liens parents enfant sefca Europe

N° 694

Publication

bimensuelle

15 janvier

2009

Les éditions des

JOURNAUX OFFICIELS

Diffusion de jurisprudence, doctrine et communications

le site de la Cour de cassation

internet

En refondant son portail, la Cour de cassation a souhaité :

se doter d’un site dynamique, lui permettant notamment de favoriser la remontée

en page d’accueil d’informations de premier plan ;

réorganiser les contenus, accessibles par un nombre limité de rubriques et

améliorer l’ergonomie du site pour favoriser l’accès à la jurisprudence et aux

colloques organisés par la Cour ;

faciliter la navigation sur le site par la mise en place d’un moteur de recherche ;

apporter des informations nouvelles : données statistiques, liens vers les sites

de cours suprêmes de l’Union européenne et du reste du monde, en plus des

contenus presque tous repris de l’ancien site.

Buldl’ienfotrimnation

Communications

Jurisprudence

Doctrine

2

Bulletin d’information

En quelques mots…

15 janvier 2009

En quelques mots…

Communications Jurisprudence

Le service de documentation

et d’études est heureux

de présenter à ses lecteurs

ses meilleurs voeux pour

l’année 2009.

Dans le souci constant

de la Cour de cassation

d’approfondir ses échanges

avec les juridictions du fond,

est publié ici, en rubrique

« Cours et tribunaux »,

une étude rédigée par le service

de documentation et d’études

à la demande de la cour d’appel

de Versailles, et portant sur le

thème de « La répartition

des compétences entre le juge

des enfants et le juge aux affaires

familiales en matière de droit

de visite et d’hébergement

des tiers (en particulier

les grands-parents), lorsque

les mineurs font l’objet

de mesures de placement

dans le cadre de l’assistance

éducative », rédigée à partir

de dix-huit arrêts de cours d’appel

extraits de la base JURICA,

accessibles, au même titre

que les études rédigées

par le SDE à la demande

des juridictions du fond,

par l’Intranet justice RPVJ.

La Cour de cassation a

par ailleurs rendu,

le 6 octobre 2008, trois avis.

Dans le premier,

elle a estimé que « L’article 53 IV

de la loi no 2000-1257

du 23 décembre 2000 impose

au fonds d’indemnisation

des victimes de l’amiante

de faire à la victime une offre

pour chaque chef de préjudice,

en tenant compte des prestations

énumérées à l’article 29

de la loi no 85-677

du 5 juillet 1985 pour le montant

qui résulte, poste

par poste, de l’application

de l’article 31, alinéas 1 et 3,

de cette loi, dans sa rédaction

issue de l’article 25

de la loi no 2006-1640

du 21 décembre 2006 ». Cette

décision est à rapprocher

d’un avis du 29 octobre 2007,

publié au BICC no 675,

du 1er février 2008, p. 30 à 77,

ainsi que du rapport du groupe

de travail chargé d’élaborer

une nomenclature des préjudices

corporels, dit « Rapport

Dintilhac », paru au BICC no 633,

du 1er février 2006, p. 3 à 32.

3

15 janvier 2009

En quelques mots…

Bulletin d’information

Doctrine

Dans les deux suivants,

elle a estimé que « l’information

prévue par les articles L. 223-3,

alinéas 1 et 2, et R. 223-3 I

du code de la route [imposant,

lors de la constatation

de l’infraction, l’information

préalable du contrevenant

du retrait de points encouru

et de l’existence d’un traitement

automatisé de cette procédure]

est une formalité substantielle

qui conditionne la légalité

de chaque retrait administratif

de points du permis

de conduire », solution

à rapprocher d’un avis

du 30 avril 2007 (BICC no 664,

du 1er juillet 2007, p. 40 à 55) et,

interrogée sur la compatibilité des

fonctions de juge délégué aux

victimes et de président

du tribunal correctionnel statuant

sur intérêts civils, rappelé

n’y avoir lieu à avis lorsque

la question n’est pas nouvelle

(avis du 20 juin 2008, BICC

no 690, du 1er novembre 2008,

p. 11 à 24) et « suppose l’examen

de la nature et de l’étendue

des mesures […] prises

par le magistrat, en qualité de

juge délégué aux victimes, avant

de statuer sur les intérêts civils ».

Enfin, par arrêt

du 3 septembre 2008

(infra, no 35), la chambre

criminelle a jugé que « les juges

correctionnels ne peuvent statuer

sur la confusion de la peine

qu’ils prononcent avec une peine

résultant d’une condamnation

antérieure que si cette dernière est

définitive », cassant « l’arrêt qui,

après condamnation du prévenu

à des peines d’emprisonnement

et d’amende, dit n’y avoir lieu

à confusion avec les peines de

même nature prononcées par

un autre arrêt du même jour ».

Commentant cet arrêt, Jérôme

Lasserre Capdeville (Actualité

juridique - Pénal, novembre 2008,

jurisprudence, p. 461-462) note

que « le concours d’infraction

se résout de manière distincte

selon que les infractions sont

poursuivies en même temps,

par l’intermédiaire d’un jugement

unique, ou qu’elles font l’objet

d’une pluralité de poursuites

devant une même juridiction

ou des juridictions différentes »,

les conséquences de cette

pluralité d’infractions ne pouvant

alors « être tirées qu’au stade

de l’exécution des peines

prononcées ».

4

Bulletin d’information

Table des matières

15 janvier 2009

Table des matières

Jurisprudence

Droit européen

Actualités Page 6

Cour de cassation (*)

I. - AVIS DE LA COUR DE CASSATION

Séance du 6 octobre 2008

Fonds de garantie Page 10

Circulation routière Page 36

Cassation Page 44

ORDONNANCES

DU PREMIER PRÉSIDENT Numéros

Cassation 1-2

II. - TITRES ET SOMMAIRES D’ARRÊTS -

ARRÊTS DES CHAMBRES Numéros

Acte de commerce 3

Action civile 4-5

Association 6

Assurance (règles générales) 7

Assurance responsabilité 8

Astreinte (loi du 9 juillet 1991) 9

Avocat 10

Banque 11

Chambre de l’instruction 12

Chose jugée 13

Circulation routière 14

Communauté européenne 15

Contrat de travail, exécution 16

Contrat de travail, rupture 17-18

Convention européenne

des droits de l’homme 19

Copropriété 20

Entreprise en difficulté 21 à 24

Exploit 25

Expropriation

pour cause d’utilité publique 26-27

Formation professionnelle 28

Impôts et taxes 29 à 31

Juridictions correctionnelles 32-33

Lois et règlements 34

Officiers publics ou ministériels 25

Peines 35

Presse 36

Procédure civile 37-38

Professions médicales et paramédicales 39-40

Protection de la nature

et de l’environnement 41

Protection des consommateurs 42

Prud’hommes 43

Responsabilité civile 44

Responsabilité contractuelle 45

Responsabilité délictuelle

ou quasi délictuelle 46

Sécurité sociale 47 à 49

Sécurité sociale, assurances sociales 50-51

Syndicat professionnel 52

* Les titres et sommaires des arrêts publiés dans le présent numéro paraissent, avec le texte de l’arrêt, dans leur rédaction définitive, au Bulletin des arrêts de la

Cour de cassation du mois correspondant à la date du prononcé des décisions.

5

15 janvier 2009

Table des matières

Bulletin d’information

Travail 53

Travail temporaire 54

Vente 55-56

Cours et tribunaux Numéros

La répartition des compétences

entre le juge des enfants et le juge

aux affaires familiales en matière

de droit de visite et d’hébergement

des tiers (en particulier les grandsparents),

lorsque les mineurs

font l’objet de mesures

de placement dans le cadre

de l’assistance éducative

Etude de Vanessa Norguin,

greffier en chef au service

de documentation et d’études

Annexes

Autorité parentale 57 à 62

Mineur 59-63 à 75

6

Bulletin d’information

Droit européen

15 janvier 2009

Jurisprudence

- Droit à la liberté et à la sûreté (article 5 § 1), droit d’être informé à bref délai des raisons de son

arrestation (5 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales)

Dans l’arrêt X… c/ France, requête no 20335/04, rendu le 20 novembre 2008, la Cour retient à l’unanimité la

violation de l’article 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté) et § 2 (droit d’être informé à bref délai des raisons de son

arrestation) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Dans cette affaire, la Cour se prononce sur la compatibilité de l’article 5 § 1 de la Convention de

sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales avec une privation de liberté intervenue

entre la fin d’une garde à vue et la première présentation de l’intéressé devant le juge d’instruction.

Se pose également la question de l’interprétation de l’article 5 § 2 de ladite Convention, quant à

l’appréciation des conditions de l’information de toute personne arrêtée sur les motifs de droit et de fait

justifiant sa privation de liberté. Cet arrêt s’inscrit dans le prolongement de l’affaire X… c/ France, requête

no 73947/01, 27 juillet 2006 (cf. BICC no 646, du 15 septembre 2006, page 12) s’agissant du délai compris

entre la fin d’une garde à vue et l’audition de la personne intéressée par le juge d’instruction.

Faits :

Au cours d’une instruction ouverte contre X pour escroquerie, recel, corruption active et passive par salarié et

faux et usage de faux, le requérant fut placé en garde à vue. A l’issue des vingt-quatre heures, la garde à vue fut

prolongée de vingt-quatre heures par autorisation du juge d’instruction.

Il fut mis fin à cette garde à vue le 12 juin 2002 à 21 heures, avant le terme fixé par la prolongation de la mesure,

mais l’interrogatoire de première comparution par le juge d’instruction eut lieu le 13 juin 2002 vers 12 heures,

soit environ quatorze heures après la fin de la garde à vue. A la suite de l’interrogatoire, le requérant fut mis en

examen et placé sous contrôle judiciaire.

Le requérant déposa en vain une requête en nullité des actes de la procédure, de la commission rogatoire du

17 mai 2000, du placement en garde à vue du 11 juin 2002 et de la mise en examen du 13 juin 2002, requête

rejetée par un arrêt du 17 septembre 2003 de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris.

Par une ordonnance du 29 octobre 2003, notifiée au requérant par son avocat aux Conseils le 31 octobre 2003,

le président de la chambre criminelle considéra qu’il n’y avait pas lieu à examen immédiat du pourvoi.

Griefs :

Le requérant se plaint de ce que sa privation de liberté a excédé le délai légal de vingt-quatre heures renouvelable

et qu’il a dû attendre cinquante-trois heures avant d’être entendu par le magistrat instructeur. Il invoque l’article 5

§§ 1 et 3 de la Convention. Il soutient également n’avoir pas été informé des raisons de son arrestation ni, dans

le plus court délai et de manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui, en violation

de l’article 5 § 2 de la Convention.

Décision :

Sur la violation de l’article 5 § 1 :

La question à trancher était celle de savoir si le requérant avait été privé de sa liberté, entre le 12 juin 2002 à

21 heures et le 13 juin 2002 à 12 heures, « selon les voies légales » au sens de l’article 5 § 1 c de la

Convention.

La question de la durée légale de cette privation de liberté relève bien de l’article 5 § 1 c de la Convention, indique

la Cour européenne.

Elle rappelle que « [...] La liste des exceptions que dresse l’article 5 § 1 revêt un caractère exhaustif (X… c/ Italie

[GC], no 26772/95, § 170, CEDH 2000-IV, et X… c/ France, 22 mars 1995, § 42, série A no 311), et seule une

Droit européen

COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

Actualités

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15 janvier 2009

Droit européen

Bulletin d’information

interprétation étroite cadre avec le but et l’objet de cette disposition : assurer que nul ne soit arbitrairement privé

de sa liberté (X… et autres c/ Pays-Bas, 8 juin 1976, § 58, série A no 22 ; X… c/ France, 25 juin 1996, § 42,

Recueil des arrêts et décisions 1996-III, et X… c/ Italie, 1er juillet 1997, § 25, Recueil 1997-IV) » (§ 42).

En l’espèce, la Cour relève que le délai légal de garde à vue de quarante-huit heures prévu par l’article 154

du code de procédure pénale n’avait pas été dépassé. Néanmoins, à l’issue de cette garde à vue, le

requérant n’a pas été remis en liberté, mais dut attendre dans des locaux du tribunal durant quatorze heures

supplémentaires avant d’être présenté devant le juge d’instruction.

La Cour renvoie à sa jurisprudence X... (CEDH, 2e sect., X… c/ France, 27 juillet 2006, requête no 73947/01),

en indiquant qu’« aucun texte du droit ne réglementait à cette époque la détention d’une personne entre le

moment de la fin de sa garde à vue et celui de sa présentation devant le juge d’instruction » (§ 47).

Elle conclut au défaut de base légale des quatorze heures supplémentaires de privation de liberté et, par

conséquent, à la violation de l’article 5 § 1 c de la Convention.

A noter : depuis la loi du 9 mars 2004, les nouveaux articles 803-2 et 803-3 du code de procédure pénale

prévoient que la comparution de la personne déférée devant le magistrat doit intervenir le jour même ou, par

dérogation, dans un délai maximum de vingt heures, en permettant dans ce cas à la personne concernée de

s’alimenter, de faire prévenir ses proches, de voir un médecin et de s’entretenir avec un avocat.

Sur la violation de l’article 5 § 2 :

Le droit pour toute personne détenue de connaître les raisons de droit et de fait justifiant sa privation de

liberté doit permettre au requérant de discuter, devant un juge, de la légalité de sa privation de liberté. Par

conséquent, les renseignements doivent être fournis « dans le plus court délai », délai dont l’appréciation

dépend des circonstances de l’espèce.

Dans la présente affaire, le requérant a pris connaissance des motifs de droit et de fait lors de son placement

en garde à vue. Pour la Cour, la manière dont le requérant a été informé des accusations portées contre lui et

des causes de son arrestation ne porte pas atteinte à l’article 5 § 2 de la Convention.

- Droit d’accès à un tribunal (article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et

des libertés fondamentales)

Dans l’arrêt X… c/ France, requête no 36141/03, la Cour européenne conclut à l’unanimité à la non-violation

de l’article 6 § 1 (droit d’accès à un tribunal) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des

libertés fondamentales.

Dans cette affaire, la Cour européenne des droits de l’homme avait à se prononcer sur la compatibilité

avec l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

d’une décision d’irrecevabilité prononcée à l’encontre d’un recours en appel, exercé hors délai, contre

une ordonnance de non-lieu et ayant eu pour conséquence d’empêcher le requérant de saisir la

chambre de l’instruction.

Faits :

M. X… était poursuivi pour viols sur mineure par ascendance légitime. Placé sous contrôle judiciaire, il fut

renvoyé devant la cour d’assises des Yvelines, avec ordonnance de prise de corps. La signification de cette

décision n’avait pu être faite à sa personne, faute d’adresse utile.

Le 1er mars 1999, veille du jour fixé pour son interrogatoire par la présidente de la cour d’assises, le requérant

fut incarcéré en exécution de ladite ordonnance. Par arrêt du 16 mars 1999, la cour d’assises fit droit à sa

demande directe de mise en liberté, en raison de l’irrégularité de la mise à exécution de l’ordonnance, qui

n’aurait dû avoir lieu que si le requérant ne s’était pas présenté devant la présidente le 2 mars.

Le 18 novembre 1999, la cour d’assises le condamna à une peine de douze ans de réclusion criminelle.

A la suite de sa condamnation, il fut incarcéré à la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy, puis il fut transféré à

Fresnes et, enfin, à Caen, où il est actuellement toujours incarcéré. Quant au cabinet de son avocat, celui-ci

fut ultérieurement transféré à une nouvelle adresse.

Le 17 novembre 1999, le requérant, par l’intermédiaire de son avocat, avait porté plainte avec constitution de

partie civile. Il soutenait alors que son incarcération du 1er au 16 mars 1999, en exécution d’une ordonnance

de prise de corps, constituait une détention arbitraire. Il avait joint à sa plainte une déclaration d’adresse dans

laquelle il se domiciliait dans un foyer situé à Versailles.

Le 8 janvier 2003, une ordonnance de non-lieu fut rendue dans le cadre de cette plainte. La lettre

recommandée notifiant l’ordonnance envoyée le jour même à l’adresse déclarée par le requérant au moment

du dépôt de la plainte revint au greffe avec la mention « non réclamée ». Celle envoyée le même jour à son

avocat fut également retournée, avec la mention « n’habite pas à l’adresse indiquée ».

L’avocat du requérant, Me M…, se manifesta auprès du juge pour s’informer de l’évolution de la procédure,

et le juge d’instruction, par soit-transmis du 14 novembre 2002 envoyé à sa nouvelle adresse, l’informa

que le parquet avait transmis son réquisitoire le 16 septembre précédent et que l’ordonnance de non-lieu

lui parviendrait prochainement. La lettre recommandée contenant l’ordonnance de non-lieu fut envoyée le

8 janvier 2003 à l’ancienne adresse de Me M… et revint ultérieurement au greffe avec la mention « n’habite

pas à l’adresse indiquée ». Celle adressée au requérant fut expédiée le même jour à son adresse déclarée à

Versailles et fut retournée avec la mention « non réclamée ».

Le 18 avril 2003, le juge fit parvenir à l’avocat du requérant, par soit-transmis, copie de l’ordonnance de nonlieu.

Le 24 avril, le requérant fit appel de cette ordonnance, mais le recours fut déclaré irrecevable car interjeté

en dehors du délai de dix jours prévu par l’article 186, alinéa 4, du code de procédure pénale.

8

Bulletin d’information

Droit européen

15 janvier 2009

Griefs :

Devant la Cour européenne, le requérant invoquait une violation des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable,

sous l’angle du droit d’accès à un tribunal) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention. Il estimait avoir

été privé de son droit d’accès à la chambre de l’instruction en raison de l’irrecevabilité de son appel.

Décision :

La Cour décide de n’examiner la requête que sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention.

Elle rappelle que, conformément à sa jurisprudence, elle accorde aux gouvernements une certaine marge

d’appréciation pour définir les conditions de recevabilité d’un recours, dès lors que ces conditions tendent à

un but légitime (en l’espèce, la bonne administration de la justice et le respect de la sécurité juridique) et sont

proportionnées au but visé.

Les juges de Strasbourg relèvent que le recours formé par le requérant avait été déclaré irrecevable car

interjeté en dehors du délai de dix jours prévu par la loi. Ils exposent par ailleurs que l’article 89, alinéa 3, du

code de procédure pénale prévoit que toute notification faite à l’adresse déclarée de la partie civile est réputée

faite à sa personne. Or, en l’espèce, ils observent que « le requérant, qui était assisté par Me M..., en était

nécessairement informé, puisqu’il a signé un document intitulé « déclaration d’adresse », joint à la plainte, qui

rappelait les dispositions de l’article 89 précité et précisait la procédure à suivre, que la déclaration d’adresse

déposée par le requérant était datée de la veille du jour où il fut incarcéré et que, par la suite, ni lui ni son

avocat n’informèrent le juge d’instruction de son adresse en détention » (§ 49).

S’agissant de l’avocat, la Cour relève qu’il « n’a pas signalé son changement d’adresse au juge d’instruction »,

alors que, « en sa qualité de professionnel du droit, il ne pouvait ignorer l’importance de cette formalité »

(§ 52). La Cour considère qu’il s’agit là d’une négligence de l’avocat concernant les mesures nécessaires à

prendre pour recevoir sa correspondance et que cela ne peut être imputé aux autorités.

Enfin, les juges européens prennent également en considération le rôle du requérant dans cette procédure ; ils

estiment qu’en sa qualité de partie civile, dont la plainte met en mouvement l’action publique, « les autorités

internes peuvent légitimement attendre de la partie civile qu’elle fasse preuve de diligence » (§ 57).

La Cour, au vu de tous les éléments exposés, considère que « l’application qui a été faite des articles 89

et 186, alinéa 4, du code de procédure pénale n’était ni arbitraire ni déraisonnable et que l’irrecevabilité de

l’appel formé par le requérant contre l’ordonnance de non-lieu n’a pas constitué une atteinte disproportionnée

à son droit d’accès à un tribunal » (§ 57).

Elle conclut à l’unanimité à la non-violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

- Droit à un procès équitable - délai de procédure (article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde

des droits de l’homme et des libertés fondamentales)

Dans l’arrêt X… c/ France, requête no 32157/06, rendu le 20 novembre 2008, la Cour conclut à l’unanimité

à la violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable - délai de la procédure) de la Convention de

sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Dans cette affaire, la Cour se prononce sur la compatibilité d’une procédure administrative relative à

l’accès aux données personnelles conservées par les Renseignements généraux avec l’article 6 § 1

de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (respect du

délai raisonnable). Elle souligne l’importance de l’enjeu que représente pour le requérant le fait d’avoir

communication d’informations à caractère personnel susceptibles de nuire à sa réputation.

Faits :

Le requérant s’opposait au refus du ministère de la défense de lui communiquer des données personnelles

conservées par les Renseignements généraux. Après avoir vu son recours rejeté en première instance

puis en appel, le Conseil d’Etat annula les décisions des juges du fond pour erreur de droit, ainsi que la

décision du ministère de l’intérieur. Le requérant fut autorisé par la CNIL à accéder aux informations le

22 novembre 2004, mais n’y accéda effectivement que le 18 janvier 2005. Il saisit le ministère de la justice

pour obtenir réparation du préjudice subi en raison du délai de la procédure. Cette demande fut rejetée par le

ministre. Le tribunal administratif de Paris rejeta la demande d’annulation de la décision et le Conseil d’Etat,

saisi par voie d’ordonnance, conclut au caractère non excessif de la durée de la procédure.

Griefs :

Le requérant soulevait une violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention, en raison

d’une durée excessive de la procédure administrative.

Décision :

La Cour rappelle que les critères jurisprudentiels consacrés pour l’examen du caractère raisonnable d’une

procédure sont : la complexité de l’affaire, le comportement du requérant, le comportement des autorités

compétentes et l’enjeu du litige pour les intéressés.

En l’espèce, la procédure litigieuse s’est déroulée entre le 16 octobre 1995 et le 4 juin 2004, soit pendant plus

de huit ans et demi. La Cour retient, d’une part, que cette affaire ne présentait pas un degré de complexité

justifiant une telle durée et, d’autre part, qu’aucun retard significatif ne peut être imputé à l’intéressé. Elle

reconnaît la réalité de l’enjeu de cette procédure pour le requérant, dans la mesure où il s’agissait « pour

l’intéressé de se voir communiquer des informations à caractère personnel le concernant, dont le caractère

éventuellement inexact risquait de porter atteinte à sa réputation » (§ 26).

9

15 janvier 2009

Droit européen

Bulletin d’information

La Cour conclut à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, au motif

que « la procédure litigieuse ne répond pas aux exigences du “délai raisonnable” garanti par l’article 6 § 1 »

(§ 27).

- Droit à un procès équitable (article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et

des libertés fondamentales)

Dans l’arrêt Société IFB c/ France, requête no 20581/04, la Cour européenne conclut à l’unanimité à la

violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

Dans le prolongement de sa jurisprudence récente, X… c/ France du 21 février 2008 (requête no 18497/03),

les juges de Strasbourg concluent à l’unanimité qu’une procédure de visite domiciliaire organisée sur le

fondement de l’article 16 B du livre des procédures fiscales est contraire à l’article 6 § 1 de la Convention. Ils

condamnent l’Etat français à verser au requérant la somme de 10 000 euros pour frais et dépens.

- Droit à la liberté d’expression (article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et

des libertés fondamentales)

Dans l’arrêt X...-Y… et Sarl Lyon Mag’ c/ France, requête no 13327/04, les juges de Strasbourg concluent

à l’unanimité à la violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention de sauvegarde des

droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Dans cette affaire, la Cour se prononce sur la compatibilité d’une condamnation pour « injure publique

envers un fonctionnaire public » avec l’article 10 de la Convention.

Faits :

Le premier requérant, Philippe Louis X...-Y..., est directeur de publication de la Sarl Lyon Mag’, société

d’édition du magazine Lyon Mag’, seconde requérante.

En décembre 2001, Lyon Mag’ publia un article intitulé « L’énergumène de Lyon-III », dans le magazine Lyon

Mag’, décrivant L..., professeur de l’université de Lyon-III, évoquant son parcours professionnel et insistant sur

ses prises de position extrémistes, notamment pendant ses cours. En janvier 2002, le magazine publia, sous

le titre « L’énergumène réagit », un droit de réponse dont L… avait demandé la publication.

Le professeur L… fit citer les requérants à comparaître devant le tribunal de grande instance pour « injure

publique envers un fonctionnaire public », délit prévu à l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881. Le jugement

de première instance prononça la nullité de la citation, conformément aux dispositions de l’article 53 de la

loi du 29 juillet 1881. Le professeur L… fit appel de la décision. La cour d’appel estima, d’une part, que la

citation était valable et, d’autre part, que le terme « énergumène » utilisé pour désigner l’enseignant constituait

« une marque de mépris qui caractérise l’infraction d’injure ». Le premier requérant fut alors condamné, pour

« injure publique envers un fonctionnaire public », à une amende de 2 000 euros, et les deux requérants

furent condamnés, in solidum, au paiement de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts. La publication de

l’intégralité du dispositif de l’arrêt par le magazine Lyon Mag’ fut également ordonnée. Le pourvoi en cassation

formé par les requérants fut rejeté le 30 septembre 2003.

Griefs :

Devant la Cour européenne, les requérants soutenaient que leur condamnation pour diffamation avait emporté

violation de l’article 10 (liberté d’expression). Ils invoquaient également une violation de l’article 6 (droit à un

procès équitable) de la Convention.

Décision :

La Cour décide d’examiner la requête des requérants sous le seul angle de l’article 10 de la Convention.

Elle reconnaît que la condamnation des requérants constitue bien une ingérence dans l’exercice de leur droit

à la liberté d’expression et que cette ingérence était bien prévue par la loi, à savoir les dispositions de la loi

du 29 juillet 1881.

Les juges de Strasbourg précisent en outre que l’ingérence visant à assurer « la protection “de la réputation

ou des droits d’autrui” » (§ 32) poursuivait donc un but légitime.

Sur la nécessité de l’ingérence dans une société démocratique, la Cour conteste l’approche faite par les

juridictions internes. Elle relève d’abord que « si le terme “énergumène” possède incontestablement un

caractère ironique, son emploi, même répété, ne saurait, à lui seul et dans les circonstances de l’espèce,

être considéré comme injurieux » (§ 35). Elle considère également que « l’attitude polémique du professeur

a pu influencer le ton employé pour le décrire et que, dès lors, le propos litigieux n’a pas dépassé la dose

d’exagération ou de provocation généralement admise de la part de la presse » (§ 35).

La Cour européenne remarque que l’article était destiné à communiquer au public lyonnais des informations

sur le professeur et ses méthodes d’enseignement, sujet suscitant l’intérêt du public. Elle relève d’autre part

que le propos litigieux était « exempt de gravité ». Enfin, elle constate que le professeur a pu exercer son

droit de réponse. Aussi en déduit-elle que « les motifs avancés par les juridictions françaises pour justifier

l’ingérence [...] n’étaient pas pertinents et suffisants aux fin de l’article 10 § 2 de la Convention » (§ 36). Les

juges européens estiment enfin que la condamnation des requérants à une amende correctionnelle constitue

une peine disproportionnée et concluent à l’unanimité à la violation de l’article 10 de la Convention.

La Cour alloue également aux requérants conjointement 2 000 euros pour préjudice matériel, ainsi que

11 034 euros pour frais et dépens.

Ces arrêts peuvent être consultés sur le site HUDOC de la Cour européenne des droits de l’homme :

http://www.echr.coe.int/echr.

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Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

Titre et sommaire Page 10

Avis Page 10

Rapport Page 12

Observations Page 27

Fonds de garantie

Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante - Victime de l’amiante - Demande d’indemnisation -

Offre d’indemnisation - Montant - Déduction des prestations sociales - Modalités - Application

de la loi du 21 décembre 2006 - Portée.

L’article 53 IV de la loi no 2000-1257 du 23 décembre 2000 impose au fonds d’indemnisation des victimes

de l’amiante de faire à la victime une offre pour chaque chef de préjudice, en tenant compte des prestations

énumérées à l’article 29 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 pour le montant qui résulte, poste par poste, de

l’application de l’article 31, alinéas 1 et 3, de cette loi, dans sa rédaction issue de l’article 25 de la loi no 2006-1640

du 21 décembre 2006.

AVIS

LA COUR DE CASSATION,

Vu les articles L. 441-1 et suivants, R. 441-1 du code de l’organisation judiciaire, 1031-1 et suivants du code de

procédure civile ;

Vu la demande d’avis formulée le 13 juin 2008 par la cour d’appel de Caen (troisième chambre, section sociale 2),

reçue le 17 juin 2008 et ainsi rédigée :

« Selon les dispositions de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 modifiant notamment l’article L. 376-1 du

code de la sécurité sociale, les recours subrogatoires des caisses de sécurité sociale s’exercent poste par poste

sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à

caractère personnel, sauf si le tiers payeur établit qu’il a versé une prestation indemnisant incontestablement un

préjudice à caractère personnel, auquel cas son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice.

Le 29 octobre 2007, la Cour de cassation a rendu l’avis suivant :

« la rente versée en application de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale à la victime d’un accident du

travail indemnise notamment les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l’incapacité ;

elle doit en conséquence s’imputer prioritairement sur la part d’indemnité compensant les pertes de gains

professionnels puis sur la part d’indemnité réparant l’incidence professionnelle. Si la caisse de sécurité sociale

estime que cette prestation indemnise aussi un préjudice personnel et souhaite exercer ce recours sur un tel

poste, il lui appartient d’établir que, pour une part de cette prestation, elle a effectivement et préalablement

indemnisé la victime, de manière incontestable, pour un poste de préjudice personnel ».

Ces dispositions, et au premier chef celles de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006, s’appliquent-elles aux

offres d’indemnisation du FIVA qui, en vertu des dispositions de l’article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000,

doivent tenir compte des prestations énumérées à l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et des indemnités de toute

nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice, et ce, bien que le FIVA n’exerce pas

de recours subrogatoire ? »

Vu les observations déposées par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez pour M. Guy X… ;

Vu les observations déposée par Me Le Prado pour le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante ;

Cour de cassation

I. - AVIS DE LA COUR DE CASSATION

SÉANCE DU 6 OCTOBRE 2008

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15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

Sur le rapport de M. Adida-Canac, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Lautru, avocat général,

entendu en ses observations orales ;

EST D’AVIS QUE :

L’article 53 IV de la loi no 2000-1257 du 23 décembre 2000 impose au fonds d’indemnisation des victimes

de l’amiante de faire à la victime une offre pour chaque chef de préjudice, en tenant compte des prestations

énumérées à l’article 29 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 pour le montant qui résulte, poste par poste,

de l’application de l’article 31, alinéas 1 et 3, de cette loi, dans sa rédaction issue de l’article 25 de la loi

no 2006-1640 du 21 décembre 2006.

M. Lamanda, P. Pt. - M. Adida-Canac, Rap., assisté de Mme Grégori, greffier en chef - M. Lautru, Av. Gén. -

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Me Le Prado, Av.

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Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

PLAN DU RAPPORT :

Synthèse du rapport

I. - Rappel des faits et de la procédure

II. - Recevabilité de la demande d’avis

A. - Conditions de forme (articles 1031-1 et suivants du code de procédure civile)

B. - Conditions de fond (article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire)

III. - Le(s) problème(s) de droit

A. - Les relations entre le tiers responsable, la victime, le tiers payeur

B. - Les relations entre le tiers responsable, la victime et le fonds d’indemnisation

IV. - Les règles de droit en cause et les éléments susceptibles d’être tenus pour

acquis

A. - Les règles applicables au recours du tiers payeur

B. - Les règles applicables à l’offre d’indemnisation des fonds

1. - Les règles applicables au fonds d’indemnisation des vicitimes de l’amiante (FIVA)

2. - Les règles applicables aux autres fonds d’indemnisation

- Pour l’office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) ;

- Pour la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) ;

- Pour le fonds de garantie des victimes du terrorisme et d’autres infractions (FGTI) ;

V. - Les éléments de réponse

A. - Le fonds d’indemnisation est-il tenu d’appliquer, en présence d’un partage de responsabilité, la

méthode de calcul qui s’impose au tiers payeur ?

B. - Le cas particulier de la rente accident du travail

C. - L’extension du domaine d’application de la réforme du recours des tiers payeurs aux fonds

d’indemnisation : un précédent du 2 février 1977

D. - La jurisprudence de la Cour de cassation quant aux modalités de déduction des prestations sociales

par le FIVA

E. - Les éléments implicites de la jurisprudence de la Cour de cassation

1 - Le cas du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO)

2 - Le cas de l’ONIAM

3 - Le cas de la CIVI

SYNTHÈSE DU RAPPORT :

L’article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000, qui réglemente l’offre d’indemnisation du FIVA, prévoit qu’il y a

lieu d’en déduire les prestations indemnitaires perçues ou à percevoir par la victime de la part du tiers payeur

(les prestations énumérées à l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985).

L’article 31 de la loi du 5 juillet 1985 organise par ailleurs, en l’absence d’intervention d’un fonds

d’indemnisation, les modalités du recours des tiers payeurs contre le tiers responsable, au stade de la fixation

de la créance d’indemnisation. Le tiers responsable ne paie donc à la victime qu’une indemnité amputée du

montant du recours du tiers payeur.

Sur la question de l’application séparée ou combinée des deux règles, les cours d’appel ont rendu, en 2007

et en 2008, des solutions divergentes.

L’application séparée permet au FIVA de déduire du montant global de l’offre qu’il formule, de manière

indifférenciée, la totalité des sommes perçues ou à percevoir d’autres débiteurs. On raisonne alors à l’égard

Rapport de M. Adida-Canac

Conseiller rapporteur

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15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

du fonds en ne retenant que le principe de la réparation intégrale (éviter une double indemnisation), sans tenir

compte des conditions et limites de la loi organisant le recours des tiers payeurs, qui ne concerne pas les

fonds d’indemnisation, d’une nature très différente.

Dans le second cas, le FIVA ne peut déduire que le montant qui résulterait du recours du tiers payeur contre

un tiers responsable en l’absence d’intervention d’un fonds d’indemnisation. On raisonne alors à l’égard

du fonds comme en droit commun incluant les règles du recours du tiers payeur, qui sont applicables (ou

opposables) au fonds.

L’enjeu de l’interprétation de ces textes est important car :

- elle concernera le FIVA, mais également d’autres fonds d’indemnisation (le fonds de garantie des assurances

obligatoires, l’ONIAM, le fonds de garantie des victimes d’acte de terrorisme et d’autres infractions), qui sont

régis par des règles similaires ;

- elle concernera les principes d’indemnisation de la CIVI (la même règle est posée à l’article 706-9 du code

de procédure pénale) ;

- elle est susceptible, sous réserve d’un plus ample examen hors de ce propos, d’entraîner l’application à

un fonds d’indemnisation du droit de préférence de la victime en cas de partage de responsabilité, consacré

par la réforme du 21 décembre 2006, qui a contredit la jurisprudence antérieure, favorable aux organismes

sociaux.

L’application séparée des deux règles avait donc pu être soutenue en doctrine, à l’époque où elle permettait

une meilleure indemnisation de la victime par le fonds d’indemnisation ; elle ne résulte plus aujourd’hui

qu’occasionnellement des méthodes de calcul mises en oeuvre par les fonds d’indemnisation.

Les réformes successives, en dehors même de la loi du 5 juillet 1985, ont toutes été dans le sens d’une

amélioration du sort de la victime par rapport aux droits du tiers payeur, dénoncés comme excédant ce qui

leur était dû (loi du 27 décembre 1973 cantonnant le recours des caisses de sécurité sociale au préjudice

soumis à recours ; loi du 21 décembre 2006 instaurant le recours poste par poste).

La deuxième chambre civile a donc, explicitement ou implicitement, raisonné jusqu’ici, quel que soit le stade

de la réforme, en tenant compte des règles du recours des tiers payeurs pour l’indemnisation des victimes par

la CIVI, le FIVA, l’ONIAM et, en son temps, le fonds de garantie automobile (2e Civ., 2 février 1977, Bull. 1977,

II, no 24).

Il serait en effet tout à la fois choquant et paradoxal qu’une victime soit moins bien indemnisée par un fonds

d’indemnisation n’appliquant que les règles qui l’instituent que si elle n’avait pas bénéficié de l’intervention

de celui-ci.

La situation de la victime s’étant particulièrement améliorée (au point de susciter la critique d’une doctrine

éminente) avec la réforme du recours des tiers payeurs du 21 décembre 2006, les victimes revendiquent

désormais fréquemment son application par le FIVA lorsqu’elles contestent devant les cours d’appel les offres

d’indemnisation, demandant l’application de l’imputation des prestations servies poste par poste, ce qui limite

les déductions opérées.

La cour d’appel de Caen pose la question de l’applicabilité au FIVA de la réforme du 21 décembre 2006 à

propos d’une rente accident du travail capitalisée, ce qui introduira pour elle une difficulté supplémentaire

liée à l’imputation possible de cette prestation, qui a une nature hybride, sur plusieurs postes de

préjudice, de surcroît selon des règles différentes qui résultent de l’avis émis par la Cour de cassation le

29 octobre 2007.

*

* *

I. - Rappel des faits et de la procédure

M. X..., né en 1946, est atteint d’une affection consécutive à l’inhalation de particules de poussières

d’amiante, constatée en 1996, dont le caractère professionnel a été reconnu, avec un taux d’IPP de 5 %, le

10 novembre 1997.

Par jugement du 9 novembre 1999, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Lô a retenu la

faute inexcusable de l’employeur et, par jugement du 26 août 2004, indemnisé M. X… de ses préjudices

extrapatrimoniaux.

Le 20 décembre 2006, le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (le FIVA) a notifié à M. X… une offre

d’indemnisation du préjudice patrimonial, contre laquelle celui-ci a formé un recours.

Par conclusions récapitulatives du 5 mai 2008 devant la cour d’appel de Caen, M. X..., appelant, soutient

notamment que la rente versée par l’organisme de sécurité sociale au titre de la maladie professionnelle ne

doit pas être imputée sur la réparation de son déficit fonctionnel permanent, qui est un poste de préjudice

personnel.

Par conclusions récapitulatives du 5 mai 2008, le FIVA, intimé, soutient notamment que la rente accident du

travail a une nature mixte et répare à la fois le déficit fonctionnel et les salaires perdus ; ne pas imputer la rente

sur la réparation du préjudice patrimonial aboutirait à une double indemnisation.

L’affaire a été appelée à l’audience du 5 mai 2008 de la cour d’appel de Caen, au cours de laquelle a été

évoqué le recours à la procédure de saisine pour avis de la Cour de cassation.

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Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

Par arrêt du 13 juin 2008, la cour d’appel de Caen a, en application de l’article L. 151-1 du code de

l’organisation judiciaire alors applicable, sollicité l’avis de la Cour de cassation sur une question ainsi

formulée :

« Selon les dispositions de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 modifiant notamment l’article L. 376-1

du code de la sécurité sociale, les recours subrogatoires des caisses de sécurité sociale s’exercent poste

par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion

des préjudices à caractère personnel, sauf si le tiers payeur établit qu’il a versé une prestation indemnisant

incontestablement un préjudice à caractère personnel, auquel cas son recours peut s’exercer sur ce poste

de préjudice ».

Le 29 octobre 2007, la Cour de cassation a rendu l’avis suivant :

« la rente versée en application de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale à la victime d’un accident

du travail indemnise notamment les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de

l’incapacité ; elle doit en conséquence s’imputer prioritairement sur la part d’indemnité compensant les

pertes de gains professionnels, puis sur la part d’indemnité réparant l’incidence professionnelle. Si la caisse

de sécurité sociale estime que cette prestation indemnise aussi un préjudice personnel et souhaite exercer ce

recours sur un tel poste, il lui appartient d’établir que, pour une part de cette prestation, elle a effectivement

et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable, pour un poste de préjudice personnel ».

Ces dispositions, et au premier chef celles de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006, s’appliquent-elles aux

offres d’indemnisation du FIVA, qui, en vertu des dispositions de l’article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000,

doivent tenir compte des prestations énumérées à l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et des indemnités

de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice, et ce, bien que le FIVA

n’exerce pas de recours subrogatoire ? »

II. - Recevabilité de la demande d’avis

A. - Conditions de forme (articles 1031-1 et suivants du code de procédure civile)

Les avis prévus à l’article 1031-1, alinéa premier, du code de procédure civile ont été envoyés :

- le 4 juin 2008, à l’avocat de M. X..., l’avocat du FIVA ayant fait spontanément connaître son accord par lettre

du 26 mai 2008 ;

- le 5 juin 2008, au ministère public, qui a fait connaître son accord le 11 juin 2008.

L’arrêt sollicitant l’avis de la Cour de cassation, rendu le 13 juin 2008, a, le même jour, été notifié aux parties

et à leurs avocats, et mis à disposition au greffe.

La demande d’avis, reçue à la Cour de cassation le 17 juin 2008, émanant d’une cour d’appel, l’avis aux

chefs de cour n’était pas requis.

La procédure paraît donc régulière et la demande d’avis recevable en la forme.

B. - Conditions de fond (article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire)

L’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire pose quatre conditions cumulatives de recevabilité :

1. - La question doit être une question de droit :

S’agissant de l’application séparée ou combinée de deux textes, la question paraît être de pur droit.

2. - La question présente-t-elle une difficulté sérieuse ?

La difficulté sérieuse résulte notamment de l’existence de plusieurs arrêts de cour d’appel rendus en 2007 et

en 2008 retenant, sur la question posée, des solutions divergentes.

3. - La question est-elle susceptible de se poser dans de nombreux litiges ?

L’existence de plusieurs arrêts divergents de cours d’appel déjà rendus est à mettre en relation avec

l’indication, dans l’avis émis par le ministère public, de quelque 200 procédures en cours devant la seule cour

d’appel de Caen.

La condition paraît donc, là encore, satisfaite.

4. - La question doit être nouvelle :

Le FIVA indiquait d’ailleurs à la cour d’appel de Caen qu’il serait opportun que la question « englobe le

point de savoir s’il appartient ou non à l’organisme social de préciser quelle est la quote-part de la rente qui

indemnise l’incapacité fonctionnelle ».

La question des conditions de l’imputabilité de la rente accident du travail sur le déficit fonctionnel par

l’organisme social est donc manifestement dans le débat devant la cour d’appel, ce qui a conduit celle-ci

à s’interroger au préalable sur l’applicabilité même de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 (en ce que

ce texte modifie l’article 31 de la loi du 5 juillet 1985) aux offres d’indemnisation du FIVA, lesquelles, en vertu

des dispositions de l’article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000, doivent « tenir compte » des prestations

énumérées à l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985.

Cette question est distincte de celle des conditions du recours par les tiers payeurs. Les avis émis par la Cour

de cassation le 29 octobre 2007 ne peuvent donc faire échec à la recevabilité au fond de la demande d’avis,

la question paraissant nouvelle.

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15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

III. - Le(s) problème(s) de droit

L’article 25 de la loi du 21 décembre 20061, visé par la demande d’avis, doit être considéré surtout en ce

qu’il modifie l’article 31 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 instaurant le principe du recours du tiers payeur

« poste par poste ». Il est d’application immédiate aux préjudices extrapatrimoniaux non encore liquidés au

jour de son entrée en vigueur (avis du 29 octobre 2007).

Pour parvenir à l’indemnisation de la victime, on envisage généralement, selon les contentieux en cause, deux

types d’opérations juridiques à trois intervenants :

A. - Les relations entre le tiers responsable, la victime, le tiers payeur (notamment en ce qui concerne le

problème de l’exonération partielle emportant partage de responsabilité, désormais opposable au tiers payeur) ;

Ces relations sont régies par :

1. La responsabilité civile délictuelle (notamment le principe de la réparation intégrale), pour le rapport tiers

responsable-victime ;

2. Le droit de la sécurité sociale, pour le rapport tiers payeur-victime, s’agissant des prestations - en nature

et en espèces - auxquelles la victime, prise en sa qualité d’assuré social, a droit ;

3. Les règles relatives au recours subrogatoire des tiers payeurs (articles 28 à 31 de la loi du 5 juillet 1985),

pour le rapport tiers payeurs-tiers responsable, s’agissant des seules prestations à caractère indemnitaire2

servies par le tiers payeur3.

B. - Les relations entre le tiers responsable, la victime et le fonds d’indemnisation

Ces relations sont régies par :

1. La responsabilité civile délictuelle (notamment le principe de la réparation intégrale), pour le rapport tiers

responsable-victime ;

2. Les règles spécifiques au fonds d’indemnisation relatives à l’offre d’indemnisation, pour le rapport fonds

d’indemnisation-victime (ici l’article 53 I, II, III, IV, V, de la loi du 23 décembre 2000, s’agissant du FIVA) ;

3. Les règles spécifiques au fonds d’indemnisation relatives à un éventuel recours subrogatoire du fonds (ici

l’article 53 VI de la loi du 23 décembre 2000), pour le rapport fonds d’indemnisation-tiers responsable, dans

les termes du droit commun de la subrogation du code civil.

Le rapprochement de ces deux schémas permet cependant de conclure à l’existence de quatre protagonistes

à l’opération de réparation intégrale du préjudice de la victime :

- le tiers responsable, débiteur de l’indemnisation (généralement assuré) ;

- le tiers payeur, débiteur de prestations à l’égard de la victime et créancier pour le montant des prestations à

caractère indemnitaire à l’égard du tiers responsable, en vertu du recours subrogatoire qui s’exerce au stade

de l’obligation à la dette d’indemnisation ;

- la victime, créancière de l’indemnisation à l’égard du tiers responsable, déduction faite du recours du tiers

payeur ;

- le fonds d’indemnisation, débiteur de l’indemnisation à l’égard de la victime, déduction faite des sommes

perçues ou à percevoir par ailleurs par elle (les prestations indemnitaires des tiers payeurs et d’autres

indemnités), et titulaire, pour le montant versé, d’un recours subrogatoire contre le tiers responsable, pour le

compte de qui il a payé, et ce, au stade de la contribution à la dette.

Un seul rapport n’est donc pas régi : la relation entre le fonds d’indemnisation et le tiers payeur. De fait, on

s’accorde généralement à dire qu’il n’y en a pas. On a coutume de l’exprimer en affirmant qu’on raisonne à

l’égard du fonds d’indemnisation, institué dans l’intérêt exclusif de la victime, « comme en droit commun »,

affirmation qui n’épuise manifestement pas la totalité des questions qui se posent.

On peut considérer, a minima, que seul le principe de la réparation intégrale est concerné : l’offre

d’indemnisation du fonds, qui consiste à indemniser la victime par une procédure purement comptable,

simple, gratuite et rapide, doit réparer l’entier préjudice. La jurisprudence de la deuxième chambre civile est

explicite sur ce point (ex. : 2e Civ., 25 octobre 2001, Responsabilité civile et assurances, janvier 2002, no 23,

p. 19, à propos de la CIVI : « l’indemnité allouée aux victimes d’infractions doit être calculée suivant les règles

du droit commun de la responsabilité », confirmé par 2e Civ., 5 février 2004, Bull. 2004, II, no 47).

Mais qu’en est-il du « poste par poste » instauré par la loi du 21 décembre 2006 et de l’imputation de sommes

perçues par la victime des tiers payeurs ? Il faudra alors apprécier les effets d’une application strictement

parallèle des deux corps de règles : le fonds d’indemnisation pourrait en effet être tenté de déduire, en

fonction des règles qui lui sont propres, une somme supérieure à celle résultant du recours subrogatoire du

tiers payeur en l’absence d’intervention d’un fonds d’indemnisation.

1 Article 25 de la loi no 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 NOR : SANX0600163L

(version consolidée au 22 décembre 2007). A modifié les dispositions suivantes : loi no 85-677 du 5 juillet 1985, article 31 (V) ;

code de procédure pénale, article 475-1 (V) ; code de la sécurité sociale, article L. 476-1 (V) ; code de la sécurité sociale,

article L. 455-2 (V) ; code rural, article L. 752-23 (MMN).

2 V. not. : 2e Civ., 25 novembre 1999, Responsabilité civile et assurances, février 2000, no 50, p. 12.

3 On notera que l’un des effets de la réforme du 21 décembre 2006 est la consécration de l’opinion selon laquelle la contrepartie

des prestations servies consiste dans le recouvrement de cotisations, et non dans le recours subrogatoire. Un tel recours ne vise

qu’à recouvrer les prestations à caractère indemnitaire, directement causées par le fait dommageable, et non à permettre au tiers

payeur de récupérer par ce biais ce qu’il a payé par ailleurs en application du droit de la sécurité sociale.

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Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

Au cas d’espèce, le FIVA a déduit la totalité de la rente accident du travail perçue par la victime de la totalité

de l’offre complémentaire qu’il formule, peu important que celle-ci, envisagée « poste par poste », contienne

un poste de préjudice extrapatrimonial. C’est une première manière de raisonner.

Doit-on, à l’inverse, continuer à faire application du droit commun, qui « incorpore » les règles spéciales

régissant le recours subrogatoire du tiers payeur4 ?

Au cas d’espèce, la victime demande que soit exclu de l’assiette de la déduction le poste de préjudice

extrapatrimonial. C’est appliquer le « poste par poste » aux déductions de l’offre du FIVA et, s’agissant d’une

rente accident du travail, s’exposer au problème de son imputation sur plusieurs postes de préjudice eu égard

à sa nature mixte (question que le FIVA souhaitait voir formuler dans la demande d’avis). C’est une seconde

manière de raisonner, qui se fonde implicitement sur l’idée qu’il serait paradoxal qu’en vertu des règles qui lui

sont propres, le FIVA ait « plus de droits à déduire » que le tiers payeur, privilégié par la loi comme créancier

du tiers responsable.

Il y a deux manières d’envisager la prise en compte de la loi du 21 décembre 2006. La question de la cour

d’appel de Caen suggère une extension pure et simple de son domaine d’application, mais on peut imaginer

que ce soit l’interprétation des textes régissant les fonds d’indemnisation qui conduise à la même solution.

IV. - Les règles de droit en cause et les éléments susceptibles d’être tenus pour

acquis

L’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 résulte de la prise en compte d’un amendement parlementaire

reprenant une préconisation de réforme de la Cour de cassation5.

A. - Les règles applicables au recours du tiers payeur

* L’article 31 de la loi du 5 juillet 1985, au sein des dispositions relatives aux recours des tiers payeurs contre

les personnes tenues à réparation d’un dommage résultant d’une atteinte à la personne, a été modifié par

l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 :

« Chapitre II : Des recours des tiers payeurs contre les personnes tenues à réparation d’un dommage résultant

d’une atteinte à la personne.

Article 28 :

Les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux relations entre le tiers payeur et la personne tenue à

réparation d’un dommage résultant d’une atteinte à la personne, quelle que soit la nature de l’événement

ayant occasionné ce dommage.

Article 29 (modifié par la loi no 94-678 du 8 août 1994 - article 15, JORF, 10 août 1994) :

Seules les prestations énumérées ci-après versées à la victime d’un dommage résultant des atteintes à sa

personne ouvrent droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur :

1. Les prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de

sécurité sociale et par ceux qui sont mentionnés aux articles 1106-9, 1234-8 et 1234-20 du code rural ;

2. Les prestations énumérées au II de l’article premier de l’ordonnance no 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux

actions en réparation civile de l’Etat et de certaines autres personnes publiques ;

3. Les sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation ;

4. Les salaires et les accessoires du salaire maintenus par l’employeur pendant la période d’inactivité

consécutive à l’événement qui a occasionné le dommage ;

5. Les indemnités journalières de maladie et les prestations d’invalidité versées par les groupements

mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité

sociale ou le code rural et les sociétés d’assurance régies par le code des assurances.

Article 30 :

Les recours mentionnés à l’article 29 ont un caractère subrogatoire.

Article 31 (modifié par la loi no 2006-1640 du 21 décembre 2006 - article 25, JORF, 22 décembre 2006) :

Les recours subrogatoires des tiers payeurs s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent

des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel.

Conformément à l’article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière

de l’indemnisation, lorsqu’elle n’a été indemnisée qu’en partie ; en ce cas, elle peut exercer ses droits contre

le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n’a reçu qu’une indemnisation

partielle.

Cependant, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation

indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce

poste de préjudice. »

4 R. Gassin, « Lois spéciales et droit commun », D. 1961, chron., p. 91 et s., spéc. no 18, in limine.

5 Rapport annuel 2004, première partie, p. 12 ; rapport annuel 2005, première partie, p. 11 ; rapport annuel 2006, première partie,

p. 11.

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15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

On notera que ces dispositions excédant le domaine des accidents de la circulation, il est proposé par l’avantprojet

de réforme du droit des obligations (dit « projet Catala ») d’en étendre la teneur au droit commun pour

la réparation de tous les dommages corporels (articles 1379 à 1379-8, qui demeurent silencieux sur les

conséquences d’une intervention d’un fonds d’indemnisation).

* De même, a été modifié par l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006, l’article L. 376-1 du code de la

sécurité sociale, qui régit les hypothèses ne relevant pas de la législation sur les accidents du travail.

Article L. 376-1 du code de la sécurité sociale (modifié par la loi no 2006-1640 du 21 décembre 2006,

article 25 I, III, JORF, 22 décembre 2006) :

« Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail,

la lésion dont l’assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l’assuré ou ses ayants droit

conserve contre l’auteur de l’accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément

aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n’est pas réparé par application du présent

livre.

Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l’assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues

par le présent livre, sauf recours de leur part contre l’auteur responsable de l’accident dans les conditions

ci-après.

Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s’exercent poste par poste sur les seules indemnités

qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel.

Conformément à l’article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière

de l’indemnisation, lorsqu’elle n’a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce

cas, l’assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée.

Cependant, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation

indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce

poste de préjudice.

Hors le cas où la caisse est appelée en déclaration de jugement commun conformément aux dispositions

ci-après, la demande de la caisse vis-à-vis du tiers responsable s’exerce en priorité à titre amiable. Une

convention signée par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la Caisse nationale

du régime social des indépendants et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole avec les organisations

représentatives des assureurs peut définir les modalités de mise en oeuvre de cette procédure. »

(...)

* Mais l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, qui concerne les accidents du travail, n’a pas été

modifié.

Article L. 434-2 (modifié par la loi no 2007-1786 du 19 décembre 2007 article 86) :

« Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les

facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle,

compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.

Lorsque l’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente

égale au salaire annuel multiplié par le taux d’incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la

gravité de celle-ci.

Dans le cas où l’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum et oblige la victime, pour

effectuer les actes ordinaires de la vie, à avoir recours à l’assistance d’une tierce personne, le montant de la

rente est majoré. En aucun cas, cette majoration ne peut être inférieure à un montant minimum affecté des

coefficients de revalorisation fixés dans les conditions prévues à l’article L. 341-6.

En cas d’accidents successifs, le taux ou la somme des taux d’incapacité permanente antérieurement

reconnue constitue le point de départ de la réduction ou de l’augmentation prévue au deuxième alinéa pour

le calcul de la rente afférente au dernier accident. Lorsque, par suite d’un ou plusieurs accidents du travail,

la somme des taux d’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, l’indemnisation se

fait, sur demande de la victime, soit par l’attribution d’une rente qui tient compte de la ou des indemnités en

capital précédemment versées, soit par l’attribution d’une indemnité en capital dans les conditions prévues à

l’article L. 434-1. Le montant de la rente afférente au dernier accident ne peut dépasser le montant du salaire

servant de base au calcul de la rente.

Lorsque l’état d’invalidité apprécié conformément aux dispositions du présent article est susceptible

d’ouvrir droit, si cet état relève de l’assurance invalidité, à une pension dans les conditions prévues par les

articles L. 341-1 et suivants, la rente accordée à la victime en vertu du présent titre dans le cas où elle est

inférieure à ladite pension d’invalidité, est portée au montant de celle-ci. Toutefois, cette disposition n’est pas

applicable si la victime est déjà titulaire d’une pension d’invalidité des assurances sociales. »

La question s’est donc déjà posée de savoir si, dans le silence de la loi du 21 décembre 2006, les accidents

du travail étaient exclus de la réforme du recours des tiers payeurs, ou si, au contraire, l’article L. 434-2

du code de la sécurité sociale était tacitement abrogé par le texte le plus récent du fait de la généralité

de l’article 31 de la loi du 5 juillet 1985 modifié, les accidents du travail se trouvant alors concernés par la

réforme. C’est cette dernière interprétation que la formation pour avis de la Cour de cassation a retenue le

29 octobre 2007, fixant également certaines modalités d’imputation, par un tiers payeur, de la rente accident

du travail sur les préjudices patrimonial et extrapatrimonial :

18

Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

« La rente versée en application de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale à la victime d’un accident

du travail indemnise, notamment, les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de

l’incapacité ; elle doit en conséquence s’imputer prioritairement sur la part d’indemnité compensant les

pertes de gains professionnels, puis sur la part d’indemnité réparant l’incidence professionnelle. Si la caisse

de sécurité sociale estime que cette prestation indemnise aussi un préjudice personnel et souhaite exercer ce

recours sur un tel poste, il lui appartient d’établir que, pour une part de cette prestation, elle a effectivement

et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable, pour un poste de préjudice personnel (Avis,

29 octobre 2007, Bull. 2007, Avis, no 10 et 11) ».

L’application de la réforme du 21 décembre 2006 aux accidents du travail a été confirmée par la chambre

criminelle de la Cour de cassation (Crim., 5 février 2008, pourvoi no 07.83-327 : « l’article 31 de la loi du

5 juillet 1985, modifié par l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006, selon lequel le recours des caisses de

sécurité sociale s’exerce poste par poste, s’applique lorsque l’accident a été pris en charge au titre de la

législation sur les accidents du travail » ; confirmé par Crim., 15 avril 2008, pourvoi no 07-84.174, et par le

Conseil d’Etat - CE, 5 mars 2008, req. no 272447).

B. - Les règles applicables à l’offre d’indemnisation des fonds

1. - Les règles applicables au FIVA

Les conditions dans lesquelles le FIVA présente une offre d’indemnisation et celles de son recours subrogatoire

résultent de l’article 53 de la loi du 23 décembre 2000, antérieur à la réforme du 21 décembre 2006, et non

modifié par elle :

Loi no 2000-1257 du 23 décembre 2000 - article 53 (modifié par la loi no 2002-1487 du 20 décembre 2002,

article 52 II, JORF, 24 décembre 2002) :

« I. - Peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices :

1. - Les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d’une maladie professionnelle occasionnée par l’amiante

au titre de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable

aux pensions civiles et militaires d’invalidité ;

2. - Les personnes qui ont subi un préjudice résultant directement d’une exposition à l’amiante sur le territoire

de la République française ;

3. - Les ayants droit des personnes visées aux 1o et 2o.

II. - Il est créé, sous le nom de « Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante », un établissement public

national à caractère administratif, doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, placé sous la

tutelle des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Cet établissement a pour mission de réparer les préjudices définis au I du présent article.

Il est administré par un conseil d’administration composé de représentants de l’Etat, des organisations

siégeant à la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles de la Caisse nationale de

l’assurance maladie des travailleurs salariés, des associations nationales d’aide aux victimes de l’amiante et

de personnalités qualifiées. Il est présidé par un magistrat.

Il emploie des agents régis par les titres II, III ou IV du statut général des fonctionnaires en position d’activité,

de détachement ou de mise à disposition. Il emploie également des agents contractuels de droit public avec

lesquels il peut conclure des contrats à durée déterminée ou indéterminée. Il peut également faire appel à

des agents contractuels de droit privé pour occuper des fonctions exigeant une qualification particulière dans

le domaine de l’indemnisation des préjudices ou des maladies professionnelles. Les agents contractuels

employés par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante sont tenus au secret et à la discrétion

professionnels dans les mêmes conditions que celles qui sont définies à l’article 26 de la loi no 83-634 du

13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

III. - Le demandeur justifie de l’exposition à l’amiante et de l’atteinte à l’état de santé de la victime.

Le demandeur informe le fonds des autres procédures relatives à l’indemnisation des préjudices définis au I

éventuellement en cours. Si une action en justice est intentée, il informe le juge de la saisine du fonds.

Si la maladie est susceptible d’avoir une origine professionnelle et en l’absence de déclaration préalable par

la victime, le fonds transmet sans délai le dossier à l’organisme concerné au titre de la législation française

de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires

d’invalidité. Cette transmission vaut déclaration de maladie professionnelle. Elle suspend le délai prévu au IV

du présent article jusqu’à ce que l’organisme concerné communique au fonds les décisions prises. En tout

état de cause, l’organisme saisi dispose pour prendre sa décision d’un délai de trois mois, renouvelable une

fois si une enquête complémentaire est nécessaire. Faute de décision prise par l’organisme concerné dans

ce délai, le fonds statue dans un délai de trois mois.

Le fonds examine si les conditions de l’indemnisation sont réunies : il recherche les circonstances de

l’exposition à l’amiante et ses conséquences sur l’état de santé de la victime ; il procède ou fait procéder à

toute investigation et expertise utiles sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou industriel.

Vaut justification de l’exposition à l’amiante la reconnaissance d’une maladie professionnelle occasionnée par

l’amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation

applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité, ainsi que le fait d’être atteint d’une maladie provoquée

par l’amiante et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail et de la sécurité

sociale.

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15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

Dans les cas valant justification de l’exposition à l’amiante visés à l’alinéa précédent, le fonds peut verser une

provision si la demande lui en a été faite, il est statué dans le délai d’un mois à compter de la demande de

provision.

Le fonds peut requérir de tout service de l’Etat, collectivité publique, organisme assurant la gestion des

prestations sociales, organisme assureur susceptibles de réparer tout ou partie du préjudice, la communication

des renseignements relatifs à l’exécution de leurs obligations éventuelles.

Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d’autres fins que l’instruction de la demande faite

au fonds d’indemnisation et leur divulgation est interdite. Les personnes qui ont à connaître des documents

et informations fournis au fonds sont tenues au secret professionnel.

Le demandeur peut obtenir la communication de son dossier, sous réserve du respect du secret médical.

IV. - Dans les six mois à compter de la réception d’une demande d’indemnisation, le fonds présente au

demandeur une offre d’indemnisation. Il indique l’évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, ainsi que

le montant des indemnités qui lui reviennent compte tenu des prestations énumérées à l’article 29 de la loi

no 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation

et à l’accélération des procédures d’indemnisation, et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir

d’autres débiteurs du chef du même préjudice. Le fonds présente une offre d’indemnisation nonobstant

l’absence de consolidation.

Une offre est présentée dans les mêmes conditions en cas d’aggravation de l’état de santé de la victime ou

si une indemnisation complémentaire est susceptible d’être accordée dans le cadre d’une procédure pour

faute inexcusable de l’employeur.

L’acceptation de l’offre ou la décision juridictionnelle définitive rendue dans l’action en justice prévue au V

vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable toute autre action

juridictionnelle future en réparation du même préjudice. Il en va de même des décisions juridictionnelles

devenues définitives allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences de l’exposition à l’amiante.

V. - Le demandeur ne dispose du droit d’action en justice contre le fonds d’indemnisation que si sa demande

d’indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans le délai mentionné au premier alinéa

du IV ou s’il n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite.

Cette action est intentée devant la cour d’appel dans le ressort de laquelle se trouve le domicile du

demandeur.

Celui-ci a la possibilité de se faire assister ou représenter par son conjoint, un ascendant ou un descendant

en ligne directe, un avocat ou un délégué des associations de mutilés et invalides du travail les plus

représentatives.

VI. - Le fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le

demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes

tenus à un titre quelconque d’en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des

prestations à la charge desdites personnes.

Le fonds intervient devant les juridictions civiles, y compris celles du contentieux de la sécurité sociale,

notamment dans les actions en faute inexcusable, et devant les juridictions de jugement en matière répressive,

même pour la première fois en cause d’appel, en cas de constitution de partie civile du demandeur contre le

ou les responsables des préjudices ; il intervient à titre principal et peut user de toutes les voies de recours

ouvertes par la loi.

Si le fait générateur du dommage a donné lieu à des poursuites pénales, le juge civil n’est pas tenu de surseoir

à statuer jusqu’à décision définitive de la juridiction répressive.

VII. - Le fonds est financé par une contribution de l’Etat, dans les conditions fixées par la loi de finances, et

par une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la

sécurité sociale dont le montant est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale, sur la

base d’un rapport d’activité du fonds établi par son conseil d’administration et transmis au parlement et au

gouvernement chaque année avant le 1er juillet. »

VIII. - (Paragraphe modificateur).

« Les dispositions de l’alinéa précédent ne remettent pas en cause la compétence juridictionnelle pour

connaître, en appel ou en cassation, des décisions rendues avant la date de publication du décret mentionné

au X du présent article par les commissions instituées par l’article 706-4 du code de procédure pénale.

IX. - Les demandes d’indemnisation des préjudices causés par l’exposition à l’amiante en cours d’instruction

devant les commissions instituées par l’article 706-4 du code de procédure pénale à la date de publication

du décret mentionné au X sont transmises au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. Les provisions

allouées en application du dernier alinéa de l’article 706-6 du code de procédure pénale sont remboursées

par le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante au fonds de garantie des victimes des actes de

terrorisme et d’autres infractions.

X. - Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat.

Le délai fixé au IV est porté à neuf mois pendant l’année qui suit la publication du décret mentionné à l’alinéa

précédent ».

La formulation de l’article 53 IV doit être particulièrement retenue : l’offre du fonds est présentée « pour chaque

chef de préjudice », le montant des indemnités étant proposé « compte tenu des prestations énumérées à

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Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

l’article 29 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents

de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, et des indemnités de toute nature reçues

ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice ».

Celle de l’article 53 VI est à expliciter par rapport à la question posée. Le recours subrogatoire du fonds, après

paiement6, se fonde sur le caractère non subsidiaire de l’intervention du FIVA. Le recours est subrogatoire au

stade de la contribution à la dette, intenté par une personne qui a payé pour le compte d’une autre7. En ce

sens, il ne peut y avoir de possibilité d’un recours subrogatoire que lorsque le fonds a payé, totalement ou

partiellement. Tant que le montant de l’indemnisation offerte par le FIVA est litigieux, le recours subrogatoire

ne peut naître. Celui-ci est donc distinct du recours subrogatoire des tiers payeurs, qui existe au stade de

l’obligation à la dette. Sans doute est-ce ainsi qu’il faut comprendre la fin de la question de la cour d’appel de

Caen : après avoir rappelé le régime applicable aux tiers payeurs sur lequel elle s’interroge à propos du FIVA,

elle précise avec pertinence : et ce, bien que le FIVA n’exerce pas de recours subrogatoire (sous entendu :

au stade de l’obligation à la dette, comme en matière de tiers payeurs).

2. - Les règles applicables aux autres fonds d’indemnisation

S’agissant des sommes qu’il y a lieu de déduire de l’offre d’indemnisation pour prévenir une double

indemnisation de la victime8, des dispositions similaires existent pour d’autres fonds d’indemnisation, qui

autorisent des raisonnements par analogie. On notera cependant que l’intervention du fonds de garantie des

assurances obligatoires de dommages (FGAO) en matière d’accidents de la circulation et de chasse, ensuite

de l’ancien fonds de garantie automobile (FGA), est subsidiaire9.

Le FIVA a, au contraire, une vocation d’indemnisation complémentaire, et non subsidiaire10, tout comme

les autres fonds d’indemnisation de création récente, tel que l’office national d’indemnisation des accidents

médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales (ONIAM). Tel est également le cas du fonds de

garantie des victimes du terrorisme et d’autres infractions (FGTI) qui, en dehors des hypothèses d’actes de

terrorisme où il fixe également l’indemnité qu’il offre de payer, prend en charge les indemnisations allouées

par les commissions d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI).

1) Pour l’ONIAM, l’article L. 3122-5 du code de la santé publique dispose :

Article L. 3122-5 (modifié par la loi no 2004-809 du 13 août 2004 - article 71, JORF, 17 août 2004) :

« L’office est tenu de présenter à toute victime mentionnée à l’article L. 3122-1 une offre d’indemnisation dans

un délai dont la durée est fixée par décret et ne peut excéder six mois à compter du jour où l’office reçoit la

justification complète des préjudices. Cette disposition est également applicable en cas d’aggravation d’un

préjudice déjà couvert au titre du premier alinéa de l’article L. 3122-1.

L’offre indique l’évaluation retenue par l’office pour chaque chef de préjudice, nonobstant l’absence de

consolidation, et notamment du fait de la séropositivité, ainsi que le montant des indemnités qui reviennent

à la victime compte tenu, d’une part, des prestations énumérées à l’article 29 de la loi no 85-677 du

5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accident de la circulation et à l’accélération

des procédures d’indemnisation et, d’autre part, des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres

débiteurs du chef du même préjudice.

L’offre d’indemnisation adressée à la victime en application du premier alinéa est présentée par le directeur

de l’office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections

nosocomiales, sur avis conforme de la commission d’indemnisation mentionnée à l’article L. 3122-1. »

2) Pour la CIVI, l’article 706-9 du code de procédure pénale dispose :

Article 706-9 (modifié par la loi no 90-589 du 6 juillet 1990 - article 7, JORF, 11 juillet 1990, en vigueur

le 1er janvier 1991) :

« La commission tient compte, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de

son préjudice :

- des prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de

sécurité sociale et par ceux qui sont mentionnés aux articles 1106-9, 1234-8 et 1234-20 du code rural ;

- des prestations énumérées au II de l’article premier de l’ordonnance no 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux

actions en réparation civile de l’Etat et de certaines autres personnes publiques ;

- des sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation ;

- des salaires et des accessoires du salaire maintenus par l’employeur pendant la période d’inactivité

consécutive à l’événement qui a occasionné le dommage ;

- des indemnités journalières de maladie et des prestations d’invalidité versées par les groupements

mutualistes régis par le code de la mutualité.

Elle tient compte également des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs au titre

du même préjudice.

6 Lequel s’envisage même contre une personne morale de droit public : CAA Versailles, 13 mars 2007, no 05VE01608.

7 Sur le recours subrogatoire des fonds d’indemnisation, voir Ph. Cosson, « Les fonds de garantie », LGDJ, p. 206 et s., no 209 à

221.

8 Certains auteurs estiment, à titre curatif, qu’une action du fonds contre la victime, fondée sur l’enrichissement sans cause, est

possible.

9 Répertoire civil Dalloz, Vo, Fonds de garantie, mars 2006, p. 12, no 82.

10 En ce sens, pour le FIVA : 2e Civ., 24 mai 2006, Bull. 2006, II, no 132.

21

15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

Les sommes allouées sont versées par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres

infractions. »

La circulaire générale d’application de la loi du 6 juillet 1990 (circulaire du 27 décembre 1990) ne fournit

pas d’éléments d’interprétation, en dehors de la précision du caractère nécessairement indemnitaire des

prestations versées, susceptibles d’être déduites du montant de l’offre d’indemnisation.

3) Pour le FGTI (s’agissant des actes de terrorisme, hors saisine de la CIVI), l’article R. 422-8 du code des

assurances dispose :

Article R. 422-8 (modifié par la décret no 2004-176 du 17 février 2004 - article 1, JORF, 24 février 2004) :

« L’offre d’indemnisation des dommages résultant d’une atteinte à la personne faite à la victime d’un acte

de terrorisme indique l’évaluation retenue par le fonds pour chaque chef de préjudice et le montant des

indemnités qui reviennent à la victime compte tenu des prestations énumérées à l’article 29 de la loi no 85-677

du 5 juillet 1985 et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même

préjudice. Elle est accompagnée, le cas échéant, de la copie des décomptes produits par les personnes

ou organismes débiteurs de ces prestations ou indemnités. Elle comporte les mentions prévues par

l’article L. 211-16. »

V. - Les éléments de réponse

La deuxième chambre civile a jugé, dans un arrêt du 4 juillet 2007 (2e Civ., 4 juillet 2007, pourvoi no 06-20.196),

que « la mission incombant au FIVA, simple en son principe, consiste à allouer à la victime du contact avec

l’amiante une indemnité financière réparant le plus exactement possible les dommages de toute nature subis

par l’intéressé, sans qu’il puisse en résulter un bénéfice pour ce dernier ».

A. - Le fonds d’indemnisation est-il tenu d’appliquer, en présence d’un partage de responsabilité, la

méthode de calcul qui s’impose au tiers payeur ?

* Une réponse négative (application séparée des règles) aurait conduit, sous l’empire de l’ancienne loi, à

imposer au fonds de déduire une somme moindre que le tiers payeur en vertu de son droit de recours contre

le tiers responsable, en l’absence d’intervention d’un fonds.

L’idée a été défendue en doctrine, en cas de faute de la victime partiellement exonératoire, s’agissant du

calcul de l’indemnité par la CIVI. En présence d’un partage de responsabilité, deux méthodes de calcul du

recours subrogatoire sont en effet possibles, l’une avantageant l’organisme social, l’autre avantageant la

victime, cette dernière solution ayant en général la faveur de la doctrine11, à une exception notable près12.

Avant que la réforme du 21 décembre 2006 n’instaure le droit de préférence de la victime13, la Cour de

cassation retenait la solution inverse, autorisée par le silence des textes alors en vigueur ; elle jugeait que le

partage de responsabilité était inopposable à la caisse.

En tirant argument du caractère autonome de l’article 706-9 du code de procédure pénale, qui n’impose à la

CIVI que de « tenir compte », dans la fixation de l’indemnisation, d’indemnités perçues ou à percevoir, il a été

soutenu qu’il était concevable de s’écarter de la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle ne concernait

que le recours subrogatoire de l’organisme social, et non la CIVI, pour retenir un droit de préférence de la

victime14.

Il n’y pas lieu d’apprécier les mérites de cette proposition sur le fond, mais de constater :

- qu’elle procède de l’idée que la non-application aux fonds d’indemnisation des règles du recours

subrogatoire pouvait permettre à l’époque, en cas du partage de responsabilité, une meilleure indemnisation

de la victime ;

- que la Cour de cassation appliquait au contraire au mécanisme de déduction de la CIVI le système de

déduction applicable aux tiers payeurs, parce que sa jurisprudence était dans le sens de l’application du droit

commun.

* L’argumentation peut donc aujourd’hui se renverser : « le droit commun de la responsabilité a changé,

et maintenant les tiers payeurs ne sont plus prioritaires »15. Après la réforme du 21 décembre 2006, il est

possible de soutenir désormais que « le nouveau droit de préférence accordé aux victimes dans leurs recours

avec les tiers payeurs devrait rejaillir sur la mise en oeuvre de l’article 706-9 »16.

Raisonner différemment des règles applicables au recours subrogatoire des tiers payeurs occasionnerait une

moindre indemnisation de la victime qu’une application du droit commun incorporant ces règles.

B. - Le cas particulier de la rente accident du travail

Compte tenu des caractéristiques de la rente accident du travail et de ses modalités d’imputation encore à

préciser ensuite des avis du 29 octobre 2007 de la Cour de cassation, il peut y avoir des effets spécifiques à

la déduction de cette prestation, compte tenu (ou compte non tenu) des conditions du recours subrogatoire

de la caisse.

11 Voir not., rapport Lambert-Faivre, p. 51-53 et 64-65.

12 P. Jourdain, « La réforme du recours des tiers payeurs : des victimes favorisées », D. 2007, no 7, p. 457.

13 Article 31, alinéa 2, de la loi du 5 juillet 1985, modifié par l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006.

14 H. Groutel, Responsabilité civile et assurances, janvier 1999, chron. 1, p. 4, repris dans Juris-Classeur civil, responsabilité civile,

fasc. 260, 1999, no 47 à 50.

15 H. Groutel, Responsabilité civile et assurances, janvier 1999, chron. 9, p. 7, spéc. no 9.

16 H. Groutel, Responsabilité civile et assurances, janvier 1999, chron. 9, p. 6, spéc. no 1.

22

Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

* Plusieurs questions restent en débat :

- s’il semble acquis, au vu de la jurisprudence récente, que la réforme du 21 décembre 2006 s’applique

aux accidents du travail, l’affirmation de la nature hybride de la rente accident du travail par la Cour de

cassation (avis du 29 octobre 2007) reste contredite par le Conseil d’Etat (arrêt du 5 mars 2008 précité : « que

l’objet exclusif de cette rente est de contribuer à la réparation du préjudice subi par l’intéressé dans sa vie

professionnelle du fait du handicap »)17 ;

- à supposer retenue la double nature de la rente accident du travail et rapportée la preuve, qui incombe

à la caisse, qu’elle a indemnisé également un poste de préjudice extrapatrimonial, reste incertaine la clé

de répartition entre les deux catégories de préjudice ; le rapport Dintilhac préconisait une répartition par

moitié, mais on peut imaginer un recours exercé prioritairement sur le préjudice patrimonial et subsidiairement

sur le préjudice extrapatrimonial. Un pourvoi est en cours d’examen à la deuxième chambre civile sur cette

question (pourvoi no 07-18.819, rapport de M. Grignon Dumoulin déposé).

En présence de l’affirmation dans la loi d’un recours « poste par poste », se pose la question de l’absence de

définition légale des postes de préjudices, notamment s’agissant de la rente accident du travail, dès lors que

l’imputation peut se concevoir sur plusieurs postes de préjudice de la nomenclature proposée par le rapport

Dintilhac (perte de gains professionnels, incidence professionnelle du déficit fonctionnel).

* L’éviction des règles du recours des tiers payeurs resterait donc théoriquement possible. Des arrêts d’appel

sont expressément dans ce sens, par exemple :

CA Rouen, 28 mai 2008 (RG no 07-01.692 - M. Claude G… c/ FIVA) :

« Attendu que, dans son offre d’indemnisation, le FIVA a déduit les sommes versées par l’organisme social à

[la victime], qui s’y oppose au motif que ces sommes ont un caractère professionnel et ne doivent pas venir

en déduction du préjudice fonctionnel ;

Or, attendu que l’article 53 de la loi no 2002-1487 du 20 décembre 2002 dispose que peuvent obtenir la

réparation intégrale de leur préjudice notamment les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d’une

maladie professionnelle occasionnée par l’amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ;

Attendu que le fonds doit présenter, dans les six mois de la demande d’indemnisation de toute personne

visée au texte précité, une offre d’indemnisation précisant l’évaluation retenue pour chaque chef de préjudice,

ainsi que le montant des indemnités qui lui reviennent, compte tenu des prestations énumérées à l’article 29

de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 concernant le recours des tiers payeurs contre les personnes tenues à

réparation, dont les organismes de sécurité sociale ;

Attendu que les dispositions claires de la loi justifient que le FIVA indemnise les préjudices patrimoniaux

résultant du préjudice fonctionnel de manière à compenser la réduction du potentiel physique, mais également

le préjudice résultant de la perte de gains ou des frais induits par la pathologie, sous réserve de la déduction

des indemnités servies dans le cadre de la législation sur les maladies professionnelles par l’organisme de

sécurité sociale qui indemnise le préjudice physiologique, sans avoir à démontrer la faute de l’employeur ;

Attendu que, de ce point de vue, les avis de la Cour de cassation en date du 29 octobre 2007 mis en avant

par M. G…, relatifs au recours subrogatoire de l’organisme de sécurité sociale exercé contre le responsable

dans le cadre de l’article 31 de la loi du 5 juillet 1985, modifié par la loi du 21 décembre 2006, sont sans

incidence sur le mode de calcul de l’indemnité servie par le FIVA au titre du préjudice fonctionnel ».

* De fait, dans plusieurs arrêts d’appel rendus à propos de la déduction de la rente accident du travail par le

FIVA, c’est la victime qui demande à la cour d’appel de faire une application « poste par poste », en invoquant

parfois même la teneur des avis du 29 octobre 2007, pour cantonner la déduction au préjudice patrimonial,

faute de renversement de la présomption s’agissant du préjudice extrapatrimonial, et obtenir le complément

d’indemnisation qui lui est refusé par le FIVA.

Deux séries de réponses, diamétralement opposées, ont été proposées, qui résultent notamment des

solutions suivantes, rendus par les cours d’appel :

CA Metz, 8 avril 2008 :

« l’organisme social n’a pas été appelé en cause par le FIVA, lequel ne peut, pour le compte de celui-ci, tiers

à la procédure, prétendre imputer le recouvrement des prestations et rentes servies par ledit organisme sur

le préjudice réparant l’incapacité fonctionnelle dont M. X… continue à souffrir ;

A défaut d’une telle preuve, il y a lieu de dire et juger, sans qu’il soit porté atteinte au principe de la réparation

intégrale et à la prohibition de la double indemnisation, que le FIVA ne peut opérer la déduction qu’il

revendique ; »

Dans le même sens, en faisant application des règles relatives au recours des tiers payeurs :

CA Douai, 22 mai 2008 (RG no 07-07.415 - M. Constant D… c/ FIVA) :

« Attendu que M. D… conteste la déduction opérée par le FIVA de l’indemnité en capital versée par la CPAM

en application des articles L. 434-1 et suivants du code de la sécurité sociale ;

17 La teneur des conclusions du commissaire du gouvernement exclut en revanche l’analyse de la divergence de jurisprudence

avec la Cour de cassation. On y lit que la rente accident du travail « répare avant tout la perte d’un revenu » et qu’« une telle

rente peut aussi en effet compenser une part du préjudice personnel résultant des troubles de toute nature dans les conditions

d’existence ».

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15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

Attendu qu’il résulte des dispositions du IV de l’article 53 de la loi du 23 décembre 2000 que, dans son offre

d’indemnisation présentée au demandeur, le FIVA doit indiquer « l’évaluation retenue pour chaque chef de

préjudice, ainsi que le montant des indemnités qui lui reviennent compte tenu des prestations énumérées à

l’article 29 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 » ;

Attendu que, selon l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 venu modifier l’article L. 376-1 du code de la

sécurité sociale et l’article 31 de la loi du 5 juillet 1985, les recours subrogatoires des caisses subrogatoires

de sécurité sociale s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu’elles

ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel ; que cependant, si le tiers payeur établit

qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable

un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice ;

Attendu que l’offre offerte par le FIVA au titre de l’incapacité fonctionnelle répare, selon la définition adoptée

dans son barême indicatif, « la réduction du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel résultant

d’une atteinte à l’intégrité corporelle d’une personne » ; qu’il s’agit donc de l’indemnisation d’un chef de

préjudice personnel et non d’un préjudice patrimonial, le FIVA indemnisant distinctement la perte de gains et

le préjudice économique ;

Attendu que le capital ou la rente versée en application des articles L. 434-1 et suivants du code de la sécurité

sociale à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle indemnise, notamment, les pertes

de gains professionnels et les incidences professionnelles de l’incapacité ; qu’il doit en conséquence s’imputer

sur les pertes de gains professionnels et sur la part d’indemnité réparant l’incidence professionnelle ;

Que si le FIVA souhaite l’imputer sur un poste de préjudice personnel, il lui appartient d’établir qu’une part de

cette prestation a effectivement et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable pour un tel

poste de préjudice personnel ;

Que le FIVA, qui n’apporte pas la preuve dont il a la charge, ne peut opérer la déduction du capital versé par

la caisse de sécurité sociale ».

En sens contraire :

CA Pau, 8 avril 2008 (M. Jules S… c/ FIVA) :

« Attendu qu’en application des dispositions de l’article 53 IV de la loi no 2000-1257 du 23 décembre 2000,

il y a lieu de déduire les prestations énumérées à l’article 29 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 ainsi que les

indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice ;

Attendu que la loi créant le FIVA a donc prévu que celui-ci intervenait en complément de l’organisme

social, l’objectif étant que la victime perçoive, au bout du compte, la réparation intégrale de chacun de ses

préjudices ;

(...) que la rente versée à M. S… doit en conséquence venir intégralement en déduction de celle allouée par

le FIVA ; que, dans le cas contraire, la victime percevrait une double indemnisation du même préjudice ».

En sens contraire également :

CA Bordeaux, 27 mars 2008 (RG no 07-04.858 - M. Alain B… c/ FIVA) :

« la rente versée par la caisse de prévoyance de la SNCF doit se déduire de cette indemnité dès lors que

la rente indemnise, en application de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, les pertes de gains

professionnels et les incidences professionnelles de l’incapacité permanente au même titre que le préjudice

patrimonial indemnisé par le fonds ».

C. - L’extension du domaine d’application de la réforme du recours des tiers payeurs aux fonds

d’indemnisation : un précédent du 2 février 1977

Une décision explicite. Le fonds de garantie automobile avait, en matière d’accidents de la circulation, un

rôle subsidiaire ; l’indemnisation qu’il allouait avait vocation à :

- intervenir en l’absence de tiers responsable identifié ou solvable ;

- compléter, le cas échéant, les prestations servies par la sécurité sociale, pour parvenir à l’indemnisation de

l’entier préjudice.

Dans une affaire ayant donné lieu à un arrêt de la deuxième chambre civile du 2 février 1977, était en cause un

accident de la circulation (par ailleurs accident du travail) dont le tiers responsable était demeuré inconnu.

Avant la promulgation de la loi du 27 décembre 1973, le fonds de garantie intervenait pour la différence entre

la créance d’indemnisation de la victime et le montant, inférieur, des prestations servies par la sécurité sociale.

Au cas d’espèce, cette différence faisant apparaître un solde positif en faveur de la victime, le fonds de

garantie a prétendu ne devoir aucune indemnisation complémentaire, en dépit de la loi du 27 décembre 1973,

intervenue entre-temps18.

Le moyen de cassation proposé par le fonds de garantie soutenait que « (le fonds), dont l’obligation a un

caractère subsidiaire, ne saurait être tenu qu’à garantir le préjudice complémentaire excédant le montant

des prestations de la sécurité sociale, après déduction de celles-ci du préjudice corporel global de la victime

18 Articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale : « Si la responsabilité du (tiers) est entière ou si elle est partagée avec

la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part

d’indemnité mise à la charge du tiers qui répare l’atteinte à l’intégrité physique de la victime, à l’exclusion de la part d’indemnité,

de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et du préjudice esthétique ;

de même en cas d’accident suivi de mort, la part d’indemnité correspondant au préjudice moral des ayants droit leur demeure

acquise ».

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Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

dans lequel est inclus son préjudice dit « personnel », la loi du 27 décembre 1973, modifiant l’article 470 du

code de la sécurité sociale, n’ayant eu ni pour objet ni pour effet de modifier les conditions du recours de la

victime contre le fonds ».

On ne saurait mieux dire pour traduire l’idée d’une application des règles relatives aux fonds d’indemnisation

dans les termes d’un « droit commun » faisant abstraction des règles spéciales régissant le recours

subrogatoire de la caisse.

Par l’arrêt rendu le 2 février 197719, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et

jugé que le fonds de garantie devait l’indemnisation du préjudice personnel, faisant une application du droit

commun incorporant les règles du recours subrogatoire de la caisse.

L’originalité de cette décision réside cependant dans le caractère explicite de cette incorporation, la Cour

de cassation étendant purement et simplement le domaine d’application de la loi du 27 décembre 1973 au

fonds de garantie automobile. Elle a admis que la loi du 27 décembre 1973, en ce qu’elle modifiait l’assiette

du recours des caisses de sécurité sociale, « régissait le fonds de garantie automobile, comme les autres

débiteurs d’une obligation de réparer un préjudice corporel ».

Une décision critiquée. Si la décision n’est pas nécessairement critiquable dans ses effets, l’extension du

domaine d’application de la loi régissant le recours subrogatoire de la caisse au fonds de garantie a été

discutée sur le plan théorique20.

Appliquer la loi sur le recours des tiers payeurs au fonds d’indemnisation procéderait d’une erreur de

perspective : le droit de recours des tiers payeurs ne régit pas les débiteurs d’une obligation de réparer le

préjudice corporel (le tiers responsable et le fonds), mais au contraire le créancier, qu’est la caisse, de ce

débiteur, qu’est le tiers responsable, débiteur in fine de la totalité de l’indemnisation.

La caisse a droit à une ventilation des sommes dues dès l’obligation à la dette d’indemnisation, la victime ne

percevant que la différence entre le montant total de la créance d’indemnisation et celui du droit de recours

de la caisse.

Le fonds d’indemnisation ne paiera au final, après exercice de son propre recours subrogatoire contre le tiers

responsable lorsqu’il intervient à titre complémentaire, que la différence entre le préjudice total et le recours

de la caisse, augmenté de l’insolvabilité du tiers responsable.

La subrogation n’a donc pas le même fondement dans les deux cas :

- le tiers payeur est subrogé parce qu’il est créancier, dès le stade de l’obligation à la dette, du tiers

responsable,

- alors que le fonds d’indemnisation est subrogé, au stade de la contribution à la dette, parce qu’il est un

débiteur d’indemnisation qui a payé à la place du tiers responsable.

L’arrêt de 1977 ne fait pas que raisonner comme en matière de tiers payeur, il applique la loi relative aux

recours des tiers payeurs (cf. libellé de la demande d’avis).

D. - La jurisprudence de la Cour de cassation quant aux modalités de déduction des prestations sociales

par le FIVA

Le cas particulier des rentes a exposé la position du FIVA à la critique de la Cour de cassation.

Le barème indicatif publié par le FIVA21 expose une règle générale « d’articulation [de l’offre d’indemnisation]

avec les indemnités versées par d’autres organismes, notamment la sécurité sociale » : conformément à

la loi, les indemnités déjà versées par d’autres organismes (sécurité sociale, mutuelles, employeur...) pour

la réparation des mêmes préjudices restent acquise aux victimes. En revanche, elles sont déduites de

l’indemnisation calculée par le FIVA pour les mêmes préjudices afin d’éviter une double indemnisation.

En pratique, deux solutions sont possibles :

- soit l’indemnisation de la sécurité sociale est supérieure à celle proposée par le FIVA et celui-ci ne verse

pas de complément ;

- soit l’indemnisation proposée par le FIVA est supérieure à celle de la sécurité sociale et celui-ci verse un

complément.

Ainsi la victime a la garantie de disposer d’un montant au moins équivalent à celui du FIVA.

Dans son sixième rapport d’activité (juin 2006-mai 2007), le FIVA avait clairement exposé son interprétation de

l’article 53 IV, alinéa premier, de la loi du 23 décembre 2000, quant à la déduction des prestations sociales.

Pour le calcul des sommes dues au titre des préjudices patrimoniaux, le FIVA indique qu’il « déduit les

prestations et autres indemnités que la victime perçoit des organismes sociaux, quelle que soit la date à

laquelle elles ont été versées, dès lors qu’elles le sont “du chef du même préjudice”, sans limiter la déduction

à la seule période où la sécurité sociale a effectivement versé une rente »22.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a jugé, après avoir rappelé la règle du calcul des

préjudices patrimoniaux « vie entière » (2e Civ., 8 mars 2006, pourvoi no 05-14.844), qu’il y avait lieu de se

placer au jour du jugement pour déduire :

19 2e Civ., 2 février 1977, Bull. 1977, II, no 24, D. 1977.523.

20 H. Groutel, note sous 2e Civ., 2 février 1977, Bull. 1977, II, no 24, D. 1977.523 et s., spéc. p. 525 3o.

21 Notamment sur internet : http://www.fiva.fr/bareme.php.

22 Sixième rapport d’activité au parlement et au gouvernement du FIVA (juin 2006 - mai 2007), p. 44-45.

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15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

- le montant des arrérages échus de la rente à cette date ;

- le capital représentatif des arrérages à échoir.

Cette solution (résultant de 2e Civ., 24 février 2000, Bull. 2000, II, no 35) est conforme aux préconisations de

la doctrine autorisée23.

Mais, par arrêt du 26 octobre 2006 (2e Civ., 26 octobre 2006, Bull. 2006, II, no 292), la Cour de cassation a

exclu, dans ce cadre, le mode de calcul qui consiste à faire masse de l’indemnisation reçue de l’organisme

social, pour la comparer au montant offert par le fonds, lorsque les périodes couvertes ne sont pas les mêmes

(en l’espèce, l’indemnisation de l’organisme social - échue et à échoir - étant globalement supérieure à celle

due par le fonds, ce dernier considérait qu’aucune somme n’était due à la victime ; or, pour la période échue,

la période durant laquelle la victime n’avait reçu aucune indemnisation devait être distinguée de celle des

arrérages échus, la comparaison ne pouvant porter, selon la Cour, que sur des périodes identiques).

La Cour de cassation a décrit, dans cet arrêt, la méthode de calcul suivante, dite « période par période » :

« il appartenait [à la cour d’appel] de comparer les arrérages échus dus par le fonds jusqu’à la date de la

décision et ceux versés par l’organisme de sécurité sociale durant la même période, puis, pour les arrérages

à échoir à compter de sa décision, de calculer et comparer le capital représentatif de ceux dus par le fonds

et l’organisme social ».

Cette solution, non expressément reprise dans un arrêt du 21 décembre 2006 pouvant être considéré comme

délicat d’interprétation (pourvoi no 06-11.667), a, en revanche, été clairement réaffirmée dans le conclusif d’un

arrêt du même jour (pourvoi no 06-13.082). Mais, dans cette affaire où les périodes comparées n’étaient pas

en cause, seule était en débat la comparaison globale opposée à la comparaison par périodes. La totalité des

sommes versées par l’organisme social (période échue et à échoir) était en effet supérieure à l’indemnisation

offerte par le FIVA (période échue et à échoir), mais la seule comparaison pour la période échue faisait

apparaître une meilleure indemnisation par le FIVA, la différence devant donc revenir à la victime.

La solution a été réitérée par un arrêt du 15 février 2007 de la deuxième chambre civile (2e Civ., 15 février 2007,

pourvoi no 06-15.050), confirmée le 12 juillet 2007 (2e Civ., 12 juillet 2007, pourvoi no 06-20.702).

Le FIVA avait proposé son interprétation du texte dans un pourvoi dirigé contre un arrêt de la cour d’appel

d’Amiens du 21 septembre 2006. Rejetant le moyen par un arrêt publié du 13 septembre 2007, la deuxième

chambre civile a confirmé sa solution antérieure (2e Civ., 13 septembre 2007, Bull. 2007, II, no 216).

Là encore, la logique défendue par le FIVA, qui procède de l’application séparée des deux règles, s’opposait

à une manière de raisonner de la Cour de cassation empreinte de l’attraction des règles du recours des tiers

payeurs.

E. - Les éléments implicites de la jurisprudence de la Cour de cassation

1. - Le cas du FGAO

Dans l’affaire ayant donné lieu au pourvoi no 07-84.174, était en cause un accident de la circulation pris en

charge au titre de la législation sur les accidents du travail. La cour d’appel, dans le cadre d’une instance

sur intérêts civils après condamnation pour blessures involontaires, a liquidé le préjudice corporel en tenant

compte de l’application de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006, et déclaré sa décision opposable au

FGAO, régulièrement mis en cause devant elle.

Le FGAO a formé un pourvoi en cassation en faisant valoir que l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006

n’était pas applicable aux accidents du travail. Par un arrêt du 15 avril 2008, la chambre criminelle de la

Cour de cassation rejette le pourvoi en rappelant simplement que la réforme du recours des tiers payeurs est

applicable aux accidents du travail.

Cette décision est délicate d’interprétation, car le rejet intervient sur la question de fond. On peut cependant

estimer également, au titre des conséquences implicites de la décision, qu’en rejetant le pourvoi, la chambre

criminelle juge par là-même que le FGAO peut se prévaloir des règles relatives au recours des tiers payeurs.

2. - Le cas de l’ONIAM

Dans l’arrêt rendu le 10 juillet 2008 sur le pourvoi no 07-17.424, était en cause une offre d’indemnisation

de l’ONIAM destinée à réparer le préjudice économique d’une personne contaminée par le virus de

l’immunodéficience humaine (VIH). La cour d’appel a décidé que cette offre ne devait pas tenir compte du

montant de l’allocation pour adulte handicapé (AAH) perçue par la victime, au motif que l’article L. 3122-5 du

code de la santé publique impose que seules soient déduites de l’offre d’indemnisation les prestations servies

par les tiers payeurs qui donnent lieu à un recours subrogatoire.

Ce motif peut signifier simplement qu’une prestation qui ne donne pas lieu à recours subrogatoire n’est

pas, de ce fait, une prestation indemnitaire. Elle ne devrait donc pas être déduite de l’offre d’indemnisation

du fonds, à quelque titre que ce soit, non pas parce que la limitation applicable aux organismes sociaux

s’appliquerait au fonds d’indemnisation, mais parce qu’y compris en droit commun, la réparation du préjudice

peut être cumulée avec les prestations ne présentant pas un caractère indemnitaire.

Le pourvoi formé par l’ONIAM ne se fondait pas exclusivement sur la déductibilité des prestations énumérées

à l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 (en faisant valoir que l’AAH est une prestation à caractère indemnitaire

23 « Pour calculer l’indemnité complémentaire revenant à la victime, il faut déduire de la dette du responsable (pour les préjudices

à caractère non personnels) non seulement les arrérages déjà versés de la rente au jour du jugement, mais également un capital

représentatif des arrérages futurs » (G. Viney et P. Jourdain, « Les effets de la responsabilité », LGDJ, 2e édition, no 167-2).

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Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

et donne lieu à recours subrogatoire de la caisse), mais, plus largement, sur celle, également prévue par

l’article L. 3122-5 du code de la santé publique, « des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir

d’autres débiteurs du chef du même préjudice ».

Là encore, en rejetant le pourvoi de l’ONIAM, la deuxième chambre civile juge implicitement, à son tour, que

celui-ci a qualité pour invoquer la loi relative au recours des tiers payeurs.

3. - Le cas de la CIVI

* Dans le pourvoi no 07-16.974, en cours d’examen à la deuxième chambre civile, est en cause un accident de

la circulation impliquant un tiers responsable et indemnisé au titre de la législation sur les accidents du travail,

l’article L. 454-1 du code de la sécurité sociale recevant application, s’agissant du recours de la caisse.

Le pourvoi, formé par le FGTI contre l’arrêt rendu en appel d’une décision de la CIVI, soutient que la réforme

du 21 décembre 2006 n’est pas applicable aux accidents du travail. Il formule cette critique en reprochant à

la cour d’appel d’avoir violé les articles 25 de la loi du 21 décembre 2006, L. 454-1 du code de la sécurité

sociale, ensemble l’article 706-9 du code de procédure pénale.

Pour répondre à ce moyen, la Cour de cassation ne pourrait pas raisonner sur l’article L. 454-1 du code de la

sécurité sociale sans admettre implicitement que la déduction prévue à l’article 706-9 du code de procédure

pénale s’applique comme en matière de tiers payeurs.

* La jurisprudence antérieure montre également une attraction des règles relatives au recours des tiers

payeurs. Certes, dans un arrêt du 29 avril 2004 (pourvoi no 03-11.973), la deuxième chambre civile avait

censuré une cour d’appel, sur le fondement de l’article 706-9 du code de procédure pénale, en relevant qu’il

lui appartenait d’évaluer le préjudice global de la victime et d’en déduire le montant des prestations sociales.

Mais, dans un arrêt du 3 avril 2004 (pourvoi no 03-11.071), elle avait retenu explicitement :

« Vu l’article 706-9 du code de procédure pénale ;

Attendu, selon ce texte, que la commission d’indemnisation des victimes d’infractions tient compte, dans le

montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice, des sommes allouées,

des prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de

sécurité sociale ; qu’il appartient aux juges du fond de fixer le montant du préjudice global soumis à recours

et d’en déduire les sommes ainsi versées ».

Evoquer le préjudice soumis à recours, c’est faire référence à la loi du 27 décembre 1973 ayant réformé le

recours des tiers payeurs, avant la réforme du 21 décembre 2006.

En conclusion, admettre que les déductions prévues par les règles spécifiques aux fonds d’indemnisation

doivent être opérées comme en matière de recours des tiers payeurs aurait pour conséquence de rendre

opposables aux fonds d’indemnisation des solutions a priori favorables, dans tous les cas, à la victime.

Cette considération devrait cependant être étrangère à la décision : les règles de droit aussi ne peuvent se

marier que « pour le meilleur et pour le pire ».

27

15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

Le 13 juin 2008, la cour d’appel de Caen a saisi la Cour de cassation d’une demande d’avis ainsi formulée :

« Selon les dispositions de l’article 25 de la loi du 21décembre 2006 modifiant notamment l’article L. 376-1

du code de la sécurité sociale, les recours subrogatoires des caisses de sécurité sociale s’exercent poste

par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des

préjudices à caractère personnel, sauf si le tiers payeur établit qu’il a versé une prestation indemnisant un

préjudice à caractère personnel, auquel cas son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice ».

Le 29 octobre 2007, la Cour de cassation a rendu l’avis suivant :

« La rente versée en application de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale à la victime d’un accident

du travail indemnise notamment les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de

l’incapacité ; elle doit en conséquence s’imputer prioritairement sur la part d’indemnité compensant les pertes

de gains professionnels, puis sur la part d’indemnité réparant l’incidence professionnelle. Si la caisse de

sécurité sociale estime que cette prestation indemnise aussi un préjudice personnel et souhaite exercer ce

recours sur un tel poste, il lui appartient d’établir que, pour une part de cette prestation, elle a effectivement

et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable, pour un poste de préjudice personnel ».

Ces dispositions, et au premier chef celles de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006, s’appliquent-elles aux

offres d’indemnisation du FIVA, qui, en vertu des dispositions de l’article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000,

doivent tenir compte des prestations énumérées à l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et des indemnités de

toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du même chef du même préjudice, et ce, bien que le

FIVA n’exerce pas de recours subrogatoire ? »

Les faits et la procédure

M. Guy X..., né en 1946 et exposé aux poussières d’amiante en sa qualité d’ajusteur à la DCAN de Cherbourg,

s’est vu reconnaître le caractère professionnel de sa maladie, un diagnostic de plaques pleurales, un taux

d’IPP de 5 % et l’attribution d’une indemnité en capital.

Il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, qui a reconnu la faute inexcusable de son employeur, puis

lui a accordé une majoration du capital et une indemnisation de ses préjudices extra-patrimoniaux.

M. X… a alors saisi le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) d’une demande d’indemnisation

de son préjudice patrimonial et a refusé l’offre que lui a proposée le FIVA.

Il a contesté devant la cour d’appel la décision du FIVA, en sollicitant notamment l’indemnisation du déficit

fonctionnel permanent consécutif à son exposition aux poussières d’amiante dont il reste atteint et la nonimputation

des sommes versées par son organisme social sur la réparation de son déficit professionnel en

raison du caractère personnel de ce préjudice.

La recevabilité

La recevabilité en la forme

A l’audience du 5 mai 2008, la cour d’appel a avisé les avocats des deux parties de son intention de solliciter

l’avis de la Cour de cassation en les invitant à faire connaître leurs observations dans un délai déterminé et a,

d’une part, rappelé, le 4 juin 2008, son avis aux conseils, d’autre part, le 5 juin 2008, avisé le ministère public.

Le parquet général et l’avocat du FIVA ont adressé à la cour des observations. L’arrêt sollicitant l’avis de la

Cour de cassation a été notifié aux parties et à leurs conseils et mis à disposition au greffe. Les prescriptions

des articles 1031-1 et suivants du code de procédure civile ont été respectées.

La recevabilité au fond

Pour être recevable, la demande d’avis doit répondre à quatre conditions cumulatives énoncées par

l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire : la question doit être une question de droit, nouvelle, qui

présente une difficulté sérieuse et se pose dans de nombreux litiges.

De prime abord, la question semble être celle de la compatibilité ou de la combinaison entre, d’une part,

les dispositions de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 relatif au recours des tiers payeurs et, d’autre

part, celles de l’article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000 ayant trait aux offres d’indemnisation du FIVA.

Cependant, la mention finale de la question peut susciter des interrogations : « et ce, bien que le FIVA n’exerce

pas de recours subrogatoire ». Cette mention annoncée par la locution conjonctive « bien que » fait partie

intégrante de la question, dont elle constitue le coeur et est susceptible de donner lieu à deux lectures.

D’abord, on peut y lire que le FIVA n’est pas légalement investi du droit de recourir contre le responsable

du dommage ou contre les personnes ou organismes tenus à réparation, mais c’est une erreur dès lors que

l’article 53 VI prévoit que : « Le fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits

que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou

organismes tenus à un titre quelconque d’en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant

des prestations à la charge desdites personnes ». Interprétée ainsi, la question perd tout sens.

Ensuite, et alors elle est pertinente, la mention finale est à lire en application au litige dont la cour est saisie et

dans lequel le FIVA est attrait par la victime aux fins d’indemnisation et n’exerce aucun recours subrogatoire.

Observations de M. Lautru

Avocat général

28

Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

En effet, alors que le recours subrogatoire des tiers payeurs existe ab initio au stade de l’obligation à la dette,

le recours subrogatoire du FIVA, intervenant à titre complémentaire et non subsidiaire et qui paye pour le

compte d’autrui, ne peut s’exercer qu’après paiement de l’indemnité, et donc au stade de la contribution à

la dette. Sans doute la cour d’appel de Caen a-t-elle été sensible à la différence de fondement du recours

subrogatoire dont bénéficient, d’un côté, le tiers payeur, de l’autre, le fonds d’indemnisation.

La question conduit à interroger la Cour de cassation sur la portée de la réforme du recours des tiers payeurs

mais elle n’épuise pas, loin de là, l’avis de la Cour de cassation du 29 octobre 2007, dans la mesure où

cet avis s’est prononcé sur la nature de la rente d’accident du travail (c’est à nuancer, voir infra) et sur son

imputation sur les différents préjudices.

La question invite la Cour à compléter et à élargir ses précédents avis en se situant en amont, sur le point

de l’application du système de l’imputation des prestations des tiers payeurs résultant de l’article 25 de la loi

de financement de la sécurité sociale du 21 décembre 2006 à la matière de l’indemnisation des victimes de

l’amiante, plus précisément aux offres d’indemnisation présentées par le FIVA.

N’étant pas mélangée de fait, elle répond à l’exigence de pur droit attachée à la recevabilité de la demande

exprimée par la question posée, elle est nouvelle, ainsi qu’elle a été précédemment présentée.

Elle offre une difficulté sérieuse dès lors qu’elle est susceptible de donner lieu à des solutions divergentes

de la part des juridictions du fond et, à cet égard, la cour demanderesse a joint des arrêts de cours d’appel

qui, soit appliquant et les dispositions de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 modifiant le régime du

recours des tiers payeurs et celles de l’article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000 prescrivant au FIVA de

prendre en compte les prestations des organismes sociaux, écartent la déduction opérée par le FIVA des

prestations versées par l’organisme social sur l’indemnisation du préjudice fonctionnel, soit n’appliquant que

les dispositions de l’article 53 de la loi précitée, font jouer la déduction des indemnités servies au titre de la

législation sur les maladies professionnelles. Une telle production démontre que la question se pose dans de

nombreux litiges.

De l’indemnisation des victimes de dommage corporel à celle de victimes de l’amiante

L’indemnisation des victimes du dommage corporel repose sur le principe de la réparation intégrale, reconnu

tant au niveau national1 qu’au niveau européen2. Elle implique de replacer la victime dans la situation

dans laquelle elle se trouvait avant la survenance du dommage. Encore faut-il que cette indemnisation qui

s’apparente à une compensation n’omette aucun élément et ne donne pas lieu à une double indemnisation.

L’absence de règles normatives déterminant une liste des postes de préjudices indemnisables est source

d’insécurité juridique et d’inégalité entre les justiciables. Pour y remédier et donner de la lisibilité, des

commissions ont été chargées de donner un cadre juridique à la réparation des préjudices résultant d’une

atteinte à l’intégrité physique, et notamment d’établir une nomenclature des chefs de préjudice, un groupe

de travail du conseil national d’aide aux victimes présidée par Mme le professeur Y. Lambert-Faivre a remis

un rapport en juillet 2003, un groupe de travail présidé par M. Jean-Pierre Dintilhac a remis un rapport en

juillet 2005, proposant une nomenclature unifiée des postes de préjudices corporels.

Différente est la réparation des risques professionnels, qui repose sur la prise en charge au titre de la législation

sociale selon la technique des assurances sociales des accidents du travail et des maladies professionnelles

(AT/ MP), et qui obéit au principe de la réparation forfaitaire et à un dispositif qui exclut toute application du

droit de la responsabilité civile3 ; cependant, tant le principe forfaitaire que celui de « l’immunité » du droit de la

sécurité sociale au regard du droit commun sont écornés par certaines dispositions spéciales. L’indemnisation

des conséquences des accidents du travail ou des maladies professionnelles est assurée par le versement de

prestations en nature ou en espèces (revenus de remplacement) par les organismes de sécurité sociale.

Le préjudice est donc, dans un premier temps, couvert par le régime du code de la sécurité sociale de la

victime, éventuellement par un institut de prévoyance ou une mutuelle, ou encore par une contribution de

l’employeur. L’intervention de tiers payeurs a donné lieu à une double règle : d’une part, la victime n’a d’action

contre le responsable du dommage que dans la mesure où son préjudice n’est pas réparé par les prestations

reçues, elle n’a droit qu’à une indemnité complémentaire, c’est la règle du non-cumul des indemnisations,

d’autre part, les organismes versant des prestations disposent, afin d’en récupérer le montant, d’une action

contre le responsable4.

L’indemnisation du risque technologique que constitue l’amiante - les maladies liées à une exposition aux

poussières d’amiante ont été reconnues comme maladies professionnelles relevant de la sécurité sociale - est

assurée par un fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA).

Créé par la loi du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001, le FIVA, établissement

public national à caractère administratif, doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, a pour

mission d’assurer la réparation intégrale des préjudices consécutifs à l’exposition à l’amiante et n’intervient

qu’à titre non subsidiaire. Dans le respect du principe indemnitaire, l’indemnisation intégrale d’un chef de

préjudice par une voie ne peut être cumulée avec une demande d’indemnisation par une autre voie, la loi

1 Conseil constitutionnel, 22 octobre 1982.

2 Résolution no 75-1 du Conseil de l’Europe du 14 mars 1975.

3 Article L. 451-1 du code de la sécurité sociale.

4 Articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale.

29

15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

fondatrice ayant prévu, afin d’éviter le risque de cumul, l’obligation pour la victime d’informer, d’une part, le

fonds des autres procédures en cours d’indemnisation et, d’autre part, le juge de la saisine du fonds5. Mais

encore, a été organisée une information réciproque entre les juridictions et le fonds6.

La loi fondatrice a prévu que l’acceptation de l’offre du fonds par la victime vaut désistement des actions

juridictionnelles en cours et rend irrecevable toute action nouvelle en réparation du même préjudice. La Cour

de cassation, relevant que le législateur a voulu que la victime opte entre l’indemnisation par le fonds ou par le

tribunal des affaires de sécurité sociale, en a déduit l’impossibilité pour la victime de diviser sa demande après

avoir saisi le FIVA, ainsi que le caractère global de l’offre d’indemnisation du FIVA. Est prohibée la pratique dite

du « panachage », qui consiste à rechercher une réparation par l’une ou l’autre voie, préjudice par préjudice,

en fonction des montants les plus favorables susceptibles d’être accordés.

Aux termes de l’article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000, le FIVA est tenu de présenter, dans les six mois

de sa saisine par le demandeur, une offre d’indemnisation. Le fonds doit, à cet effet, indiquer l’évaluation

retenue pour chaque chef de préjudice, ainsi que le montant des indemnités qui lui reviennent compte tenu

des prestations énumérées à l’article 29 de la loi du 5 juillet1985, autrement dit des prestations versées par les

caisses de sécurité sociale, ainsi que des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs

du chef d’indemnisation du même préjudice.

En cas d’absence d’offre ou d’offre insuffisante, le demandeur peut saisir la cour d’appel, ainsi que l’a fait la

victime en saisissant la cour d’appel de Caen d’une contestation de l’offre d’indemnisation de son préjudice

patrimonial par le fonds.

C’est cet article 53 IV et lui seul, contenu dans la loi fondatrice qui régit les rapports entre la victime et le

fonds, qu’invoque le FIVA devant les juridictions d’appel pour justifier la déduction opérée des prestations

de l’organisme social sur les indemnités proposées, en faisant valoir que l’absence d’une telle déduction

conduirait à une double indemnisation contraire au principe général du droit que constitue le principe de la

réparation intégrale des préjudices.

La victime s’oppose à la déduction en se prévalant du caractère personnel attaché au déficit fonctionnel

permanent dont elle reste atteinte et dont elle sollicite l’indemnisation, et qui ne saurait se voir imputé par la

rente, en réalité l’indemnité en capital versée par la caisse de sécurité sociale.

Elle invoque implicitement les dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Cet article relatif au recours des caisses contre le tiers responsable a été substantiellement modifié par la loi

du 21 décembre 2006, qui a modifié dans les mêmes termes l’article 31 de la loi du 5 juillet 1985 relatif au

recours des tiers payeurs. Avant d’examiner si l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 est applicable aux

offres d’indemnisation du FIVA en se combinant avec l’article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000, question

contenue dans la demande d’avis, il y a lieu de rechercher les incidences de la réforme des tiers payeurs

résultant de la loi du 21 décembre 2006.

Le recours des tiers payeurs

Le système antérieur à la loi du 26 décembre 2006

Sous l’empire de l’ordonnance du 19 octobre 1945 et de la loi du 30 octobre 1946, les caisses subrogées

dans les droits des victimes pouvaient prélever le montant de leurs dépenses sur l’intégralité de l’indemnité

allouée à la victime en réparation de ses différents chefs de préjudice, sans limite ni exclusion.

Pour remédier à l’écueil d’une privation de toute indemnisation par le jeu du recours, le législateur a cantonné

l’assiette du recours des tiers payeurs aux seules indemnités réparant « l’atteinte à l’intégrité physique » de la

victime, à l’exclusion de celles à caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales

endurées et au préjudice d’agrément. Ce cantonnement, introduit par la loi du 27 décembre 19737, a été

étendu à l’ensemble des tiers payeurs par l’article 31 de la loi du 5 juillet 1985, laquelle a donné un fondement

juridique unique à ces recours, la subrogation personnelle. En effet, la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 tendant

à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures

d’indemnisation, dite « loi Badinter », régime légal de l’indemnisation, a affirmé le caractère subrogatoire du

recours ouvert aux tiers payeurs pour la récupération des prestations versées à la victime ou à ses ayants

droit, l’article 29 énumérant limitativement les prestations ouvrant droit à un recours8. Quant à l’étendue du

recours, son caractère subrogatoire interdit aux tiers payeurs d’avoir plus de droit que la victime elle-même,

l’indemnité à laquelle elle a pu prétendre constitue l’assiette du recours.

Ce système avait le mérite d’empêcher les tiers payeurs d’exercer des recours sur des indemnités réparant

des préjudices personnels que leurs prestations n’indemnisaient généralement pas.

En revanche, il faisait l’objet de critiques de la part de la doctrine9, en ce que :

- la globalisation de l’assiette du recours des organismes sociaux avait pour effet de conduire le tiers payeur

à exercer son recours sur une part de l’indemnité allouée à la victime correspondant à des chefs de préjudice

pour lesquels aucune prestation corrélative n’avait été versée ;

5 Article 53 III, alinéa 2.

6 Article 37 du décret du 23 octobre 2001.

7 Loi modifiant les articles L. 397 et L. 470 du code de la sécurité sociale, devenus les articles L. 376-1 et L. 454-1.

8 Article 29 1o : « les prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité

sociale ... ».

9 Y. Lambert-Faivre, Droit du dommage corporel, Dalloz, 5e éd., no 454, 461, 463.

30

Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

- en cas de partage de responsabilité entre la victime et le responsable, la possibilité pour le tiers payeur

d’exercer son recours, pour l’intégralité des prestations servies à la victime, sur la somme correspondant à la

part de responsabilité mise à la charge du responsable pouvait aboutir à priver la victime de toute indemnité

complémentaire (à l’exception de celle correspondant à l’indemnisation de son préjudice personnel) ;

- l’inclusion du chef de préjudice réparant l’incapacité, temporaire ou permanente, dans l’assiette du

préjudice soumis à recours a donné lieu à controverses. L’incapacité permanente définie, comme la réduction

de potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel, doit être déterminée « en droit commun, même en

l’absence de toute incidence professionnelle ou économique, du seul fait qu’elle ampute le potentiel humain

de la victime, c’est-à-dire sa capacité d’agir et de jouir de la vie »10. Or cette incapacité a pour conséquence

d’engendrer à la fois un préjudice économique et un préjudice physiologique, qualifié de préjudice ou déficit

fonctionnel, que la Cour de cassation maintenait dans l’assiette des recours alors même que, parfois, il ne

faisait l’objet d’aucune prestation. Malgré les critiques de la doctrine rangeant le déficit fonctionnel dans les

préjudices personnels, non soumis au recours des tiers payeurs, la Cour de cassation, dans sa formation

plénière, a cassé un arrêt de la cour d’appel de Paris qui, depuis un arrêt du 3 mai 199411, distinguait les

préjudices économiques patrimoniaux soumis à recours des préjudices moraux constitués du pretium doloris,

du préjudice esthétique et du préjudice fonctionnel d’agrément, qui regroupe les indemnités compensant ce

même préjudice entendu strictement, ainsi que celles réparant les conséquences non professionnelles du

préjudice. L’assemblée plénière, par arrêt du 19 décembre 200312, a reproché à la cour d’appel d’avoir violé

la loi en excluant du recours du tiers payeur des indemnités réparant l’atteinte objective à l’intégrité physique

de la victime, alors que « le préjudice d’agrément est le préjudice subjectif de caractère personnel résultant

des troubles ressentis dans les conditions d’existence ». Cette solution permettant la perpétuation de la

pratique des recours sur des chefs de préjudice que les tiers payeurs n’avaient pas indemnisés apparaissait

contraire aux règles de la subrogation posées par l’article 1252 du code civil et a été vivement critiquée par

la doctrine13. Elle s’opposait au mouvement de pensée favorable à la concordance entre les prestations des

tiers payeurs et les postes de préjudice, qui s’était concrétisé, d’une part, dans le rapport de la commission

dite Lambert-Faivre déjà cité préconisant une autre méthode, d’autre part, dans une proposition de réforme

des textes en vigueur par le médiateur de la République (03-R10). Dans son rapport pour 200414, la Cour

de cassation a proposé une réécriture des articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et 31 de la loi du

5 juillet 1985. Ce sont les termes mêmes de cette proposition qui seront repris dans l’article 25 de la loi du

21 décembre 2006.

Chargée d’établir une nomenclature des préjudices corporels, la commission Dintilhac, également précitée,

préconisait, à l’instar de la commission Lambert-Faivre, l’abandon de l’exercice du recours global au profit de

son exercice poste par poste de préjudice.

L’avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription rédigé par la commission dirigée par

le professeur Catala proposait également cette méthode, qui est d’ailleurs celle pratiquée par certains Etats,

comme l’Allemagne ou la Suisse. C’est dire le large consensus15 en faveur du système qui deviendra le droit

positif par l’adoption de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006.

Une jurisprudence contestée, un très large consensus appelant de ses voeux la réforme : celle-ci est

intervenue dans des conditions inattendues voire fortuites à l’initiative du Sénat, selon un « feuilleton » relaté

par le professeur H. Groutel16.

La réforme de 2006

L’article 25 III et IV de la loi no 2006-1640 de financement de la sécurité sociale pour 2007 a modifié en

profondeur le droit de recours des tiers payeurs. Il a remplacé l’alinéa 3 de l’article L. 376-1 du code de la

sécurité sociale et l’article 31 de la loi du 5 juillet 1985 par trois alinéas rédigés en termes identiques17 (la seule

différence : « caisse » dans le premier cité, « tiers payeurs » dans le second) et a modifié l’assiette du recours

des tiers payeurs et le mode d’imputation des prestations sociales avec pour objectif de favoriser les victimes

par rapport aux tiers payeurs.

La loi pose le principe de l’imputation poste par poste du préjudice. La méthode consiste à fractionner le

dommage corporel en une pluralité de préjudices définis selon la nature et le type d’intérêt lésé. Le professeur

P. Jourdain18 approuve à cet égard la réforme, en ce que « les recours ne pourront dorénavant s’exercer

que sur les indemnités propres à ces chefs de préjudice que les prestations sociales versées contribuent à

réparer, lesquelles prestations s’imputeront sur ces mêmes indemnités. Le compartimentage des éléments

de préjudice protégera les victimes et préservera leur droit à réparation de préjudices non indemnisés par les

prestations sociales ».

10 2e Civ., 3 juin 1955, D. 1956, p. 69.

11 Cour d’appel de Paris, 3 mai 1994, D. 1994, p. 516.

12 Ass. plén., 19 décembre 2003, Bull. 2003, Ass. plén., no 8.

13 JCP 2004, éd. G, II, 10008, note P. Jourdain ; D. 2004, p. 161, note Y. Lambert-Faivre ; H. Groutel, Responsabilité civile et

assurances 2004, chron. 9.

14 La Documentation française, 2005, p. 12.

15 Consensus rappelé par le professeur P. Jourdain in La réforme des recours des tiers payeurs : des victimes favorisées, D. 2007,

no 7, p. 454.

16 Le recours des tiers payeurs : une réforme bâclée. Responsabilité civile et assurances 2007, études no 1.

17 Article L. 376-1, alinéa 3, 4 et 5 : « Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s’exercent poste par poste sur les

seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel.

Conformément à l’article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation,

lorsqu’elle n’a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l’assuré social peut exercer ses droits

contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée.

Cependant, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de

manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice ».

18 Voir note 15, p. 455.

31

15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

La distinction des préjudices selon leur caractère personnel ou non personnel n’est pas totalement

abandonnée. La loi exclut en principe des recours les préjudices à caractère personnel. Cependant, et c’est

une exception à ce principe, les tiers payeurs ont la possibilité de recourir sur des postes de préjudices

personnels, à la condition qu’ils aient versé effectivement et préalablement une prestation indemnisant de

manière incontestable un tel poste.

La réforme a pour effet de rendre obsolète l’arrêt précité de l’assemblée plénière du 19 décembre 2003. Doit

être exclu de l’assiette du recours le préjudice fonctionnel dès lors qu’il fait partie des préjudices à caractère

personnel ; à cet égard, les deux commissions Lambert-Faivre et Dintilhac le classent dans les préjudices non

économiques ou extra-patrimoniaux qui correspondent aux préjudices personnels.

La loi consacre le droit préférentiel de la victime, bénéficiaire d’une priorité sur la caisse, ou, plus généralement,

les tiers payeurs lorsque leurs prestations ne l’ont pas intégralement indemnisée de tel ou tel préjudice. Il s’agit

notamment du cas de partage de responsabilité entre le responsable du dommage et la victime. Généralement

approuvée dans son principe en ce qu’elle tend à restaurer les droits des victimes en affirmant le mécanisme

de la subrogation et en consacrant l’imputation poste par poste, une partie de la doctrine déplore cependant

l’absence de caractère d’ensemble de la réforme et des omissions : l’article L. 454-1 du code de la sécurité

sociale relatif aux accidents du travail n’a pas été modifié, aucune disposition transitoire ne règle l’application

de la réforme dans le temps, aucune mesure d’accompagnement n’a été prise.

L’imputation poste par poste suppose une nomenclature des postes de préjudice réparable ainsi que, afin

d’identifier le type de préjudice que les prestations réparent, l’indication pour chacun d’eux des prestations

sociales correspondantes. Les nomenclatures avancées par les rapports Lambert-Faivre et Dintilhac n’ont

force ni de loi ni de règlement. Elles ne s’imposent pas aux juridictions, libres de s’y référer ou non. Une

circulaire du garde des sceaux CIV/05/07, relative à l’amélioration des conditions d’exercice du recours

subrogatoire des tiers payeurs en cas d’indemnisation du dommage corporel, recommande aux juridictions,

dès lors qu’il incombe à la victime de préciser ses différents chefs de préjudice et aux tiers payeurs de

caractériser le lien entre ceux-ci et chacune des prestations pour lesquelles un recours subrogatoire leur est

ouvert, de se référer à une nomenclature des chefs de préjudice telle celle figurant dans le rapport Dintilhac.

Il n’existe pas davantage de dispositions définissant la liste exhaustive des préjudices corporels réparables.

Les commentateurs de la réforme regrettent l’absence d’une nomenclature des préjudices et d’une table

de correspondance ayant valeur obligatoire, et certains19 en appellent à la prise de mesures à caractère

contraignant en ce sens, d’autant que l’imputation est rendue plus délicate en raison de l’incertitude pesant

sur la nature de certaines prestations au caractère ambivalent ; il en est ainsi des rentes d’invalidité en accident

du travail et maladie professionnelle.

S’agissant de l’application de la loi dans le temps, la doctrine, la circulaire ministérielle précitée, le Conseil

d’Etat, par avis du 4 juin 200720, la Cour de cassation, par avis du 29 octobre 200721, les juridictions du

fond (ainsi, la 17e chambre de la cour d’appel de Paris), la chambre criminelle, par arrêts des 13 novembre

200722, ont pris position pour l’application des dispositions de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 aux

événements antérieurs à son entrée en vigueur, y compris aux procès en cours.

De même, s’agissant de l’application de la loi aux accidents de travail, à l’exception de la circulaire susvisée

et d’une opinion doctrinale isolée23, l’ensemble de la doctrine, la Cour de cassation, dans son avis du

29 octobre 2007, les cours d’appel (Paris, 17e chambre du 7 mai 2007), la chambre criminelle de la Cour de

cassation, par arrêts des 5 février 2008 et 15 avril 200824, le Conseil d’Etat, par arrêt du 5 mars 200825, ont

pris position pour l’application de l’article 25 de la loi susvisée lorsque l’accident a été pris en charge au titre

de la législation sur les accidents du travail.

La particularité de la rente accident du travail

Dans sa demande d’avis, la cour d’appel, après l’énoncé de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale

modifié par l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 et avant la formulation de sa question, a rappelé l’avis

de la Cour de cassation émis le 29 octobre 2007 sur la nature de la rente et son imputation. Sans doute fautil

y voir une adresse à précision et à complément, d’autant que le FIVA avait invité la cour d’appel de Caen

à élargir la question sur le point de savoir s’il appartient ou non à l’organisme social de préciser quelle est la

quote-part de la rente qui indemnise l’incapacité fonctionnelle. La question apparaît alors en filigrane dans

l’arrêt du 13 juin 2008.

L’incapacité permanente correspondant à la subsistance d’une infirmité, consécutive à un accident du travail,

et diminuant, de façon permanente, la capacité de travail de la victime est réparée sous la forme d’une

compensation financière.

L’incapacité de travail est indemnisée par le versement d’un capital lorsqu’elle est inférieure à un taux de 10 %,

et par une rente au-delà de ce taux. Il résulte du dispositif légal que le montant de la rente est indépendant des

pertes effectives de revenus et qu’elle est versée même si la victime ne subit aucune perte économique.

19 H. Groutel, « Le recours des tiers payeurs : un réforme bâclée », Responsabilité civile et assurances, janvier 2007, p. 6, no 20 ;

P. Jourdain, « La réforme des tiers payeurs, des victimes favorisées », D. no 7, p. 457.

20 CE, sect., avis, 4 juin 2007, no 303422 et no 304214.

21 Avis, 29 octobre 2007, no 0070016, Bull. 2007, Avis, no 11.

22 Crim., 13 novembre 2007, pourvoi no 07-80.995.

23 S. Rétif, Responsabilité civile et assurances, janvier 2007, Focus, p. 2.

24 Crim., 5 février 2008, pourvoi no 07-83.327 ; 15 avril 2008, pourvoi no 07-84.174.

25 CE, 5 mars 2008, no 272447.

32

Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

L’assiette de l’imputation de la prestation sociale qu’est la rente est fonction de la nature de celle-ci.

Les différents groupes de travail qui ont eu à se prononcer sur l’indemnisation du dommage corporel et

l’élaboration d’une nomenclature ont été confrontés à cette question, et les commentateurs de la réforme

introduite par la loi du 21 décembre 2006 ont mis en lumière les difficultés d’application quant à son domaine

et à l’imputation des prestations liées à la question de qualification de la rente.

La commission Lambert-Faivre, si elle a bien établi un tableau de concordance de chacun des chefs de

préjudice objet d’une nomenclature avec les prestations de sécurité sociale, s’est bornée à l’assurance

maladie, négligeant les accidents du travail faute de parvenir à un accord sur la nature de l’indemnisation et

même de l’incapacité permanente, ainsi que l’explique un de ses membres26. Ces difficultés sont révélatrices

de la question de savoir si la rente n’indemnise que la réduction de la capacité de travail de la victime ou

si elle n’indemnise pas aussi l’atteinte objective à l’intégrité physique. Ou encore différemment formulée : la

rente accident du travail n’indemnise-t-elle que le préjudice professionnel considéré comme un préjudice

patrimonial, ou indemnise-t-elle également le préjudice fonctionnel permanent, autrefois qualifié d’aspect

physiologique de l’incapacité permanente ?

L’absence de consensus relevée par le membre de la commission Lambert-Faivre reflète la divergence des

opinions.

La rente n’indemnise qu’un préjudice professionnel.

C’est la position soutenue par l’Association nationale des avocats de victimes de dommages corporels

(ANADAVI). Son secrétaire général27 , s’appuyant sur l’exposé des motifs d’un amendement gouvernemental à

l’article 31 de la loi de juillet 1985 excluant les accidents du travail et les maladies professionnelles du dispositif

d’indemnisation des victimes, s’inscrivant dans le droit commun de la réparation en raison de l’inadaptation de

la rente qui indemnise de façon forfaitaire la victime à la fois pour ses préjudices économiques et personnels,

fait valoir que la rente accident du travail, de nature forfaitaire et non indemnitaire et qui n’est pas versée

préalablement au recours des organismes sociaux, répare, en fait, le « préjudice subi par le corps laborieux »,

de sorte que le recours subrogatoire doit s’exercer sur le poste « incidence professionnelle définitive ».

C’est la dénomination « incidence professionnelle définitive » qu’a retenue dans sa nomenclature le rapport

Lambert-Faivre28, selon lequel l’accident du travail est, par nature, professionnel, et la détermination du taux

d’incapacité comprend dans ses paramètres la qualification professionnelle.

Cette incidence professionnelle correspondrait « aux incidences périphériques du dommage touchant

à la sphère professionnelle » selon la nomenclature Dintilhac29, qui les distinguent des pertes de gains

professionnels futurs. La rente s’impute sur la part d’indemnité réparant le préjudice professionnel.

L’écueil de cette position favorable aux victimes en ce qu’elle détermine une assiette de recours limitée et

n’impute pas la rente sur le poste de préjudice indemnisant la seule atteinte à l’intégrité physique est un risque

de cumul d’indemnisations.

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 5 mars 200830, a affirmé, s’écartant de son commissaire du gouvernement,

que l’objet exclusif de la rente versée à la victime d’un accident du travail (AT) est de contribuer à la réparation

du préjudice subi dans sa vie professionnelle du fait du handicap.

La rente indemnise également une atteinte à l’intégrité physique.

La sécurité sociale, par un représentant de la caisse nationale d’assurance maladie31, observe qu’à la

différence de la pension d’invalidité, destinée à compenser la perte de revenu lorsque l’assuré n’est plus en

mesure de poursuivre son activité, la rente AT combine à la fois la réparation d’une incapacité physique et celle

d’une incapacité de gains, de sorte qu’elle ne compense pas systématiquement une perte de gains.

Le rapport Dintilhac32, afin de mettre en place une indemnisation poste par poste, préconise de dissocier la

nature du poste de préjudice (patrimonial ou extra-patrimonial) de la question de son inclusion dans l’assiette

du recours, afin que les tiers payeurs puissent recouvrer la totalité des prestations versées, quelle que soit

la nature du poste de préjudice qu’ils ont indemnisé. Dans la nomenclature qu’il propose, l’imputation se fait

à la fois dans la catégorie des préjudices patrimoniaux, au poste « perte des gains professionnels futurs »,

et dans celle des préjudices extra-patrimoniaux, au poste « déficit professionnel permanent ». Pour éviter

le risque de double indemnisation à ce double titre, il préconise que les tiers payeurs soient contraints de

présenter à l’organe d’indemnisation un état de leur créance relative à la rente versée à la victime, contenant

une ventilation entre la part de cette créance destinée à indemniser la partie patrimoniale du préjudice corporel

et celle visant à indemniser la partie extra-patrimoniale. A défaut, si les tiers payeurs n’effectuent aucune

diligence pour procéder à cette « clé » de répartition, il recommande que l’organe d’indemnisation pose une

présomption réfragable de partage à égalité entre les parts patrimoniale et extra-patrimoniale du préjudice

corporel ainsi indemnisé par l’intermédiaire du versement de la rente.

Le professeur H. Groutel33 estime que la rente AT répare nécessairement les deux sortes de préjudices,

physiologique et professionnel, et propose que, pour l’imputation de la rente, soit utilisé un poste de préjudice

26 J. Pechinot, « Le nouveau droit de recours des tiers payeurs sous le regard d’un praticien », Lamy assurances, no 236,

février 2007.

27 C. Bernfeld, « La reforme du recours des tiers payeurs. Lettre ouverte aux praticiens du dommage corporel ». Gaz. Pal.,

28 décembre 2006, no 362, p. 2.

28 Rapport Lambert-Faivre, p. 21 et 40.

29 Rapport Dintilhac, p. 36.

30 CE, 5 mars 2008, no 272447.

31 Rapport Dintilhac, p. 20-23.

32 Rapport Dintilhac, p. 5 et 47.

33 H. Groutel, « Le recours des tiers payeurs : on recolle les morceaux », Responsabilité civile et assurances, mars 2007, p. 7.

33

15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

qui aurait été l’incapacité envisagée globalement. Il sera objecté34 à cette proposition qu’elle fait renaître un

poste de préjudice correspondant à la seule incapacité qui avait été précisément condamnée, et par les

rapports Lambert-Faivre et Dintilhac et par certaines juridictions du fond.

Le professeur P. Jourdain35 souligne la nature ambivalente de la rente AT et relève qu’en raison de son

mode de calcul qui la rend indépendante des pertes effectives de revenus, elle indemnise plus un préjudice

fonctionnel que professionnel.

La Cour de cassation, dans ses avis du 29 octobre 2007, n’a pas expressément pris position sur la nature

de la rente, elle a énoncé que cette rente indemnise « notamment les pertes de gains professionnels et

les incidences professionnelles de l’incapacité », c’est-à-dire un préjudice professionnel, et a en tiré les

conséquences sur l’imputation, laquelle s’opère en priorité sur la part d’indemnité compensant les pertes

de gains, puis sur la part d’indemnité réparant l’incidence professionnelle. Cette solution est conforme à la

justification historique des rentes AT, destinées à compenser les pertes de gains entraînées par l’incapacité

de travail et à la lettre de l’article 31, alinéa premier, de la loi du 5 juillet 1985 issu de la réforme, qui exclut

les recours sur les préjudices personnels. Les avis sont également conformes à la lettre de l’alinéa 3 de

cette disposition, qui contient une exception au principe d’exclusion en ce qu’il énonce que « si la caisse de

sécurité sociale estime que cette prestation indemnise aussi un préjudice personnel et souhaite exercer un

recours sur un tel poste, il lui appartient d’établir que, pour une part de cette prestation, elle a effectivement

et préalablement indemnisé la victime de manière incontestable, pour un poste de préjudice personnel ». Ces

avis admettent ainsi que la rente AT peut indemniser et un préjudice professionnel et un préjudice personnel.

Il y a place pour le préjudice fonctionnel, mais qui ne serait pas entendu au sens de l’arrêt de l’assemblée

plénière du 19 décembre 2003 devenu caduc, redisons-le, en l’état de la réforme qui a fait disparaître de la

rédaction de l’article 31 susvisé aussi bien la référence à l’atteinte à l’intégrité physique comme critère de

définition du préjudice soumis à recours que l’énumération indicative des préjudices à caractère personnel.

Reste la question essentielle posée par la demande d’avis, qui tient à la confrontation entre les dispositions

de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 et celles de l’article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000.

Les premières, consacrant, rappelons-le, un droit préférentiel des victimes par rapport aux tiers payeurs et

le principe de l’imputation poste par poste de préjudice, se heurtent de front, prima facie, aux secondes,

énonçant que le FIVA tient compte dans, son offre d’indemnisation, des prestations énumérées par l’article 29

de loi du 5 juillet 1985, autrement dit des prestations versées par la sécurité sociale, ce qui conduit à une

globalisation de la créance d’indemnité de droit commun de la victime et du montant des prestations qu’elle

a reçu de l’organisme social.

Les juridictions du fond saisies de contestations des offres d’indemnisation du FIVA ont pris des positions

divergentes sur les textes applicables à la déduction de la rente versée par l’organisme social :

- application du seul article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000, conduisant à la déduction des prestations

par les cours d’appel de Pau, arrêt du 8 avril 200836, et de Rouen, arrêt du 28 mai 200837 ;

- application combinée des articles 53 IV susvisé et 25 de la loi du 23 décembre 2006 et reprise de la

formulation de l’avis de la Cour de cassation du 29 octobre 2007 par la cour d’appel de Douai, par arrêts des

22 mai, 5 juin et 3 juillet 2008 (trois arrêts)38.

Les enseignements à tirer de la jurisprudence formée en application des règles régissant les différents

fonds d’indemnisation

Il y a un parallèle étroit à faire entre le mécanisme de l’indemnisation des victimes de l’amiante et celui de

l’indemnisation d’autres victimes spécifiques assurée par des fonds qui relèvent de dispositions dont la

rédaction est similaire à celle de l’article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000, peu important que le fonds

d’indemnisation intervienne à titre subsidiaire ou à titre complémentaire.

* S’agissant de l’office national d’indemnisation des accidents médicaux, affections iatrogènes, et infections

nosocomiales (ONIAM) régi par l’article L. 3122-5 du code la santé publique, aux termes voisins de ceux

de l’article 53 IV, la deuxième chambre civile, par arrêt du 10 juillet 200839, a rejeté un pourvoi formé par

l’ONIAM et fondé sur la violation de l’article L. 3122-5 par une cour d’appel, qui a jugé que l’offre de l’office

ne devait pas tenir compte du montant de l’allocation pour adulte handicapé versée à la victime, au motif que

cet article du code de la santé publique ne permet de déduire de l’offre d’indemnisation que les prestations

servies par les tiers payeurs qui donnent lieu à recours subrogatoire. Au-delà du caractère non indemnitaire

de la prestation en cause, le rejet du pourvoi peut se lire, en creux, comme une application à cet office de la

loi relative au recours des tiers payeurs.

* S’agissant des victimes d’accidents de circulation et de chasse, dont l’indemnisation a été mise à la charge

d’abord du fonds de garantie automobile (FGA) puis du fonds de garantie des assurances obligatoires de

dommages (FGAO), tous deux à vocation subsidiaire, deux arrêts, l’un plus que trentenaire, l’autre très récent,

doivent retenir notre attention par leur raisonnement.

34 Rapport de M. Grignon Dumoulin, p. 43, avis de la Cour de cassation du 29 octobre 2007 (BICC n° 675, du 1er février 2008).

35 P. Jourdain. « La réforme des tiers payeurs : des victimes favorisées », D. 2007, no 7, p. 456.

36 Cour d’appel de Pau, 8 avril 2008, RG no 07/03059.

37 Cour d’appel de Rouen, 28 mai 2008, RG no 07/1692.

38 Cour d’appel de Douai, RG no 07/7415, 07/8328, 07/2500, 08/0715 et 08/2008.

39 Pourvoi no 07-17.424.

34

Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

Le précédent de la deuxième chambre civile du 2 février 197740.

Cet arrêt présente l’intérêt de faire le lien entre les règles qui régissent, d’une part, l’indemnisation des

victimes par le FGA, d’autre part, le recours de la sécurité sociale contre le tiers responsable, en jugeant que

la loi du 27 décembre 1973 modifiant l’article L. 470 du code de la sécurité sociale et l’assiette du recours des

caisses « (régit) le FGA, comme les autres débiteurs, d’une obligation de réparer un préjudice corporel ». Cette

décision étendant les dispositions de la loi régissant le recours des caisses au régime de l’indemnisation par

le fonds de garantie a été critiquée par la doctrine41, en raison du caractère de débiteur subsidiaire du FGA et

en raison de l’objet de la loi du 27 décembre 1973, qui est de régir non pas les débiteurs d’une obligation de

réparer un préjudice corporel, mais au contraire les créanciers de ce débiteur qu’est le tiers responsable. Ce

précédent est précieux en ce qu’il procède nettement à l’extension du domaine du recours du tiers payeur

à un fonds d’indemnisation, et il me paraît être une invite à suivre le même raisonnement pour répondre à la

question posée par la demande d’avis, en procédant par analogie.

L’arrêt de la chambre criminelle du 15 avril 2008.

L’arrêt du 15 avril 200842, rejetant le pourvoi du FGAO soutenant que l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006

n’était pas applicable aux accidents du travail, se lit en creux également, comme une application de la réforme

des tiers payeurs au régime d’indemnisation du FGAO.

* S’agissant de l’indemnisation des victimes de dommages intentionnels, son mécanisme à caractère non

subsidiaire est assuré par un fonds de garantie des victimes du terrorisme et d’autres infractions (FGVAT

ou FGTI) lequel, d’une part, à l’égard des victimes d’attentat terroriste, leur fait une offre mentionnant

l’évaluation retenue pour chaque chef de préjudice compte tenu des prestations servies par les tiers payeurs

(article R. 422-8 du code des assurances), d’autre part, à l’égard des victimes d’infraction, n’agit que comme

simple organe payeur, l’indemnité étant déterminée par une commission d’indemnisation des victimes

d’infraction (CIVI) qui, conformément aux dispositions de l’article 706-9 du code de procédure pénale, tient

notamment compte des prestations versées par les organismes de sécurité sociale.

Le professeur H. Groutel43 estime que la réforme de 2006 va entraîner un changement radical dans la manière

de déduire les prestations sociales de l’indemnité due par le fonds d’indemnisation en raison du nouveau droit

de préférence accordé à la victime, qui met fin à la règle d’imputation des prestations en priorité aux tiers

payeurs que la jurisprudence évinçait du dispositif législatif dont les conséquences jouent essentiellement en

cas de partage de responsabilité entre l’auteur du dommage et la victime.

La Cour de cassation, par deux arrêts des 7 octobre 1992 et 23 juin 199344, a affirmé que l’indemnité allouée

aux victimes d’infraction doit être calculée suivant les règles du droit commun de la responsabilité. Par règles

du droit commun de la responsabilité, il faut entendre « tout ce qui a trait aux préjudices réparables et aux

modalités d’évaluation de ce que l’on appelle le préjudice de droit commun », selon l’analyse du professeur

Groutel45, qui ajoute que la Cour de cassation englobe dans ces règles la manière d’imputer les prestations

sociales en matière de recours des tiers payeurs. Cette position pouvait paraître contestable dès lors que

le dispositif applicable aux tiers payeurs ne concernait pas les rapports de la victime et du fonds. Quoi qu’il

en soit, les règles sur le recours étaient bien transposables. Par un arrêt du 25 octobre 200146, la Cour de

cassation a repris la même formule que celle de 1992 et 1993, en énonçant que ces règles consistent à

évaluer le préjudice global résultant de l’atteinte à la personne et… à déduire de la somme allouée, calculée

en tenant compte de la réduction décidée en raison de sa faute, les prestations versées par la caisse. Cet

arrêt, par la méthode proposée, fait entrer explicitement la priorité des tiers payeurs au sein des règles du droit

commun. Dans le même sens, un arrêt de la même deuxième chambre du 5 février 200447.

Force est de constater que les règles spéciales gouvernant le recours subrogatoire des tiers payeurs sont

contenues dans le droit commun.

Depuis la réforme instituant un droit préférentiel des victimes, le droit commun de la responsabilité qui

commande le calcul de l’indemnité n’est plus exactement ce qu’il était.

Est-il besoin d’insister sur la portée générale de l’article 31 de la loi du 5 juillet 1985, qui alors avait étendu

à l’ensemble des tiers payeurs la règle du cantonnement du recours, définie négativement par exclusion

des préjudices personnels, que la loi du 27 décembre 1973 n’avait instituée que pour les caisses ? Cette loi

énonce des règles générales applicables à tous les recours des tiers payeurs et qui, en matière d’accident

du travail, régissent l’ensemble des recours exercés dans le cadre d’actions de droit commun engagées par

la victime.

On sait également la prévalence donnée par la jurisprudence à cette disposition, ainsi en matière d’application

de l’article L. 452-5 du code de la sécurité sociale48. Elle présente l’avantage de permettre l’égalité de

traitement des victimes qui demandent réparation de leur préjudice conformément aux règles de droit

commun, d’harmoniser les régimes en cas de coexistence de régimes de recours différents selon les tiers

payeurs.

40 2e Civ., 2 février 1977, Bull. 1977, II, no 24, D. 1977, p. 523.

41 H. Groutel, commentaire de l’arrêt du 2 février 1977, D. 1977, p. 523.

42 Pourvoi no 07-84.174.

43 H. Groutel, « Le recours de tiers payeurs : une incidence collatérale de la réforme », Responsabilité civile et assurances, mai 2007,

p. 6.

44 2e Civ., 7 octobre 1992, pourvoi no 91-19.705 et 23 juin 1993, pourvoi no 91-19.703.

45 H. Groutel, « Le recours des tiers payeurs : une incidence collatérale de la réforme », Responsabilité civile et assurances, mai

2007, p. 6.

46 Pourvoi no 00-12.695.

47 Pourvoi no 02-14.181.

48 Crim., 27 juin 2006, pourvoi no 06-80.069.

35

15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

L’évolution du droit de l’indemnisation des victimes tend vers une amélioration de leur situation. Les règles

régissant le recours des tiers payeurs en sont l’illustration, des textes d’octobre 1945 et octobre 1946 en

faveur du tiers payeur, puis à ceux de décembre 1973, ensuite à la loi du 5 juillet 1985, et enfin à la loi du

21 décembre 2006 consacrant leur droit préférentiel par rapport aux tiers payeurs.

Le nouveau droit de préférence accordé aux victimes dans leurs rapports avec les tiers payeurs doit « rejaillir »

sur la mise en oeuvre de l’article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000.

Ne pas raisonner suivant les règles applicables au recours subrogatoire des tiers payeurs aboutit à une

indemnisation inférieure à celle résultant de l’application du droit commun entendu comme intégrant ces

règles, serait contraire à l’intention affirmée dans la continuité par le législateur et aboutirait également au

paradoxe selon lequel le FIVA, en application de son propre régime, disposerait de plus de droits à déduire

que le tiers payeur créancier pour le montant des prestations à caractère indemnitaire versées à la victime

vis-à-vis du tiers responsable par l’exercice du recours subrogatoire.

Une réponse positive à la question est fondée en droit par l’extension du domaine d’application de la loi

du 21décembre 2006 ayant réformé le recours des tiers payeurs au régime de l’indemnisation par le FIVA,

elle offre l’avantage d’éviter des difficultés pratiques et d’assurer l’harmonisation et l’unité autour du droit

commun.

En définitive, de mon point de vue, il peut être répondu que les dispositions de l’article 25 de la loi du

21 décembre 2006 s’appliquent aux offres d’indemnisation du FIVA qui, en vertu des dispositions de

l’article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000, doivent tenir compte des prestations énumérées par l’article 29

de la loi du 5 juillet 1985 et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef

du même préjudice, peu important que le FIVA n’exerce pas de recours subrogatoire.

36

Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

I. - AVIS DE LA COUR DE CASSATION

SÉANCE DU 6 OCTOBRE 2008

Titre et sommaire Page 36

Avis Page 36

Rapport Page 37

Observations Page 40

Circulation routière

Permis de conduire - Retrait de points - Information de l’intéressé - Modalités - Inobservation -

Sanction - Détermination.

L’information prévue par les articles L. 223-3, alinéas 1 et 2, et R. 223-3 I du code de la route est une formalité

substantielle qui conditionne la légalité de chaque retrait administratif de points du permis de conduire.

N’est en revanche pas nouvelle la question relative à l’absence de notification postérieure, dans une forme

opposable, de chaque retrait partiel de points devenu effectif, en application des articles L. 223-3 in fine et

R. 223-3 III dudit code.

AVIS

LA COUR DE CASSATION,

Vu les articles L. 441-1 et suivants, R. 441 du code de l’organisation judiciaire et 706-64 et suivants du code de

procédure pénale ;

Vu la demande d’avis formulée le 23 octobre 2007 par le tribunal correctionnel d’Auxerre, reçue le 25 juin 2008

et rédigée ainsi :

« Le non-respect des dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route imposant, lors de la

constatation de l’infraction, une information préalable du contrevenant du retrait de points encouru, de l’existence

d’un traitement automatisé de l’information et de son droit d’accès et de rectification implique-t-il l’illégalité du

retrait de points ultérieurement décidé par l’autorité administrative ?

L’absence de notification postérieure de chaque retrait partiel de points du permis de conduire dans une forme

opposable, rendant ineffective la possibilité pour le contrevenant, non valablement informé des pertes de

points sur son permis, de reconstituer partiellement son capital de points par l’accomplissement d’un stage de

sensibilisation à la sécurité routière, possibilité expressément prévue par l’article L. 223-6 du code de la route,

ayant pour conséquence le maintien de la validité du permis de conduire puisque le solde de points n’est plus

nul, entraîne-t-elle l’illégalité de la décision administrative qui constate l’invalidation du permis de conduire par

perte de la totalité des points ? »

Sur le rapport de Mme le conseiller Koering-Joulin et les conclusions de M. le premier avocat général Di Guardia,

entendu en ses observations orales ;

Sur la première question :

EST D’AVIS QUE :

L’information prévue par les articles L. 223-3, alinéas 1 et 2, et R. 223-3 I du code de la route est une formalité

substantielle qui conditionne la légalité de chaque retrait administratif de points du permis de conduire.

Sur la seconde question :

La seconde question n’étant pas nouvelle,

DIT N’Y AVOIR LIEU À AVIS.

M. Lamanda, P. Pt. - Mme Koering-Joulin, Rap., assistée de M. Roublot, auditeur - M. Di Guardia, P. Av. Gén.

37

15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

Faits et procédure

Lamir X… est poursuivi devant le tribunal correctionnel d’Auxerre pour les faits suivants :

- avoir, le 5 mai 2006, à Saint-Florentin (Yonne), obtenu un permis de conduire un véhicule à moteur en faisant

une fausse déclaration, délit prévu et réprimé par l’article L. 224-18 du code de la route. En l’espèce, il a fait

une fausse déclaration aux gendarmes de perte de son permis le jour même de la notification de l’injonction

de le remettre à l’autorité préfectorale du département, le nombre de points étant nul ;

- avoir, le 10 mai 2007, dans la même ville, conduit un véhicule à moteur malgré la notification qui lui avait été

faite le 5 mai 2006 de remettre son permis à ladite autorité, délit prévu par l’article L. 223-5 V du code de la

route et réprimé par les articles L. 2 23-5 III et IV et L. 224-12 du même code ;

- avoir, dans la même ville, du 5 juin 2006 au 10 juin 2007, refusé de restituer son permis à l’autorité

préfectorale, délit prévu par l’article L. 223-5 I et III du code de la route et réprimé par les articles L. 223-5 III

et IV et L. 224-12 du même code.

A l’audience du 18 septembre 2007, le tribunal ayant fait part aux parties de son intention de saisir la Cour de

cassation d’une demande d’avis sur le fondement de l’article 706-64 du code de procédure pénale, l’affaire a

été renvoyée au 23 octobre 2007, afin de permettre à l’avocat du prévenu et au ministère public de produire

leurs observations écrites.

A l’audience du 23 octobre 2007, le tribunal a donc saisi la Cour de cassation d’une demande d’avis et a

sursis à statuer dans l’attente de la réception dudit avis.

Demande d’avis

La Cour de cassation est saisie, en application des articles L. 441-1 et suivants du code de l’organisation

judiciaire et 706-64 et suivants du code de procédure pénale, d’une demande d’avis ainsi formulée :

« Le non-respect des dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route imposant, lors de

la constatation de l’infraction, une information préalable du contrevenant du retrait des points encouru, de

l’existence d’un traitement automatisé de l’information et de son droit d’accès et de rectification implique-t-il

l’illégalité du retrait de points ultérieurement décidé par l’autorité administrative ?

L’absence de notification postérieure de chaque retrait partiel de points du permis de conduire dans une

forme opposable, rendant ineffective la possibilité pour le contrevenant, non valablement informé des pertes

de points sur son permis, de reconstituer partiellement son capital de points par l’accomplissement d’un

stage de sensibilisation à la sécurité routière, possibilité expressément prévue par l’article L. 223-6 du code

de la route ayant pour conséquence le maintien de la validité du permis de conduire puisque le solde de points

n’est plus nul, entraîne-t-elle l’illégalité de la décision administrative qui constate l’invalidation du permis de

conduire par perte de la totalité des points ? »

Textes applicables (dans la rédaction de la loi no 2003-495 du 12 juin 2003 et du décret no 2003-642

du 11 juillet 2003 pris pour son application, les modifications ultérieures subies par le code de la route ne

concernant pas les textes applicables en l’espèce1).

L. 223-1

Le permis de conduire est affecté d’un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du

permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue.

[…]

Lorsque le nombre de points est nul, le permis perd sa validité.

La réalité d’une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d’une amende forfaitaire ou

l’émission du titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée, l’exécution d’une composition pénale ou par

une condamnation définitive.

L. 223-2

I. - Pour les délits, le retrait de points est égal à la moitié du nombre maximal de points.

II. - Pour les contraventions, le retrait de points est, au plus, égal à la moitié du nombre maximal de

points.

III. - Dans le cas où plusieurs infractions entraînant le retrait de points sont commises simultanément, les

retraits de points se cumulent dans la limite des deux tiers du nombre maximal de points.

1 Sur l’ensemble de la question, v. Code de la route, Dalloz, 8e éd., 2008, commenté et annoté par L. Desessard, M. Massé et

E. Aubin.

Rapport de Mme Koering-Joulin

Conseiller rapporteur

38

Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

L. 223-3 (ancien article L. 11-3)

Lorsque l’intéressé est avisé qu’une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre,

il est informé des dispositions de l’article L. 223-2, de l’existence d’un traitement automatisé de ces points et

de la possibilité pour lui d’exercer le droit d’accès conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9.

Lorsqu’il est fait application de la procédure de l’amende forfaitaire ou de la procédure de composition pénale,

l’auteur de l’infraction est informé que le paiement de l’amende ou l’exécution de la composition pénale

entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l’infraction reprochée, dont la qualification est dûment

portée à sa connaissance ; il est également informé de l’existence d’un traitement automatisé de ces points

et de la possibilité pour lui d’exercer le droit d’accès.

Le retrait de points est porté à la connaissance de l’intéressé par lettre simple quand il est effectif.

R. 223-3 (ancien article R. 258)

I. - Lors de la constatation d’une infraction entraînant retrait de points, l’auteur de celle-ci est informé qu’il

encourt un retrait de points si la réalité de l’infraction est établie dans les conditions définies à l’article L. 223-1.

II. - Il est informé également de l’existence d’un traitement automatisé des retraits et reconstitutions de

points et de la possibilité pour lui d’accéder aux informations le concernant. Ces mentions figurent sur le

document qui lui est remis ou adressé par le service verbalisateur. Le droit d’accès aux informations ci-dessus

mentionnées s’exerce dans les conditions fixées par les articles L. 225-1 à L. 225-9.

III. - Lorsque le ministre de l’intérieur constate que la réalité d’une infraction entraînant retrait de points est

établie dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l’article L. 223-1, il réduit en conséquence

le nombre de points affecté au permis de conduire de l’auteur de cette infraction et en informe ce dernier

par lettre simple. Le ministre de l’intérieur constate et notifie à l’intéressé, dans les mêmes conditions, les

reconstitutions de points obtenues en application des alinéas 1 et 3 de l’article L. 223-6.

IV. - Lorsque le nombre de points est nul, le préfet du département ou l’autorité compétente du territoire ou

de la collectivité territoriale d’Outre-mer, du lieu de résidence, enjoint à l’intéressé, par lettre recommandée,

de restituer son titre de conduite dans un délai d’une semaine à compter de la réception de cette lettre.

OBSERVATIONS

La présente demande d’avis est composée en réalité de deux questions, la première portant sur l’information

préalable ou a priori donnée sur le retrait de points encouru, l’existence d’un traitement automatisé de

l’information et le droit d’accès et de rectification2, lors de la constatation des faits (articles L. 223-3, alinéas 1

et 2, et R. 223-3 I et II), et la seconde sur l’information donnée, a posteriori, une fois que le retrait de points

est effectif (article L. 223-3, in fine, et R. 223-3 III).

I. - S’agissant de la seconde question de la demande d’avis

Cette seconde partie de la demande peut être déclarée immédiatement irrecevable, dès lors qu’elle pose

à nouveau une question de droit à laquelle il a déjà été répondu par l’avis du 30 avril 20073. En effet, à la

question de savoir si l’information a posteriori, prévue par les articles L. 223-3 in fine et R. 223-3 III du code

de la route, était une formalité substantielle conditionnant la légalité de l’injonction de restituer le permis de

conduire invalidé lorsque le nombre de points est nul, il a été répondu, notamment, que, dès lors que cette

formalité ne revêt pas un caractère substantiel, elle ne conditionne pas la légalité de l’injonction précitée.

Il est demandé aujourd’hui si cette même formalité est substantielle, auquel cas elle conditionne la légalité

de la décision administrative constatant l’invalidation du permis de conduire et, par ricochet, la légalité

des poursuites pénales dans les hypothèses où l’invalidation du permis est une condition de l’infraction

poursuivie (délit de refus de déférer à l’injonction préfectorale de restituer le permis - article L. 223-5 III du

code de la route -, délit de conduite malgré cette injonction - article L. 223-5 V du même code -, conduite

avec un permis invalidé - contravention de quatrième classe prévue par l’article R. 221-1 III). Autrement dit,

même si elle s’applique à un objet différent, aujourd’hui, la légalité de la décision administrative constatant

l’invalidation du permis, en 2007, la légalité de la décision administrative enjoignant au conducteur de restituer

son permis, les deux questions sont identiques en ce qu’elles portent sur le caractère substantiel ou non de

cette information.

Or, comme l’a dit la Cour de cassation dans son avis du 30 avril 2007, l’information donnée au conducteur

après que le retrait de points est effectif n’est pas une formalité substantielle conditionnant la validité de la

procédure ; elle ne vise qu’à rendre les retraits de points opposables au conducteur. En conséquence, ce

dernier, dès qu’il a reçu ladite information, peut, soit, dans le délai du recours pour excès de pouvoir, exciper

devant le juge administratif de l’illégalité de chaque retrait de points intervenu ; soit, sans délai, soulever devant

le juge répressif l’exception d’illégalité de ces retraits, à condition que celle-ci soit fondée sur une cause autre

que le défaut ou l’irrégularité de l’information finale.

2 Depuis le 31 mars 2007, lorsque le capital points de son permis de conduire atteint ou franchit le cap des six points, le conducteur

est averti par un courrier recommandé et incité à suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière qui lui permet de récupérer

jusqu’à quatre points. En outre, depuis le 1er juillet 2007, tout conducteur peut consulter directement et confidentiellement sur

Internet le nombre de points de son permis de conduire.

3 V. demande d’avis no 0700003, rapp. R. Koering-Joulin et concl. D. Boccon-Gibod, BICC no 664, du 1er juillet 2007, p. 40 à 55.

Pour une illustration, cf. Crim., 21 novembre 2007, pourvoi no 07-82.362.

39

15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

II. - S’agissant de la première question de la demande d’avis

La Cour de cassation est interrogée sur la nature de l’information préalable.

Contrairement à l’information donnée a posteriori, l’information préalable est une formalité substantielle4.

- Le Conseil d’Etat l’a dit à plusieurs reprises.

D’abord, sous l’empire de l’article L. 11-3 du code de la route, auquel l’ordonnance no 2000-930 du

22 septembre 2000 réorganisant la partie législative du code de la route a substitué l’article L. 223-3 précité

(v. avis CE, 22 novembre 19955 ; 4 juin 19976 ; 16 juin 19977). Comme l’énonce le Conseil d’Etat dans son avis

du 22 novembre 1995 : « … L’accomplissement de cette formalité substantielle, qui constitue une garantie

essentielle donnée à l’auteur de l’infraction pour lui permettre d’en contester la réalité et d’en mesurer les

conséquences sur la validité de son permis, conditionne la régularité de la procédure suivie et, partant, la

légalité du retrait de points. »

Ensuite, sous l’empire de la loi précitée de 2003 (avis du 26 juillet 2006)8. L’information préalable « constitue

une garantie essentielle donnée au destinataire de l’avis de contravention pour lui permettre de contester,

devant la juridiction de proximité, être l’auteur de l’infraction, et constitue ainsi une condition de la légalité de

la décision de retrait de points. »

- La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé de même, toujours sous l’empire du droit antérieur à

la loi du 12 juin 2003, dans un arrêt du 25 septembre 2001 (pourvoi no 01-80.496) :

« Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué qu’à la suite de trois décisions de justice condamnant Jean-

François X… pour infractions au code de la route, le sous-préfet de Montbrison, constatant que le permis

de conduire de l’intéressé avait perdu la totalité de son capital de points, lui a fait injonction, par arrêté du

8 septembre 1998, de remettre son titre de conduite ; que Jean-François X…, ayant refusé cette remise, a

été poursuivi sur le fondement de l’article L. 19 du code pénal ; qu’il a régulièrement soulevé devant la cour

d’appel une exception d’illégalité de l’arrêté précité, au motif que l’administration, lorsqu’elle l’avait avisé

des trois premières infractions relevées à sa charge, ne l’avait pas informé, comme le prévoit l’article L. 11-3

du code de la route, des pertes de points qu’il était susceptible d’encourir, de l’existence d’un traitement

autorisé de ces points et de la possibilité pour lui d’exercer le droit d’accès ; attendu que, pour écarter

cette argumentation, la cour d’appel relève que les procès-verbaux aux termes desquels ont été constatées

ces infractions mentionnent la remise au contrevenant d’un formulaire administratif comportant toutes les

informations prescrites par l’article L. 11-3 du code de la route ; attendu qu’en cet état […] la cour d’appel a

justifié sa décision [...] ».

Il résulte de cet arrêt, qui approuve la cour d’appel d’avoir écarté l’exception d’illégalité au motif qu’en l’espèce

l’obligation d’information préalable avait été satisfaite, que, pour la chambre criminelle, ladite information est

bien une formalité substantielle conditionnant la légalité du retrait de point.

En conséquence, si la Cour de cassation estime que, en raison de cet arrêt du 25 septembre 2001, la

demande d’avis porte sur « une question de droit nouvelle », dans la mesure où les textes applicables sont

« nouveaux », mais non sur une question « présentant une difficulté sérieuse », au sens de l’article L. 441-1

du code de l’organisation judiciaire, le contenu des articles L. 11-3 et L. 223-3 étant très proche, elle peut et

même doit la déclarer irrecevable9.

Néanmoins, l’arrêt de rejet du 25 septembre 2001 pouvant apparaître comme un simple arrêt d’espèce

dépourvu de la valeur d’un « précédent » dès lors que, non content de donner une réponse implicite à la

question ici posée, il a été rendu en formation restreinte, n’a pas donné lieu à publication au Bulletin criminel,

n’a été suivi d’aucun autre et surtout portait sur l’application du droit antérieur à l’entrée en vigueur de la loi

du 12 juin 2003, on pourrait considérer non seulement que la question de droit posée est « nouvelle », mais

qu’elle présente « une difficulté sérieuse » et se pose « dans de nombreux litiges », comme le prévoit

l’article L. 441-1 précité.

Dans ce cas, il conviendrait d’accueillir la demande d’avis et d’affirmer que l’information préalable est une

formalité substantielle qui conditionne la légalité du retrait de points, partant celle des poursuites pénales

dans les hypothèses où l’invalidation du permis de conduire est une condition préalable10 de l’infraction

poursuivie.

4 Dans l’arrêt X... c/ France du 23 septembre 1998, requête no 27812/95, la Cour européenne des droits de l’homme, après avoir

conclu à l’applicabilité de l’article 6 § 1 dès lors que « si la mesure de retrait présente un caractère préventif, elle revêt également

un caractère punitif et dissuasif et s’apparente donc à une peine accessoire » (§ 39), conclut à la non-violation du même article au

motif qu’« un contrôle suffisant au regard de l’article 6 § 1 [...] se trouve incorporé dans la décision pénale de condamnation

[...] sans qu’il soit nécessaire de disposer d’un contrôle supplémentaire de pleine juridiction portant sur le retrait de points [...] »

et que « par ailleurs, le requérant pourra introduire un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative afin de

faire contrôler que l’autorité administrative a agi à l’issue d’une procédure irrégulière » (§ 50). Pour parvenir à ce constat de nonviolation,

la Cour souligne, notamment, l’existence de l’information préalable par laquelle l’automobiliste « est mis en mesure de

contester les éléments constitutifs de l’infraction pouvant servir de fondement à un retrait de points » (§ 47).

5 No 171045, publié au Recueil Lebon.

6 No 168620, inédit.

7 No 168292, mentionné aux tables du Recueil Lebon.

8 No 292750, Procédures 2006, comm. 254, obs. S. Deygas. En l’espèce, le véhicule ayant été contrôlé sans avoir été intercepté,

l’avis de contravention avait été adressé au titulaire du certificat d’immatriculation.

9 De plus, mais c’est un élément de fait, l’avocat du prévenu ne rapportant en l’espèce aucunement la preuve, pièces à l’appui,

que cette information a fait défaut ou encore a été incomplète, on peut s’étonner que le tribunal correctionnel d’Auxerre ait jugé

bon de saisir la Cour de cassation de cette demande.

10 Ce vocable, certes plus doctrinal que de droit positif, est préférable à celui d’élément constitutif, dans la mesure où, en soi, il ne

présente « aucun caractère illicite » (F. Desportes et F. Le Gunehec, Droit pénal général, Economica, 11e éd., no 433).

40

Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

1. Les faits et la procédure

Lamir X..., prévenu d’avoir à Saint-Florentin (Yonne) :

- le 5 mai 2006, obtenu un permis de conduire un véhicule à moteur en faisant une fausse déclaration, en

l’espèce en effectuant une déclaration de perte de permis de conduire à la brigade de gendarmerie de Saint-

Florentin le jour de la notification de l’injonction de remettre son permis au préfet de son département de

résidence en raison de la perte totale de ses points ;

- le 10 mai 2007, malgré la notification qui lui avait été faite le 5 mai 2006 par l’autorité administrative de

remettre son permis au préfet de son département de résidence, conduit néanmoins un véhicule à moteur ;

- du 5 juin 2006 au 10 juin 2007, refusé de restituer son permis au préfet de son département de résidence,

a été cité devant le tribunal correctionnel d’Auxerre pour y répondre de ces délits prévus et réprimés par les

articles L. 223-5 I et III, L. 223-5 III et IV, L. 223-5 V, L. 224-12 et L. 224-18 du code de la route.

A l’audience du 18 septembre 2007, le tribunal ayant informé les parties de son intention de saisir la Cour de

cassation d’une demande d’avis, sur le fondement de l’article 706-64 du code de procédure pénale, l’affaire

a été renvoyée au 23 octobre 2007, afin de permettre à l’avocat du prévenu et au ministère public de produire

leurs observations écrites.

A l’audience du 23 octobre 2007, le tribunal a décidé de saisir la Cour de cassation d’une demande d’avis et

a sursis à statuer dans l’attente de la réception dudit avis.

La motivation qui a conduit les juges à prendre cette décision est la suivante :

« Attendu que la Cour de cassation a déjà eu à se prononcer dans un avis au sujet des conséquences

de l’absence d’information postérieure du retrait de points du permis de conduire, mais n’a pas eu à se

prononcer au sujet des conséquences d’une absence d’information préalable ;

Attendu que se pose la question de la légalité du retrait des points du permis de conduire en l’absence

d’information préalable et, partant, de la légalité de l’arrêté constatant l’invalidation du permis de conduire ;

que se pose également la question de l’impossibilité pour un prévenu de faire usage de son droit à reconstituer

son capital de points de permis de conduire en l’absence d’information postérieure sur les retraits de points

et des conséquences sur la légalité de l’arrêté constatant l’invalidation du permis de conduire ;

Attendu que cette question de droit est nouvelle, qu’elle présente une difficulté sérieuse et se pose dans de

nombreux litiges ; qu’il y a lieu, par application de l’article L. 151-1 du code de l’organisation judiciaire, de

solliciter l’avis de la Cour de cassation ; qu’il sera sursis à toute décision sur le fond de l’affaire jusqu’à la

réception de l’avis ou, à défaut, jusqu’à l’expiration du délai prévu par l’article 706-67 du code de procédure

pénale ».

En conséquence, par jugement du 23 octobre 2007, le tribunal correctionnel d’Auxerre a sollicité l’avis de la

Cour de cassation sur les deux questions suivantes :

1o « Le non-respect des dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route imposant, lors de

la constatation de l’infraction, une information préalable du contrevenant du retrait des points encouru, de

l’existence d’un traitement automatisé de l’information et de son droit d’accès et de rectification implique-t-il

l’illégalité du retrait de points ultérieurement décidé par l’autorité administrative ? »

2o « L’absence de notification postérieure de chaque retrait partiel de points du permis de conduire dans

une forme opposable, rendant ineffective la possibilité pour le contrevenant, non valablement informé des

pertes de points sur son permis, de reconstituer partiellement son capital de points par l’accomplissement

d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière, possibilité expressément prévue par l’article L. 223-6 du

code de la route, ayant pour conséquence le maintien de la validité du permis de conduire puisque le solde

de points n’est plus nul, entraîne-t-elle l’illégalité de la décision administrative qui constate l’invalidation du

permis de conduire par perte de la totalité des points ? »

2. Les conditions de forme

Les conditions de forme prévues par les articles 706-64 à 706-66 du code de procédure pénale ont été

respectées, puisque le tribunal a sollicité l’avis de la Cour de cassation après avoir avisé les parties et leur

avoir fixé un délai pour présenter leurs observations. En outre, la décision a été notifiée aux parties, et le

premier président de la cour d’appel ainsi que le procureur général ont été avisés de la demande d’avis.

La demande est donc recevable en la forme.

3. Les conditions de fond

Le dispositif législatif et réglementaire régissant le permis à points (articles L. 223-1 à L. 223-8 et R. 223-1

à R. 223-13), créé par la loi du 10 juillet 1989 et, depuis, plusieurs fois modifié, notamment par les lois du

12 juin 2003 et du 5 mars 2007 et les décrets subséquents du 11 juillet 2003 et du 9 mai 2007, prévoit que

l’auteur de l’infraction doit être informé, dans un premier temps, du retrait de points encouru et, ensuite, du

nombre de points retirés de son permis de conduire.

Observations de M. Di Guardia

Premier avocat général

41

15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

La première de ces deux informations ou information préalable intervient lors de la constatation des faits

(article L. 223-3 et R. 223-3 II du code de la route), la seconde, qui porte sur le retrait de points devenu

effectif, suppose que la réalité de l’infraction a été établie dans les conditions définies à l’article L. 223-1

(article R. 223-3 I du code de la route).

Les deux questions posées par le tribunal correctionnel d’Auxerre concernent la valeur substantielle de ces

deux informations destinées à l’auteur d’une infraction entraînant le retrait d’un certain nombre de points de

son permis de conduire.

L’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire exigeant, notamment, que l’avis sollicité porte sur une

question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, il convient

d’examiner si ces conditions sont remplies pour chacune des questions posées.

Or, d’emblée, il apparaît que tel n’est pas le cas en ce qui concerne la seconde question.

A. - Sur la seconde question de la demande d’avis

Telle qu’elle est formulée, cette question ne peut être considérée comme nouvelle.

En effet, la Cour de cassation déjà saisie pour avis sur une question identique :

« 1. Les dispositions des articles L. 223-3 in fine et R. 223-3 III du code de la route, notamment au regard

des droits de la défense, imposent-elles au ministre de l’intérieur de notifier individuellement chaque retrait

de point affecté au permis de conduire dès lors que chacun de ces retraits est effectif ? Ou, au contraire,

le ministre de l’intérieur satisfait-il aux dispositions précitées en notifiant globalement l’ensemble des retraits

successifs de points lors de la notification de la perte du dernier point affecté au permis de conduire ?

2. Quelle que soit la réponse à la première question, cette formalité revêt-elle un caractère substantiel

et conditionne-t-elle la légalité de l’injonction de restituer le permis de conduire délivrée par le préfet du

département en application de l’article L. 223-5 du code de la route ?

3. Dans l’affirmative, le juge pénal, saisi de l’infraction prévue à l’article L. 223-5 du code de la route, a-t-il

l’obligation de relever d’office l’illégalité de l’injonction de restituer le permis de conduire délivrée par le préfet

du département, dès lors que la preuve de l’accomplissement de ces formalités n’est pas rapportée ? »

A ÉTÉ D’AVIS QUE :

« Les dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route imposent au ministre de

l’intérieur de porter à la connaissance du titulaire du permis de conduire, par lettre simple, chaque

retrait de points quand il est effectif.

Toutefois, cette formalité, de même que l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception

récapitulant l’ensemble des retraits de points successifs, ne revêt pas un caractère substantiel et,

partant, elle ne conditionne pas la légalité de l’injonction de restituer le permis de conduire délivrée

par le préfet du département en application de l’article L. 223-5 du code de la route.

Le prévenu demeure recevable à exciper devant la juridiction pénale de l’illégalité, pour autre cause,

de chaque retrait de points, le juge répressif pouvant lui-même relever d’office une telle illégalité ».

Dès lors, cette demande d’avis du tribunal de grande instance d’Auxerre ne peut qu’être déclarée irrecevable,

faute de remplir les conditions de fond requises par l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire.

B. - Sur la première question de la demande d’avis

Le tribunal s’interroge sur le caractère substantiel de l’information préalable destinée à l’auteur de

l’infraction.

Or, des réponses ont déjà été apportées à cette question par le Conseil d’Etat, et même par la Cour de

cassation.

a) Le Conseil d’Etat

D’abord sous l’empire de l’article L. 11-3 du code de la route (avis CE des 22 novembre 1995, 4 juin 1997

et 20 juin 1997), puis sous celui de l’article L. 223-3 qui l’a remplacé (avis CE du 26 juillet 2006), le Conseil

d’Etat a toujours considéré que « cette information préalable constitue une garantie essentielle donnée au

destinataire de l’avis de contravention pour lui permettre de contester, devant la juridiction de proximité, être

l’auteur de l’infraction, et constitue ainsi une condition de la légalité de la décision de retrait de points. Dès

lors, l’intéressé peut utilement se prévaloir devant le juge administratif, à l’appui de ses conclusions dirigées

contre cette dernière décision, de la méconnaissance de cette obligation d’information préalable. »

b) La Cour de cassation

Dans un arrêt non publié du 25 septembre 2001 (pourvoi no 01-80.496) et rendu sous l’empire du droit

antérieur à la loi du 12 juin 2003, la chambre criminelle de la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel

qui, saisie des poursuites contre un prévenu qui, ayant perdu la totalité de son capital de points, avait refusé

de remettre son permis de conduire, avait écarté l’exception d’illégalité de l’arrêté préfectoral pour défaut

d’information préalable soulevée par l’intéressé, après avoir relevé que les procès-verbaux aux termes

desquels avaient été constatées les infractions mentionnaient la remise au contrevenant d’un formulaire

administratif comportant toutes les informations prescrites par l’article L. 11-3 du code de la route.

42

Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

Il se déduit sans difficulté de cette décision que, comme le Conseil d’Etat, la chambre criminelle de la Cour

de cassation considère que l’information préalable est bien une formalité substantielle conditionnant la légalité

du retrait de points.

Certes, il s’agit d’un arrêt non publié et l’article L. 11-3 du code de la route a depuis été remplacé par

l’article L. 223-3. Mais les modifications législatives intervenues ultérieurement ne paraissent pas susceptibles

de remettre en cause cette décision.

c) L’ancien article L. 11-3 du code de la route et l’actuel article L. 223-3

En effet, en dépit des modifications rédactionnelles apportées par la loi de 2003, il résulte de la lecture de ces

deux articles qu’ils prévoient une obligation similaire d’information préalable.

Ancien article L. 11-3 du code de la route : « Lorsque l’intéressé est avisé qu’une des infractions mentionnées

à l’article L. 11-1 a été relevée à son encontre, il est informé de la perte de points qu’il est susceptible

d’encourir, de l’existence d’un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d’exercer le

droit d’accès. Ces mentions figurent sur le formulaire qui lui est communiqué.

La perte de points est portée à la connaissance de l’intéressé par lettre simple quand elle est effective. »

Article L. 223-3 du code de la route (loi du 12 juin 2003) : « Lorsque l’intéressé est avisé qu’une des infractions

entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé des dispositions de l’article L. 223-2,

de l’existence d’un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d’exercer le droit d’accès

conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9.

Lorsqu’il est fait application de la procédure de l’amende forfaitaire ou de la procédure de composition pénale,

l’auteur de l’infraction est informé que le paiement de l’amende ou l’exécution de la composition pénale

entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l’infraction reprochée, dont la qualification est dûment

portée à sa connaissance ; il est également informé de l’existence d’un traitement automatisé de ces points

et de la possibilité pour lui d’exercer le droit d’accès.

Le retrait de points est porté à la connaissance de l’intéressé par lettre simple quand il est effectif. »

En fait, la seule différence notable résultant de la rédaction de ces deux articles concerne les précisions

relatives au contenu de l’information préalable.

Depuis la loi du 12 juin 2003, le conducteur doit toujours être informé de l’existence d’un traitement automatisé

de ses points et de la possibilité pour lui d’exercer un droit d’accès.

En outre, il est avisé qu’en cas de procédure d’amende forfaitaire ou de composition pénale, le paiement

de l’amende ou l’exécution de la composition entraîne le retrait du nombre de points attaché à l’infraction

commise, dont la qualification est portée à sa connaissance.

Un avis du Conseil d’Etat du 31 janvier 2007 a précisé que « Lorsqu’il n’est pas fait application des procédures

d’amende forfaitaire ou de composition pénale, l’information due à l’auteur de l’infraction est celle que prévoit

l’alinéa premier de l’article L. 223-3 précité du code de la route. En application de cet alinéa, l’intéressé doit,

dans le document qui lui est remis ou adressé par le service verbalisateur, être informé qu’il encourt, en cas

de condamnation par le juge pénal, un retrait de points de son permis de conduire, dans les limites prévues

par l’article L. 223-2, dont les dispositions doivent être portées à sa connaissance. L’existence d’un traitement

automatisé de ces points et la possibilité d’exercer un droit d’accès conformément aux articles L. 225-1

à L. 225-9 du code de la route doivent également être mentionnées ».

d) En conclusion

Dès lors que l’examen des textes en cause, actuels ou abrogés, des différents avis rendus par le Conseil

d’Etat et de l’arrêt de la Cour de cassation en date 25 septembre 2001 permettent, à l’évidence, d’affirmer

que l’information préalable est une formalité substantielle qui conditionne la légalité du retrait de points

et, partant, celle des poursuites pénales lorsque l’invalidation du permis de conduire est une condition

de l’infraction poursuivie, il m’apparaît que la question posée ne peut être ni une « question nouvelle » ni

présenter « une difficulté sérieuse ».

Il me semble donc que cette première question devrait être déclarée également irrecevable.

Néanmoins, si la Cour considérait devoir y apporter une réponse, elle pourrait se borner à affirmer que

l’information préalable est une formalité substantielle.

En effet, c’est à la juridiction saisie d’apprécier si la preuve de l’accomplissement de cette formalité résulte des

documents versés aux débats, étant précisé qu’il lui est loisible, en cas de doute, d’ordonner un supplément

d’information aux fins de production de tout élément de preuve qui lui paraîtra utile.

ANNEXE

TEXTES APPLICABLES

Article L. 223-1 :

« Le permis de conduire est affecté d’un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire

du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue.

Lorsque le nombre de points est nul, le permis perd sa validité.

43

15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

La réalité d’une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d’une amende forfaitaire

ou l’émission du titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée, l’exécution d’une composition pénale

ou par une condamnation définitive. »

Article L. 223-2 :

« I. - Pour les délits, le retrait de points est égal à la moitié du nombre maximal de points.

II. - Pour les contraventions, le retrait de points est, au plus, égal à la moitié du nombre maximal de points.

III. - Dans le cas où plusieurs infractions entraînant le retrait de points sont commises simultanément, les

retraits de points se cumulent dans la limite des deux tiers du nombre maximal de points. »

Article L. 223-3 (ancien article L. 11-3) :

« Lorsque l’intéressé est avisé qu’une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre,

il est informé des dispositions de l’article L. 223-2, de l’existence d’un traitement automatisé de ces points et

de la possibilité pour lui d’exercer le droit d’accès conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9.

Lorsqu’il est fait application de la procédure de l’amende forfaitaire ou de la procédure de composition pénale,

l’auteur de l’infraction est informé que le paiement de l’amende ou l’exécution de la composition pénale

entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l’infraction reprochée, dont la qualification est dûment

portée à sa connaissance ; il est également informé de l’existence d’un traitement automatisé de ces points

et de la possibilité pour lui d’exercer le droit d’accès.

Le retrait de points est porté à la connaissance de l’intéressé par lettre simple quand il est effectif. »

Article R. 223-3 (ancien article R. 258) :

« I. - Lors de la constatation d’une infraction entraînant retrait de points, l’auteur de celle-ci est informé

qu’il encourt un retrait de points si la réalité de l’infraction est établie dans les conditions définies à

l’article L. 223-1.

II. - Il est informé également de l’existence d’un traitement automatisé des retraits et reconstitutions de

points et de la possibilité pour lui d’accéder aux informations le concernant. Ces mentions figurent sur le

document qui lui est remis ou adressé par le service verbalisateur. Le droit d’accès aux informations ci-dessus

mentionnées s’exerce dans les conditions fixées par les articles L. 225-1 à L. 225-9.

III. - Lorsque le ministre de l’intérieur constate que la réalité d’une infraction entraînant retrait de points est

établie dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l’article L. 223-1, il réduit en conséquence

le nombre de points affecté au permis de conduire de l’auteur de cette infraction et en informe ce dernier

par lettre simple. Le ministre de l’intérieur constate et notifie à l’intéressé, dans les mêmes conditions, les

reconstitutions de points obtenues en application des alinéas 1 et 3 de l’article L. 223-6.

IV. - Lorsque le nombre de points est nul, le préfet du département ou l’autorité compétente du territoire ou

de la collectivité territoriale d’outre-mer, du lieu de résidence, enjoint à l’intéressé, par lettre recommandée, de

restituer son titre de conduite dans un délai d’une semaine à compter de la réception de cette lettre. »

44

Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

I. - AVIS DE LA COUR DE CASSATION

SÉANCE DU 6 OCTOBRE 2008

Titre et sommaire Page 44

Avis Page 44

Rapport Page 45

Observations Page 50

Cassation

Saisine pour avis - Demande - Domaine d’application - Exclusion - Cas - Question sur laquelle la

Cour de cassation a déjà statué.

Lorsque la Cour de cassation a déjà rendu un avis sur la question de droit sur laquelle son avis est sollicité,

il n’y a pas lieu à avis.

AVIS

LA COUR DE CASSATION,

Vu les articles L. 441-1 et suivants, R. 441-1 du code de l’organisation judiciaire et 706-64 et suivants du code

de procédure pénale ;

Vu la demande d’avis formulée le 19 mai 2008 par le tribunal correctionnel de Mâcon, reçue le 18 juin 2008 et

rédigée ainsi :

« L’article D. 47-6-1 du code de procédure pénale issu du décret no 2007-1605 du 13 novembre 2007 impose au

juge délégué aux victimes (JUDEVI) de veiller, dans le respect de l’équilibre des droits des parties, à la prise en

compte des droits reconnus par la loi aux victimes ; ce même juge, statuant en qualité de président du tribunal

correctionnel sur intérêts civils, doit-il s’abstenir de siéger si, du fait de cette dualité de fonction, est invoqué le

grief de partialité objective au regard de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ? »

Sur le rapport de Mme Lazerges, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Boccon-Gibod, avocat général,

entendu en ses observations orales ;

Saisie d’une question identique, la Cour de cassation a indiqué, par un avis du 20 juin 2008, que cette demande

ne relève pas de la procédure d’avis prévue par les textes susvisés, car elle suppose l’examen de la nature et de

l’étendue des mesures qui, le cas échéant, ont été prises par le magistrat, en qualité de juge délégué aux victimes,

avant de statuer sur les intérêts civils. Cette qualité ne ferait pas obstacle en soi à ce qu’il statue.

La question n’étant pas nouvelle,

DIT N’Y AVOIR LIEU À AVIS

M. Lamanda, P. Pt. - Mme Lazerges, Rap., assistée de Mme Matias, greffier en chef - M. Boccon-Gibod,

Av. Gén.

Sur la question de la compatibilité des fonctions de juge correctionnel appelé à statuer sur les intérêts

civils et de juge délégué aux victimes, à rapprocher :

Avis de la Cour de cassation, 20 juin 2008, Bull. crim. 2008, Avis, no 1.

45

15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

La Cour est saisie d’une demande d’avis formée par le tribunal correctionnel de Mâcon, ainsi libellée :

« L’article D. 47-6-1 du code de procédure pénale issu du décret no 2007-1605 du 13 novembre 2007

impose au juge délégué aux victimes (JUDEVI) de veiller, dans le respect de l’équilibre des droits des parties, à

la prise en compte des droits reconnus par la loi aux victimes ; ce même juge, statuant en qualité de président

du tribunal correctionnel sur intérêts civils, doit-il s’abstenir de siéger si, du fait de cette dualité de fonction,

est invoqué le grief de partialité objective au regard de l’article 6 de la Convention européenne des droits de

l’homme ? »

I. - Introduction

Avant d’examiner les conditions de recevabilité de la demande d’avis, il est nécessaire de faire un bref rappel

des faits et de la procédure, de présenter les attributions du juge délégué aux victimes et d’expliquer l’avis

rendu par la Cour de cassation le 20 juin 2008.

A. - Rappel des faits et de la procédure

Par jugement en date du 25 juillet 2007, le tribunal correctionnel de Mâcon a condamné M. Mickaël X...,

pour violences volontaires aggravées, infraction à la législation sur les armes et dégradation ou détérioration

légère du bien d’autrui, à huit mois d’emprisonnement, dont quatre avec sursis et mise à l’épreuve, 150 euros

d’amende et deux ans d’interdiction de séjour dans le canton de Ciry-le-Noble. Statuant sur les intérêts

civils, il a déclaré recevable la constitution de partie civile de M. Gilbert Y..., déclaré M. X… responsable du

préjudice subi par M. Y... et sursis à statuer sur les demandes de ce dernier. L’affaire a été renvoyée sur les

seuls intérêts civils.

A l’audience de renvoi du 21 janvier 2008, M. X… a demandé au président du tribunal correctionnel de se

récuser, en raison de sa qualité de juge délégué aux victimes, qui créerait un « risque de partialité objective

de nature fonctionnelle et organique, contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de

l’homme ».

Par jugement en date du 25 janvier 2008, le tribunal correctionnel de Mâcon a sursis à statuer sur le fond

du litige, déclaré recevable l’exception in limine litis soulevée par M. X..., dit que le dossier serait transmis

à M. le procureur de la République, l’ordre public relatif au fonctionnement de la juridiction pouvant être

mis en cause, dit que le ministère public devrait conclure sur l’exception d’impartialité soulevée et sur la

saisine éventuelle de la Cour de cassation aux fins d’avis, dit que le prévenu et la partie civile formuleraient

également leurs observations sur la saisine éventuelle de la Cour de cassation aux fins d’avis, conformément

aux dispositions de l’article 706-65 du code de procédure pénale, et renvoyé l’affaire à l’audience sur intérêts

civils du 17 mars 2008.

Le 12 mars 2008, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bourges a transmis au

tribunal correctionnel des conclusions. Il a soutenu que l’exception soulevée devait être rejetée, en l’absence,

en l’espèce, de motifs permettant de juger que le cumul des deux qualités fonctionnelles (JUDEVI et président

du tribunal correctionnel statuant sur les intérêts civils) portait atteinte au principe du droit de chaque

justiciable à un procès équitable. Il a par ailleurs indiqué qu’il considérait qu’il n’y avait pas lieu à saisine de

la Cour de cassation pour avis.

Par jugement en date du 19 mai 2008, le tribunal correctionnel de Mâcon a saisi la Cour de cassation d’une

demande d’avis formulée dans les termes suivants :

« L’article D. 47-6-1 du code de procédure pénale issu du décret no 2007-1605 du 13 novembre 2007

impose au juge délégué aux victimes (JUDEVI) de veiller, dans le respect de l’équilibre des droits des parties, à

la prise en compte des droits reconnus par la loi aux victimes ; ce même juge, statuant en qualité de président

du tribunal correctionnel sur intérêts civils, doit-il s’abstenir de siéger si, du fait de cette dualité de fonction,

est invoqué le grief de partialité objective au regard de l’article 6 de la Convention européenne des droits de

l’homme ? »

Cette question tend à vous demander si le juge délégué aux victimes doit s’abstenir de présider les audiences

sur intérêts civils lorsque est mise en cause son impartialité fonctionnelle. En d’autres termes, il vous est

demandé de déterminer si la circonstance qu’un magistrat du siège soit juge délégué aux victimes constitue

par elle-même une cause de partialité justifiant l’abstention volontaire, lorsqu’il doit statuer sur les intérêts

civils. Une telle question est très proche sinon identique à celle qui a été examinée par la Cour de cassation

le 20 juin 2008.

B. - Le juge délégué aux victimes (JUDEVI)

Le décret no 2007-1605 du 13 novembre 2007 a inséré dans la troisième partie du code de procédure pénale

un titre XIV intitulé « Du juge délégué aux victimes, président de la commission d’indemnisation des victimes

d’infractions », qui énumère, des articles D. 47-6-1 à D. 47-6-14, les attributions de ce juge. D’emblée, il

convient d’observer que ce juge qui, selon ces dispositions, est « délégué aux victimes », est tout simplement

Rapport de Mme Lazerges

Conseiller rapporteur

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Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

le président de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions. L’article D. 47-6-2 du code de

procédure pénale l’indique expressément, disposant que « le président de la commission d’indemnisation des

victimes d’infractions est le juge délégué aux victimes ».

Après avoir proclamé la mission générale du juge délégué aux victimes, qui est de « veiller, dans le respect

de l’équilibre des droits des parties, à la prise en compte des droits reconnus par la loi aux victimes »,

l’article D. 47-6-1 énumère ses attributions en distinguant des fonctions juridictionnelles, des fonctions

d’administration judiciaire et des fonctions administratives.

Soulignons que la mission générale qui est conférée au juge délégué aux victimes ne lui est pas spécifique.

L’article préliminaire prévoit, en effet, d’une part, que la procédure pénale doit « préserver l’équilibre des droits

des parties », et, d’autre part, que « l’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des

victimes au cours de toute procédure pénale ». La prise en compte des intérêts des victimes est par ailleurs

prévue au stade de l’exécution des peines par de nombreuses dispositions, et en particulier par l’article 707

du code de procédure pénale, qui énumère les principes directeurs de cette phase de la procédure ainsi que

par l’article D. 49-64 du code de procédure pénale, qui souligne que le juge de l’application des peines et le

parquet « prennent en compte, tout au long de l’exécution de la peine, la protection des intérêts et des droits

de la victime ou de la partie civile ».

1. Les attributions juridictionnelles du juge délégué aux victimes

Les articles D. 47-6-2 et D. 47-6-3 du code de procédure pénale présentent les « attributions juridictionnelles

du juge délégué aux victimes ». Président de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions, le

juge délégué aux victimes a de facto cette fonction. Il n’a aucune autre fonction juridictionnelle qui lui soit

propre. Certes, l’article D. 47-6-3 prévoit que le président du tribunal de grande instance peut désigner le juge

délégué aux victimes, dans son ordonnance de roulement, après avis de l’assemblée générale, pour présider

les audiences du tribunal correctionnel statuant après renvoi sur les seuls intérêts civils. Toutefois, il convient

de noter que l’article D. 47-6-3 ne contraint pas le président du tribunal de grande instance à le faire, mais

suggère qu’il peut le faire et que si le président du tribunal de grande instance désigne le juge délégué aux

victimes pour présider ces audiences, c’est parce qu’il est l’un des magistrats du siège du tribunal de grande

instance et non pas parce qu’en qualité de président de la commission d’indemnisation des victimes, il se

trouve être juge délégué aux victimes. Avant l’instauration d’un juge délégué aux victimes, le président de la

commission d’indemnisation des victimes d’infractions pouvait déjà être désigné pour prendre les audiences

du tribunal correctionnel statuant après renvoi sur les seuls intérêts civils.

2. Les attributions d’administration judiciaire du juge délégué aux victimes

Les « attributions d’administration judiciaire du juge délégué aux victimes », décrites par les articles D. 47-6-4

à D. 47-6-11 du code de procédure pénale, consistent dans la possibilité pour le juge délégué aux victimes

de saisir des magistrats du siège ou du parquet, territorialement compétents, par ordonnance non susceptible

de recours, de demandes de victimes d’infractions pour lesquelles « l’action publique a été traitée dans le

cadre d’une mesure alternative aux poursuites ou a abouti à un jugement ». La nature des demandes dont

peut être saisi le juge délégué aux victimes ne fait pas l’objet d’une énumération limitative. Le décret se borne

à préciser qu’en cas de condamnation aux peines de sanction-réparation ou de sursis avec mise à l’épreuve,

le juge délégué aux victimes peut, à la demande de la victime, saisir le juge de l’application des peines d’un

certain nombre de manquements du condamné ou de la demande tendant à voir augmenter le nombre de

ses obligations, par une ordonnance non susceptible de recours, transmise en copie au procureur de la

République. Au vu d’une de ces ordonnances, le juge de l’application des peines soit se saisit d’office, soit

est saisi sur réquisitions du procureur de la République. Il doit informer le juge délégué aux victimes de sa

décision dans le délai d’un mois, et ce dernier doit, à son tour, informer la victime de cette réponse dans le

délai de quinze jours (article D. 47-6-4 à D. 47-6-7 du code de procédure pénale).

L’article D. 47-6-9 du code de procédure pénale dispose, par ailleurs, que le juge délégué aux victimes peut

recueillir et transmettre au juge de l’application des peines les demandes des victimes tendant à être informées

de la mise à exécution de la peine contre le condamné ou de la libération du condamné, ou tendant à ne pas

en être informées. Notons que les victimes d’infractions peuvent toutefois préférer s’adresser directement au

juge de l’application des peines ou au parquet et qu’aucune disposition ne les contraint à saisir préalablement

le juge délégué aux victimes.

3. Les attributions administratives du juge délégué aux victimes

Des attributions administratives sont conférées au juge délégué aux victimes par les articles D. 7-6-12 à

D. 47-6-14 du code de procédure pénale. Le juge délégué doit, tout d’abord, vérifier les conditions dans

lesquelles les parties civiles sont informées de leurs droits à l’issue de l’audience par un greffier du bureau

de l’exécution des peines, lequel doit, en vertu de l’article D. 48-3 du même code, leur indiquer les modalités

pratiques leur permettant d’obtenir le paiement des dommages-intérêts qui leur ont été alloués et, s’il y a lieu,

les démarches devant être effectuées pour saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infractions,

ainsi que la possibilité de saisir le juge délégué aux victimes. Il participe, ensuite, sous l’autorité du président

du tribunal de grande instance et en lien avec le procureur de la République, à l’élaboration et la mise en

oeuvre de dispositifs coordonnés d’aide aux victimes sur le ressort du tribunal de grande instance. Il doit enfin

établir un rapport annuel sur l’exercice de ses attributions et le présenter oralement à l’assemblée générale

des magistrats du siège et du parquet.

C. - L’avis rendu le 20 juin 2008

Saisie d’une demande d’avis portant sur la question de la compatibilité des fonctions de juge délégué aux

victimes et de président du tribunal correctionnel statuant sur les seuls intérêts civils, la Cour de cassation

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15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

a considéré, le 20 juin 2008, que ne relève pas de la procédure d’avis la question insuffisamment précise

formulée ainsi : « le tribunal correctionnel statuant sur intérêts civils - composé du seul juge délégué aux

victimes en application de l’article D. 47-6-3 du code de procédure pénale créé par le décret no 2007-1605

du 13 novembre 2007 - peut-il, sans méconnaître les dispositions du premier alinéa de l’article préliminaire

du code de procédure pénale relatif au caractère équitable de la procédure pénale et à la préservation de

l’équilibre des droits des parties, statuer dans un litige opposant, d’une part, une victime et, d’autre part, un

auteur responsable ? ». La formation de la Cour de cassation qui s’est prononcée sur cette demande d’avis

a expliqué qu’il ne peut être répondu à la question de la compatibilité des fonctions de juge correctionnel

appelé à statuer sur les intérêts civils et de juge délégué aux victimes qu’après un examen de la nature et

de l’étendue des mesures qui, le cas échéant, ont été prises par le magistrat, en qualité de juge délégué aux

victimes, avant de statuer sur les seuls intérêts civils. Elle a précisé que la qualité de juge délégué aux victimes

ne ferait pas obstacle en soi à ce qu’il statue sur les intérêts civils.

L’avis rendu par la Cour de cassation s’explique aisément. La question de savoir si le cumul des fonctions

de juge correctionnel, appelé à statuer sur les intérêts civils, et de juge délégué aux victimes méconnaît le

principe de l’impartialité du juge doit, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de

l’homme, être appréciée in concreto, en examinant, au regard de l’espèce, s’il existe des circonstances qui

peuvent faire naître un doute ou des appréhensions objectivement justifiées sur son impartialité. Or, dès lors

qu’il doit être tenu compte de circonstances de fait, telles que la nature et l’étendue des mesures prises par

le magistrat appelé à statuer sur les intérêts civils, en qualité de juge délégué aux victimes, avant de statuer

sur les intérêts civils, une telle question ne relève pas de la procédure d’avis prévue par l’article L. 441-1 du

code de l’organisation judiciaire. Il ne doit en effet être recouru à cette procédure que pour recueillir l’avis de

la Cour de cassation sur une question de droit précise1.

Précisons que si le juge délégué aux victimes doit le plus souvent intervenir une fois rendue la décision

sur les intérêts civils, il peut être saisi par les victimes d’infractions avant le jugement sur l’action publique.

L’article D. 47-6-4 du code de procédure pénale prévoit, en effet, que le juge délégué aux victimes peut être

saisi dans le cas où « l’action publique a été traitée dans le cadre d’une mesure alternative aux poursuites ».

Or il n’est pas rare que l’auteur d’une infraction auquel il a été demandé d’indemniser la victime dans le

cadre de l’une de ces mesures s’abstienne de le faire. Dans ce cas, le juge délégué aux victimes pourrait être

amené, à la demande de la victime, à saisir le procureur de la République pour signaler cette situation, en

prenant parti, le cas échéant, sur l’étendue du dommage subi par la victime. C’est ainsi qu’un juge délégué

aux victimes, saisi par la victime d’une infraction, pourrait écrire au procureur de la République pour dénoncer

le fait que l’auteur de l’infraction n’ait pas indemnisé la victime dans le délai qui lui a été imparti et demander

que l’action publique soit mise en mouvement, compte tenu de l’importance du préjudice de la victime et de

sa vulnérabilité. Dans un tel cas de figure, il pourrait être jugé que le juge délégué aux victimes, qui a ainsi

porté une appréciation sur le montant du dommage, ne puisse pas ultérieurement statuer sur les intérêts

civils sans méconnaître le principe d’impartialité. Ce cas de figure doit toutefois être clairement distingué

de celui dans lequel le juge correctionnel, appelé à statuer sur les intérêts civils, dans une affaire précise,

n’est aucunement intervenu antérieurement en qualité de juge délégué aux victimes. A cet égard, il convient

d’ailleurs de souligner que le juge délégué aux victimes compétent n’est pas nécessairement celui du tribunal

de grande instance dans lequel un jugement sur les intérêts civils est rendu. En effet, est compétent le juge

délégué aux victimes du tribunal de grande instance dans le ressort duquel réside la victime (article D. 47-

6-4 du code de procédure pénale), alors que, le plus souvent, les intérêts civils sont fixés par un magistrat

du tribunal de grande instance dans le ressort duquel l’infraction a été commise et que l’infraction n’a bien

évidemment pas nécessairement été commise dans le ressort du tribunal de grande instance dans lequel

réside la victime.

Ces deux exemples montrent bien qu’il ne peut être répondu à la question de la compatibilité des fonctions

de juge correctionnel appelé à statuer sur les intérêts civils et de juge délégué aux victimes qu’en examinant

le point de savoir si le magistrat appelé à statuer sur les intérêts civils a pris antérieurement des décisions en

qualité de juge délégué aux victimes, et en déterminant la nature et l’étendue des mesures qui, le cas échéant,

ont été prises. La question qui a donné lieu à l’avis rendu le 20 juin 2008 était, en conséquence, trop générale

pour ressortir à la procédure d’avis.

II. - La recevabilité de la demande d’avis

Pour être recevable, la demande d’avis doit satisfaire aux conditions de forme prévues par les articles 706-65

et 706-66 du code de procédure pénale et aux conditions de fond résultant de l’article L. 441-1 du code de

l’organisation judiciaire.

A. - Les conditions de forme de la saisine

Par jugement en date du 25 janvier 2008, le tribunal correctionnel de Mâcon a avisé les parties et le ministère

public qu’il envisageait de solliciter l’avis de la Cour de cassation en application de l’article L. 441-1 du

code de l’organisation judiciaire et renvoyé l’affaire à l’audience du 17 mars 2008. Par jugement en date

du 19 mai 2008, le tribunal correctionnel de Mâcon a saisi la Cour de cassation d’une demande d’avis. La

décision de saisir la Cour de cassation et la date de transmission du dossier ont été notifiées aux parties, au

1 V. à cet égard l’avis du 8 octobre 2007, par lequel la Cour de cassation a considéré qu’échappe à la procédure de demande

d’avis et relève de l’examen préalable des juges du fond la demande portant sur la compatibilité de dispositions de droit

interne subordonnant le droit aux prestations familiales pour les enfants étrangers à certaines conditions avec la Convention

de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la Convention internationale des droits de l’enfant, dès

lors que l’examen d’une telle demande suppose l’analyse des conditions de fait et de droit régissant l’allocation des prestations

sollicitées en fonction des circonstances particulières relatives au séjour tant des enfants que de l’allocataire sur le territoire

national.

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Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bourges, au premier président de la cour

d’appel et au procureur général près la cour d’appel. Ainsi, la procédure suivie et les diligences accomplies

par le tribunal correctionnel de Mâcon paraissent satisfaire aux exigences des articles 706-65 et 706-66 du

code de procédure pénale.

B. - Les conditions de fond de la saisine

En vertu de l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire, avant de statuer sur une question de droit

nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, les juridictions de l’ordre

judiciaire peuvent, par une décision non susceptible de recours, solliciter l’avis de la Cour de cassation. Ce

texte détermine les conditions de fond de recevabilité des saisines pour avis de la Cour de cassation. Pour

être recevable, la demande d’avis doit porter sur une question de droit précise, nouvelle, qui se pose dans de

nombreux litiges et qui présente une difficulté sérieuse.

La saisine pour avis de la Cour de cassation est, en l’espèce, susceptible de se heurter à plusieurs causes

d’irrecevabilité.

1. La question doit être une question de droit

Seules les questions de pur droit peuvent donner lieu à avis. Lorsque la demande d’avis est formulée de

manière très générale et n’énonce aucune question de droit précise, il n’y a pas lieu à avis. Il vous appartiendra

de dire si la question posée, extrêmement proche de celle qui a donné lieu à l’avis rendu le 20 juin 2008, n’est

pas trop générale pour relever de la procédure d’avis.

2. La question posée doit être nouvelle

Une question de droit peut être nouvelle, soit parce qu’elle concerne l’application d’un texte nouveau, soit

parce qu’elle n’a jamais été tranchée par la Cour de cassation. Lorsque la Cour de cassation a déjà statué

sur une question de droit sur laquelle son avis est sollicité, il n’y a pas lieu à avis. Cette solution est retenue

y compris dans l’hypothèse où la Cour de cassation a été saisie d’une demande d’avis avant qu’un arrêt ait

été rendu sur la question posée2.

La question qui vous est soumise, qui concerne la compatibilité des fonctions de juge correctionnel appelé

à statuer sur les intérêts civils et de juge délégué aux victimes au regard des dispositions de l’article 6 de

la Convention européenne des droits de l’homme, est analogue à celle qui a donné lieu à l’avis rendu le

20 juin 2008.

Cette dernière n’interrogeait pas expressément la Cour de cassation sur le point de savoir si le magistrat qui

a les attributions du juge délégué aux victimes peut prendre les audiences sur intérêts civils sans méconnaître

l’exigence d’impartialité, proclamée par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Cette question ne pouvait toutefois pas être interprétée autrement. En effet, demander si une procédure est

équitable et préserve l’équilibre des droits des parties lorsque doit statuer le juge délégué aux victimes revient

à mettre en cause son défaut d’impartialité.

Vous devrez dire s’il y a lieu à avis lorsque la Cour de cassation, saisie antérieurement d’une question

analogue, a dit n’y avoir lieu à avis.

3. La question doit présenter une difficulté sérieuse

Seules les questions présentant une difficulté sérieuse peuvent donner lieu à avis. Or, selon la doctrine, une

difficulté est sérieuse lorsqu’elle peut donner lieu à des interprétations différentes d’égale pertinence. En

outre, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, élaborée tant en matière civile qu’en matière pénale,

une question de droit ne présente de caractère sérieux qu’à la condition de commander l’issue du litige. En

l’espèce, vous devrez examiner le point de savoir si la question posée commande l’issue du litige.

En l’espèce, le prévenu s’est contenté de contester l’impartialité du président du tribunal correctionnel en

raison de sa qualité de juge délégué aux victimes, mais n’a pas formé de requête en récusation en saisissant

le premier président de la cour d’appel, comme l’impose l’article 669 du code de procédure pénale.

L’absence de mise en oeuvre de la procédure de récusation par les parties appelle plusieurs observations.

En premier lieu, il convient de préciser que l’article 668 du code de procédure pénale énumère les causes

de récusation en matière pénale, par une liste qui ne peut plus être considérée comme limitative. Comme

l’a jugé la Cour de cassation, s’agissant de l’article 341 du code de procédure civile, qui prévoit, quant à lui,

les causes de récusation en matière civile, cette liste « n’épuise pas nécessairement l’exigence d’impartialité

requise de toute juridiction » (1re Civ., 28 avril 1998, Bull., 1998, I, no 155 ; 2e Civ., 27 mai 2004, Bull., 2004,

II, no 245). La procédure de récusation peut, en effet, être mise en oeuvre dans des cas où la violation de

l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, tirée du défaut d’impartialité du juge, serait

invoquée.

En second lieu, il est important de noter que la Cour de cassation considère qu’une partie n’est pas

recevable à mettre en cause devant la Cour de cassation l’impartialité d’un des magistrats dès lors qu’elle

n’a pas usé de la possibilité d’en obtenir le respect en récusant ce magistrat. Cette solution a été adoptée

en matière civile de façon solennelle par un arrêt rendu par l’assemblée plénière de la Cour de cassation

(Assemblée plénière, 24 novembre 2000, Bull. 2000, Ass. plén., no 10). Elle a ensuite été retenue en matière

pénale par la même formation (Assemblée plénière, 11 juin 2004, Bull. 2004, Ass. plén., no 1). Depuis

cet arrêt, la chambre criminelle juge avec constance que les parties ne sont pas recevables à mettre en

2 Avis du 7 avril 2008, Bull. 2008, Avis no 1 ; avis du 13 novembre 2006, Bull. 2006, Avis no 11 ; avis du 7 juin 2004, Bull. 2004,

Avis no 3.

49

15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

cause l’impartialité du président de la cour d’assises, de l’un des magistrats ayant siégé à la chambre de

l’instruction, de l’un des juges composant le tribunal correctionnel ou de l’un des conseillers ayant siégé à la

chambre des appels correctionnels, en invoquant une violation de l’article 6 § 1 de la Convention européenne

des droits de l’homme, dès lors qu’elles n’ont pas usé de la possibilité d’en obtenir le respect en récusant

ce magistrat par application de l’article 668 du code de procédure pénale (Crim., 29 septembre 2004, Bull.

crim. 2004, no 226 ; 22 février 2005, Bull. crim. 2005, no 68 ; 3 novembre 2005, pourvoi no 05-82.799 ;

11 mai 2006, pourvoi no 06-81.117 ; 13 juin 2006, pourvoi no 05-85.152 ; 13 juin 2006, pourvoi no 06-80.195 ;

26 juillet 2006, pourvoi no 06-83.965 ; 5 septembre 2007, pourvoi no 07-80.071 ; 16 janvier 2008, pourvoi

no 07-82.365). Cette jurisprudence concerne tant la mise en cause de l’impartialité personnelle que celle de

l’impartialité fonctionnelle des magistrats.

La jurisprudence de la Cour de cassation pourrait être transposée à l’hypothèse d’un incident relatif à

l’impartialité du tribunal, soulevé par les parties devant les juridictions de première instance. Vous pouvez en

conséquence considérer que le président du tribunal correctionnel devait déclarer irrecevable la demande

du prévenu tendant à lui demander de se dessaisir, dès lors qu’il n’avait pas mis en oeuvre de procédure de

récusation. Si vous adoptez ce raisonnement, vous devez conclure que la question posée ne conditionne pas

l’issue du litige.

Vous pouvez toutefois analyser la question posée par le président du tribunal correctionnel de Mâcon comme

une question du juge qui hésite à s’abstenir volontairement et qui demande l’avis de la Cour de cassation

avant de se déporter. Pour reprendre les termes de l’article L. 111-7 du code de l’organisation judiciaire, le

juge qui suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en conscience devoir s’abstenir peut se

faire remplacer par un autre juge spécialement désigné. En matière pénale, l’article 674 du code de procédure

pénale précise toutefois qu’aucun juge ne peut se récuser d’office sans l’autorisation du premier président de

la cour d’appel, dont la décision, rendue après avis du procureur général, n’est pas susceptible de recours.

Il résulte de cette disposition qu’un magistrat ne peut être juge de sa propre récusation, quand bien même

elle serait proposée par une partie. Seul le premier président de la cour d’appel est compétent pour accorder

ou refuser à un magistrat d’un tribunal de grande instance l’autorisation de s’abstenir de prendre une affaire.

Il est vrai qu’en pratique, le magistrat qui connaît l’une des parties peut demander au président du tribunal

de grande instance de le considérer comme empêché et de procéder à son remplacement en désignant un

autre magistrat de la juridiction. Toutefois, une telle solution n’est pas envisageable s’agissant de la demande

d’un magistrat tendant à ne pas présider les audiences sur intérêts civils pour lesquelles il a été désigné par

ordonnance de roulement, prise après avis de l’assemblée générale.

Vous pouvez en conséquence estimer que la question dont vous êtes saisis ne conditionne pas l’issue du

litige, dans la mesure où le magistrat compétent pour donner son autorisation à l’abstention du magistrat est

le premier président de la cour d’appel.

4. La question doit se poser dans de nombreux litiges

Seule la condition de recevabilité tenant à la fréquence de la question posée paraît aller de soi. Aux termes

de l’article D. 47-6-3 du code de procédure pénale, le juge délégué aux victimes peut être désigné par le

président du tribunal de grande instance, conformément aux dispositions de l’article R. 311-23 du code de

l’organisation judiciaire, pour présider les audiences du tribunal correctionnel statuant après renvoi sur les

seuls intérêts civils, prévues par le quatrième alinéa de l’article 464 du code de procédure pénale. Or de

nombreuses audiences correctionnelles sont consacrées uniquement aux intérêts civils et, le cas échéant,

en application de l’article D. 47-6-3, présidées par le juge délégué aux victimes, qui statue à juge unique,

la présence du ministère public n’étant pas obligatoire à ces audiences (article 464 du code de procédure

pénale).

Rappelons que le législateur a assoupli les conditions de renvoi d’une affaire sur les seuls intérêts civils. En

effet, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000, un renvoi sur les seuls intérêts civils n’était possible

que lorsqu’une mesure d’instruction était ordonnée. Désormais, le renvoi sur les seuls intérêts civils est

possible, même lorsque le tribunal n’ordonne pas de mesure d’instruction, afin de permettre à la partie civile

d’apporter les justificatifs de ses demandes. Ce renvoi est d’ailleurs de droit lorsqu’il est demandé par la partie

civile (article 464 du code de procédure pénale). De plus, les procédures de composition pénale (article 41-2

du code de procédure pénale), de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (article 495-13 du

code de procédure pénale) et d’ordonnance pénale en matière délictuelle (article 495-6 du code de procédure

pénale), de transaction pénale réalisée par la Haute-Autorité de lutte contre la discrimination et pour l’égalité

(article 11-3, L. 2004) permettent aux victimes de citer, ou de faire citer par le ministère public, le prévenu

devant le tribunal correctionnel, pour obtenir une décision sur les seuls intérêts civils.

50

Bulletin d’information

Avis de la Cour de cassation

15 janvier 2009

1. Faits et procédure

Par jugement du 25 juillet 2007 du tribunal correctionnel de Mâcon, Mickaël X... a été déclaré coupable, d’une

part, du délit de coups et blessures volontaires n’ayant pas entraîné une incapacité temporaire totale de travail

supérieure à huit jours, avec cette circonstance que les faits ont été commis en état d’ivresse, d’autre part,

de la contravention de dégradations légères.

Conformément aux dispositions de l’article 464 du code de procédure pénale, l’affaire a fait l’objet d’un renvoi

pour statuer sur les intérêts civils.

A l’audience portant sur les intérêts civils, le conseil du prévenu a soulevé, au visa de l’article 6 de la

Convention européenne des droits de l’homme, une exception tirée de ce que le cumul des fonctions de

président du tribunal correctionnel statuant après renvoi sur intérêts civils et de juge délégué aux victimes

portait atteinte au droit à un procès équitable.

Le tribunal a considéré que cette argumentation mettait en cause « le fonctionnement de l’institution judiciaire

en ce qu’elle soulève le risque de partialité fonctionnelle, le juge des victimes, dans sa mission de protection

des intérêts de cette catégorie de justiciables, pouvant manquer d’objectivité dans les condamnations civiles

qu’il prononce ».

Estimant qu’il s’agissait d’une difficulté procédurale sérieuse et susceptible de se poser dans de nombreux

litiges, il a décidé de saisir pour avis la Cour de cassation.

Le ministère public, pour sa part, a récusé l’idée qu’il pouvait exister une incompatibilité entre les fonctions

de juge statuant sur les intérêts civils et celles de juge délégué aux victimes, dès lors que l’article D. 47-6-1

du code de procédure pénale prévoit que le juge délégué aux victimes exerce sa mission « dans le respect

de l’équilibre des droits des parties ». Il a conclu qu’il n’y avait pas lieu de recourir à la procédure de saisine

pour avis.

En cet état, le tribunal correctionnel de Mâcon a, par jugement avant dire droit du 19 mai 2008, saisi la Cour

de cassation de la question suivante :

« L’article D. 47-6-1 du code de procédure pénale issu du décret no 2007-1605 du 13 novembre 2007

impose au juge délégué aux victimes (JUDEVI) de veiller, dans le respect de l’équilibre des droits des parties, à

la prise en compte des droits reconnus par la loi aux victimes ; ce même juge, statuant en qualité de président

du tribunal correctionnel sur intérêts civils, doit-il s’abstenir de siéger si, du fait de cette dualité de fonction,

est invoqué le grief de partialité objective au regard de l’article 6 de la Convention européenne des droits de

l’homme ? »

C’est ainsi une question générale qui est posée à la Cour de cassation, sans qu’il soit fait état d’actes

accomplis par le magistrat en sa qualité de juge délégué aux victimes et qui auraient été de nature à jeter la

suspicion sur son impartialité.

*

* *

2. Sur la recevabilité

La procédure de saisine pour avis de la Cour de cassation est soumise à des conditions de forme, prévues

par les articles 706-65 et 706-66 du code de procédure pénale, qui, en l’espèce, ont été respectées.

Elle est aussi soumise à des conditions de fond prévues par l’article L. 441-1 du code de l’organisation

judiciaire.

Outre le fait que la saisine de la Cour de cassation pour avis doit porter sur une question de droit posant une

difficulté sérieuse et rencontrée dans de nombreux litiges, la recevabilité de toute demande d’avis est soumise

à la condition que la question posée soit nouvelle.

Or, à une demande d’avis posée en ces termes par le tribunal correctionnel de Bourges :

« Le tribunal correctionnel statuant sur intérêts civils - composé du seul juge délégué aux victimes en application

de l’article D. 47-6-3 du code de procédure pénale créé par le décret no 2007-1605 du 13 novembre 2007

- peut-il, sans méconnaître les dispositions du premier alinéa de l’article préliminaire du code de procédure

pénale relatif au caractère équitable de la procédure pénale et à la préservation de l’équilibre des droits des

parties, statuer dans un litige opposant, d’une part, une victime et, d’autre part, un auteur responsable ? »

La Cour de cassation a, le 20 juin 2008, apporté la réponse suivante1 :

« La demande qui concerne la compatibilité des fonctions de juge correctionnel appelé à statuer sur les

intérêts civils et de juge délégué aux victimes au regard des dispositions de l’article préliminaire du code de

procédure pénale suppose l’examen de la nature et de l’étendue des mesures qui, le cas échéant, ont été

1 Bull. 2008, Avis, no 1.

Observations de M. Boccon-Gibod

Avocat général

51

15 janvier 2009

Avis de la Cour de cassation

Bulletin d’information

prises par le magistrat, en qualité de juge délégué aux victimes, avant de statuer sur les intérêts civils. Cette

qualité ne ferait pas obstacle en soi à ce qu’il statue. La demande ne relève donc pas de la procédure d’avis

prévue par les textes susvisés. »

Les dispositions de l’article préliminaire visées dans la première demande d’avis portant, comme l’article 6

de la Convention européenne des droits de l’homme visé par le tribunal correctionnel de Mâcon, sur le droit

au procès équitable, il s’impose que la demande du tribunal correctionnel de Mâcon, posée dans des termes

analogues à celles du tribunal correctionnel de Bourges, ne peut être considérée comme nouvelle.

En tout état de cause, elle appellerait la même réponse, à savoir qu’une question abstraite, ne s’appuyant

sur aucun élément précis permettant d’apprécier concrètement si, en l’espèce, se pose, ne fût-ce qu’en

apparence, le problème de l’impartialité du juge ne répond pas aux conditions de fond rappelées plus haut,

tandis que la qualité de juge délégué aux victimes ne fait pas obstacle en soi à l’exercice des fonctions de

juge correctionnel appelé à statuer sur les intérêts civils.

*

* *

J’ai en conséquence l’honneur de conclure à l’irrecevabilité de la requête, qui ne porte pas sur une question

nouvelle.

52

Bulletin d’information

Ordonnances du premier président

15 janvier 2009

ORDONNANCES DU PREMIER PRÉSIDENT

ARTICLES 1009 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

No 1

Cassation

Pourvoi. - Retrait du rôle. - Instance. - Péremption. -

Constatation. - Requête tendant à la constatation de

la péremption faite au nom d’une personne décédée. -

Effets. - Nullité.

Est nulle la requête tendant à la constatation de la péremption

faite au nom d’une personne décédée, la reprise d’instance

postérieure de ses héritiers ne pouvant avoir pour effet de

régulariser un acte nul.

9 octobre 2008

RÉINSCRIPTION

No 04-18.764. - CA Aix-en-Provence, 18 mai 2004.

M. Sargos, Pt. - Mme Bonhomme, Av. Gén. - SCP Delaporte,

Briard et Trichet, Me Foussard, Av.

No 2

Cassation

Pourvoi. - Retrait du rôle. - Instance. - Péremption. -

Constatation. - Pouvoirs du premier président. - Pouvoir

de la relever d’office. - Conditions. - Acte manifestant

sans équivoque la volonté d’exécuter la décision attaquée

accompli pendant le délai biennal de cette péremption. -

Défaut.

Il y a lieu de relever d’office, en application de l’article 1009-2 du

code de procédure civile dans sa rédaction résultant du décret

no 2008-464 du 22 mai 2008, la constatation de la péremption

de l’instance afférente à un pourvoi ayant fait l’objet d’un

retrait du rôle, dès lors que, pendant le délai biennal de cette

péremption, aucun acte manifestant sans équivoque la volonté

d’exécuter la décision attaquée n’a été accompli.

9 octobre 2008

PÉREMPTION

No 89-21.674. – CA Paris, 13 septembre 1989.

M. Sargos, Pt. – Mme Bonhomme, Av. Gén.

53

15 janvier 2009

Arrêts des chambres

Bulletin d’information

II. - TITRES ET SOMMAIRES D’ARRÊTS

ARRÊTS DES CHAMBRES

No 3

Acte de commerce

Prescription. - Prescription décennale. - Délai. - Point de

départ. - Applications diverses. - Date de la notification de

redressement par l’administration fiscale (non).

La notification de redressement est le point de départ d’une

procédure contradictoire, à l’issue de laquelle l’administration

fiscale peut ne mettre en recouvrement aucune imposition,

de sorte qu’à la date de cette notification, le dommage d’une

société ayant souscrit des fonds de placement « turbo »,

consistant dans les impositions supplémentaires mises à

sa charge à raison des manquements des banques à leurs

obligations, n’est pas encore réalisé.

Viole dès lors l’article L. 110-4 du code de commerce la cour

d’appel qui déclare l’action en responsabilité de la société

prescrite, au motif qu’elle a été introduite plus de dix ans après

la notification de redressement.

Com. - 23 septembre 2008.

CASSATION PARTIELLE

No 07-11.125. - CA Paris, 16 novembre 2006.

Mme Favre, Pt. - Mme Farthouat-Danon, Rap. - M. Jobard, Av.

Gén. - SCP Gatineau, SCP Defrenois et Levis, SCP Piwnica et

Molinié, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au Recueil Dalloz,

no 35, 9 octobre 2008, Actualité jurisprudentielle, p. 2427 et

2428, note X. Delpech (« Prescription de l’action récursoire [à

propos d’un redressement fiscal] »).

No 4

Action civile

Extinction de l’action publique. - Survie de l’action civile. -

Conditions. - Existence d’une décision préalablement

rendue au fond sur l’action publique.

Les tribunaux répressifs ne sont compétents pour connaître de

l’action civile en réparation du dommage né d’une infraction

qu’accessoirement à l’action publique ; il en résulte que ces

tribunaux ne peuvent se prononcer sur l’action civile qu’autant

qu’il a été préalablement statué au fond sur l’action publique.

Crim. - 9 septembre 2008.

CASSATION SANS RENVOI

No 07-87.207. - CA Basse-Terre, 11 septembre 2007.

M. Pelletier, Pt. - M. Le Corroller, Rap. - M. Davenas, Av. Gén.

- SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Blanc, Av.

No 5

Action civile

Préjudice. - Réparation. - Réparation intégrale. - Nécessité. -

Urbanisme. - Mesure de démolition. - Demande présentée

par la commune. - Portée.

En vertu du principe de la réparation intégrale du dommage,

les juges qui ordonnent la démolition réclamée par la partie

civile, au seul titre de l’action civile, sont tenus de faire droit à la

demande présentée en ce sens.

Est par ailleurs inopérant le moyen en ce qu’il allègue que

le maire n’aurait pas été entendu, alors que son avis n’était pas

nécessaire au prononcé de la démolition à titre de réparation

civile.

Crim. - 9 septembre 2008.

REJET

No 07-88.699. - CA Versailles, 16 novembre 2007.

M. Farge, Pt (f.f.). - M. Delbano, Rap. - M. Davenas, Av. Gén. -

SCP Richard, SCP Baraduc et Duhamel, Av.

No 6

Association

Action en justice. - Conditions. - Intérêt. - Intérêts

collectifs.

Une association, même hors habilitation législative, peut agir en

justice au nom d’intérêts collectifs qui entrent dans son objet

social.

1re Civ. - 18 septembre 2008.

CASSATION

No 06-22.038. - CA Paris, 6 octobre 2006.

M. Bargue, Pt. - M. Gridel, Rap. - M. Sarcelet, Av. Gén. -

Me Bouthors, SCP Peignot et Garreau, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au Recueil Dalloz,

no 35, 9 octobre 2008, Actualité jurisprudentielle, p. 2437

et 2438, note X. Delpech (« Droit d’agir en justice d’une

association »).

54

Bulletin d’information

Arrêts des chambres

15 janvier 2009

No 7

Assurance (règles générales)

Garantie. - Assurance de biens. - Valeur de la chose

assurée. - Fixation. - Eléments pris en considération. -

Valeur de la chose. - Moment. - Détermination. - Portée.

Il résulte de l’article L. 121-1 du code des assurances que, dans

les assurances relatives aux biens, la valeur de la chose assurée

à prendre en compte pour fixer l’indemnité due par l’assureur à

l’assuré est celle de cette chose au moment du sinistre.

2e Civ. - 11 septembre 2008.

CASSATION PARTIELLE

No 07-15.171. - CA Versailles, 20 octobre 2006.

M. Gillet, Pt. - Mme Nicolétis, Rap. - M. Mazard, Av. Gén.

- Me Foussard, SCP Boutet, SCP Delaporte, Briard et

Trichet, Av.

No 8

Assurance responsabilité

Assurance obligatoire. - Travaux de bâtiment. - Garantie. -

Obligation. - Etendue. - Modalités d’exécution de l’activité

déclarée.

Un assureur ne peut refuser à un constructeur la garantie

résultant d’un contrat d’assurance obligatoire en se fondant

sur les modalités d’exécution de l’activité déclarée et non sur

son objet.

3e Civ. - 10 septembre 2008.

CASSATION

No 07-14.884. - CA Saint-Denis de la Réunion, 22 avril 2005.

M. Weber, Pt. - M. Paloque, Rap. - M. Guérin, Av. Gén. -

SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, SCP Boutet, Av.

No 9

Astreinte (loi du 9 juillet 1991)

Liquidation. - Compétence. - Juge des référés. -

Condition.

Dessaisie du litige à la suite de l’arrêt qu’elle a rendu, une

cour d’appel, statuant en référé, ne conserve que le pouvoir

de liquider, si elle s’en est réservée la compétence, l’astreinte

qu’elle a ordonnée.

Dès lors, c’est à juste titre qu’une cour d’appel refuse de

se prononcer, à l’occasion de l’examen de la demande de

liquidation de l’astreinte, sur une demande nouvelle en paiement

d’une provision.

Soc. - 23 septembre 2008.

REJET

No 06-45.320. - CA Versailles, 12 septembre 2006.

Mme Collomp, Pt. - Mme Pécaut-Rivolier, Rap. - M. Deby,

Av. Gén. - SCP Didier et Pinet, SCP Vuitton, Av.

No 10

Avocat

Barreau. - Inscription au tableau. - Conditions. - Conditions

de moralité. - Manquement à l’honneur, aux bonnes

moeurs et à la moralité. - Défaut. - Nécessité. - Portée.

Viole les articles 11 3o et 4o et 17 3o de la loi no 71-1130

du 31 décembre 1971 modifiée la cour d’appel qui, pour

ordonner la réinscription au barreau d’un avocat démissionnaire,

retient que les sanctions pénales et disciplinaires prononcées

antérieurement à son encontre étaient toutes légères et que

les faits ainsi réprimés étaient simplement révélateurs de

maladresses, d’excès ou de contraventions sans gravité mais

ne constituaient pas des manquements à l’honneur, à la probité

et aux principes essentiels de la profession d’avocat, après

avoir pourtant constaté que l’intéressé avait été condamné par

la juridiction répressive pour avoir mis son téléphone portable

à la disposition d’un détenu, mais également sanctionné

disciplinairement à la suite d’incidents violents volontairement

provoqués avec un magistrat et un avocat, et enfin relevé

que l’intéressé avait perçu des honoraires d’un justiciable

bénéficiant de l’aide juridictionnelle et n’avait pas exécuté

l’engagement pris auprès du bâtonnier de restituer les sommes

indûment perçues.

1re Civ. - 18 septembre 2008.

CASSATION SANS RENVOI

No 07-12.165. - CA Basse-Terre, 22 novembre 2006.

M. Bargue, Pt. - M. Jessel, Rap. - M. Sarcelet, Av. Gén. -

SCP Bachellier et Potier de la Varde, SCP Choucroy, Gadiou

et Chevallier, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au Recueil Dalloz,

no 34, 2 octobre 2008, Actualité jurisprudentielle, p. 2352 et

2353, note V. Avena-Robardet (« Refus d’inscription au tableau

d’un avocat pour manquement à la probité »).

No 11

Banque

Responsabilité. - Faute. - Manquement à l’obligation de

mise en garde. - Obligation de mise en garde. - Domaine

d’application. - Emprunteur non averti. - Qualité. -

Appréciation. - Nécessité.

Prive sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du

code civil la cour d’appel qui relève que des emprunteurs ne

pouvaient exiger de l’établissement de crédit une information

plus étendue que celle d’avoir attiré leur attention sur les

charges du prêt qu’il leur avait consenti sans préciser s’ils

étaient des emprunteurs non avertis et, dans l’affirmative,

si, conformément au devoir de mise en garde dont il était

tenu à leur égard lors de la conclusion du contrat, il justifiait

avoir satisfait à cette obligation au regard non seulement des

« charges du prêt », mais aussi de leurs capacités financières et

du risque de l’endettement né de l’octroi du prêt.

1re Civ. - 18 septembre 2008.

CASSATION

No 07-17.270. - CA Agen, 15 mai 2007.

M. Bargue, Pt. - Mme Gelbard-Le Dauphin, Rap. - M. Sarcelet,

Av. Gén. - SCP Laugier et Caston, SCP Vincent et Ohl, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Gazette

du Palais, 14-15 novembre 2008, jurisprudence, p. 15 à 18

(Guillaume Huchet, « Quelle méthode pour la mise en oeuvre de

la responsabilité du banquier dispensateur de crédit ? »). Voir

également le Recueil Dalloz, no 34, 2 octobre 2008, Actualité

jurisprudentielle, p. 2343 et 2344, note V. Avena-Robardet

(« Le banquier ne doit pas se contenter d’un avertissement

relatif aux charges du prêt »), la Revue Lamy Droit civil,

novembre 2008, no 3171, p. 11, et La Semaine juridique, édition

entreprise et affaires, no 42, 16 octobre 2008, no 2245, p. 16

à 18, note Dominique Legeais (« Etendue du devoir de mise

en garde du banquier prêteur à l’égard d’emprunteurs non

avertis »).

55

15 janvier 2009

Arrêts des chambres

Bulletin d’information

No 12

Chambre de l’instruction

Procédure. - Mémoire. - Dépôt. - Dépôt par un avoué. -

Possibilité (non).

Seuls les parties et leurs avocats, en application de l’article 198,

alinéa premier, du code de procédure pénale, peuvent produire

des mémoires devant la chambre de l’instruction.

Fait l’exacte application du texte susvisé la chambre de

l’instruction qui déclare irrecevable un mémoire signé par un

avoué et produit par les parties civiles.

Crim. - 2 septembre 2008.

REJET

No 07-87.882. - CA Versailles, 26 septembre 2007.

M. Pelletier, Pt. - Mme Palisse, Rap. - M. Salvat, Av. Gén. -

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Av.

No 13

Chose jugée

Etendue. - Dispositif.

Il résulte des articles 77 et 95 du code de procédure civile

que c’est seulement lorsque le juge a, en se prononçant sur la

compétence, tranché dans le dispositif du jugement la question

de fond dont dépend cette compétence que sa décision a

autorité de la chose jugée sur la question de fond.

Doit donc être censuré l’arrêt qui retient que la question de

l’existence du lien de subordination faisant litige entre les parties

a été tranchée par une précédente décision rendue sur contredit

de compétence et revêtue de l’autorité de chose jugée, alors

que, dans son dispositif, celle-ci s’était bornée à statuer sur

la compétence, de sorte qu’elle était dépourvue d’autorité de

la chose jugée sur la question de fond dont dépendait cette

compétence.

Soc. - 23 septembre 2008.

CASSATION

No 07-41.954. - CA Paris, 8 mars 2007.

Mme Collomp, Pt. - M. Moignard, Rap. - M. Deby, Av. Gén. -

SCP Defrenois et Levis, SCP Baraduc et Duhamel, Av.

No 14

Circulation routière

Véhicule. - Dispositifs et aménagements particuliers. -

Dispositif ayant pour objet de dépasser les limites

réglementaires fixées pour un moteur de véhicule. -

Infractions liées au commerce, à l’offre, à la réalisation

du dispositif ou incitant à son usage. - Domaine

d’application.

L’article L. 317-5 du code de la route, qui interdit notamment

le commerce de dispositifs ayant pour objet d’augmenter la

puissance du moteur d’un cyclomoteur, ne prévoit aucune

dérogation selon l’utilisation des cyclomoteurs transformés ou

les voies de circulation empruntés par ces engins, et ce, dans

sa version issue de la loi no 2003-495 du 12 juin 2003 comme

dans celle issue de la loi no 2006-10 du 5 janvier 2006.

Crim. - 9 septembre 2008.

REJET

No 08-81.449. - CA Montpellier, 6 novembre 2007.

M. Farge, Pt (f.f.). - Mme Agostini, Rap. - M. Davenas, Av. Gén.

- SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue

Droit pénal, no 11, novembre 2008, commentaire no 141, note

Jacques-Henri Robert (« Hauts les moteurs »).

No 15

Communauté européenne

Concurrence. - Aide d’Etat. - Aide nouvelle. - Notification

à la Commission. - Rôle du juge national.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des

Communautés européennes (arrêts du 11 décembre 1973,

Lorenz, no 120/73 ; du 21 novembre 1991, Fédération

nationale du commerce extérieur des produits alimentaires

et syndicat national des négociants et transformateurs de

saumon, no C-354/90 ; du 11 juillet 1996, Syndicat français de

l’Express international, no C-39/94 et du 12 février 2008, Centre

d’exportation du livre français, no C-199/06) que le contrôle

des aides d’Etat incombe, non seulement, à la Commission

européenne, mais aussi aux juridictions nationales, celles-ci

étant investies de missions distinctes et complémentaires ; qu’en

effet, s’il appartient exclusivement à la Commission européenne,

sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés

européennes, de se prononcer sur la compatibilité des mesures

d’aides avec le Marché commun, il revient aux juridictions

nationales de sauvegarder les droits que les particuliers tirent de

l’effet direct de l’article 88, paragraphe 3, du Traité instituant la

Communauté européenne, en examinant si les projets tendant

à instituer ou à modifier ces aides n’auraient pas dû être notifiés

à la Commission européenne avant d’être mis à exécution, et

de tirer toutes les conséquences de la méconnaissance par

les autorités nationales de cette obligation de notification, qui

affecte la légalité de ces mesures d’aides, indépendamment de

leur éventuelle compatibilité ou incompatibilité avec le Marché

commun.

Dès lors, viole l’article 93, paragraphe 3, devenu l’article 88,

paragraphe 3, du Traité instituant la Communauté européenne,

une cour d’appel qui, pour rejeter une demande de restitution des

sommes versées par une société importatrice de marchandises

en Guadeloupe au titre de l’octroi de mer et du droit additionnel

à celui-ci, retient qu’un particulier n’a pas qualité pour invoquer,

devant une juridiction nationale, les articles 92 et 93 du traité

CE, devenus les articles 87 et 88, l’examen et le contrôle des

aides d’Etat relevant de la compétence de la Commission

européenne et ne pouvant faire l’objet que d’une procédure

engagée par celle-ci sous le contrôle de la Cour de justice

des Communautés européennes, et ajoute qu’en l’absence

d’engagement d’une telle procédure, les particuliers ne peuvent

demander aux juridictions nationales de se prononcer, à titre

principal ou incident, sur l’incompatibilité éventuelle d’une aide

d’Etat.

Com. - 23 septembre 2008.

CASSATION PARTIELLE

No 06-20.945. - CA Basse-Terre, 23 août 2005.

Mme Favre, Pt. - Mme Maitrepierre, Rap. - SCP Piwnica et

Molinié, SCP Boré et Salve de Bruneton, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au Recueil Dalloz,

no 35, 9 octobre 2008, Actualité jurisprudentielle, p. 2433 et

2434, note X. Delpech (« Examen et contrôle des aides d’Etat

par les juridictions nationales »).

No 16

Contrat de travail, exécution

Employeur. - Pouvoir disciplinaire. - Sanction. - Formalités

préalables. - Formalités prévues par une convention

collective ou un règlement intérieur. - Consultation d’un

organisme pour avis. - Nature. - Portée.

56

Bulletin d’information

Arrêts des chambres

15 janvier 2009

La consultation d’un organisme chargé, en vertu d’une

disposition conventionnelle, de donner son avis sur la mesure

disciplinaire envisagée par l’employeur constitue une garantie

de fond et le licenciement prononcé sans que cet organisme ait

été consulté et ait rendu son avis selon une procédure régulière

est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Dès lors, doit être approuvé l’arrêt qui, après avoir constaté

qu’en dépit d’une demande de report justifié de la réunion

du conseil de discipline, dont il n’avait pas été allégué qu’elle

aurait été abusive, ce conseil avait rendu un avis sans entendre

l’intéressé, au mépris des dispositions de l’article 12 de la

convention collective applicable selon lequel le licenciement

disciplinaire ne peut être prononcé qu’après avis du conseil

de discipline qui entend l’agent menacé de sanction dans les

conditions prévues à l’article 13, a décidé que l’employeur

avait privé le salarié des garanties de fond auxquelles il avait

droit et que son licenciement était dépourvu de cause réelle et

sérieuse.

Soc. - 16 septembre 2008.

REJET

No 07-41.532. - CA Fort-de-France, 25 janvier 2007.

Mme Collomp, Pt. - Mme Perony, Rap. - M. Duplat, P. Av. Gén. -

SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Baraduc et Duhamel, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue La

Semaine juridique, édition sociale, no 48, 25 novembre 2008,

Jurisprudence, no 1615, p. 26 à 28, note Lydie Dauxerre

(« L’irrégularité de la procédure de consultation d’un conseil de

discipline rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse »).

No 17

Contrat de travail, rupture

Licenciement. - Licenciement disciplinaire. - Formalités

légales. - Lettre de licenciement. - Notification. - Délai. -

Suspension. - Défaut. - Cas. - Action engagée par

l’employeur en contestation de la désignation du salarié

comme délégué syndical. - Portée.

L’engagement par l’employeur d’une action en contestation de

la désignation d’un salarié comme délégué syndical ne suspend

pas le délai d’un mois prévu à l’article L. 1332-2 du code du

travail.

Justifie dès lors sa décision la cour d’appel qui, constatant

que le licenciement d’un salarié a été prononcé plus d’un mois

après l’entretien préalable, l’employeur ayant, dans l’intervalle,

engagé devant le tribunal d’instance une action en annulation

de la désignation du salarié en qualité de délégué syndical, dit

le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Soc. - 23 septembre 2008.

REJET

No 07-42.786. - CA Paris, 24 mai 2007.

Mme Collomp, Pt. - Mme Pécaut-Rivolier, Rap. - M. Deby,

Av. Gén. - SCP Gatineau, SCP Masse-Dessen et Thouvenin,

Av.

No 18

Contrat de travail, rupture

Licenciement économique. - Indemnités. - Indemnité de

l’article L. 321-2-1, devenu L. 1235-15 du code du travail. -

Absence d’institution représentative du personnel. -

Procès-verbal de carence. - Défaut. - Intervention du

représentant des salariés désigné en application de

l’article L. 621-8 du code de commerce, dans sa rédaction

issue de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985. - Portée.

Un conseil de prud’homme décide exactement d’inscrire

au passif de la liquidation d’une entreprise l’indemnité due

à des salariés en application de l’article L. 321-2-1 devenu

L. 1235-15 du code du travail, dès lors que la seule intervention

du représentant des salariés dans la procédure de licenciement

collectif pour motif économique, en l’absence de comité

d’entreprise ou de délégué du personnel, ne couvre pas

l’irrégularité dont la procédure est atteinte du fait du défaut de

mise en place de ces institutions, sans qu’un procès-verbal de

carence ait été établi.

Soc. - 23 septembre 2008.

REJET

No 06-45.528 et 06-45.529. - CPH Saint-Dizier, 18 septembre

2006.

Mme Collomp, Pt. - Mme Morin, Rap. - M. Deby, Av. Gén. -

Me Blondel, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue La

semaine juridique, édition sociale, no 48, 25 novembre 2008,

Jurisprudence, no 1617, p. 30 à 32, note Laurence Fin-

Langer (« Redressement judiciaire : portée de l’intervention du

représentant des salariés »).

No 19

Convention européenne

des droits de l’homme

Article 6 § 1. - Tribunal. - Impartialité. - Défaut. -

Caractérisation. - Cas. - Conseiller prud’homme, en

fonction lors de l’introduction de l’instance, représentant

ou assistant une partie devant le conseil de prud’hommes

auquel il appartient.

L’exigence d’un tribunal indépendant et impartial interdit qu’un

conseiller prud’homme en fonction lors de l’introduction de

l’instance puisse représenter ou assister une partie devant le

conseil de prud’hommes auquel il appartient.

Dès lors, la cour d’appel qui a constaté que la juridiction

appelée à statuer sur le litige avait été saisie par l’intermédiaire

de l’un de ses membres, agissant en qualité de mandataire de

l’une des parties, a exactement décidé que la procédure était

entachée de nullité et que, s’agissant de la violation du principe

d’impartialité, aucune régularisation n’était possible.

Soc. - 16 septembre 2008.

REJET

No 06-45.334. - CA Bordeaux, 9 février 2006.

Mme Collomp, Pt. - M. Leblanc, Rap. - M. Duplat, P. Av. Gén. -

SCP Ghestin, Av.

No 20

1o Copropriété

Syndicat des copropriétaires. - Assemblée générale. -

Ordre du jour. - Questions supplémentaires. - Inscription. -

Demande. - Auteur. - Détermination.

2o Copropriété

Syndicat des copropriétaires. - Décision. - Action en

contestation. - Qualité. - Copropriétaire opposant ou

défaillant.

1o Aucun texte n’interdit au syndic de compléter l’ordre du jour

initial par une nouvelle notification adressée aux copropriétaires

dans le délai prévu par le décret du 17 mars 1967.

2o Une cour d’appel ne peut déclarer un copropriétaire

irrecevable en son action en annulation d’une assemblée générale

en retenant qu’il n’était pas défaillant puisqu’il était représenté

57

15 janvier 2009

Arrêts des chambres

Bulletin d’information

à cette assemblée, sans rechercher si ce copropriétaire, qui

avait émis par lettre recommandée des réserves sur la validité

de l’assemblée, qui les avait renouvelées dans le pouvoir remis

au secrétaire de séance et dont le mandataire s’était abstenu

de prendre part aux votes, pouvait être considéré comme

opposant.

3e Civ. - 10 septembre 2008.

CASSATION PARTIELLE

No 07-16.448. - CA Montpellier, 17 avril 2007.

M. Weber, Pt. - M. Rouzet, Rap. - M. Guérin, Av. Gén. -

SCP Defrenois et Levis, Me Blanc, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au Recueil Dalloz,

no 33, 25 septembre 2008, Actualité jurisprudentielle, p. 2286,

note Y. Rouquet (« Assemblée générale : contestation par

un abstentionniste et complément à l’ordre du jour »). Voir

également la revue Loyers et copropriété, no 11, novembre 2008,

commentaire no 254, p. 21-22, note Guy Vigneron (« Qualité

d’opposant à l’assemblée générale »).

No 21

Entreprise en difficulté

Liquidation judiciaire. - Règlement des créanciers. -

Procédure d’ordre. - Etat de collocation. - Contestation. -

Dénonciation. - Créanciers en cause. - Définition.

La dénonciation de la contestation à l’état de collocation prévue

à l’article 148 du décret du 27 décembre 1985 doit être faite, à

peine d’irrecevabilité, outre au liquidateur, au créancier dont la

créance est contestée et à ceux qui lui sont postérieurs.

Com. - 16 septembre 2008.

REJET

No 07-13.135. - CA Paris, 24 novembre 2006.

Mme Favre, Pt. - Mme Orsini, Rap. - M. Main, Av. Gén. -

SCP Capron, Me Bertrand, Av.

No 22

Entreprise en difficulté

Redressement judiciaire. - Période d’observation. -

Créanciers. - Déclaration des créances. - Contestation de

la créance. - Qualité. - Préposé. - Délégation de pouvoir. -

Justification (non).

La personne morale créancière peut répondre à la lettre du

liquidateur, l’avisant de l’existence d’une discussion sur tout ou

partie de la créance déclarée, par tout préposé de son choix,

sans que ce préposé soit tenu de justifier qu’il est titulaire d’une

délégation de pouvoir à cette fin émanant des organes habilités

par la loi à représenter la personne morale.

Com. - 16 septembre 2008.

REJET

No 07-17.273. - CA Aix-en-Provence, 12 avril 2007.

Mme Favre, Pt. - Mme Bélaval, Rap. - M. Main, Av. Gén. -

SCP Laugier et Caston, SCP Defrenois et Levis, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au Recueil Dalloz,

no 34, 2 octobre 2008, Actualité jurisprudentielle, p. 2345 et

2346, note A. Lienhard (« Discussion de la créance : réponse

par le biais d’un préposé »).

No 23

Entreprise en difficulté

Redressement judiciaire. - Plan. - Plan de cession. -

Réalisation. - Cession de contrat. - Droits et obligations. -

Transfert. - Conditions. - Détermination.

Les contrats dont le jugement qui arrête le plan emporte la

cession doivent être exécutés aux conditions en vigueur au

jour de l’ouverture de la procédure collective, nonobstant toute

clause contraire.

Viole en conséquence l’article L. 621-88, alinéa 3, du code de

commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005

de sauvegarde des entreprises, la cour d’appel qui décide

qu’une société cessionnaire n’est pas tenue de reconstituer un

dépôt de garantie, après avoir constaté que le bail commercial

comportait une clause prévoyant le versement d’un dépôt de

garantie à la charge du preneur et que le jugement arrêtant le

plan de cession des actifs avait emporté transfert de ce bail à

la société cessionnaire.

Com. - 16 septembre 2008.

CASSATION PARTIELLE

No 06-17.809. - CA Papeete, 2 mars 2006.

Mme Favre, Pt. - M. Albertini, Rap. - M. Main, Av. Gén. - SCP

Waquet, Farge et Hazan, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au Recueil Dalloz,

no 34, 2 octobre 2008, Actualité jurisprudentielle, p. 2345, note

A. Lienhard (« Cession forcée d’un bail : obligation du repreneur

de reconstituer un dépôt de garantie »). Voir également la revue

Loyers et Copropriété, no 11, novembre 2008, commentaire

no 251, p. 19 et 20, note Philippe-Hubert Brault (« Plan de

cession et dépôt de garantie »).

No 24

Entreprise en difficulté

Redressement judiciaire. - Plan de continuation. - Effets. -

Effets à l’égard du débiteur. - Action en résolution d’un

contrat conclu antérieurement au jugement d’ouverture. -

Qualité pour agir. - Détermination.

Encourt la cassation l’arrêt qui retient qu’une société bénéficiaire

d’un plan de continuation n’a pas qualité pour agir en résolution

d’un contrat de vente conclu antérieurement au jugement

d’ouverture, au motif que l’action n’a pas été initiée par

l’administrateur judiciaire, alors qu’après l’adoption du plan

de continuation, le débiteur, redevenu maître de ses biens,

est recevable à exercer une action en résolution d’un contrat,

peu important l’inaction de l’administrateur pendant la période

d’observation.

Com. - 16 septembre 2008.

CASSATION

No 07-13.713. - CA Paris, 26 janvier 2007.

Mme Favre, Pt. - Mme Orsini, Rap. - M. Main, Av. Gén. - SCP

Richard, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Piwnica et

Molinié, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au Recueil Dalloz,

no 35, 9 octobre 2008, Actualité jurisprudentielle, p. 2425, note

A. Lienhard (« Adoption du plan de continuation : effets à

l’égard du débiteur »).

58

Bulletin d’information

Arrêts des chambres

15 janvier 2009

No 25

1o Exploit

Citation. - Mentions. - Date de l’audience. - Erreur. -

Effets.

2o Officiers publics ou ministériels

Huissier de justice. - Responsabilité. - Exploit. - Nullité. -

Fait de l’huissier.

1o La citation qui comporte une erreur sur la date de l’audience

doit être déclarée nulle pour violation de l’article 551 du code

de procédure pénale. Dès lors que le prévenu n’a été ni présent

ni représenté à l’audience, cette nullité a eu pour effet de porter

atteinte à ses intérêts.

2o Lorsque la cassation résulte d’une faute de l’huissier, il y a

lieu, en application des dispositions de l’article 566 du code de

procédure pénale, de le condamner aux frais de l’exploit et de

la procédure annulée.

Crim. - 3 septembre 2008.

CASSATION

No 08-82.434. - CA Metz, 7 décembre 2007.

M. Pelletier, Pt. - Mme Lazerges, Rap. - M. Mathon, Av. Gén.

No 26

Expropriation pour cause

d’utilité publique

Cassation. - Ordonnance d’expropriation. - Pourvoi. -

Dispositions particulières à la Cour de cassation. -

Domaine d’application. - Juridictions de l’expropriation

de Nouvelle-Calédonie.

Il résulte de l’article L. 411-1 du code de l’organisation

judiciaire et de l’article 605 du code de procédure civile de

Nouvelle-Calédonie que le pourvoi et la procédure suivie devant

la Cour de cassation sont régis par les textes applicables devant

cette Cour.

Est donc recevable le pourvoi formé au greffe de la Cour de

cassation conformément aux dispositions des articles 973

et suivants du code de procédure civile et irrecevable celui

formé au greffe du tribunal de première instance de Nouméa

en application des dispositions de l’article 24 du décret du

16 mai 1938.

3e Civ. - 10 septembre 2008.

IRRECEVABILITÉ ET RADIATION

No 07-19.601. - Tribunal de première instance de Nouméa,

11 septembre 2007.

M. Weber, Pt. - M. Mas, Rap. - M. Guérin, Av. Gén. - Me Odent,

SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, Av.

No 27

Expropriation pour cause

d’utilité publique

Transfert de propriété. - Ordonnance d’expropriation. -

Visas. - Mentions destinées à en établir la régularité. -

Omissions ou inexactitudes. - Réparation. - Fondement. -

Détermination.

La modification de l’article R. 12-4 du code de l’expropriation

pour cause d’utilité publique par le décret no 2005-467 du

13 mai 2005 n’a pas pour conséquence d’interdire la réparation

des omissions ou inexactitudes des mentions destinées à établir

la régularité de l’ordonnance d’expropriation par l’examen des

pièces du dossier, dès lors que cette possibilité est réservée au

juge par l’article 459 du code de procédure civile, désormais

applicable à la procédure d’expropriation.

3e Civ. - 10 septembre 2008.

REJET

No 01-70.217. - TGI Saint-Denis de la Réunion, 24 octobre

2001.

M. Weber, Pt. - M. Mas, Rap. - M. Guérin, Av. Gén. - SCP

Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Gatineau, Av.

No 28

Formation professionnelle

Apprentissage. - Contrat. - Rupture. - Modalités. -

Résiliation unilatérale. - Conditions. - Délai de deux mois. -

Démission postérieure. - Portée.

La démission d’un apprenti intervenant après les deux premiers

mois d’apprentissage ne met pas fin au contrat et seule une

résiliation judiciaire est possible.

Doit être cassé l’arrêt qui retient que la rupture du contrat

d’apprentissage résulte de la démission de l’apprenti, alors

que celle-ci était intervenue plus de deux mois après le début

de l’apprentissage et qu’il appartenait à la cour d’appel

de se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire du

liquidateur.

Soc. - 23 septembre 2008.

CASSATION

No 07-41.748. - CA Angers, 10 octobre 2006.

Mme Collomp, Pt. - M. Moignard, Rap. - M. Deby, Av. Gén. -

SCP Ghestin, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue

La Semaine juridique, édition sociale, no 48, 25 novembre 2008,

Jurisprudence, no 1612, p. 20 et 21, note Stéphane Brissy

(« Démission de l’apprenti : dans quel délai ? »).

No 29

Impôts et taxes

Enregistrement. - Droits de mutation. - Partage. - Champ

d’application. - Réduction de capital social. - Conditions. -

Partage après la clôture de la liquidation.

Pour être soumis au droit d’enregistrement de l’article 746 du

code général des impôts, l’acte constatant la réduction du

capital d’une société doit être analysé comme un partage ; le

partage d’actif social visé à l’article 1844-9 du code civil ne peut

avoir lieu qu’après la clôture de la liquidation.

Décide dès lors à bon droit que la réduction de capital

constatée dans les procès-verbaux de l’assemblée générale

des associés de la société n’est pas un partage assujetti au

droit du même nom la cour d’appel qui retient qu’il ressort des

procès-verbaux des délibérations des assemblées générales

décidant deux réductions successives de capital d’une société

que les associés n’ont pas entendu liquider la société dont la

personnalité morale n’a pas été atteinte et que les décisions de

réduction mettent à la charge de la société directement envers

chacun des associés une dette par part détenue.

Com. - 23 septembre 2008.

REJET

No 07-12.493. - CA Paris, 22 décembre 2006.

Mme Favre, Pt. - Mme Betch, Rap. - M. Raysséguier, P. Av. Gén. -

SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Célice, Blancpain et Soltner,

Av.

59

15 janvier 2009

Arrêts des chambres

Bulletin d’information

No 30

Impôts et taxes

Redressement et vérifications (règles communes). -

Redressement contradictoire. - Nouvelles observations du

contribuable. - Réponse de l’administration. - Défaut de

rappel de la faculté de saisir la commission départementale

de conciliation. - Portée.

Après avoir demandé au contribuable de nouvelles observations,

l’administration fiscale doit lui rappeler, dans sa réponse à

celles-ci, la faculté dont il dispose de saisir la commission

départementale de conciliation dans les délais légaux.

Décide dès lors exactement que la procédure est irrégulière

une cour d’appel qui constate que l’administration a invité le

contribuable à lui faire parvenir de nouvelles observations et

qu’elle a omis, dans sa réponse, de lui indiquer qu’il bénéficiait

d’un délai de trente jours pour saisir la commission.

Com. - 23 septembre 2008.

REJET

No 07-13.975. - CA Colmar, 18 janvier 2007.

Mme Favre, Pt. - Mme Betch, Rap. - M. Raysséguier, P. Av. Gén. -

SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Bachellier et Potier de la

Varde, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Revue de

droit fiscal, no 47, 20 novembre 2008, commentaire no 590,

note Jean-Pierre Maublanc (« Réouverture du délai de saisine

de la commission de conciliation en cas d’échanges postérieurs

à la confirmation des redressements »).

No 31

Impôts et taxes

Redressement et vérifications (règles communes). -

Vérification de comptabilité. - Exercice concomitant

du droit de communication. - Copie de documents. -

Possibilité.

Une cour d’appel décide à bon droit que l’administration

fiscale, usant de son droit de communication prévu par les

articles L. 85 et L. 87 du livre des procédures fiscales, au cours

d’une procédure de vérification de comptabilité, a la faculté

de prendre des copies de documents, conformément aux

dispositions des articles L. 81 et R. 81-4 du livre des procédures

fiscales en vigueur au cours de la période litigieuse, les deux

procédures, vérification comptable et droit de communication,

étant distinctes.

Com. - 23 septembre 2008.

CASSATION PARTIELLE

No 07-11.989. - CA Fort-de-France, 9 octobre 2006.

Mme Favre, Pt - Mme Betch, Rap. - M. Raysséguier, P. Av. Gén. -

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Thouin-Palat et Boucard,

Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Revue de

droit fiscal, no 47, 20 novembre 2008, commentaire no 589, note

Jean-Pierre Maublanc (« Exercice du droit de communication au

cours de la vérification de comptabilité »).

No 32

Juridictions correctionnelles

Citation. - Enonciations. - Faits poursuivis. - Texte dont

l’application est demandée. - Mentions suffisantes.

Selon l’article 551, alinéa 2, du code de procédure pénale, la

citation est régulière lorsqu’elle énonce les faits poursuivis et

vise les textes de loi qui les répriment.

La description de ces faits et la référence aux principaux textes

applicables mettent le prévenu en mesure de préparer sa

défense sur les délits reprochés.

Crim. - 10 septembre 2008.

CASSATION

No 08-80.817. - CA Paris, 12 décembre 2007.

M. Dulin, Pt (f.f.). - Mme Nocquet, Rap. - M. Boccon-Gibod,

Av. Gén. - Me de Nervo, SCP Defrenois et Levis, Av.

No 33

Juridictions correctionnelles

Partie civile. - Constitution. - Irrecevabilité. - Effets. -

Demande de renvoi de l’affaire à une audience ultérieure

pour statuer sur l’action civile. - Possibilité (non).

Justifie sa décision la cour d’appel qui, après avoir énoncé qu’en

l’état les parties civiles ne justifient pas de la qualité d’ayants

droit de la victime, rejette leur demande de sursis à statuer

dans l’attente de l’issue d’une action en nullité d’un testament,

dès lors que le droit des parties civiles de demander le renvoi

de l’affaire à une audience ultérieure pour qu’il soit statué sur

l’action civile n’appartient qu’à celles qui ont préalablement été

déclarés recevables.

Crim. - 9 septembre 2008.

REJET

No 07-82.027. - CA Reims, 21 février 2007.

M. Farge, Pt (f.f.). - M. Palisse, Rap. - M. Davenas, Av. Gén. -

Me Spinosi, SCP Laugier et Caston, Av.

No 34

Lois et règlements

Application dans le temps. - Loi pénale de fond. - Loi

no 2006-872 du 13 juillet 2006, portant engagement national

pour le logement. - Abrogation de l’infraction spéciale de

prise d’intérêts du code de la construction et de l’habitat. -

Délit de prise illégale d’intérêts (article 432-12 du code

pénal). - Application. - Conditions. - Détermination.

La loi du 13 juillet 2006, portant engagement national pour

le logement, a abrogé l’infraction spéciale de prise illégale

d’intérêts, applicable aux dirigeants et aux employés des

organismes d’habitations à loyers modérés, ainsi qu’à ceux

des organismes agréés collecteurs de la participation des

employeurs à l’effort de construction. La loi nouvelle prévoit que

les conventions entre ces organismes et leurs dirigeants doivent

être autorisées par le conseil d’administration.

Il en résulte, d’une part, que si la prise d’intérêts par lesdits

dirigeants reste punissable par application des dispositions

générales de l’article 432-12 du code pénal, c’est à la condition

de n’avoir pas été régulièrement autorisée et, d’autre part, que,

s’agissant de faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi

du 13 juillet 2006, seules les peines plus douces prévues par

l’article L. 423-11, ancien, du code de la construction et de

l’habitation peuvent être prononcés.

En cet état, justifie sa décision la cour d’appel qui, uniquement

saisie de l’action civile et pour dire que le prévenu a commis

l’infraction de prise illégale d’intérêts, retient qu’en 1998

et 1999, il a acquis la majorité du capital d’une société qui

fournissait des services informatiques à l’organisme collecteur,

dont il était le directeur, et qu’il ne peut se prévaloir d’une

60

Bulletin d’information

Arrêts des chambres

15 janvier 2009

autorisation, antérieure à sa prise d’intérêts, donnée par le

conseil d’administration à la convention de services entre

l’organisme et la société.

Crim. - 9 septembre 2008.

REJET

No 07-87.900. - CA Paris, 25 octobre 2007.

M. Pelletier, Pt. - M. Palisse, Rap. - M. Davenas, Av. Gén. -

Me Le Prado, SCP Le Griel, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue

Droit pénal, no 11, novembre 2008, commentaire no 144,

note Jacques-Henri Robert (« Dérivation de l’effort de

construction »).

No 35

Peines

Non-cumul. - Poursuites séparées. - Confusion. -

Conditions. - Caractère définitif de la condamnation

antérieure.

Les juges correctionnels ne peuvent statuer sur la confusion

de la peine qu’ils prononcent avec une peine résultant d’une

condamnation antérieure que si cette dernière est définitive.

Encourt la censure l’arrêt qui, après condamnation du prévenu

à des peines d’emprisonnement et d’amende, dit n’y avoir lieu

à confusion avec les peines de même nature prononcées par un

autre arrêt du même jour.

Crim. - 3 septembre 2008.

CASSATION PARTIELLE PAR VOIE

DE RETRANCHEMENT SANS RENVOI

No 08-82.258. - CA Papeete, 21 février 2008.

M. Le Gall, Pt (f.f.). - Mme Ponroy, Rap. - M. Mathon, Av. Gén.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue

Actualité juridique Pénal, novembre 2008, Jurisprudence,

p. 461 et 462, note Jérôme Lasserre Capdeville (« Confusion

de peine et condamnation antérieure définitive »).

No 36

Presse

Procédure. - Instruction. - Constitution de partie civile

initiale. - Plainte contenant les mentions exigées par

l’article 50 de la loi du 29 juillet 1881. - Plainte déposée

par plusieurs parties civiles. - Contenu. - Validité. -

Appréciation. - Portée.

Satisfont aux exigences de l’article 50 de la loi du 29 juillet 1881

la plainte avec constitution de partie civile et le réquisitoire

introductif, avec lequel elle se combine, qui articulent, qualifient

les faits incriminés et énoncent le texte de loi applicable à la

poursuite.

En conséquence, encourt la cassation l’arrêt de la chambre de

l’instruction qui annule la plainte déposée par plusieurs parties

civiles du chef de diffamation publique envers des particuliers,

au motif que celle-ci est entachée d’une contradiction ne

permettant pas aux mis en examen de connaître avec exactitude

l’étendue des passages diffamatoires à leur égard, alors que la

plainte comporte, pour chacune des parties civiles concernées,

des précisions non remises en cause par le récapitulatif final,

dans la même plainte, des propos visés.

Il y a lieu, en suite de la cassation ainsi prononcée, d’ordonner

le retour du dossier de la procédure au juge d’instruction, aux

fins de poursuite de l’information.

Crim. - 2 septembre 2008.

CASSATION SANS RENVOI

No 07-84.095. - CA Paris, 22 mai 2007.

M. Pelletier, Pt. - Mme Guirimand, Rap. - M. Lucazeau, Av. Gén. -

SCP Piwnica et Molinié, SCP Boutet, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue

Actualité juridique Pénal, novembre 2008, Jurisprudence, p. 463

et 464, note Guillaume Royer (« L’exigence de clarté dans la

rédaction de la plainte avec constitution de partie civile en droit

pénal de la presse »).

No 37

Procédure civile

Droits de la défense. - Principe de la contradiction. -

Violation. - Exclusion. - Cas. - Cour d’appel évaluant

souverainement un préjudice indemnisable analysé en

une perte de chance sans inviter les parties à présenter

leurs observations.

Ne méconnaît ni l’objet du litige ni le principe de la contradiction

la cour d’appel qui, statuant sur une demande d’indemnisation

d’un préjudice, considère, sans inviter au préalable les parties

à présenter leurs observations, que le préjudice indemnisable

s’analyse en une perte de chance qu’elle a souverainement

évaluée.

1re Civ. - 18 septembre 2008.

REJET

No 06-17.859. - CA Lyon, 15 septembre 2005.

M. Bargue, Pt. - M. Creton, Rap. - M. Sarcelet, Av. Gén. -

Me Jacoupy, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au Recueil Dalloz,

no 34, 2 octobre 2008, Actualité jurisprudentielle, p. 2351 et

2352, note V. Avena-Robardet (« Contrôle léger de la Cour

de cassation et demande subsidiaire »), ainsi que dans la

Revue Lamy Droit civil, novembre 2008, no 3170, p. 10 et 11,

et La Semaine juridique, édition entreprise et affaires, no 44,

30 octobre 2008, no 2321, p. 11 et 12, note Dominique Legeais

(« Régime de la responsabilité de l’établissement de crédit

faisant souscrire une assurance groupe »).

No 38

Procédure civile

Sursis à statuer. - Pouvoirs des juges. - Pouvoir

discrétionnaire. - Office du juge.

Si l’alinéa 3 de l’article 4 du code de procédure pénale, dans sa

rédaction issue de la loi no 2007-291 du 5 mars 2007, n’impose

pas la suspension du jugement des actions autres que celles de

la partie civile, il ne prive par la cour d’appel de la possibilité de

prononcer un sursis à statuer dans l’exercice de son pouvoir

discrétionnaire.

Soc. - 17 septembre 2008.

REJET

No 07-43.211. - CA Poitiers, 9 mai 2007.

Mme Collomp, Pt. - Mme Quenson, Rap. - M. Foerst, Av. Gén. -

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Gatineau, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans La

Semaine juridique, édition sociale, no 46, 11 novembre 2008,

Jurisprudence, no 1589, p. 42 à 44, note Mickaël d’Allende

(« Sursis à statuer du juge prud’homal lorsqu’une instance

pénale est en cours »).

61

15 janvier 2009

Arrêts des chambres

Bulletin d’information

No 39

Professions médicales

et paramédicales

Médecin. - Responsabilité contractuelle. - Faute. - Lésion

accidentelle. - Risque inhérent à l’acte. - Défaut. -

Portée.

En présence d’une lésion accidentelle, en l’espèce la perforation

de l’intestin du patient intervenue lors d’une coloscopie, la cour

d’appel a pu retenir la faute du médecin, après avoir relevé que

cet acte à visée exploratoire n’impliquait pas une atteinte aux

parois des organes examinés, et après avoir déduit, tant de

l’absence de prédispositions chez le patient que des modalités

de réalisation de la coloscopie, que la perforation dont celui-ci

avait été victime était la conséquence d’un geste maladroit du

praticien.

1re Civ. - 18 septembre 2008.

REJET

No 07-12.170. - CA Paris, 1er décembre 2006.

M. Bargue, Pt. - M. Lafargue, Rap. - M. Sarcelet, Av. Gén. -

Me Le Prado, SCP Roger et Sevaux, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Revue Lamy

Droit civil, novembre 2008, no 3179, p. 22 et 23.

No 40

Professions médicales

et paramédicales

Médecin-chirurgien. - Responsabilité contractuelle. -

Intervention médicale. - Atteinte du patient. - Complication

propre à la technique utilisée. - Constatation. - Portée.

En présence d’une lésion accidentelle d’un nerf, lors d’une

intervention chirurgicale sur un organe situé à proximité du

nerf lésé, laquelle constituait un risque inhérent à l’intervention

chirurgicale pratiquée sur le patient, la cour d’appel a pu retenir,

après avoir relevé que la technique utilisée par le praticien était

conforme aux données acquises par la science, que le dommage

s’analysait en un aléa thérapeutique, des conséquences duquel

le chirurgien n’est pas contractuellement responsable.

1re Civ. - 18 septembre 2008.

REJET

No 07-13.080. - CA Aix-en-Provence, 14 novembre 2006.

M. Bargue, Pt. - M. Lafargue, Rap. - M. Sarcelet, Av. Gén. -

Me Le Prado, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Revue Lamy

Droit civil, novembre 2008, no 3180, p. 23 et 24.

No 41

Protection de la nature

et de l’environnement

Installations classées. - Vente du terrain. - Informations

dues par le vendeur. - Manquement. - Sanctions. - Mise

en échec d’une clause d’exclusion de garantie des vices

cachés. - Possibilité (non).

La cour d’appel qui, ayant relevé que la demande en restitution

d’une partie du prix de vente était fondée sur la garantie

des vices cachés et sur le dol, retient qu’une commune est

irrecevable à exercer une action estimatoire plus de quatre ans

après l’acquisition d’un terrain en état de friche industrielle dont

elle ne pouvait ignorer qu’il était sérieusement pollué et que

cela entraînerait un coût de dépollution dans l’hypothèse où elle

déciderait de l’utiliser ou de le revendre comme terrain à bâtir

n’est pas tenue de répondre à des conclusions qui invoquent

l’article L. 514-20 du code de l’environnement uniquement pour

écarter la clause d’exclusion de garantie des vices cachés.

3e Civ. - 10 septembre 2008.

REJET

No 07-17.086. - CA Aix-en-Provence, 12 avril 2007.

M. Weber, Pt. - Mme Nési, Rap. - M. Guérin, Av. Gén. - Me Haas,

SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Revue Lamy

Droit civil, novembre 2008, no 3178, p. 20 à 22.

No 42

Protection des consommateurs

Crédit à la consommation. - Défaillance de l’emprunteur. -

Action. - Délai de forclusion. - Forclusion. - Fin de

non-recevoir soulevée d’office. - Portée.

Si les juges du fond sont tenus de relever d’office la fin de

non-recevoir tirée de la forclusion édictée par l’article L. 311-37

du code de la consommation, c’est à la partie intéressée qu’il

incombe d’invoquer et de prouver ces faits.

1re Civ. - 18 septembre 2008.

REJET

No 07-15.473. - TI Montceau-les-Mines, 9 mars 2006.

M. Bargue, Pt. - M. Charruault, Rap. - M. Sarcelet, Av. Gén. -

Me Jacoupy, SCP Célice, Blancpain et Soltner, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au Recueil Dalloz,

no 36, 16 octobre 2008, Actualité jurisprudentielle, p. 2499-

2500, note V. Avena-Robardet (« Crédit à la consommation : fin

de non-recevoir tirée de la forclusion »).

No 43

Prud’hommes

Compétence. - Compétence matérielle. - Litiges nés à

l’occasion du contrat de travail. - Octroi d’une option

donnant droit à une souscription d’actions.

Si l’attribution au salarié d’une option donnant droit à une

souscription d’actions constitue un accessoire du contrat de

travail dont la connaissance relève du conseil de prud’hommes,

les différends pouvant ensuite s’élever dans les relations entre

la société et le salarié devenu actionnaire, indépendamment des

conditions d’acquisition de ses actions, sont de la compétence

de la juridiction commerciale.

Dès lors, doit être cassé l’arrêt qui retient la compétence

prud’homale pour statuer sur des demandes ayant pour cause

l’établissement irrégulier des comptes de la société et tendant

à obtenir, d’une part, l’indemnisation du préjudice résultant de

la diminution des dividendes et de la dévalorisation de l’action

et, d’autre part, la publication de comptes rectifiés, alors que

ce litige, né après la rupture du contrat de travail, n’avait aucun

lien avec lui.

Soc. - 16 septembre 2008.

CASSATION PARTIELLEMENT SANS RENVOI

No 07-20.444. - CA Paris, 12 septembre 2007.

Mme Collomp, Pt. - M. Leblanc, Rap. - M. Duplat, P. Av. Gén. -

SCP Boutet, SCP Monod et Colin, Av.

62

Bulletin d’information

Arrêts des chambres

15 janvier 2009

No 44

Responsabilité civile

Dommage. - Réparation. - Victime assurée sociale. -

Prestations versées par un organisme gérant un régime

obligatoire de sécurité sociale. - Décompte des prestations. -

Communication au président. - Nécessité.

Les personnes mentionnées aux articles 39 à 42 de la loi

du 5 juillet 1985, qui versent ou sont tenues de verser des

prestations au titre d’un régime obligatoire de sécurité sociale

à la victime ou à ses ayants droit, doivent, si elles ne sont pas

présentes aux débats, indiquer au président de la juridiction

saisie le décompte des prestations versées à la victime et celles

qu’elles envisagent de lui servir.

Crim. - 9 septembre 2008.

CASSATION PARTIELLE

No 08-80.220. - CA Paris, 27 novembre 2007.

M. Farge, Pt (f.f.). - M. Le Corroller, Rap. - M. Davenas, Av. Gén. -

SCP Boutet, Av.

No 45

Responsabilité contractuelle

Dommage. - Lien de causalité avec la faute.

Une faute contractuelle n’implique pas nécessairement par

elle-même l’existence d’un dommage en relation de cause à

effet avec cette faute.

2e Civ. - 11 septembre 2008.

REJET

No 07-20.857. - CA Versailles, 22 septembre 2006.

M. Gillet, Pt. - Mme Duvernier, Rap. - M. Mazard, Av. Gén. -

SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Boré et Salve de

Bruneton, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Droit

des sociétés, novembre 2008, no 230, p. 26 et 27, note Joël

Monnet.

No 46

Responsabilité délictuelle

ou quasi délictuelle

Personnes dont on doit répondre. - Domaine d’application. -

Exclusion. - Associations communales ou intercommunales

de chasse agréées. - Membres. - Activité de chasse.

Aux termes de l’article L. 222-2 du code rural, alors applicable,

les associations communales ou intercommunales de

chasse agréées ont pour but de favoriser sur leur territoire le

développement du gibier et la destruction des animaux nuisibles,

la répression du braconnage, l’éducation cynégétique de leurs

membres dans le respect des propriétés et des récoltes, et, en

général, d’assurer une meilleure organisation technique de la

chasse pour permettre aux chasseurs un meilleur exercice de

ce sport.

Il en résulte que ces associations, qui n’ont pas pour mission

d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs

membres, n’ont pas à répondre de ceux-ci en application de

l’article 1384, alinéa premier, du code civil.

2e Civ. - 11 septembre 2008.

REJET

No 07-15.842. - CA Lyon, 29 mars 2007.

M. Gillet, Pt. - M. de Givry, Rap. - M. Mazard, Av. Gén. -

SCP Delaporte, Briard et Trichet, Me Balat, Me Odent, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue La

Semaine juridique, édition générale, no 45-46, du 5 novembre

2008, Jurisprudence, no 10184, p. 28 à 30, note Jean Mouly

(« Les associations de chasse ne sont pas responsables, sur le

fondement de l’article 1384, alinéa premier, du code civil, des

dommages causés par leurs adhérents »).

No 47

Sécurité sociale

Assurances sociales. - Tiers responsable. - Recours des

caisses. - Exercice. - Modalités. - Modification législative. -

Application dans le temps. - Détermination. - Portée.

Les articles 31 de la loi du 5 juillet 1985 et L. 376-1 du code

de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l’article 25

de la loi du 21 décembre 2006, relatifs à l’exercice des recours

des tiers payeurs contre les personnes tenues à réparation d’un

dommage résultant d’une atteinte à la personne, s’appliquent

aux événements ayant occasionné ce dommage survenus

antérieurement à la date d’entrée en vigueur de cette loi, dès

lors que le montant de l’indemnité due à la victime n’a pas été

définitivement fixé.

Par suite, encourt la cassation l’arrêt d’une cour d’appel qui

statue sans faire application de ces textes, par un arrêt rendu

le 22 février 2007 à la suite de débats tenus à une audience du

12 décembre 2006.

2e Civ. - 11 septembre 2008.

CASSATION

No 07-14.706. - CA Lyon, 22 février 2007.

M. Gillet, Pt. - M. Grignon Dumoulin, Rap. - M. Mazard, Av. Gén. -

SCP Defrenois et Levis, SCP Boré et Salve de Bruneton, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Revue Lamy

Droit civil, novembre 2008, no 3177, p. 20. Voir également La

Semaine juridique, édition sociale, no 46, 11 novembre 2008,

Jurisprudence, no 1587, p. 38 et 39, note Thierry Tauran

(« Dommage résultant d’une atteinte à la personne : recours

des tiers payeurs »).

No 48

1o Sécurité sociale

Cotisations. - Assiette. - Avantages en nature. - Définition. -

Service à domicile d’un abonnement gratuit au quotidien

édité par l’employeur.

2o Sécurité sociale

Cotisations. - Assiette. - Avantages en nature. - Evaluation. -

Arrêté du 9 janvier 1975. - Portée.

3o Sécurité sociale

Cotisations. - Assiette. - Abattement pour frais

professionnels. - Frais professionnels. - Définition. -

Exclusion. - Cas. - Frais d’entreprise.

1o Constitue un avantage en nature consenti par l’employeur,

lequel entre dans l’assiette des cotisations sociales définie par

l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, le bénéfice,

offert à tous les salariés d’une société de presse, du service à

domicile d’un abonnement gratuit au quotidien édité par elle.

2o La cour d’appel, qui retient à bon droit que, selon l’article 5

de l’arrêté du 9 janvier 1975, un tel avantage doit être évalué

à sa valeur réelle, décide justement que l’évaluation de l’union

de recouvrement au prix public, déduction faite des frais de

portage restant à la charge des salariés, doit être approuvée.

63

15 janvier 2009

Arrêts des chambres

Bulletin d’information

3o Les frais de dossier de renouvellement de la carte

professionnelle des journalistes ont, pour la partie mise

obligatoirement à la charge des sociétés de presse par la

commission de la carte d’identité des journalistes professionnels,

la nature des frais d’entreprise et ne sont pas concernés

par la prohibition du cumul des déductions au titre des frais

professionnels.

2e Civ. - 11 septembre 2008.

CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI

No 07-18.792. - CA Colmar, 28 juin 2007.

Mme Duvernier, Pt (f.f.). - M. Feydeau, Rap. - M. Mazard,

Av. Gén. - SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Gatineau, Av.

No 49

Sécurité sociale

Cotisations. - Recouvrement. - Action en recouvrement. -

Procédure. - Lettre par laquelle une URSSAF répond à

une demande d’information. - Lettre n’étant pas la suite

d’un examen de la situation antérieure du redevable. -

Portée.

La lettre par laquelle une URSSAF répond à une demande

d’information sans être la suite d’un examen de la situation

antérieure du redevable ne peut pas concerner la période

antérieure à la date à laquelle elle a été adressée à ce dernier.

2e Civ. - 11 septembre 2008.

CASSATION

No 07-18.677. - CA Reims, 27 juin 2007.

M. Gillet, Pt. - M. Prétot, Rap. - M. Mazard, Av. Gén. -

SCP Boutet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, Av.

No 50

Sécurité sociale, assurances sociales

Invalidité. - Pension. - Conditions. - Qualité d’assuré

social. - Perte. - Maintien des droits. - Artisan bénéficiant

du maintien de ses droits pendant une période de

douze mois. - Période légale. - Expiration. - Absence

d’influence.

Les conditions d’ouverture du droit aux indemnités journalières

attribuées à un artisan bénéficiant du maintien de ses droits

en application de l’article L. 161-8 du code de la sécurité

sociale sont appréciées au jour de la constatation médicale de

l’incapacité de travail.

Le service de ces prestations en espèces se poursuit pendant

toute la durée de l’arrêt de travail, peu important que la période

de douze mois de maintien des droits de l’assurance maladie et

maternité soit expirée.

2e Civ. - 11 septembre 2008.

CASSATION

No 07-16.031. - CA Montpellier, 18 avril 2007.

Mme Duvernier, Pt (f.f.). - Mme Fouchard-Tessier, Rap. -

M. Mazard, Av. Gén. - Me Le Prado, SCP Lesourd, Av.

No 51

Sécurité sociale, assurances sociales

Prestations (dispositions générales). - Prestations sanitaires. -

Oxygénothérapie à domicile. - Remboursement. -

Condition.

Selon le titre premier, chapitre premier de la liste des

produits et prestations remboursables, la prise en charge de

l’oxygénothérapie à court terme est assurée pour un même

malade, pour une durée d’un mois renouvelable deux fois. Il

importe peu que les soins soient ordonnés par une ou plusieurs

prescriptions.

2e Civ. - 11 septembre 2008.

REJET

No 07-15.021. - CA Pau, 19 mars 2007.

M. Gillet, Pt. - Mme Fouchard-Tessier, Rap. - M. Mazard,

Av. Gén. - Me Hémery, SCP Didier et Pinet, Av.

No 52

Syndicat professionnel

Droits syndicaux. - Exercice. - Prérogatives subordonnées

à une condition de représentativité. - Syndicats pouvant

les exercer. - Détermination.

Il résulte des alinéas 6 et 8 du préambule de la Constitution du

27 octobre 1946 et de l’article L. 133-2 devenu l’article L. 2121-1

du code du travail que si des dispositions conventionnelles

peuvent prévoir que, lors de l’exercice de prérogatives

subordonnées à une condition de représentativité, les syndicats

affiliés à l’une des cinq confédérations reconnues représentatives

au plan national interprofessionnel n’auront pas à faire la preuve

de leur représentativité, elles ne peuvent interdire aux syndicats

non affiliés à l’une d’elles de prouver leur représentativité dans

le cadre où ils entendent exercer les prérogatives qui y sont

attachées.

Doit dès lors être cassé l’arrêt qui, pour débouter un syndicat

de ses demandes tendant à la prise en considération de la

liste de candidats qu’il avait présentée en vue de l’élection

de représentants des salariés à une caisse de retraite d’une

entreprise, retient qu’aux termes de l’article 6 des statuts de

la caisse, les candidats représentant le personnel étant élus

sur des listes présentées par « les organisations syndicales

représentatives au niveau national », seuls les syndicats affiliés

aux cinq confédérations reconnues représentatives au plan

national interprofessionnel sont autorisés à présenter des

candidats, et que tel n’était plus le cas du syndicat intéressé au

moment de l’élection.

Soc. - 16 septembre 2008.

CASSATION

No 07-13.440. - CA Versailles, 25 janvier 2007.

Mme Collomp, Pt. - M. Béraud, Rap. - M. Duplat, P. Av. Gén. -

Me Haas, SCP Peignot et Garreau, Av.

No 53

Travail

Droit syndical dans l’entreprise. - Exercice. - Discrimination

syndicale. - Emploi d’un moyen de pression en faveur ou

à l’encontre d’une organisation syndicale. - Cas.

Entre dans les prévisions de l’article L. 412-2, alinéa 3, devenu

l’article L. 2141-7 du code du travail, qui prohibe l’emploi d’un

moyen de pression en faveur ou à l’encontre d’une organisation

syndicale quelconque, le fait, par le dirigeant d’une société, de

solliciter, autoriser et porter à la connaissance du personnel

d’encadrement la mission donnée à un prestataire de service

visant, notamment, par des séances d’accompagnement

professionnel (coaching) à réduire l’influence d’un syndicat au

profit d’un autre, dans la perspective d’élections à venir.

Constitue la complicité du délit le fait, par le dirigeant de la

société prestataire de services, de fournir à ce chef d’entreprise

les moyens de mettre en oeuvre ces mesures dont ils sont

préalablement convenus.

Crim. - 2 septembre 2008.

REJET

64

Bulletin d’information

Arrêts des chambres

15 janvier 2009

No 07-81.661. - CA Lyon, 14 février 2007.

M. Pelletier, Pt. - Mme Degorce, Rap. - M. Lucazeau,

Av. Gén. - SCP Gatineau, SCP Waquet, Farge et Hazan,

SCP Masse-Dessen et Thouvenin, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue

Droit pénal, no 11, novembre 2008, commentaire no 145, note

Jacques-Henri Robert (« La fluidification des relations sociales

est un objectif illicite »).

No 54

1o Travail temporaire

Contrat de mission. - Requalification en contrat à durée

indéterminée. - Demande. - Action à l’encontre de

l’entreprise utilisatrice. - Conditions. - Détermination.

2o Travail temporaire

Contrat de mission. - Conditions de forme. - Contrat écrit.

- Défaut. - Portée.

1o D’une part, il résulte de l’article L. 124-4, devenu L. 1251-16

du code du travail, que l’obligation de remise d’un contrat

écrit de mission incombe à l’entreprise de travail temporaire ;

d’autre part, il résulte de l’article L. 124-7, alinéa premier,

devenu L. 1251-39 de ce code, que le salarié intérimaire ne

peut invoquer la violation par l’entreprise de travail temporaire

des prescriptions de l’article L. 124-4, devenu L. 1251-16 de ce

code, pour faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits

afférents à un contrat à durée indéterminée et n’est réputé lié

par un contrat à durée indéterminée à l’entreprise utilisatrice

que lorsque celle-ci continue à le faire travailler à la fin de sa

mission sans contrat de mise à disposition.

En conséquence, doit être cassé l’arrêt qui, pour condamner

l’entreprise utilisatrice au paiement de diverses sommes à titre

d’indemnité de requalification, d’indemnité compensatrice de

préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts

pour licenciement abusif, retient qu’en l’absence de signature

par le salarié d’un nouveau contrat de travail temporaire, à

l’expiration de sa précédente mission, le 21 août 2004, il était

réputé lié, à compter de cette date, par un contrat de travail à

durée indéterminée à l’entreprise utilisatrice, laquelle ne pouvait

opposer au salarié l’existence du contrat de mise à disposition

signé avec l’entreprise de travail temporaire, le 20 août 2004,

pour échapper aux conséquences résultant de l’application des

dispositions de l’article L. 124-7, alinéa premier, la présomption

édictée par cet article étant irréfragable, alors que l’inobservation

de l’obligation de remise d’un contrat écrit de mission incombait

à l’entreprise de travail temporaire et qu’il apparaissait qu’un

nouveau contrat de mise à disposition avait été conclu entre

cette entreprise et l’entreprise utilisatrice.

2o La signature d’un contrat écrit, imposée par la loi dans les

rapports entre l’entreprise de travail temporaire et le salarié, est

destinée à garantir qu’ont été observées les diverses conditions

à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’oeuvre

est interdite ; cette prescription étant d’ordre public, son

omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en

contrat de droit commun à durée indéterminée.

Doit en conséquence être cassé l’arrêt qui, pour rejeter la

demande du salarié à l’encontre de l’entreprise de travail

temporaire, tendant à la requalification de son contrat de travail

temporaire en un contrat à durée indéterminée et au paiement

de diverses sommes, retient qu’étant réputé lié à l’entreprise

utilisatrice par un contrat à durée indéterminée depuis le

28 juillet 2004, il ne pouvait dans le même temps prétendre être

lié, pour la même période et aux mêmes conditions, à l’entreprise

de travail temporaire et qu’il ne démontrait pas le préjudice

subi du fait de l’absence de contrat signé entre lui-même et

l’entreprise de travail temporaire, alors qu’il apparaissait que,

postérieurement au 23 août 2003, aucun contrat de mission

n’avait été conclu entre le salarié et l’entreprise de travail

temporaire.

Soc. - 17 septembre 2008.

CASSATION PARTIELLE

No 07-40.704. - CA Versailles, 21 novembre 2006.

Mme Mazars, Pt (f.f.). - Mme Mariette, Rap. - M. Foerst, Av.

Gén. - SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Célice, Blancpain

et Soltner, SCP Le Bret-Desaché, Av.

No 55

Vente

Objet. - Détermination. - Parties communes d’un immeuble

en copropriété. - Etat descriptif de division. - Défaut. -

Portée.

Viole l’article 1583 du code civil la cour d’appel qui retient que

l’objet de la vente n’était pas déterminé, faute d’un état descriptif

de division créant le ou les lots constitués d’une partie privative

et d’une quote-part de parties communes, alors que l’objet de

la vente était déterminable, la copropriété ayant décidé de céder

à un copropriétaire des combles et partie du couloir communs

situés aux droits de ses lots de copropriété.

3e Civ. - 10 septembre 2008.

CASSATION

No 07-16.858. - CA Paris, 26 avril 2007.

M. Weber, Pt. - Mme Gabet, Rap. - M. Guérin, Av. Gén. - SCP

Boutet, SCP Piwnica et Molinié, Av.

No 56

Vente

Promesse de vente. - Immeuble. - Modalités. - Condition

suspensive. - Obtention d’une autorisation administrative

d’y exploiter un fonds de commerce. - Non-réalisation. -

Imputabilité. - Détermination. - Portée.

A défaut pour le futur exploitant de le faire, c’est à l’acquéreur

d’un local commercial, obligé sous cette condition, et non au

propriétaire vendeur, qu’il appartient de faire les démarches

pour obtenir de la commission départementale d’équipement

commercial (CDEC) l’autorisation d’exploitation d’un fonds de

commerce.

3e Civ. - 10 septembre 2008.

REJET

No 07-16.177. - CA Dijon, 30 mars 2007.

M. Weber, Pt. - M. Pronier, Rap. - M. Guérin, Av. Gén. -

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Baraduc et

Duhamel, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Revue Lamy

Droit civil, novembre 2008, no 3170, p. 10 et 11.

65

15 janvier 2009

Cours et tribunaux

Bulletin d’information

Cours et tribunaux

La répartition des compétences entre le juge des enfants et le juge aux affaires familiales en matière de droit de visite et

d’hébergement des tiers (en particulier les grands-parents), lorsque les mineurs font l’objet de mesures de placement dans

le cadre de l’assistance éducative.

Etude de Vanessa Norguin

Greffier en chef au service de documentation et d’études

Cette étude a pour objet de dresser un panorama de la jurisprudence récente des cours d’appel1 relative à la

répartition des compétences entre le juge des enfants et le juge aux affaires familiales en matière de droit de

visite et d’hébergement des tiers (en particulier les grands-parents), lorsque les mineurs font l’objet de mesures

de placement dans le cadre de l’assistance éducative.

Depuis la loi du 4 juin 1970, les grands-parents se voient reconnaître une place privilégiée, confirmée par les

lois no 2002-305 du 4 mars 2002 et no 2007-293 du 5 mars 2007, et justifiée par l’intérêt présumé de l’enfant à

entretenir des relations avec ses ascendants. Ainsi, l’article 371-4 du code civil (inséré, au sein du livre premier,

dans le titre IX relatif à l’autorité parentale) dispose, en son alinéa premier, que « L’enfant a le droit d’entretenir

des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant2 peut faire obstacle à l’exercice de ce

droit ».

Ce texte consacre un droit de l’enfant permettant à celui-ci, représenté par l’un de ses parents ou par un

administrateur ad hoc, d’engager, si nécessaire, une action pour solliciter du juge l’organisation de ses relations

avec ses grands-parents. Ces derniers sont également titulaires d’un droit de visite et d’hébergement concernant

leurs petits-enfants.

A cet égard, le placement du mineur dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative n’exclut pas a priori

les relations de ce dernier avec ses grands-parents. Dès lors, quel est le juge compétent pour en déterminer les

modalités ?

La question de la délimitation des domaines de compétence des divers magistrats qui interviennent pour les

mineurs fait, en effet, l’objet d’interprétations divergentes au sein des cours d’appel. D’un côté, l’article 371-4,

alinéa 2, du code civil prévoit la compétence du juge aux affaires familiales pour fixer les modalités des relations

personnelles de l’enfant avec un tiers, parent ou non. Le droit d’autoriser des relations entre l’enfant et les tiers

relève, assurément, des attributs de l’autorité parentale qui sont conservés par les parents nonobstant la décision

de placement3. De l’autre côté, aux termes de l’article 375-1, alinéa premier, du code civil, « le juge des enfants

est compétent, à charge d’appel, pour tout ce qui concerne l’assistance éducative ». Pourtant, l’article 375-7,

alinéas 4 et 5, du même code n’envisage expressément sa compétence que pour réglementer le droit de visite

des parents de l’enfant et n’évoque en rien la possibilité pour le juge des enfants de statuer sur le droit de visite

des grands-parents4 ou des tiers.

Examinée à l’aune des textes, la problématique est donc la suivante : le juge aux affaires familiales dispose-t-il

d’une compétence exclusive pour fixer les modalités des relations personnelles de l’enfant avec un tiers ? Le juge

des enfants peut-il statuer sur le droit de visite des grands-parents ou de tiers lorsque l’enfant fait l’objet d’un

placement dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative ? Sur ces questions, les cours d’appel, tout

1 L’étude a été réalisée grâce à l’exploitation de la base de données JURICA.

Critères saisis pour mener la recherche :

- droit de visite/grands parents/assistance éducative/placement/compétence ;

- droit de visite/grands parents/danger/compétence ;

- placement/juge des enfants/droit de visite/grands-parents/compétence/assistance éducative.

Décisions pertinentes retenues afin de mener l’étude en question : 19.

2 Avant la loi du 5 mars 2007, seuls des motifs graves - appréciés souverainement par le juge - pouvaient faire obstacle au droit de

l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. La substitution par le législateur du critère de l’intérêt de l’enfant

à celui des motifs graves permettrait de conférer davantage de latitude au juge pour pouvoir refuser d’imposer à l’enfant une relation

avec ses grands-parents lorsque celle-ci est viscéralement refusée par les père et mère sans qu’une attitude néfaste des grandsparents

vis-à-vis de leurs petits-enfants puisse pour autant être décelée (en ce sens, cf. L. Gebler, « Le juge aux affaires familiales, le

juge des enfants et les grands-parents : aspects procéduraux », AJ Famille, avril 2008, p. 144).

3 CA Riom, 2e chambre, 6 mars 2007, RG no 06/00070, annexe no 59 ; CA Toulouse, chambre spéciale des mineurs, 19 janvier 2007,

RG no 06/00104, annexe no 74.

4 C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt récent : 1re Civ., 22 octobre 2002, pourvoi no 01-05.049 : « l’article 375-7

du code civil n’est pas applicable en la cause, s’agissant du droit de visite d’une grand-mère ».

66

Bulletin d’information

Cours et tribunaux

15 janvier 2009

comme la doctrine, sont partagées. En la matière, la compétence de principe du juge aux affaires familiales (I)

laisse place à une compétence concurrente du juge des enfants (II) que lui reconnaissent certaines cours

d’appel.

I. - La compétence de principe du juge aux affaires familiales

L’article 371-4 du code civil énonce clairement la compétence du juge aux affaires familiales pour statuer sur le

droit de visite des grands-parents, y compris à l’égard d’un enfant placé.

Par ailleurs, dans deux réponses ministérielles5, la chancellerie a indiqué « sous réserve de l’appréciation

souveraine des juridictions » que, selon elle, même en matière d’assistance éducative, le tribunal de grande

instance (aujourd’hui, le juge aux affaires familiales) reste compétent, conformément à l’article 371-4 du code civil,

pour régler les conflits éventuels entre parents et grands-parents.

La Cour de cassation retient la compétence de principe du juge aux affaires familiales pour statuer sur le droit

de visite des grands-parents lorsque l’enfant fait l’objet d’un placement. Elle a ainsi approuvé une cour d’appel,

statuant en matière d’assistance éducative, d’avoir décidé qu’en l’absence de fait nouveau mettant l’enfant en

danger6, la demande relative au droit de visite et d’hébergement des grands-parents était du ressort du juge aux

affaires familiales. La haute juridiction n’admet effectivement la compétence du juge des enfants pour suspendre

les contacts entre les grands-parents et l’enfant que lorsqu’il s’avère que l’exercice de ce droit de visite met

l’enfant en danger7.

Selon le magistrat Michel Huyette, le juge aux affaires familiales détient même une compétence exclusive8, le

juge des enfants n’étant jamais compétent pour statuer sur le droit de visite des grands-parents. Différentes

cours d’appel consacrent, de manière explicite (Rennes9, Riom10, Toulouse11) ou implicite (Caen12), la compétence

exclusive du juge aux affaires familiales pour organiser les relations des grands-parents avec leurs petitsenfants,

lorsque les mineurs font l’objet d’une mesure de placement dans le cadre d’une procédure d’assistance

éducative. La cour d’appel de Douai, quant à elle, ne reconnaît la compétence du juge aux affaires familiales que

dans la mesure où « l’octroi d’un droit de visite et d’hébergement aux grands-parents ne se justifie pas à titre de

mesure éducative »13.

En somme, deux cas de figure doivent, en la matière, être distingués.

Si les parents s’opposent aux relations entre l’enfant et ses grands-parents, les grands-parents doivent saisir le

juge aux affaires familiales14, lequel pourra demander l’avis du juge des enfants15.

En revanche, si les parents acceptent que les grands-parents bénéficient d’un droit de visite à l’égard de leurs

petits-enfants et que ce sont les éducateurs qui estiment que de telles rencontres sont contraires à l’intérêt de

l’enfant, il appartient au service gardien de saisir le juge des enfants16, afin que ce dernier apprécie la nécessité

de transférer la prérogative de décider des rencontres au responsable du service, en application de l’article 375-7

du code civil. La décision du juge des enfants consistera alors à transférer une prérogative d’autorité parentale, et

non à réglementer ou à refuser le droit de visite des grands-parents17. Le cas échéant, il reviendra à ces derniers

d’intenter une action devant le juge aux affaires familiales contre le service gardien, titulaire désormais de la

prérogative d’autorité parentale. Il convient de noter, au demeurant, que certaines cours d’appel, statuant comme

chambre des mineurs18, admettent les décisions des juges des enfants qui se bornent à constater l’accord du

parent du mineur en vue de l’exercice par les grands-parents de leur droit de visite.

5 Réponse no 14188, JO, déb. Ass. nat., 13 sept. 1982, p. 3638 ; réponse no 36917, JO, déb. Ass. nat., 24 juin 1996, p. 3436.

6 1re Civ., 2 décembre 1997, Bull. 1997, I, no 344.

7 Cf. 1re Civ., 10 février 1998, pourvoi no 97-05.042 : rejet du pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt de cour d’appel ayant organisé le droit

de visite et d’hébergement des grands-parents et estimé, par une appréciation souveraine, que le comportement des grands-parents

ne pouvait que compromettre le développement harmonieux de l’enfant et caractérisait le danger qui fonde la compétence du juge

des enfants ; 1re Civ., 3 octobre 2006, pourvoi no 05-15.902 : rejet du pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt de cour d’appel, rendu en

matière d’assistance éducative, confirmant une ordonnance du juge des enfants ayant ordonné la suspension de tout contact entre

l’enfant et ses grands-parents maternels, la cour d’appel ayant « souverainement estimé que l’intérêt de l’enfant exigeait la suspension

des contacts entre le mineur et ses grands-parents » (emprise exercée par la grand-mère sur son petit-fils).

8 Cf. M. Huyette, Guide de la protection judiciaire de l’enfant, Dunod, 3e éd., p. 342. L’auteur estime qu’il est, à cet égard, beaucoup

plus intéressant pour le tiers de saisir le juge aux affaires familiales que le juge des enfants, dans la mesure où le droit de visite

octroyé aux grands-parents par le juge aux affaires familiales pendant la mesure d’assistance éducative subsiste même après la fin

de l’intervention du juge des enfants.

9 CA Rennes, chambre spéciale des mineurs, 1er février 2008, RG no 08/10, annexe no 60.

10 CA Riom, chambre des mineurs, 11 avril 2006, RG no 05/00218, annexe no 69 ; CA Riom, 2e chambre, 19 décembre 2006,

RG no 05/03195, annexe no 58 ; CA Riom, chambre des mineurs, 13 février 2007, RG no 06/00023, annexe no 61 ; CA Riom,

2e chambre, 6 mars 2007, RG no 06/00070, annexe no 59 ; CA Riom, chambre des mineurs, 11 décembre 2007, RG no 07/00110,

annexe no 62 .

11 CA Toulouse, chambre spéciale des mineurs, 15 septembre 2006, RG no 06/00074, annexe no 72 ; CA Toulouse, chambre spéciale

des mineurs, 19 janvier 2007, RG no 06/00104, annexe no 74.

12 CA Caen, chambre spéciale des mineurs, 8 mars 2007, RG no 06/03742, annexe no 75.

13 CA Douai, 28 novembre 2006, RG no 06/05303, annexe no 57.

14 CA Lyon, chambre spéciale des mineurs, 7 novembre 2006, RG no 06/00183, annexe no 73 ; v. également CA Rennes, chambre

spéciale des mineurs, 1er février 2008, RG no 08/10, annexe no 60 ; CA Toulouse, chambre spéciale des mineurs, 21 août 2008,

RG no 08/00003, annexe no 71.

15 La commission Guinchard sur la répartition des contentieux, dans son rapport remis au garde des sceaux en juin 2008, propose

la mise en place d’un dispositif fonctionnel complet de communication entre juge aux affaires familiales, juge des enfants et juge

des tutelles, relativement aux dossiers intéressant les mêmes enfants mineurs, avec une systématisation des échanges. Est prévue

l’obligation pour le juge aux affaires familiales, d’une part, de vérifier, lorsqu’il est saisi d’une question relative à l’exercice de l’autorité

parentale, si l’enfant est suivi dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative et, d’autre part, de communiquer au juge des enfants

ses décisions, dès lors qu’elles concernent un mineur faisant l’objet d’une mesure d’assistance éducative.

16 CA Rennes, chambre spéciale des mineurs, 11 juillet 2008, RG no 08/223, annexe no 68 ; CA Toulouse, chambre spéciale des

mineurs, 18 janvier 2008, RG no 07/00159, annexe no 67.

17 CA Rennes, chambre spéciale des mineurs, 28 septembre 2007, RG no 07/289, annexe no 65.

18 CA Rennes, chambre spéciale des mineurs, 20 avril 2007, RG no 07/109, annexe no 70 ; CA Riom, chambre des mineurs,

11 décembre 2007, RG no 07/00110, annexe no 62.

67

15 janvier 2009

Cours et tribunaux

Bulletin d’information

II. - La compétence concurrente du juge des enfants ayant ordonné le placement

Nonobstant le respect de la stricte orthodoxie juridique et de la lettre de l’article 371-4 du code civil, qui

commandent la compétence du juge aux affaires familiales pour fixer le droit de visite et d’hébergement des

grands-parents, et l’obstacle que constitue l’article 375-7 du même code, certaines cours d’appel, comme

certains praticiens, se fondant sur l’article 375-1, alinéa premier, précité, prônent une solution pragmatique, à

savoir la compétence du juge des enfants ayant ordonné le placement pour organiser les relations personnelles

de l’enfant avec ses grands-parents.

Selon ces auteurs, « dans la mesure où seul le juge des enfants dispose des éléments nécessaires pour apprécier

si le droit de visite sollicité est ou non conforme à l’intérêt de l’enfant concerné »19, il serait logique qu’il puisse

centraliser les décisions pouvant avoir un impact sur la situation de danger de l’enfant. La compétence du juge

des enfants serait également « au niveau de la simplicité, de la rapidité et de la fiabilité de la décision, la formule

la plus efficace », dans la mesure où elle éviterait des lourdeurs de procédure préjudiciables à l’enfant et à sa

famille20.

A ce titre, l’analyse de la jurisprudence des cours d’appel montre que, pour certaines juridictions, la situation

de danger justifie la compétence du juge des enfants pour statuer sur la résidence des enfants et aménager un

droit de visite et d’hébergement au profit des grands-parents21. En effet, la raison d’être du juge des enfants

est bien distincte de celle du juge aux affaires familiales. Le juge des enfants, « juge de l’enfant en danger »22, a

pour mission de protéger les mineurs lorsque leur environnement devient nocif et dangereux. La chambre des

mineurs de la cour d’appel de Paris adopte, pour sa part, une conception plus extensive de la compétence du

juge des enfants. Elle décide qu’en cas de placement d’un enfant, le juge des enfants est compétent, de facto,

pour statuer sur le droit de visite et d’hébergement des grands-parents23. Ainsi, selon M. Chaillou, président de la

24e chambre, section B, de la cour d’appel de Paris, « à partir du moment où le juge des enfants est compétent

pour le placement d’un enfant, le juge des enfants est aussi compétent, à titre accessoire, pour statuer sur tous

les droits de visite concernant cet enfant, et ce, à titre de mesure de sûreté ou de police, même si l’article 375-7,

alinéas 4 et 5, du code civil ne prévoit expressément sa compétence que pour les droits de visite de ses

parents »24. Selon Mme le professeur Gouttenoire, le droit de visite concernant un enfant placé pourrait ainsi faire

partie des « mesures consécutives au placement » ou « être envisagé comme une modalité du placement »25.

19 A. Gouttenoire, « Le droit de l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec ses grands-parents », AJ famille, avril 2008, p. 138,

spéc., p. 141.

20 P. Chaillou, « Le juge des enfants est-il compétent pour statuer sur le droit de visite de grands-parents ou de tiers dans le cadre de la

procédure d’assistance éducative ? », AJ famille, mai 2007, p. 222, spéc., p. 223. A cet égard, ce magistrat souligne les inconvénients

pratiques de lenteur et lourdeur de la procédure devant le juge aux affaires familiales, nonobstant l’existence du référé ; v. aussi

L. Gebler, « Le juge aux affaires familiales, le juge des enfants et les grands-parents : aspects procéduraux », AJ Famille, avril 2008,

p. 144, spéc., p. 145.

21 CA Aix-en-Provence, 6e chambre A, 14 novembre 2007, RG no 06/17962, annexe no 66 ; v. aussi CA Lyon, chambre spéciale

des mineurs, 7 novembre 2006, RG no 06/00183, annexe no 73 ; CA Toulouse, chambre spéciale des mineurs, 18 janvier 2008,

RG no 07/00159 et 07/164, annexe no 67 (compétence du juge des enfants retenue lorsque la mise en oeuvre du droit de visite des

grands-parents expose l’enfant concerné à une situation de danger) ; CA Toulouse, chambre spéciale des mineurs, 21 août 2008,

RG no 08/00003, annexe no 71.

22 P. Chaillou, op. cit., spéc. p. 223.

23 CA Paris, 24e chambre, section B, 4 septembre 2007, RG no 07/06868, annexe no 63 ; CA Paris, 24e chambre, section B, 20 mai 2008,

RG no 07/17011, annexe no 64.

24 P. Chaillou, op. cit., spéc. p. 223.

25 A. Gouttenoire, in Dalloz action 2008-2009, no 232-40 et suiv., spéc. no 232-45.

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Bulletin d’information

Cours et tribunaux

15 janvier 2009

ANNEXES

Jurisprudence des cours d’appel

relative à l’autorité parentale

No 57

Autorité parentale

Personne de l’enfant - Relation avec ses ascendants -

Intervention du juge aux affaires familiales - Compétence -

Compétence exclusive - Condition.

Dans la situation actuelle où l’octroi d’un droit de visite et

d’hébergement aux grands parents ne se justifie pas à titre de

mesure éducative, leur demande relève de la seule compétence

du juge aux affaires familiales.

CA Douai (statuant en chambre du conseil, en matière

d’assistance éducative), 28 novembre 2006. - RG no 06/05303

M. Monier, Pt. - Mmes Belot-Lebrun et Regent, conseillères.

No 58

Autorité parentale

Personne de l’enfant - Relation avec ses ascendants -

Intervention du juge aux affaires familiales - Compétence -

Compétence exclusive - Etendue - Détermination.

Le juge aux affaires familiales est seul compétent pour organiser

les relations des grands-parents avec leurs petits-enfants,

conformément à l’article 371-4 du code civil.

CA Riom (2e ch.), 19 décembre 2006. - RG no 05/03195

Mme Petot, Pte. - Mme Goujon et M. Royet, conseillers.

No 59

1o Autorité parentale

Personne de l’enfant - Relation avec ses ascendants -

Intervention du juge aux affaires familiales - Compétence -

Compétence exclusive - Etendue - Détermination.

2o Mineur

Assistance éducative - Intervention du juge des enfants -

Mesures d’assistance - Placement - Effets - Autorité

parentale.

1o L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles

avec ses ascendants, seuls des motifs graves pouvant faire

obstacle à ce droit.

Si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe

les modalités des relations entre l’enfant et ses grands-parents ;

il a une compétence exclusive en cette matière.

2o Les parents dont l’enfant a donné lieu à une mesure

d’assistance éducative conservent sur lui l’autorité parentale

et en exercent tous les attributs qui ne sont pas inconciliables

avec la mesure.

La mesure de placement chez des tiers dignes de confiance

ne donne pas le pouvoir aux gardiens d’agir en justice, en

demande comme en défense, pour s’opposer à l’exercice d’un

droit de visite par les grands-parents, qui constitue un attribut

de l’autorité parentale.

CA Riom (2e ch.), 6 mars 2007. - RG no 06/00070

Mme Petot, Pte. - Mme Goujon et M. Royet, conseillers.

No 60

Autorité parentale

Personne de l’enfant - Relation avec ses ascendants -

Intervention du juge aux affaires familiales - Compétence -

Compétence exclusive - Etendue - Détermination.

La cour d’appel n’estime pas devoir fixer au profit des grandsparents

un droit de visite et d’hébergement, qui doit être réglé

par voie d’accord entre les grands-parents, les parents et le

service gardien, sauf à ce qu’en cas de désaccord, le litige soit

tranché par le juge aux affaires familiales, seul compétent.

CA Rennes (ch. spéciale des mineurs), 1er février 2008

RG no 08/10.

M. Ratie, Pt. - Mmes Citray et Le François, conseillères.

No 61

Autorité parentale

Personne de l’enfant - Relation avec ses ascendants -

Intervention du juge aux affaires familiales - Compétence -

Compétence exclusive - Etendue - Détermination - Portée.

Les relations d’un enfant avec ses ascendants sont régies par

l’article 371-4 du code civil, qui réserve le pouvoir d’en fixer les

modalités au juge aux affaires familiales.

Dès lors, le juge des enfants n’est pas compétent pour accorder

à la grand-mère un droit de visite et d’hébergement sur ses

petits-enfants placés.

CA Riom (ch. des mineurs), 13 février 2007. - RG no 06/00023

Mme Petot, Pte. - Mmes Goujon et Constant, conseillères.

69

15 mois 2009

Cours et tribunaux

Bulletin d’information

No 62

Autorité parentale

Personne de l’enfant - Relation avec ses ascendants -

Intervention du juge aux affaires familiales - Compétence -

Compétence exclusive - Etendue - Détermination -

Portée.

La cour d’appel n’a pas la possibilité d’attribuer un droit de

visite et d’hébergement à la grand-mère, l’organisation de

ce droit relevant de la seule compétence du juge aux affaires

familiales.

Doit être confirmée la décision déférée en ce qu’elle a

simplement constaté l’accord du père en vue de faire bénéficier la

grand-mère maternelle d’un droit de visite et d’hébergement.

CA Riom (ch. des mineurs), 11 décembre 2007. -

RG no 07/00110

Mme Petot, Pte. - Mmes Goujon et Constant, conseillères.

Jurisprudence des cours

d’appel relative au mineur

No 63

Mineur

Assistance éducative - Intervention du juge des enfants -

Compétence - Applications diverses.

Si l’attachement des enfants à leurs grands-parents est

incontestable, la procédure pénale en cours, et les relations

instables, souvent conflictuelles, entre les grands-parents et

le père des mineurs, du fait notamment d’une confusion dans

les rôles de chacun auprès des enfants, font craindre un climat

oppressant pour les mineurs, déjà fortement éprouvés par leur

vécu familial. Dans ce contexte, le maintien de leur placement en

milieu neutre apparaît de l’intérêt des mineurs. Par conséquent,

il ne sera pas fait droit à la demande principale des appelants,

l’intérêt supérieur des mineurs ne commandant pas qu’ils soient

confiés à leurs grands-parents.

Compte tenu de la problématique familiale susvisée et pour

favoriser une meilleure prise en compte des besoins des

mineurs, il convient également, dans l’intérêt des mineurs,

de maintenir à leur égard le droit de visite médiatisée de leurs

grands parents.

CA Paris (24e ch., section B), 4 septembre 2007. -

RG no 07/06868

M. Chaillou, Pt. - Mmes Chadeville et Sauron, conseillères.

No 64

Mineur

Assistance éducative - Intervention du juge des enfants -

Compétence - Applications diverses.

Doit être confirmée la décision du juge des enfants qui déboute

les grands-parents maternels de leur demande de se voir

confier leur petit-fils placé chez sa grand-mère paternelle, eu

égard aux circonstances particulières de l’espèce, l’assassinat

de leur fille par leur gendre.

En effet, compte tenu de la rancoeur des appelants à l’égard

du père du mineur, rancoeur ravivée par l’idée de sa prochaine

libération, il n’est pas dans l’intérêt du mineur de le voir confier

à ses grands-parents maternels, qui bénéficieront néanmoins

d’un droit de visite et d’hébergement à son égard.

CA Paris (24e ch., section B), 20 mai 2008. - RG no 07/17011

Mme Sauron, Pte. - Mme Montpied et M. Birolleau, conseillers.

No 65

Mineur

Assistance éducative - Intervention du juge des enfants -

Compétence - Etendue - Détermination.

Dans l’hypothèse où ce ne sont pas les parents qui s’opposent

au droit de visite des grands-parents mais le service gardien qui

estime qu’un tel droit ou ses modalités présentent un caractère

nocif ou un inconvénient pour l’enfant, le juge des enfants peut

être saisi, mais dispose alors de la seule possibilité, s’il estime

fondées les inquiétudes du service, de transférer à celui-ci

la prérogative d’autorité parentale relative à la définition des

rencontres de l’enfant avec ses grands-parents.

Le juge des enfants ne dispose pas, en revanche, de la

possibilité de fixer lui-même les modalités du droit de visite et

d’hébergement.

CA Rennes (ch. spéciale des mineurs), 28 septembre 2007. -

RG no 07/289

M. Ratie, Pt. - Mmes Vannier et Le Brun, conseillères.

No 66

Mineur

Assistance éducative - Intervention du juge des enfants -

Compétence - Etendue - Détermination.

La situation de danger justifiant la compétence du juge des

enfants pour statuer sur la résidence des enfants et aménager

un droit de visite et d’hébergement au profit du père ainsi que

des grands-parents maternels, caractérisée en l’espèce, exclut

la compétence du juge aux affaires familiales.

CA Aix-en-Provence (6e ch. A), 14 novembre 2007 -

RG no 06/17962

Mme Llaurens, Pte. - Mmes Boisseau et Pronier, conseillères.

No 67

Mineur

Assistance éducative - Intervention du juge des enfants -

Compétence - Etendue - Détermination.

Si le juge aux affaires familiales a compétence pour fixer le

droit de visite et d’hébergement des membres de la famille ou

des tiers, le juge des enfants qui a ordonné le placement

de l’enfant reste néanmoins compétent sur le fondement de

l’article 375-1 du code civil lorsque les parents titulaires de

l’autorité parentale donnent leur accord au service gardien

afin que les grands-parents exercent un droit de visite et

d’hébergement et que la mise en oeuvre d’un tel droit expose

l’enfant concerné à une situation de danger.

CA Toulouse (ch. spéciale des mineurs), 18 janvier 2008. -

RG no 07/00159 et 07/164

M. Blume, Pt. - MM. Bardout et Coleno, conseillers.

No 68

Mineur

Assistance éducative - Intervention du juge des enfants -

Compétence - Etendue - Détermination.

Il n’appartient pas à la juridiction des enfants de statuer sur un

droit de visite des grands-parents, dont la fixation est réservée

à la compétence du juge aux affaires familiales.

En revanche, si les parents en sont d’accord, le service gardien

peut à l’évidence autoriser de tels séjours. Il appartiendra

70

Bulletin d’information

Cours et tribunaux

15 janvier 2009

au service, après évaluation, de fixer sa position en ce qui

concerne des rencontres de l’enfant avec ses grands-parents

paternels ou des accueils chez ceux-ci et, au cas où il serait en

désaccord, de saisir le juge des enfants de la difficulté.

CA Rennes (ch. spéciale des mineurs), 11 juillet 2008. -

RG no 08/223

M. Ratie, Pt. - Mme Nivelle et M. Crepin, conseillers.

No 69

Mineur

Assistance éducative - Intervention du juge des enfants -

Compétence - Etendue - Limites - Détermination.

Les relations d’un enfant avec ses ascendants obéissent aux

conditions de fond particulières de l’article 371-4 du code civil

et aux conditions de forme de l’article 1180 du nouveau code

de procédure civile.

Il n’incombe pas au juge des enfants, juge unique, statuant selon

une procédure simplifiée et en fonction du danger encouru, de

régir les droits et obligations des grands-parents.

CA Riom (ch. des mineurs), 11 avril 2006. - RG no 05/00218

Mme Petot, Pte. - Mme Constant et M. Royet, conseillers.

No 70

Mineur

Assistance éducative - Intervention du juge des enfants -

Compétence - Etendue - Limites - Détermination.

Il n’est pas en principe de la compétence du juge des enfants

de fixer au profit de grands-parents un droit de visite, un tel

droit relevant normalement de l’intervention du juge aux affaires

familiales.

C’est seulement dans la mesure où le père, seul parent

survivant des enfants, est quant à lui d’accord pour que ses

parents exercent un droit de visite et que ce point n’a pas été

soulevé plus tôt que la cour d’appel estime pouvoir statuer sur

ce point sans renvoyer les grands-parents à s’adresser au juge

aux affaires familiales.

En l’espèce, doit être confirmée la décision du juge des enfants

de suspendre le droit de visite et d’hébergement des grandsparents,

eu égard aux circonstances du dossier.

CA Rennes (ch. spéciale des mineurs), 20 avril 2007. -

RG no 07/109

M. Ratie, Pt. - Mme Mallet et M. Gimonet, conseillers.

No 71

Mineur

Assistance éducative - Intervention du juge des enfants -

Compétence - Etendue - Limites - Détermination.

Aucun conflit n’existant entre la mère et la grand-mère des

enfants quant aux visites de ces derniers chez elle, et la mère

étant seule détentrice de l’autorité parentale dont elle a conservé

les attributs en dépit du placement temporaire de ses enfants

à l’Aide sociale à l’enfance, il n’apparaît pas de contentieux de

nature à justifier le renvoi des parties devant le juge aux affaires

familiales.

Le principe du droit de l’enfant d’entretenir des liens avec

ses grands-parents s’appliquant dès lors que l’enfant réside

auprès de ses parents ou qu’il est confié à un service de l’Aide

sociale à l’enfance, les modalités pratiques et la fréquence des

rencontres entre les enfants avec leur grand-mère dépendent

des accords amiables entre celle-ci et leur mère, que le service

doit respecter, sauf à signaler éventuellement la situation de

danger qui résulterait de telles relations, le juge des enfants

étant alors compétent pour restreindre ces droits ou les

suspendre, dans le seul but d’assurer la protection de l’enfant

ou transférer au service gardien tout ou partie des attributs de

l’autorité parentale, si ceux-ci s’avéreraient inconciliables avec

la mesure de protection.

En l’espèce, le fait que la grand-mère offrait à ses petits-enfants

des sucreries sans modération au point qu’il en résultait des

problèmes alimentaires au lendemain des visites constitue

une circonstance de nature à mettre en danger la santé des

deux garçons, mais seulement s’il est habituel ou répété trop

souvent. Par conséquent, doit être confirmé le jugement du

juge des enfants en ce qu’il s’est reconnu compétent, sur le

fondement de l’article 375 du code civil, pour limiter le droit

de visite amiable reconnu par la mère à la grand-mère sur ses

enfants, mais de le réformer en ce qu’il a suspendu totalement

ce droit, celui-ci étant rétabli mais dans la limite d’une fois par

mois.

CA Toulouse (ch. spéciale des mineurs), 21 août 2008. -

RG no 08/00003

M. Blume, Pt. - MM. Bardout et Pantz, conseillers.

No 72

Mineur

Assistance éducative - Intervention du juge des enfants -

Compétence - Etendue - Limites - Détermination -

Portée.

Si le juge des enfants est compétent, en vertu de l’article 375-7,

alinéa 2, du code civil pour statuer sur les modalités du droit

de visite des père et mère d’un enfant objet d’une mesure

de placement, il n’entre pas dans sa compétence de statuer

sur les relations du mineur avec ses grands-parents, seul le

juge aux affaires familiales étant compétent, en application de

l’article 371-4 du code civil, pour statuer en cas de désaccord

entre les parents et les grands-parents sur les relations de ces

derniers avec le mineur.

En conséquence, la demande des appelants tendant à

l’interdiction de toutes relations entre le mineur et sa grand-mère

maternelle est irrecevable, la chambre spéciale des mineurs

étant incompétente pour en connaître.

CA Toulouse (ch. spéciale des mineurs), 15 septembre 2006. -

RG : 06/00074

M. Perrin, Pt. - MM. Bardout et Briex, conseillers.

No 73

Mineur

Assistance éducative - Intervention du juge des enfants -

Compétence - Etendue - Limites - Détermination -

Portée.

Le juge des enfants a compétence pour organiser les droits

de droit de visite et d’hébergement des titulaires de l’autorité

parentale envers un enfant judiciairement placé et se doit de

tenir compte de la volonté de ceux-ci quant à l’organisation

de droits au profit de tiers ou membres de la famille élargie,

à l’exception où la situation de danger subie par l’enfant

commande d’autres choix.

Aucun élément de danger du fait de l’existence ou non de

rencontre entre la mineure et ses grands-parents n’étant établi

par les éléments de procédure, la cour d’appel se doit de

constater le désaccord manifesté par la mère quant à la mise en

place d’un droit de visite et d’hébergement au profit des parents

de son mari (père de l’enfant), avec lequel elle partage l’exercice

de l’autorité parentale envers la mineure.

71

15 mois 2009

Cours et tribunaux

Bulletin d’information

Cette opposition ne permet pas de retenir la compétence

du juge des enfants quant à l’organisation de cette mesure,

observation faite de ce que l’absence aux débats de la mère

a pu induire en erreur le juge sur la possibilité de son accord

sur une demande acceptée par son mari, les parents vivant

ensemble malgré des contradictions éducatives certaines.

Il appartiendra aux grands-parents, dans l’éventualité où la

visite de leur petite-fille mise en place par leur fils ne serait

pas satisfaisante, de saisir le juge aux affaires familiales

d’une demande d’exercice de relations personnelles avec leur

descendante.

CA Lyon (ch. spéciale des mineurs), 7 novembre 2006. -

RG no 06/00183

M. Bussière, Pt. - Mmes Farinelli et Lebfevre, conseillères.

No 74

Mineur

Assistance éducative - Intervention du juge des enfants -

Compétence - Etendue - Limites - Détermination -

Portée.

Il résulte des articles 371-4 et 375-7 du code civil que le juge

des enfants ne peut statuer que sur les relations et droits de

visite de l’enfant et ses parents.

Le juge des enfants ne dispose, en matière de droit de visite,

que des compétences strictement définies par l’article 375-7,

alinéa 2, du code civil, c’est-à-dire la fixation des modalités du

droit de correspondance et de visite des parents d’un enfant

placé hors de son milieu naturel. Il n’a pas reçu compétence pour

statuer sur les relations de l’enfant avec les autres membres de

la famille, car ces relations relèvent des prérogatives de l’autorité

parentale que les parents conservent tant qu’elles ne sont pas

incompatibles avec la mesure d’assistance éducative, et en

particulier celles de régir les relations que les enfants peuvent

entretenir avec d’autre personnes. En cas de désaccord entre

les parents sur ces relations, ce litige relève de la compétence

exclusive du juge aux affaires familiales

Toutefois, dans les cas où l’enfant est confié à une personne ou

à un service hors de son milieu actuel, le juge des enfants peut,

sur le fondement des articles 375-4 et 375-2, subordonner le

maintien ou la remise de l’enfant à l’obligation d’organiser des

rencontres avec un membre de la famille, si cela correspond à

l’intérêt de l’enfant. En l’espèce, les relations de l’enfant avec

son père et sa mère étant très limitées, il est de l’intérêt de

l’enfant de lui permettre d’avoir quelques relations avec sa tante

maternelle et de subordonner son placement à l’organisation,

par le service de placement, de rencontres entre l’enfant et sa

tante maternelle, au rythme d’une fois par mois.

CA Toulouse (ch. spéciale des mineurs), 19 janvier 2007. -

RG no 06/00104

M. Perrin, Pt. - MM. Bardout et Blume, conseillers.

No 75

Mineur

Assistance éducative - Intervention du juge des enfants -

Compétence - Etendue - Limites - Détermination -

Portée.

Il n’appartient pas au juge des enfants d’accorder directement

à un grand-parent des droits de visite opposables au titulaire de

l’autorité parentale.

L’article 375-7 du code civil, qui régit la situation du mineur en

cas de placement de celui-ci hors du domicile de ses parents

et concerne le droit de visite de ceux-ci, doit être interprété

strictement. Les grands-parents disposent, à cet égard, de la

faculté de saisir le juge aux affaires familiales sur le fondement

de l’article 371-4 du code civil.

CA Caen (ch. spéciale des mineurs), 8 mars 2007. -

RG no 06/03742

M. Jaillet, Pt. - MM. Colas et Chalicarne, conseillers.


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01/12/2011
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