et les défenseurs des droits des enfants ont pu enregistrer à différents niveaux depuis une douzaine d'années dans le domaine de la lutte contre la traite ou le trafic des enfants en Afrique de l'Ouest, il existe en réalité plusieurs raisons de relativiser les succès politiques et médiatiques enregistrés. Ce sont ces limites, plutôt que des demi-succès remportés, qu'il importe ici de souligner.
L'accent sera mis ici sur les limites ou insuffisances des mesures de la lutte contre le trafic des enfants au Bénin d'une part, et d'autre part sur des propositions d'amélioration afin d'éradiquer le phénomène
Section 1 : Limites de la lutte contre le trafic des enfants
Les actions menées par l'Etat et les différentes structures ont certes, permis d'obtenir des résultats satisfaisants sur le terrain mais beaucoup reste à faire. Le niveau d'intervention est assez timide au regard de l'ampleur du phénomène qui se pratique encore dans l'ombre au grand mépris de toute morale, de toute éthique et en violation des règles en matière des droits des enfants. Ce sont là des limites qu'il convient de souligner. Elles sont de plusieurs ordres.
Paragraphe 1 : Au plan préventif et répressif
La prévention et la répression sont deux facteurs de lutte contre le trafic des enfants. Pour y parvenir, plusieurs actions manifestes de la part du gouvernement, des organisations nationales et internationales, doivent être menées avec une attention particulière.
A- Au plan préventif
La prévention peut s'entendre comme étant le rassemblement, la mise en action de toutes les forces capables de jouer un rôle dans la lutte contre le trafic des enfants. Il s'agit de la mise en synergie des actions, des personnes, des groupes de personnes physiques et morales afin de maximiser l'impact de leur travail sur les cibles visées. Autrement dit, c'est empêcher l'apparition de situation d'exploitation et de traite d'enfants en agissant à l'avance sur les facteurs, les causes et les raisons (rationalité des acteurs) pouvant engendrer ce type de situation. En d'autres termes, c'est l'élaboration et la mise en oeuvre des moyens et dispositions nécessaires pour, le cas échéant, faire face aux situations néfastes et secourir efficacement les victimes (actions de protection).
Ainsi, diverses actions ont été entreprises à travers la création de structures de protection des enfants et de lutte contre le trafic d'enfants par des instances publiques comme le Ministère de la Famille et de l'enfant, le Ministère de la Justice et la Brigade de protection des Mineurs etc. Les insuffisances en matière de prévention peuvent être limité entre autres par:
- le manque de renforcement des capacités locales ;
- le manque de renforcement de l'Etat de droit et de l'enregistrement des naissances ;
- le manque de patrouilles frontalières régulières sur l'ensemble du territoire par les forces de sécurité publique surtout dans les zones reculées;
- l'insuffisance des mécanismes de surveillance communautaire par des structures ;
- le non-suivi régulier des mouvements migratoires ;
- la non-dénonciation des personnes suspectes ;
- la non-interception des enfants qui tentent de traverser les frontières nationales du fait de la corruption de certains agents de sécurité publique, en complicité avec des trafiquants.
En effet, certains de nos agents de sécurité publique sont impliqués dans la traite des personnes, par la délivrance de documents de voyage frauduleux, la falsification de certificats de naissance,... 93
93 Manuel de formation sur les mesures visant à Prévenir et à Combattre la Traite des Personnes dans la sous-région Ouest africaine 17 p.
- le manque d'échange d'informations ;
- en un mot le manque du contrôle des documents de voyage des enfants et du contrôle des frontières nationales.
Par ailleurs, on peut énumérer les facteurs socio-économiques et culturels manifestés par l'analphabétisme, la pauvreté, la polygamie, les familles nombreuses, les pratiques traditionnelles, la déscolarisation. Il y a également le manque d'infrastructures communautaires comme des écoles en quantité suffisante pour tous les enfants en âge d'aller à l'école, des centres d'apprentissage, des centres de santé, des centres de promotion sociale etc.
B/ Au plan répressif
La répression est l'ensemble des dispositions draconiennes visant à combattre un désordre public. C'est dans cet esprit que la législation nationale a prévu des normes pour sanctionner le trafic des enfants. Mais, force est de constater que ces normes sont presque inconnues du grand public. Cette situation entraîne comme effet, la continuation du trafic des enfants.
En effet, par le manque d'une diffusion large des normes relatives à l'interdiction du trafic des enfants et d'une application effective des sanctions prévues à cet effet, les populations se laissent duper lorsque les trafiquants leur proposent un semblant d'avenir à leurs progénitures.
Cette insuffisance de la législation mérite d'être soulignée particulièrement à la lumière des résultats et des constats qui expliquent la traite transnationale transitant par le Bénin.
Certes, la complexité du phénomène de traite, l'insuffisance de ressources et les faiblesses possibles de la nouvelle loi ne rendront pas la tâche facile aux magistrats et aux autorités administratives et policières chargées de l'appliquer. Il faut espérer, que les Décrets d'application viendront combler ces carences et incluront la mise en place de mécanismes opérationnels, ainsi que la mise à disposition des ressources humaines et matérielles réalistes et adaptées au contexte local. Ceci permettrait non seulement d'évaluer l'application de la loi par les différents acteurs judiciaires et policières, mais permettrait aussi de mieux identifier les réelles forces et insuffisances des diverses dispositions qui la composent.
Paragraphe 2 : Observations générales
Malgré les efforts dits de « sensibilisation » et la mobilisation obtenue de la part de certaines couches de la population, la lutte contre le trafic des enfants est restée largement impopulaire ou mal comprise dans les milieux sociaux les plus concernés, jusque dans l'esprit de certains responsables locaux ou nationaux qui continuent de voir derrière ce bruyant déploiement de moyens et de discours une énième tentative d'imposer aux sociétés africaines des valeurs, des normes et des programmes d'action qui ne favoriseraient, en définitive, que ceux qui viennent les mettre en place.
L'approche promotionnelle des droits de l'enfant, souvent dénonciatrice et jugée trop stigmatisante, n'a vraiment pas permis d'instaurer le dialogue entre des mentalités éloignées et des points de vue différents sur la nature du problème. Cela indique l'insuffisance de cette lutte non seulement au niveau législatif mais également de la part des ONG et des structures internationales.
A/ Au plan législatif
Au Bénin, on a l'impression qu'il n'y a pas une rigueur de la part des juges dans les différents jugements des personnes coupables de trafic des enfants. A cet effet, le défi reste donc entier car, sans la production de nouvelles normes sociales par les sociétés concernées et par les élites ou les populations d'une part et d'autre part d'une véritable appropriation, des problèmes identifiés et des messages délivrés par le gouvernement, et la Communauté internationale ne s'est pas encore produite. Dans ces conditions, à quels changements sociaux d'envergure peut-on s'attendre en faveur d'un mieux- être des enfants et de leur protection contre des formes de maltraitance aujourd'hui si généralisées ?
Le constat à ce jour est que le Bénin ne dispose toujours pas d'un code sur le trafic des enfants.
B- Au niveau des ONG et des structures internationales
Il a été constaté que la plupart des actions menées visent à long terme un changement de comportement. Elles concernent la sensibilisation, la formation, la production de supports de sensibilisation, la prise en charge ponctuelle des enfants victimes du trafic, l'équipement de certains centres d'accueil et l'appui à la scolarisation.
Comme observations générales, à l'instar des structures étatiques, un problème de coordination des actions se pose au niveau des organisations non gouvernementales et structures internationales. Une sorte de méfiance s'observe dans les relations entre organisations, ce qui ne facilite pas la collaboration, et la synergie des actions. Il existe de timides efforts de création de réseaux.
De même le manque de professionnalisme ne favorise pas les actions des organisations en place. Les ONG n'ont pas toujours les compétences requises pour la bonne exécution des activités en matière de lutte contre le trafic d'enfants. Bon nombre d'entre elles ne sont pas opérationnelles sur le terrain ou manquent de sérieux dans la gestion des fonds qui leur sont alloués. Certaines sont tout simplement fictives.
En outre, il arrive qu'on assiste souvent à un excès de charge auquel les structures ne pourront pas souvent faire face, compte tenu de la faiblesse de leurs moyens ; ce qui constitue un handicap. Le problème du trafic des enfants ne peut être dissocié de l'état général de pauvreté au Bénin. Ainsi des propositions d'amélioration et des recommandations seront faites dans la section suivante
Section 2 : Propositions d'amélioration et recommandations
Plusieurs types d'actions pourraient être mises en oeuvre pour lutter contre le phénomène du trafic des enfants. A court et moyen termes, les actions pourraient se concentrer notamment sur l'amélioration de la connaissance du phénomène du trafic (origine du phénomène, méthodes utilisées par les trafiquants,...), la sensibilisation, la mobilisation, la prévention, la protection et la réinsertion des enfants victimes de trafic.
A long terme, les actions pourraient se concentrer sur la lutte contre les causes structurelles du trafic et l'amélioration des politiques d'immigration et d'accueil ainsi que les politiques de régularisation des réfugiés. Toutes ces initiatives doivent, être accompagnées d'une importante volonté politique, de moyens matériels adéquats et des compétences spécialisées appropriées.
En regard de ces constats, une série d'actions pourraient être mises en oeuvre aux niveaux national, voire régional et international.
Paragraphe 1 : Propositions d'amélioration
Après avoir énuméré les limites en matière de lutte contre le trafic des enfants au Bénin, il paraît judicieux de proposer des approches de solution. Dans le cas de cette étude, une attention sera mise sur les approches de réinsertion et de sensibilisation. C'est à cette tâche que s'attellera cette rubrique.
A/ Approche sur la question de la réinsertion
La réinsertion vise des enfants victimes précisément identifiés, dont la trajectoire personnelle a déjà connu une orientation vers le trafic et l'exploitation.
Elle consiste en effet, non seulement à réintégrer l'enfant dans une famille d'accueil mais à identifier avec lui un projet qui aboutira à son insertion dans la société. Ce projet peut être un retour à la vie scolaire qui devra se solder par un diplôme ou une mise en apprentissage qui devra aboutir à l'obtention de diplôme et à l'installation d'un atelier par exemple. La réinsertion est donc un processus qui inclut la réintégration de l'enfant.
Une réinsertion sociale réussie devrait donc offrir à un enfant ayant été victime de trafic et d'exploitation une chance réelle et durable de ne plus revivre de telles situations, dangereuses et destructrices. Ceci suppose qu'il réussisse à s'autonomiser et à se développer positivement, dans le respect de ses droits, de manière acceptable pour la société à laquelle il appartient.
Dans un souci d'efficacité et d'efficience, ne pourrait-on faire en sorte que les efforts de réinsertion entrepris en faveur de certains enfants victimes puissent servir, non seulement à prévenir une nouvelle victimisation desdits enfants, mais encore à prémunir d'autres enfants vulnérables contre les dangers du trafic ?
A ces questions, il faut répondre par l'affirmative, à condition cependant que ces actions de réinsertion permettent véritablement d'opérer des transformations et des changements à des échelles plus larges que celles des enfants bénéficiaires : familles, clans, groupes générationnels, communautés locales. Or, il est important de le noter, cette approche de la réinsertion va de pair avec une approche de la prévention qui ne cadre plus tout à fait avec ce qui a été le plus souvent développé par les acteurs de la lutte contre le trafic d'enfants au cours des cinq ou huit dernières années, à savoir la « sensibilisation » intensive des populations locales au sein de zones qualifiées de « pourvoyeuses ». .
B- Sensibilisation possible.
Cette « sensibilisation », rappelons-le, a consisté jusqu'ici à adresser des messages d'information, de dénonciation ou de promotion en direction de publics cibles (parents, responsables locaux, enfants, etc.) afin de modifier leur perception des réalités, d'accroître leur sensibilité et leur rejet de certaines pratiques, d'augmenter leur niveau d'information et d'élever leur degré de conscience morale. Pour l'essentiel, ces activités ont été dirigées vers les parents d'enfants dits « vulnérables », vivant dans des zones dites « de provenance » ou de « prévalence » du trafic. Si l'on prend l'exemple des campagnes de sensibilisation menées dans le Zou entre 2000 et 2005, toutes ou presque entendaient responsabiliser les parents et les inciter à garder leurs enfants auprès d'eux, dans leurs milieux d'origine. Mais pour quels résultats, en définitive ? Et a-t-on pris toute la mesure des effets pervers qui ont découlé de cette approche ?
En effet, avec les réalités sociales aujourd'hui, il est indispensable de dépasser le stade de la « sensibilisation » car, telle qu'elle est faite aujourd'hui dans ces zones dites « de provenance » ou de « prévalence » du trafic, elle martèle plus son propos qu'elle ne convainc. La sensibilisation fait pression sur les populations ciblées en les informant de manière répétitive et insistante sur les pratiques et discours auxquels les acteurs institutionnels veulent qu'ils se conforment. Elle fait subir aux populations une violence symbolique importante (stigmatisation) au lieu de gagner leur adhésion.
Par ailleurs, la sensibilisation n'induit chez ces populations que peu de changements de comportement, ou des changements superficiels, car elle ne modifie pas fondamentalement leurs représentations des réalités ni leurs dispositions mentales en matière de gestion des affaires familiales :
- l'éducation et la protection des enfants ;
- la création/gestion des ressources individuelles et collectives.
En somme, après l'ère de la sensibilisation émotionnelle, dénonciatrice et informative, semble devoir s'ouvrir celle d'une sensibilisation agissante, fondée sur des actions éducatives et des apprentissages par l'action, l'expérience et la démonstration. Celle-ci devrait pouvoir rapprocher progressivement les populations cibles des normes et valeurs que promeut la communauté internationale en les associant activement, de manière participative, à l'élaboration et la mise en oeuvre d'actions de développement, de dispositifs éducatifs alternatifs et de codes de conduite ou de protection en faveur des enfants, travailleurs ou non.
L'enjeu consistant à faire changer les mentalités est donc bien un enjeu central, mais l'option retenue est d'accompagner les acteurs en organisant avec eux des activités porteuses de progrès tout en respectant la particularité de leurs points de vue et en s'ajustant aux réalités qui sont les leurs. Bien que l'objectif soit d'activer « de l'intérieur » - c'est-à-dire en s'appuyant sur divers acteurs au sein des clans et des communautés - des changements sociologiques touchant à la question de l'enfance (en passant au préalable par des transformations qui conditionnent ces changements), l'approche adoptée n'exclut pas de jouer, en certaines circonstances, des avantages qu'offrent des stratégies plus contraignantes, notamment la répression organisée par la loi.
Paragraphe 2 : Recommandations
La présente étude nous a permis d'évaluer les facettes de la traite des enfants au Bénin. A la lumière des résultats, on peut faire les principales recommandations pour lutter activement contre le trafic des enfants.
A/ Recommandations à l'endroit du gouvernement
Le gouvernement Béninois a, ici, un rôle crucial à jouer. Pour lutter activement contre le trafic des enfants, il doit rapidement prendre des mesures et initiatives appropriées. A cet effet, il doit :
ü adopter des réglementations visant à condamner les auteurs et personnes impliquées dans toutes formes de trafic. Autrement dit l'application effective des textes de protection et de promotion des droits de l'Homme en général et ceux des enfants en particulier ;
ü veiller à sensibiliser et former les services de police ;
ü développer et/ou renforcer le dispositif juridique et judiciaire ;
ü ratifier, adopter et appliquer les conventions internationales relatives au trafic des enfants et des êtres humains ;
ü développer, harmoniser et renforcer les législations nationales. En d'autres termes la révision des textes législatifs relatifs aux droits des enfants, est une tâche essentielle qui consisterait à une revue des textes et à un recyclage du personnel pour identifier les insuffisances, l'ancienneté de certains textes et proposer des amendements selon les infractions et violations constatées dans l'exercice de leur fonction. Cette révision des textes devrait faire l'objet d'une collaboration avec les services homologues des pays frontaliers pour coordonner ou identifier les différences en prenant en compte le problème du trafic.
ü améliorer les politiques frontalières ;
ü améliorer la protection légale des droits des enfants ;
ü former les personnes chargées du contrôle de l'application des nouvelles lois ;
ü garantir et améliorer la protection et les soins apportés aux victimes de trafic.
Pour le suivi de l'étude, la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) et les ONG entreprendront une action immédiate pour la capitalisation de l'information et des données statistiques sur le trafic des enfants. Ceci requiert le renforcement des capacités et un soutien logistique pour toute ONG intervenant dans le domaine et la BPM en vue d'une collaboration efficace.
Les meilleurs acteurs à impliquer dans ce combat sont les enfants eux-mêmes. Ceux qui ont été victimes de la pratique et ceux qui ne le sont pas encore. Les différentes interventions quotidiennes auront un impact positif si l'environnement social et économique dans lequel elles s'inscrivent, assure une promotion dynamique de l'être et de l'humanité. Il s'agira donc, pour enrayer à terme les fléaux du trafic, de s'attaquer aux causes profondes et réelles qui sont avant tout d'ordre socio-économique.
La coopération tripartite entre institutions internationales, Etat et ONG devrait se renforcer par l'apport de moyens financiers et de compétence professionnelle pour permettre à ces différentes structures nationales de lutter efficacement et de manière durable contre le trafic des enfants dans les pays concernés.
Au niveau de la coopération judiciaire, les gouvernements victimes du trafic des enfants devraient :
§ prévoir des mesures permettant l'extradition des trafiquants vers les pays où peuvent être réunies les preuves des infractions ;
§ établir des règles de compétence judiciaire extraterritoriale pour faciliter la poursuite et la condamnation des trafiquants.
B- Recommandations à l'endroit des partenaires au développement et à l'endroit des ONG
1- A l'endroit des partenaires au développement
Plusieurs recommandations mérites d'être énumérées :
- Répondre aux besoins réels des populations à la base ;
- Continuer à respecter les engagements vis-à-vis des promoteurs ;
- Tenir compte du professionnalisme des organisations non gouvernementales dans le cadre des contrats de partenariat ;
- Débloquer les financements au moment opportun pour une bonne exécution des activités sur le terrain.
Les institutions internationales constituent des interlocuteurs privilégiés pour la diffusion des informations sur le trafic des enfants dans le but de solliciter leur assistance pour la résolution du problème. L'assistance à solliciter est d'ordre:
- 1) technique dans le cadre du renforcement des capacités; et financier pour l'exécution des programmes.
- 2) consultatif pour l'élaboration et l'exécution des programmes dans les zones d'intervention.
2- A l'endroit des ONG
Il s'agira :
- de faire preuve de sérieux et de professionnalisme dans l'exécution des activités, la justification des fonds alloués serait indispensable pour une approche intégrée des problèmes liés au trafic;
- de favoriser la collaboration entre organisations non gouvernementales pour permettre la synergie des actions sur le terrain. Elles devraient travailler avec les associations afin de diffuser l'information sur le trafic et tenir compte de leurs suggestions pour la formulation de programmes d'actions en les y associant. Il est souhaitable que les ONG forment «un noyau dur» pour être un groupe- interlocuteur avec les officiels et pour élaborer une stratégie de combat contre le trafic ;
- d'assurer la formation continue de leur personnel ;
- d'avoir des données statistiques par rapport aux projets exécutés ;
- de rendre visibles les activités en cours d'exécution sur le terrain ;
- de faire des rapports périodiques sur leurs activités.
CONCLUSION GENERALE
Le trafic des enfants existe dans toutes les régions du monde. Il se différencie, simplement, d'un continent à l'autre en fonction de la forme qu'il revêt.
Cette étude analytique indique bien que le Bénin est effectivement un pays pourvoyeur d'enfants victimes de trafic. Malgré, plusieurs textes de lois et règlements existants, le trafic des enfants se poursuit et se développe au grand mépris de toute morale, de toute éthique et en violation des règles en matière des droits des enfants.
Cela sous entend que les lois seules ne peuvent pas changer la situation, elles constituent un cadre de référence pour ce qui est permis et ce qui n'est pas tolérable. La lutte contre le trafic doit être dépassionnée, sans nationalisme exacerbé et faire l'objet de concertation à plusieurs niveaux aussi bien au Bénin, qu'entre d'autres pays concernés.
Par ailleurs, au regard des difficultés rencontrées aujourd'hui par l'enfance, on se demande si l'on assiste à un recul de la perception traditionnelle de l'enfant qui lui donne toute sa valeur. Ainsi, la conscience collective doit établir les limites de l'acceptable. L'enfant a toujours été la richesse du pauvre et non sa marchandise.
Depuis l'affaire « Etireno », 94 et la crise d'Abeokuta, 95 qui ont éclaboussé le Bénin, d'importantes mesures ont été prises pour éradiquer ce phénomène du monde en général, et du Bénin en particulier ; pourtant, force est de constater que ces efforts sont restés jusqu'ici quelque peu épars car, le Bénin continue d'être un pays récepteur, un pays pourvoyeur et un pays de transit. Tout le monde doit donc s'impliquer dans la lutte pour une protection des droits de l'enfant et lui assurer une protection contre toutes formes d'exploitation, particulièrement contre le trafic des enfants qui favorise la prolifération d'enfants travailleurs hors de leur Etat d'origine.
94Navire intercepté en 2001 dans le Golf de Guinée, chargé près de deux cent cinquante enfants béninois victimes présumés de trafic.
95En septembre 2003, à d'Abeokuta ville située à l'ouest du Nigéria, plusieurs enfants béninois ont été récupérés dans les carrières et gravier environnemental par la police béninoise.
En conséquence, l'Etat béninois en coopération avec les autres Etats, aussi bien du Sud que du Nord, doit améliorer les politiques de lutte contre le trafic des enfants, et créer un mécanisme pour leur rapatriement, leur réinsertion et surtout y mettre les moyens nécessaires pour favoriser la stabilisation des enfants dans leur milieu d'origine. Il doit également favoriser l'accès aux ressources et aux activités rémunératrices aux familles des milieux ruraux afin de diminuer d'une certaine façon la paupérisation qui est l'une des causes principales du trafic des enfants.
En effet, que l'adhésion aux traités relatifs aux droits de l'homme et l'adoption d'une législation progressive et surtout la poursuite rigoureuse et systématique des auteurs d'acte de violation et de délits perpétrés à l'encontre des enfants, sont un bon point de départ pour réellement protéger les enfants contre la violation, l'exploitation, les mauvais traitements, en d'autres termes contre le trafic des enfants.
Il faudra alors forger un partenariat englobant toutes les couches de la société pour s'assurer que le droit de chaque enfant de vivre dans un milieu protecteur est respecté, pour dénoncer l'impunité des auteurs d'actes de violation à l'encontre des enfants et pour donner à chaque enfant la possibilité de se développer dans toute la mesure de ses potentialités.
Il convient donc d'agir ensemble afin que la survie, le développement et la protection des enfants du Bénin, ne relèvent plus de la serviabilité mais constituent des obligations morales et juridiques
ant |
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