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I.1.2 Les crimes graves réprimés par la justice pénale internationale

 

I.1.2 Les crimes graves réprimés par la justice pénale internationale

I.1.2.1 Les crimes contre l'humanité

Le crime contre l'humanité est une expression qui est tellement intégrée dans le langage courant qu'elle risque d'être banalisée. On en oublie souvent sa définition juridique précise. Comme le dit André Frossard « l'expression de crime contre l'humanité est superbe ! Il s'agit de savoir s'il a un sens. On lui donne parfois une telle extension qu'elle finit par recouvrir tout le mal qui se fait dans le monde, et qu'elle ne signifie plus rien de précis. Car tout crime lèse l'humanité, on n'en connaît point de bienfaisant »8(*).

Il ressort de l'affirmation d'André Frossard que tout crime commis contre un être humain est toujours animé d'une intention nuisible. Le génocide et le crime de guerre, sans prendre en considération les définitions données par les textes internationaux, sont d'abord des crimes contre l'humanité.

Cependant, nous estimons que, en lisant les propos de Frossard, il y a lieu de confondre le crime contre l'humanité avec d'autres infractions minimes qui entrent dans la compétence du droit interne tels que le meurtre ou l'homicide ou tout autre acte, sans en fixer la limite, portant atteinte à la personne humaine.

La définition de crime contre l'humanité a évolué. En effet, elle est devenue de plus en plus précis en droit international dès l'adoption de la déclaration de Saint-Pétersbourg de 18689(*).

La notion de crime contre l'humanité est réapparue ensuite dans les préambules des Conventions de La Haye de 1899 et de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. Par la suite, les références aux crimes contre l'humanité ont été renouvelées à plusieurs reprises dans les différents traités ou déclarations.

Le crime contre l'humanité a été légalement défini pour la première fois et de façon formelle dans l'Accord de Londres du 8 août 1945 portant le statut du TMI de Nuremberg, à la suite des horreurs et atrocités commises durant la seconde guerre mondiale par l'Allemagne Nazie et ses alliés. Cette définition sera intégralement reprise dans la Déclaration du commandant suprême des forces alliées en Extrême-Orient du 19 janvier 1946 qui porte création du tribunal militaire international de Tokyo10(*).

En effet le Statut du tribunal militaire international annexé à cet Accord définit le crime contre l'humanité comme étant «l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés ou ont été commis à la suite de tout crime entrant dans la compétence du tribunal ou en liaison avec ce crime».11(*)

Il sied de rappeler que c'est la même définition qui a été reprise dans les Statuts des TPI pour le Rwanda et pour l'ex-Yougoslavie. Mais la nouveauté que ces deux tribunaux ad hoc ont introduite c'est qu'ils ont pu élargir cette notion en y incluant les actes de viol, d'emprisonnement et de torture12(*), ignorés par les TMI.

Eclairée par les dispositions des statuts des TPI ad hoc et par leur jurisprudence, la CPI est allée plus loin dans la notion de crime contre l'humanité en y insérant d'autres éléments nouveaux à savoir les disparitions forcées et le crime d'apartheid13(*).

Les définitions données par les TMI et celles des TPI ont été critiquées par le fait qu'elles ne se limitent qu'à l'énumération des actes incriminés sans en donner le sens. Aussi, louons-nous le Statut de la Cour pénale internationale qui donne le sens juridique de chaque acte énuméré constitutif du crime contre l'humanité14(*).

* 8 FROSSARD, A., Le crime contre l'humanité, éd. Laffont, 1987, p.77.

* 9 La Déclaration de Saint Strasbourg limitait l'utilisation des projectiles explosifs et incendiaires.

* 10 ROULOT, J.F., Le crime contre l'humanité, Harmattan, 2002, p. 13.

* 11Article 6 c du Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg.

* 12Article 3 e) et g) du Statut du TPIR et article 5 e) et g) du Statut du TPIY.

* 13Article 7 par. 1, i) et j) du Statut de la CPI.

* 14Article 7, par. 2 du Statut de la CPI.

I.1.2.2 Le génocide

Etymologiquement, le terme génocide est formé à partir du Grec « genos » c'est-à-dire naissance, espèce, genre, et du Latin « caedere » qui se traduit par « tuer»15(*). Ce terme est apparu pour la première fois dans un document officiel du 8 octobre 1945 : l'acte d'accusation du tribunal militaire international de Nuremberg16(*). Le mot trouve son origine dans l'ouvrage de Raphaël Lemkin,17(*) pour tenter de définir les crimes perpétrés par les nazis à l'encontre des peuples juifs et tziganes durant la seconde guerre mondiale. Il témoigne d'une double volonté de la part de la communauté internationale :

Ø Celle de punir un crime jusque là inconnu dans le vocabulaire juridique pénal ;

Ø Celle de qualifier la destruction systématique du peuple juif par le régime nazi.

Avant cette période, les massacres des peuples entiers avaient déjà eu lieu dans le passé. Un terme voisin avait été créé depuis la guerre de Vendée par Gracchus Babeuf, celui de « populicide », pour dire l'extermination d'une population. Ces actes n'étaient jusque là pas qualifiés de génocide. Sans être exhaustif, nous pouvons donner les exemples suivants :

Ø « Le massacre de millions de chinois par les mongols au 13ème siècle, qui représente la plus grande extermination d'êtres humains de toute l'histoire, les estimations variant entre 10 et 40 millions de victimes ;

Ø La déportation des acadiens par les britanniques sous les ordres du gouverneur Charles Lawrence en 1755. Dépossédées de leurs terres, des familles ont été déportées dans des colonies britanniques et, certains d'entre eux au Royaume-Uni ou en France.

Le terme génocide a été juridiquement redéfini par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 comme étant « l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

a) Meurtre de membres d'un groupe ;

b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;

c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;

d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;

e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre »18(*).

C'est cette même définition qui a été retenue par les TPI ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et par la suite reprise par le Statut de la CPI.

Une telle définition est loin de faire l'unanimité. En effet, elle ne devrait pas se limiter aux catégories de groupes et aux actes énumérés ci-haut par la convention du 9 décembre 1948.

Nous sommes donc du même avis qu'Anne-Marie LA ROSA : elle déplore le fait que ni le génocide politique à savoir l'extermination d'un groupe politique, ni le génocide culturel n'ont été retenus par la sixième commission et par l'Assemblée générale au moment de l'adoption, en 1948, de la Convention sur le génocide contrairement à l'opinion exprimée par certains.19(*)

* 15 Le Petit Larousse illustré, Bordas, 1998.

* 16 JORGENSEN NINA, H.B., The responsibility of States for international crimes, Oxford University Press, P.33.

* 17 LEMKIN R., Axis Rule in Occupied Europe, Carnegie Endowment for International peace, 1944,Washington, P.79.

* 18Article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocides du 9 décembre 1948.

* 19 LA ROSA A.M., Op. cit., p.47.

I.1.2.3 Les crimes de guerre

Même si la guerre est un phénomène qui remonte dans la nuit des temps, c'est la deuxième guerre mondiale qui s'avère la pierre angulaire de l'incrimination des crimes de guerre.

En effet, aux termes du Statut du TMI de Nuremberg le crime de guerre s'entend comme « les violations des lois et coutumes de la guerre. Ces violations comprennent, sans y être limitées, l'assassinat, les mauvais traitements et la déportation pour travaux forcés, pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l'assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers de guerre ou de personnes en mer, l'exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation qui ne justifient pas des exigences militaire »20(*).

Nous constatons que « le statut du TPIY, en ses articles 2 et 3, a repris mot à mot certains crimes du Statut du TMI de Nuremberg. Mais il en ajoute d'autres concernant l'emploi d'armes toxiques et les destructions ou endommagement délibéré d'édifices consacrés à la religion, à la bienfaisance et à l'enseignement, aux arts et aux sciences, aux monuments historiques, aux oeuvres d'art et aux oeuvres à caractère scientifique. Quant au TPIR, son statut (article 4) fait référence explicite au protocole additionnel II de 1977 relatif à la protection des victimes de conflits armés non internationaux et inclut également dans la liste des crimes de guerre, les actes de terrorisme mentionnés dans ce protocole »21(*).

Autrement-dit, comme le dit Adama DAFF qui renchérit l'idée Hervé ASCENSIO, « les statuts des tribunaux ad hoc ont en commun deux infractions : le génocide et les crimes contre l'humanité ( articles.4 et 5 pour le TPIY et 2 et 3 pour le TPIR ). Quant au crime de guerre, les deux statuts divergent fortement dans les infractions retenues »22(*).

S'agissant de la CPI «Le Statut de la CPI fait également référence aux Conventions de Genève sans mentionner comme cela est fait dans le statut du TPIR, le Protocole additionnel II de 1977»23(*) poursuit A.DAFF.

En outre, les quatre conventions de Genève ne définissent pas en tant que tel ce que c'est qu'un crime de guerre, elles énumèrent tout simplement des actes interdits par le DIH et précisent les personnes qui doivent être traitées avec humanité lors des conflits armés ne présentant pas un caractère international24(*).

I.1.2.4 Le crime d'agression

Même si la définition du crime d'agression n'est pas encore fixée, ce dernier désigne «les crimes commis par les personnes ou Etats ayant préparé, accompli ou promu un conflit armé visant à déstabiliser un ou plusieurs Etats souverains. L'expression de crime d'agression est identique à celle de crime contre la paix utilisée par des tribunaux militaires d'après la seconde guerre mondiale ( le procès de Nuremberg et de Tokyo) ».25(*)

La guerre d'agression a été considérée pour la première fois comme constituant un crime international par le protocole du 2 octobre 1924 de la SDN pour le règlement pacifique des différends. Bien qu'il ne soit jamais entré en vigueur, ce protocole dénonçait la guerre d'agression comme une violation de la solidarité internationale.

Une étape importante sera enfin franchie avec le Pacte Briand-Kellog de 1928, dont l'article premier condamne la guerre d'agression. De cette disposition, l'on a conclu qu'elle exprimait une norme de droit international pénal protégeant l'ordre public et l'intérêt général, dont la conséquence était que sa violation devait être considérée comme un crime international, ce que confirma l'International Law Association à sa session de Budapest de 193426(*).

A la même époque, d'autres initiatives témoignent de la volonté d'ériger la guerre d'agression en crime international. C'est le cas de la Conférence internationale américaine de La Havane à l'issue de laquelle les 21 Etats qui s'y étaient réunis conclurent qu'une guerre d'agression constituait un crime international.

La guerre d'agression a été incriminée pour la première fois par le TMI de Nuremberg et ce sont les Allemands et les puissances de l'Axe qui eurent à répondre de ce chef d'accusation.

Dans le cadre du présent travail, rappelons que le crime d'agression ne figure pas parmi les crimes relevant de la compétence des deux TPI ad hoc. Par contre, il relève de la compétence de la CPI, même si son Statut n'en a pas encore donné une définition précise.

* 20Article 6 b) du Statut du TMI de Nuremberg.

* 21 DAFF A., La répression des crimes pénaux par des juridictions internationales et la protection des droits de l'homme : le cas du TPIR et du TPIY, mémoire, ULK, mars 2005, p.13-14.

* 22 ASCENSIO H. et al. , Droit international pénal, A. Pedone, Paris, 2000 ; p.721.

* 23 DAFF A., Op. cit., p.14.

* 24Article 3 commun aux quatre Conventions de Genève.

* 25 Le crime d'agression, disponible sur http:://fr.wikipedia.org/wiki/Crime d'agression, consulté le 21 mars 2007.

* 26 ASCENSIO H. et al., Op. cit., p.15.

1.2 Cadre théorique

I.2.1 Formation et évolution de la justice pénale internationale

Tout au long du siècle dernier, pour ne commencer qu'à cette période, l'idée de créer des juridictions pénales internationales compétentes pour juger les individus responsables des crimes graves a été évoquée souvent. Ces efforts ont débuté avec la Société des Nations pour continuer avec l'Organisation des Nations Unies. Nul ne pourrait oublier qu'un tribunal international avait été prévu par le Traité de Versailles27(*) en 1919 pour juger l'empereur Guillaume II de Hohenzollern poursuivi pour offense suprême à la morale internationale et à l'autorité sacrée des Traités, ainsi que toute personne présumée avoir commis des actes contrevenant au droit de la guerre, mais ce tribunal n'a pas vu le jour, par manque de volonté politique des puissances alliées.

Par la suite, plusieurs propositions d'institution d'un tribunal international permanent sous forme d'accords internationaux ont fait l'objet de discussions, notamment lors des négociations relatives à la Convention de Genève de 1937 pour la prévention et la répression du terrorisme, et à la Convention de New York de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide.

La Convention internationale contre le terrorisme du 16 novembre 1937 proposait les statuts d'une Cour dont la juridiction devait être limitée à la seule application de cette Convention, mais ce projet échoua de façon regrettable en raison de la crise mondiale qui suivit la guerre civile espagnole, l'invasion de l'Abyssinie par l'Italie et la politique militaire et agressive de l'Allemagne dans les années qui précédèrent la Deuxième guerre mondiale.

Ce projet sera par la suite repris par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 09 décembre 1948 qui stipule que « les personnes accusées de génocide ou de l'un quelconque des autres actes énumérés à l'article 3 de la même Convention seront traduites devant les tribunaux compétents de l'Etat du territoire duquel l'acte a été commis ou devant la Cour internationale qui sera compétente à l'égard de celles des parties contractantes qui en auront reconnu la juridiction »28(*).

Bien avant l'adoption des deux Conventions susmentionnées, l'Association internationale de droit pénal travaillait également depuis 1924 en faveur de la création d'une cour pénale internationale.

Face aux violations graves du droit international commises pendant la Deuxième guerre mondiale et qui ne devaient pas attendre l'institution d'un tribunal permanent pour être réprimées, il a fallu d'autres mécanismes urgents. C'est ainsi que les puissances alliées ont mis en place des TMI de Nuremberg et de Tokyo.

I.2.1.1 Les tribunaux militaires internationaux

I.2.1.1.1 Le tribunal militaire international de Nuremberg

La création du Tribunal militaire international de Nuremberg a été précédée par certaines déclarations des Alliés dont les plus importantes sont les suivantes :

Ø La déclaration du 17 avril 1940 par laquelle les gouvernements français, polonais (en exil) et anglais dénoncent la persécution des polonais et le traitement atroce infligé à la communauté juive vivant en Pologne ;

Ø La déclaration du Premier ministre anglais du 25 octobre 1941, qui dit que les Nazis et leurs complices devraient être poursuivis pour tous les crimes commis dans tous les pays occupés par les allemands ;

Ø La déclaration de Saint James du 13 janvier 1942 signée à Londres par laquelle les dirigeants des pays occupés montrent leur ferme détermination de mettre en place une justice organisée chargée de poursuivre et de punir des personnes présumées responsables des crimes de guerre perpétrés par les pays de l'Axe ;

Ø En date du 30 octobre 1943, Churchill, Staline et Roosevelt, représentant respectivement le Royaume-Uni, l'URSS et les Etats-Unis, signaient la Déclaration de Moscou par laquelle ils s'engageaient à établir une liste détaillée des officiers, des soldats et des membres du parti nazi qui ont été responsables ou qui ont donné leur consentement aux atrocités, massacres et exactions. Ils s'engageaient aussi, une fois la paix rétablie, à traduire ces criminels en justice devant les juridictions des pays dans lesquels ils ont commis leurs forfaits ;

Ø Enfin, les rêves des puissances alliées se réalisent le 8 août 1945 lorsque, réunies à Londres, elles décident qu'un tribunal militaire international serait mis en place en vue de juger et punir les grands criminels de guerre des pays européens de l'Axe dont les crimes avaient été commis sur les territoires des Etats envahis par les puissances de l'Axe29(*). Le siège de celui-ci fut Nuremberg.

Le choix de Nuremberg en tant que siège de ce tribunal se justifie par cinq raisons symboliques principales :

Ø Nuremberg était un haut lieu du nazisme ;

Ø C'est là que se réunissaient les congrès du parti nazi ;

Ø C'est dans le stade de Nuremberg que, lors de grands événements, les nazis paradaient ;

Ø C'est là que furent annoncées les lois racistes de 1935 appelées « Lois de Nuremberg » ;

Ø Et enfin, la ville de Nuremberg a été choisie parce qu'elle avait conservé des locaux en bon état et un Palais de justice d'une taille suffisante (22000 m2, 530 bureaux et 80 salles). Celui-ci n'avait pas été endommagé par des bombardements, et il y avait de surcroît une prison intacte, à proximité.

Le TMI de Nuremberg a siégé du 1er novembre 1945 au 1er octobre 1946. Le tribunal était composé de quatre juges, assistés chacun d'un suppléant, ainsi que d'un Ministère public cumulant les fonctions d'instruction en ce qu'il devait notamment recueillir les preuves, dresser l'acte d'accusation et exercer la poursuite contre les grands criminels de guerre.

Ce tribunal a jugé 24 responsables du 3èmeReich. A l'issu de ces procès, 12 personnes reconnues coupables ont été condamnées à mort, 7 ont été condamnées à l'emprisonnement à vie. Il y a eu également 3 condamnations à des peines de prison plus ou moins longues et 3 acquittements30(*).

* 27Article 227 du Traité de Versailles.

* 28Article V de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 09 décembre 1948.

* 29La création du Tribunal de Nuremberg, disponible sur :

http://perso.orange.fr/d-d.natanson/nuremberg_creation.htm:, consulté le 16 novembre 2006.

* 30Le Tribunal militaire international ( Nuremberg, 1945/46v ), disponible sur :

Le TMI de Tokyo, appelé aussi «le TMI pour l'Extrême Orient» a été créé par le Général américain Douglas MacArthur, Commandant Suprême des forces allées au Japon, le 19 janvier 194631(*).

Siégeant à Tokyo, le tribunal était composé des juges provenant de onze nations alliées : Australie, Canada, Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Inde, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Philippines et l'URSS. Le procureur en chef était américain et chaque pays était amené à désigner un procureur adjoint.

Le TMI de Tokyo ne peut en aucun cas être comparé au Tribunal de Nuremberg, car ce n'est vraiment pas un modèle d'équité. Celui de Nuremberg a été constitué sur la base d'un traité, tandis que celui de Tokyo est né de la volonté d'un seul Etat : Les Etats-Unis d'Amérique. Pour le Professeur Antonio CASSESE « the Charter had been drafted by the Americans only, especially by Joseph B. Keenan, Chief prosecutor at the Tokyo Trial ,and the Allies were only consulted after its issuance »32(*).

Le TMI de Tokyo a commencé ses activités judiciaires le 3 mai 1946 avec 28 personnes présumées coupables de divers chefs d'accusations. Parmi ces dernières, figuraient des militaires, des diplomates ainsi que de grands politiciens.

De plus, les japonais sont à distinguer des allemands car ils n'avaient pas, eux, prévu les exterminations raciales. Néanmoins, ils avaient pratiqué des expériences bactériologiques sur des cobayes. Mais ces crimes ont été ignorés par le Tribunal du fait d'un accord entre le gouvernement américain et les responsables japonais. Ceux-ci ont été exemptés de toute poursuite!

A Nuremberg, ce sont les hauts responsables qui ont été jugés. Au Japon, il se trouve que le plus haut responsable Hiro Moto, l'empereur nippon de l'époque, n'a pas été poursuivi. Pourtant il avait joué un rôle prépondérant dans le déclenchement et la poursuite du conflit. Il n'a pas été inquiété pour des raisons politiques. Les américains qui occupaient l'archipel nippon avaient comme préoccupation la Guerre froide et ils voulaient donc que les japonais soient leurs alliés. Malheureusement, cette alliance de raison ne pouvait se faire qu'autour de l'empereur. C'est la raison pour laquelle l'empereur a été épargné de poursuite.

* 31 CASSESE A., The Tokyo Trial and beyond, Polity Press, Cambridge, 1993, p.2.

* 32 CASSESE A., Op. cit., 1993, P.2 : « Le Statut avait été fait par les Américains seuleulement, principalement par Joseph B. Keenan, le Procureur en chef du Tribunal de Tokyo. Les Alliés ont été consultés après sa rédaction

1.2.1.2 Les Tribunaux pénaux internationaux ad hoc créés par le Conseil de sécurité de l'ONU

1.2.1.2.1 Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie

Le TPIY dont le siège se trouve à La Haye aux Pays-Bas, a été établi en vertu de la Résolution 827 du Conseil de sécurité de l'ONU.Cette Résolution a été adoptée le 25 mai 1993 en réponse à la menace pour la paix et la sécurité internationale caractérisée par les violations graves du DIH commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991.

Aux termes de la Résolution l'instituant, le TPIY est compétent pour poursuivre et punir les personnes qui ont commis ou ont donné l'ordre de commettre des infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, les violations des lois et coutumes de la guerre, le crime de génocide et les crimes contre l'humanité.

Le Tribunal comprend trois organes à savoir les Chambres, le Procureur et un greffier qui apporte un appui à ces derniers et qui est chargé de l'administration et de la gestion du tribunal.

Le TPIY est doté de trois chambres de première instance et d'une chambre d'appel qui connaît également les recours du TPIR.

1.2.1.2.2 Le Tribunal pénal international pour le Rwanda

Le Tribunal pénal international pour le Rwanda a été créé par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Reconnaissant que des violations graves du DIH ont été commises au Rwanda et agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte de l'ONU, le Conseil de sécurité, par sa Résolution 955 du 8 novembre 1994, a décidé de créer le TPIR.

Le Tribunal ainsi créé a pour mission de « juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide et d'autres violations graves du DIH commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1994»33(*).

Le TPIR est régi par son Statut qui est joint en annexe à la Résolution 955 du Conseil de sécurité. Il est doté également d'un Règlement de procédure et de preuves, adopté par les juges conformément à l'article 14 du Statut. Ce Règlement définit le cadre nécessaire au fonctionnement du système judiciaire.

A l'instar du TPIY, le TPIR est composé de trois organes : les Chambres de première instance et la Chambre d'appel qui est commune aux deux TPI ad hoc, le Bureau du Procureur chargé des enquêtes et des poursuites et le Greffe qui fournit un appui général, judiciaire et administratif aux Chambres et au Procureur.

Par la Résolution 977 du 22 février 1995, le Conseil de sécurité de l'ONU a décidé que le siège du TPIR serait à Arusha en République Unie de Tanzanie.

Il est à noter que les deux TPI n'ont pas le monopole de la poursuite et de la répression des violations du DIH. Ils exercent leur compétence en concurrence avec les juridictions nationales. Cependant, ils ont la primauté sur ces dernières, et ils peuvent, dans l'intérêt de la justice, demander le dessaisissement d'une juridiction nationale à tout stade de la procédure

.2.1.3 La Cour pénale internationale

I.2.1.3.1 Contexte juridico-politique de la création de la CPI

Comme nous avons eu l'occasion de le dire dans les lignes précédentes, l'idée de créer une Cour pénale internationale n'est pas née hier. C'est plutôt une idée qui date de 1920. En effet, au cours de cette année, à la demande de la Société des Nations, un comité de juristes élabore « le statut d'une Haute Cour internationale de justice criminelle compétente pour les crimes contre l'ordre public international et contre le droit des gens universel qui lui seront déferrés par l'Assemblée plénière de la SDN ou par le Conseil de cette Société »34(*). Mais ce projet fut repoussé par le Conseil de la SDN, le jugeant prématuré.

A la même époque, des juristes et plusieurs associations, principalement « International Law » de Londres, l'Union interparlementaire et l'Association internationale de droit pénal, engageaient des réflexions sur le problème de la création d'une Cour pénale internationale. L'Association de droit international qui se réunit à Buenos Aires en 1922 se prononce également en faveur de l'institution d'un tribunal pénal international au sein de la Cour permanente de justice internationale de La Haye. Mais les Etats membres de la SDN négligent ces diverses initiatives en raison des tensions internationales toujours croissantes.

Suite à l'escalade des tensions et dans le cadre de la mise en application de la Convention de 1937 sur le terrorisme, la SDN, dans un contexte pacifiste, prévoit la création d'une Cour pénale internationale permanente dont la mission serait limitée à la lutte contre le terrorisme. Cette initiative n'aboutit pas, à cause de la situation chaotique dans les relations internationales des puissances de l'époque.

Les violations massives des droits de l'homme commises pendant la Deuxième guerre mondiale conduisent les puissances alliées, inspirées des réflexions antérieures de diverses associations de juristes, à conclure le Traité de Londres instituant le TMI de Nuremberg, qui sera suivi par le TMI de Tokyo fondé, sur l'initiative des américains.

Mais la création de ces TMI ne répondait en aucun cas aux aspirations des juristes de l'époque, car, rappelons-le, ils avaient une mission bien déterminée, limitée dans le temps et dans l'espace.

En effet, après Nuremberg et Tokyo, les efforts n'ont pas cessé. Il y a eu une succession des rapports issus du comité de codification du droit international ( prédécesseur de la commission du droit international ).

Mandaté par l'Assemblée générale de l'ONU, ce comité devait, d'une part, formuler les principes du droit international reconnus dans le Statut du TMI de Nuremberg et d'autre part, préparer un projet de code des infractions contre la paix et la sécurité internationale.

Dans ce même ordre d'idées, le rapport rendu par la Commission internationale du droit international proposait l'établissement d'une CPI. Mais les Etats divergeaient sur ce sujet et il était très difficile d'arriver à un consensus. En effet, « l'URSS craignait une atteinte à sa souveraineté par cette juridiction. Les Etats Unis n'y étaient pas préparés pendant la guerre froide. La France soutenait cette idée mais sans user de son influence pour accélérer le processus. Quant au Royaume-Uni, il jugeait l'idée prématurée ».35(*)

Les mêmes efforts se sont poursuivis sur la même voie, mais les puissances de l'époque ne semblaient pas préoccupées par la question. Cette inaction a perduré jusqu'aux années 90 lors de l'éclatement de la guerre civile en Yougoslavie qui a incité le Conseil de sécurité à créer un TPI ad hoc.

Quelques années après le conflit yougoslave, les violences sanglantes qui se sont muées en génocide contre le Tutsis du Rwanda en avril 1994 tiraient une sonnette d'alarme et poussent le Conseil de sécurité à instituer un autre TPI ad hoc.

Les évènements en ex-Yougoslavie et au Rwanda ont réveillé la conscience de la communauté internationale et ont mis l'accent sur l'urgence et la nécessite de mettre en une CPI permanente. C'est dans ce cadre la que la Conférence de Rome a été organisée à l'issue de laquelle fut signé le Statut de la CPI permanente appelée à juger des individus ayant commis les crimes les plus graves et dont la compétence s'étend dans le monde entier. Son siège se trouve à La Haye, aux Pays-Bas.

* 34 LEVY D., La Cour pénale internationale, une introduction pratique, Université de Paris IX, Paris, 2003, p. 15.

* 35 LEVY D., Op. cit. , p.16.

1.2.1.3.2 Le rapport entre les TPI ad hoc et la CPI

Alors que les TPI sont le fruit de décisions unilatérales que sont les Résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, la CPI a été établie par un traité multilatéral. En d'autres termes la CPI traduit une logique inter étatique contractuelle. Il en résulte que la CPI bénéficie d'une coopération concrète des gouvernements intéressés au moment où le Conseil de sécurité impose à tous les Etats de coopérer avec les TPI ad hoc.

Du point de vue de la compétence, les TPI ont une compétence spéciale limitée dans l'espace et celle-ci est rétroactive, c'est-à-dire qu'ils connaissent des faits antérieurs à leur création, tandis que la CPI connaît des faits postérieurs à son entrée en vigueur. Quant à la compétence ratione materiae, les TPI et la CPI connaissent les mêmes crimes, à part que cette dernière connaît le crime d'agression qui n'entre pas dans la compétence des TPI.

Qui plus est, les TPI jouissent d'une primauté sur les juridictions nationales. Ces juridictions, sur demande du Procureur, doivent se dessaisir des affaires en faveur des TPI36(*). Concernant la CPI, c'est le principe de la complémentarité qui joue : ce principe permet à la Cour de se saisir des affaires nationales des Etats lorsque ceux-ci manquent de volonté ou se trouvent dans l'incapacité de mener à bien des poursuites à l'encontre des personnes présumées avoir commis des crimes relevant de la compétence de la Cour37(*).

Il est aussi important de signaler que les TPI n'ont pas prévu des mécanismes d'indemnisation contrairement à la CPI qui prévoit un fonds au profit des victimes.38(*) Du moins, le TPIR dispose d'un personnel médical qualifié chargé de donner des conseils et des soins médicaux aux victimes et aux femmes victimes des violences sexuelles.

Ayant précisé certains concepts et donné le cadre théorique de notre travail, nous sommes convaincus que nous allons entrer dans le vif du sujet avec une bonne maîtrise des principaux concepts de notre champ de recherche. Nous sommes donc persuadés que ce cadre théorique va éclairer tout lecteur dans la compréhension des chapitres qui vont suivre. Après cela, bien entendu, nous immédiatement abordons notre deuxième chapitre qui parle de la dissuasion des criminels par la justice pénale internationale.

* 36 Voir les articles 8-10 des Règlements de Procédure et de preuves du TPIR et du TPIY.

* 37Article 17 a) du Statut de la CPI.

* 38Article 79 du Statut de la CPI.

CHAPITRE II : LA DISSUASION DE LA JUSTICE PENALE INTERNATIONALE

Depuis l'émergence de l'idée d'une justice universelle, précisément depuis donc la création des TMI de Nuremberg et de Tokyo, en passant par la création des TPI ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda ainsi que les tribunaux pénaux internationaux mixtes, jusqu'à la récente institution de la CPI par le Traité de Rome, les crimes internationaux ont été commis et continuent de l'être dans plusieurs Etats.

Cette situation nous amène à nous demander si réellement ces institutions judiciaires internationales, pourtant dotées d'une bonne organisation, peuvent enfin mettre un terme à la perpétration de crimes graves.

La réponse à cette inquiétude sera donnée à travers ce chapitre qui va essayer d'analyser les effets directs et indirects de la justice pénale internationale et de souligner les obstacles majeurs auxquels elle se heurte et qui font qu'elle ne soit pas à mesure de jouer un rôle dissuasif au sein de la communauté internationale.

II.1 Les aspects de la dissuasion

II.1.1 La dissuasion directe

La création des TPI ad hoc par le Conseil de sécurité des Nations Unies témoigne d'une ferme détermination de la communauté internationale à lutter énergiquement contre l'impunité. C'est un nouveau moyen efficace introduit par cet organe onusien dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies afin de traduire en justice les personnes présumées coupables d'actes en violation du DIH.

Avec l'adoption du Traité de Rome instituant la CPI, cette fois-ci à caractère permanent et universel, le monde a exprimé publiquement qu'il ne tolérera plus les individus qui commettent des crimes abominables.

Ces juridictions internationales intervenues plusieurs années après Nuremberg et Tokyo sont considérées comme des garde-fous capables d'assurer le respect des droits de l'homme sans cesse bafoués.

Dans le même ordre d'idées, la communauté internationale cherchait à prévenir la commission de ces crimes en mettant en place une justice organisée. Désormais, les individus qui commettront des crimes graves doivent savoir que tôt ou tard ils devront en répondre et que le monde ne les tolérera plus.

Le réveil que vient de connaître la justice pénale internationale au cours de ces dernières années va sans doute avoir un impact direct sur les comportements des individus et affermir puis valoriser les instruments internationaux qui existaient en théorie mais qui n'étaient pas efficaces sur le plan pratique, ce qui aura pour effet la reconnaissance et le respect des droits de l'homme.

II.1.1.1 La responsabilité pénale individuelle

Le Tribunal de Nuremberg a exposé comme suit, la position classique du droit international sur la question de la responsabilité pénale des Etats : « Ce sont des hommes et non des entités abstraites qui commettent des crimes dont la sanction s'impose comme sanction du droit international »39(*). Même si certains crimes comme le génocide ne peuvent se commettre sans qu'un gouvernement en soit responsable, le moyen sûr d'assurer une répression efficace est de punir les individus dont la responsabilité est engagée plutôt que de s'attaquer à l'Etat en tant qu'entité abstraite.

La première Convention de droit international pénal, celle sur la prévention et la répression du crime de génocide prévoyait expressément dans son article IX la responsabilité de l'Etat pour ce genre de crime. Il fut pourtant indiqué clairement à l'époque que cet article n'envisageait aucune forme de responsabilité pénale de l'Etat40(*). Dans le cas où la responsabilité d'un Etat est envisageable, celui-ci doit être poursuivi civilement pour réparer des préjudices subis par les victimes.

Les instruments internationaux qui ont suivi ont adopté la même position et ils ont consacré le principe de la responsabilité pénale individuelle. Ainsi, l'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et du Protocole additionnel II et la Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerres et des crimes contre l'humanité, constituent les fondements juridiques permettant de poursuivre individuellement les auteurs ayant commis les infractions graves qui menacent la paix et la sécurité de l'humanité41(*). Le même principe qui régit également les procédures du TPIR et de la CPI constitue une source dissuasive de la justice pénale internationale.

Il s'en suit que toute personne qui tentera de commettre des crimes de droit international engage sa responsabilité pénale et pourra un jour se retrouver soit devant les juges d'un tribunal que le Conseil de sécurité pourra mettre en place à cet effet, soit devant ceux de la CPI, soit devant les juges nationaux.

* 39 Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, 1948, Volumeume 22, p.466.

* 40 NATIONS UNIES : Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, Recueil des traités, volumeume 78, p.277

* 41 DAFF A., Op. cit., p.62-63.

II.1.1.2 La responsabilité des Etats et le respect des droits de l'homme

Suite à l'existence des tribunaux pénaux internationaux ad hoc et de la CPI, les Etats seront amenés à faire respecter les droits de l'homme sous peine de sanctions. La justice pénale internationale aura pour effet de juger et punir toute personne qui ne respectera pas les droits fondamentaux de la personne humaine. Il en résultera que l'humanité retrouvera sa dignité humaine. En outre, il y a une prise de conscience de la communauté internationale que plus personne ne commettra d'atrocités sous le couvert de la souveraineté.

En effet, tous les Etats savent bien que la justice pénale internationale peut se saisir de leurs affaires intérieures en matière de justice s'il existe des éléments suffisants pouvant établir leur défaillance dans ce domaine. En outre, la communauté internationale, par le biais du Conseil de sécurité peut faire de même en mettant en place un tribunal ad hoc.

II.1.2 La dissuasion indirecte

A coté de l'influence directe que la justice pénale internationale exerce sur les individus, celle-ci comporte aussi un effet indirect : c'est une influence que la justice pénale internationale a indirectement dans divers domaines afin de faire respecter davantage les droits de l'homme. Nous allons analyser cette rubrique sous trois points essentiels : l'affermissement des instruments internationaux établissant et protégeant les droits de l'homme, la constitution d'Etats de droit et la sauvegarde de la paix et de la sécurité internationale.

II.1.2.1 Affermissement et valorisation des textes internationaux

En droit international, il existe beaucoup d'instruments qui fixent et définissent les droits de l'homme. Il en existe d'autres qui visent la sauvegarde ou le respect de ces droits. Malgré l'existence de ces textes, les droits de l'homme n'ont pas été respectés, faute de mécanismes de répression.

Parmi ces textes, les plus importants sont la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 dont le corollaire est le droit à la vie, les quatre Conventions de Genève ainsi que leurs deux Protocoles additionnels. Tous ces instruments convergent vers le même objectif en l'occurrence faire respecter les droits fondamentaux de la personne humaine tels que définis dans le Pacte de 1966 sur les droits civils et politiques et ses deux protocoles.

La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 oblige les parties contractantes à prendre les mesures législatives, conformément à leurs constitutions respectives, visant à assurer l'application des dispositions de cette Convention, et notamment à prévoir des sanctions pénales efficaces frappant les personnes coupables de génocide ou de l'un quelconque des autres actes énumérés à l'article III de ladite Convention42(*).

Il ressort de cette disposition que les Etats parties à cette Convention sont tenus de participer activement dans la poursuite et la répression des personnes qui se sont rendues coupables du crime de génocide.

Ce que l'on peut déplorer, c'est que la Convention ne prévoit aucune sanction réservée à un Etat qui ne respectera pas ses engagements. La meilleure solution est donc de créer une Cour compétente pour pursuivre ce genre de crime, s'il s'est avéré que certains Etats manquent de volonté.

Les Etats parties à la Convention qui ne veulent pas coopérer en cette matière devraient être traduits en justice, précisément devant la Cour internationale de justice, en application de l'article IX.

Pour ce qui est des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, l'Assemblée générale des Nations Unies avait établi quelques principes en rapport avec la coopération internationale en ce qui concerne le dépistage, l'arrestation, l'extradition et le châtiment des individus coupables de ces crimes43(*).

Le constat général est que beaucoup d'Etats ne mettent pas en application les principes énoncés dans cette Résolution, sans se soucier de rien. Certains continuent à accorder l'asile à des individus dont on a de sérieuses raisons de penser qu'ils ont commis des crimes contre la paix, des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité, contrairement au 7ème principe de cette Résolution et à la Déclaration sur l'asile territorial, en date du 14 décembre 196744(*).

Tout ce que nous pouvons dire, c'est que la plupart de ces textes internationaux existent depuis une cinquantaine d'années, mais ils étaient considérés comme « des coquilles vides ou des corps sans âme » puisqu'ils n'ont pas été mis en application. Il est évident que les quatre conventions de Genève et leurs protocoles additionnels ne prétendent pas prévenir les conflits. Ils ont plutôt pour vocation de limiter ses effets sur certaines catégories de personnes et de biens particulièrement vulnérables, en traitant des questions humanitaires résultant des hostilités et en limitant les moyens utilisés par les parties au conflit.45(*) Mais depuis lors, aucune personne n'avait été poursuivie et jugée pour des actes commis en violation de ces textes.

Dans l'ensemble, les instruments internationaux n'avaient pas de force dissuasive pour ceux qui pourraient les violer, et cette situation s'explique par le fait qu'il n'y avait pas de juridictions pénales internationales chargées de poursuivre ceux qui violent les droits des autres.

* 42 Article V de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948.

* 43 Résolution 3074 (XXVIII) de l'Assemblée générale des Nations Unies du 3 décembre 1973.

* 44 Article premier de la Déclaration sur l'asile territorial du 14 décembre 1967.

* 45La répression nationale et internationale des crimes de guerre : Discours inaugural prononcé par M. Adama DIENG, Sous-Secrétaire général de l'ONU ET Greffier du TPIR, lors du séminaire CEDEAO-CICR sur la ratification et la mise en oeuvre du Statut de la CPI, du 29 au 31 janvier 2002 tenu à Abidjan en Côte d'Ivoire à l'Hôtel Ivoire.

II.1.2.2 Constitution d'Etats de droit et de bonne gouvernance

La justice pénale internationale va être un outil efficace de la répression des violations des droits fondamentaux. Grâce à la justice pénale internationale, tous les Etats se sentent dans l'obligation de faire valoir un Etat de droit qui privilégie le respect des droits fondamentaux de la personne humaine. Cette justice va contribuer au rétablissement de la réconciliation des peuples ou des groupes de ces derniers, déchirés par les conflits et les haines ethniques.

A titre d'exemple, le TPIR, conformément aux aspirations du Conseil de sécurité, a rendu justice aux rwandais victimes du génocide de 1994 et de ce fait, les rwandais se sont engagés sur la voie de la réconciliation.

On ne peut donc pas envisager une vraie réconciliation et une unité solide sans justice. C'est une affirmation confirmée par les propos de M. Koffi ANNAN, ancien Secrétaire Général des Nations Unies, lorsqu'il s'exprimait en ces termes en se félicitant du tout premier jugement rendu par le TPIR :

« ...For there can be no healing without peace ; there can be no peace without justice and there can be no justice without respect for human rights and rule of law »46(*).

La déclaration de M, Koffin ANNAN est presque similaire à celle de M. Patrick BAUDOIN, président de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'homme ( FIDH ) qui affirme avec solennité qu'en tout etat de cause la primauté doit rester au judiciaire sur le politique. En d'autre termes, dans les situations de conflits, l'exigence de justice est une condition sine qua non et absolue au rétablissement de la paix et à la réconciliation entre les peuples47(*).

Sur base de l'analyse des déclarations de ces deux autorités, Koffi ANNAN et Patrick BAUDOIN, déclarations qui nous paraissent fondées, le TPIR et la CPI ont une importance capitale dans la constitution d'Etats de droit et de bonne gouvernance, puisque au Rwanda et dans le monde entier, puisque la justice est une fondation sur laquelle un Etats de droit s'érige.

II.1.2.3 Sauvegarde de la paix et de la sécurité internationale

La perpétration des crimes internationaux n'affecte pas seulement le lieu où ils ont été commis mais elle constitue une menace contre la paix et la sécurité internationale. C'est ce qui ressort du préambule de la Résolution 955 du Conseil de sécurité instituant le TPIR.

Une justice internationale bien organisée et bien rendue est donc un outil de stabilisation du monde puisque son effet a pour but de réprimer tous ceux qui perturbent l'ordre public international. Il en résultera que les opérations de maintien de la paix seront réduites à travers le monde, si une paix durable et universelle est rétablie.

* 46 M. Koffi ANNAN, ancien Secrétaire Général des Nations Unies : « Il ne peut y avoir de guérison sans paix ; il n'y a pas de paix sans justice et il n'y a pas de justice sans respect des droits de l'homme et de la primauté du droit.», New York, le 2 septembre 1998 ( Traduction libre)

* 47 BAUDOIN, P., FIDH: Une paix réelle repose et se construit par une justice efficace et affranchie de toute tutelle politique, disponible sur www.droitshumains.org/Justice/02rome_02.htm, consulté le 19 septembre 2007.

II.2 Limites de l'effet dissuasif de la justice pénale internationale

Les paragraphes précédents nous ont tracé le parcours dissuasif de la justice pénale internationale et sa contribution dans la construction d'une communauté internationale soucieuse de faire respecter les droits et la dignité de la personne humaine. Mais malgré ce pas de géant, la justice internationale continue de se heurter contre des obstacles qui, une fois levés, la rendront plus dissuasive dans tous les aspects que nous venons d'analyser.

Il serait illusoire de dire que nous allons les relever tous au cours de ces quelques lignes, mais nous allons essayer de parler des plus importants dont notamment l'opération des juridictions internationales loin des lieux du drame, le rôle controversé du Conseil de sécurité et des Etats dans la justice pénale internationale, le manque de réparation des préjudices subis par les victimes en ce qui concerne les TPI ad hoc et l'absence de jugement par contumace. Le développement de chaque point sera assorti d'une proposition de solution.

II.2.1 Les sièges des juridictions pénales internationales loin du locus delicti commissi

D'après Anne-Marie LA ROSA, le locus delicti commissi est « le lieu où l'infraction a été ou, en application des dispositions de la loi, est présumée avoir été commise ».48(*)

Nous savons qu'en général, les juridictions pénales internationales ne siègent pas dans les pays où les crimes ont été commis : leurs sièges se trouvent soit dans un pays lointain, tel est le cas du TPIY, soit dans un pays voisin, tel le TPIR dont les sièges se trouvent respectivement à La Haye (Pays-Bas) et à Arusha ( République Unie de Tanzanie ). Aujourd'hui, seuls les tribunaux hybrides, à l'instar de celui pour la Sierra Léone siégent sur les lieux où les crimes ont été commis.

Pour ce qui est de la poursuite des criminels de la seconde guerre mondiale, la tendance a été de les juger au lieu de leur crime. Ce ne sont que de grands criminels dont les infractions étaient sans localisation géographique précise qui relevaient du TMI de Nuremberg49(*).

II.2.2 Opération des juridictions pénales internationales loin du locus delicti commissi

La logique qui justifie souvent l'emplacement des juridictions pénales internationales loin du lieu du drame se traduit par plusieurs raisons : travailler en toute indépendance sans que les autorités de l'Etat concerné ne s'ingèrent dans leurs affaires et éviter que ces dernières n'exercent de pression sur elles. Bref, le bien-fondé de la situation de ces juridictions internationales dans un Etat autre que celui de la commission des crimes est de garantir l'impartialité des juges et assurer la sécurité des témoins.

Néanmoins, le constat général est que l'éloignement des juridictions pénales internationales peut avoir un grand impact souvent négatif sur la conduite des procès en général, mais en particulier sur l'aspect dissuasif que devrait inspirer aux criminels potentiels la justice pénale internationale. Nous allons analyser ce problème sous trois aspects : l'impact de l'éloignement des juridictions pénales internationales sur la conduite des enquêtes, sur le déroulement des procès et enfin sur l'exécution des peines.

Du point de vue enquêtes, les difficultés ne manquent jamais. Comme nous le savons, celles-ci permettent au Procureur de collecter tous les éléments de preuve susceptibles d'établir au-delà de tout doute raisonnable la responsabilité pénale de l'accusé.

Si les enquêteurs se trouvent loin du lieu de la commission des crimes, ils éprouvent des difficultés énormes dans la recherche des éléments de preuves, dont les plus importants risquent d'être cachés par les personnes suspectes. Ici nous faisons surtout allusion à la preuve physique ( tout objet qui pourrait fournir une information concernant un incident ou une allégation ; les armes, les échantillons, les instruments de torture, les corps des victimes, etc. )50(*).

Ce risque de faire disparaître les preuves matérielles devient plus accentué lorsque l'Etat qui a planifié et fait exécuter les crimes internationaux est encore au pouvoir. Dans ce cas, il ne sera pas disposé à coopérer avec les enquêteurs internationaux. L'exemple typique est celui du Soudan, où les autorités soudanaises ne veulent pas coopérer avec les enquêteurs de la CPI en déclarant que leurs tribunaux sont en mesure de poursuivre et punir les responsables des crimes commis au Darfour, ceci dans le but de les faire soustraire à la justice51(*).

Les enquêtes menées par la CPI ont été conduites hors du territoire soudanais. Les enquêteurs ont interrogé les témoins au cours de 70 missions, conduites dans 17 pays hormis le Soudan. Pour Luis Moreno-Ocampo, la Cour dont il est Procureur n'est pas à mesure de protéger les témoins se trouvant sur le territoire du Soudan. De ce fait, la coopération du Soudan dans ce processus est importante pour assurer une enquête impartiale52(*).

On peut conclure que la responsabilité pénale incombe aux autorités soudanaises puisque la Cour ne peut aboutir à quelque chose que si le Soudan accepte de coopérer avec la CPI. Si les autorités soudanaises resusent de coopérer avec la CPI, les enquêteurs n'auront pas accès sur toute information pouvant révéler la responsabilité pénale des personnes présumées avoir commis des crimes graves. Par conséquent, bon nombre de preuves matérielles indispensables pour l'instruction des dossiers, comme par exemple des charniers, leur seront cachées.

En cas de disparition de preuves, surtout la preuve matérielle, les parties n'auront aucune autre option que de se fonder sur la preuve testimoniale. Ceci ne va pas sans poser de problèmes s'agissant de la fiabilité des témoignages plusieurs années après la commission des crimes53(*). Nous pouvons donner l'exemple du TPIR. Selon les informations nous fournies par Madame Sylvie BECKY chargée de la section d'aide aux témoins et aux victimes dans cette juridiction, de 1997 au 24 janvier 2007, le Tribunal a fait venir à la barre 1871 témoins provenant de 41 Etats, soit 1030 par le Procureur et 841 par la défense. Mais en ce qui concerne le TPIR, la tâche n'est pas très compliquée puisque il existe à Kigali un bureau de liaison charger de mener les enquêtes. Mais pour la CPI, les enquêteurs doivent effectuer de longs voyages pour se rendre sur terrain.

L'avantage majeur est que les enquêteurs du TPIR sont proches du terrain et il leur est facile de localiser les témoins afin de prendre leurs déclarations. A cette fin, le Bureau du Procureur a une équipe de gestion des témoins à charge dont la tâche est de faire un suivi régulier pour voir si les témoins contactés sont toujours en vie et s'ils n'ont pas changé de résidence.

Par contre, on déplore que les enquêteurs de la défense n'aient pas de Bureau à Kigali et qu'ils soient basés au siège du TPIR à Arusha, d'où ils viennent chaque fois qu'ils ont besoin d'une information au Rwanda.

Quant à la CPI, le chemin est encore long. La sécurité des témoins n'est pas aussi assurée que celle dont bénéficient ceux du TPIR. Comme le TPIR est une institution créée après un conflit armé et qui travaille dans une période post-conflictuelle, les enquêteurs travaillent en paix sur un terrain plus ou moins sain par rapport à ceux de la CPI qui sont quelques fois obligés d'enquêter dans des milieux de conflits armés. Si nous prenons l'exemple du Darfour, la situation actuelle de cette région en matière de sécurité reste instable. Elle est marquée par une violence et des attaques. Bien entendu, la mise en place d'un système efficace de protection des témoins est une condition préalable à la tenue de toute investigation dans cette région.

Dans sa déclaration devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, Monsieur Luis MORENO-OCAMPO, Procureur de la CPI disait que, pour faciliter le processus d'enquête dans cette région du Darfour « il a fallu que son bureau établisse une présence semi permanente qui garantit un appui en matière de logistique, de sécurité et autres dans le cadre de l'identification et de l'audition des témoins »54(*).

Concernant le déroulement des procès, le fait que ceux-ci se déroulent loin du lieu de la commission des crimes entraîne beaucoup de conséquences. Mais, nous ne parlerons que des conséquences en rapport avec l'aspect dissuasif.

Personne n'ignore qu'en cas de violation du DIH c'est la communauté internationale qui en subit le préjudice, plus particulièrement ce sont les victimes qui attendent que justice soit rendue. Il serait donc souhaitable que celles-ci prennent activement part aux procès. La victime, en plus de la possibilité d'être entendue en tant que témoin, pourrait par exemple assister aux audiences publiques et suivre de près le déroulement des procès. Or, la justice internationale semble être inaccessible aux victimes suite à l'emplacement des juridictions pénales internationales loin du lieu de la commission des crimes.

Enfin, l'éloignement des juridictions pénales internationales se répercute même sur l'exécution de la peine. Il est très rare que les personnes condamnées par ces dernières purgent leurs peines dans les lieux de la commission des crimes. Cependant, le Règlement de procédure et de preuves du TPR dispose que la peine d'emprisonnement est exécutée au Rwanda ou dans un autre Etat désigné par le Tribunal sur une liste d'Etats ayant manifesté leur volonté d'accueillir les personnes condamnées pour l'exécution de leur peine55(*)... Or, aucune personne condamnée n'a été jusqu'à aujourd'hui transférée au Rwanda pour y purger sa peine.

A ce sujet, l'idée de Marc HENZELIN à laquelle nous nous rallions est claire : « Un crime ne doit être puni que dans le pays où il a été commis, parce que c'est là seulement, et non ailleurs, que les hommes sont forcés de réparer, par exemple de la peine, les funestes effets qu'a pu produire l'exemple du crime56(*)». Autrement-dit, HENZELIN nous amène à rappeler qu'à part la fonction expiatrice de la peine, celle-ci doit assurer la fonction préventive en dissuadant en premier lieu l'entourage, en l'occurrence le locus delicti commissi, et en deuxième lieu, l'humanité toute entière. La peine doit donc être infligée par le juge du lieu du délit, pour garder sa force d'intimidation57(*).

Pour Mario BETTATI, une juridiction étrangère se saisirait d'une affaire lorsqu'il s'agit de réprimer un crime qui ne peut pas être localisé de façon ponctuelle58(*), comme il était le cas pour les crimes commis par les nazis et dont on ne pouvait pas identifier le lieu où ils avaient été perpétrés.

En vertu de l'article 26 du Statut du TPIR qui dispose que celui-ci a le droit de désigner un Etat sur la liste de ceux qui ont fait savoir au Conseil de sécurité qu'ils sont disposés à recevoir des condamnés. Sans ôter aux juges leur pouvoir souverain d'appréciation, le Rwanda qui a manifesté sa volonté d'accueillir ces condamnés devrait être prioritaire. Le même appel est fait pour la CPI pour que les coupables soient transférés vers les pays où les crimes ont été commis, afin que la dissuasion de la justice pénale internationale se fasse sentir en premier lieu sur le locus delicti commissi.

* 48 LA ROSA A.M., Op. cit., p.63.

* 49 Accord de Londres du 8 août 1945 ( préambule, alinéa 3)

* 50 BAYINGANA, T. J., La protection de la preuve dans le contentieux du génocide de Tutsis du Rwanda, mémoire, ULK, Kigali, mars 2005 ; p.27.

* 51 Soudan, qui va répondre des actes commis ? Disponible sur : http://web.amnesty.org/library/index/fraafr540062005, consulté le 24 avril 2007.

* 52 MAUPAS, S., Deux hauts responsables soudanais dans le collimateur de la CPI, disponible sur :

http: // www.rfi.fr/actufr/articles/086/article_49941.asp, consulté le 24 avril 2007.

* 53 TAVERNIER, P. et BURGORGUE-LARSEN, L., Un siècle de droit international humanitaire, centenaire des Conventions de La Haye, cinquantenaire des Conventions de Genève, BRUYLANT, Bruxelles, 2001, p.167.

* 54 Déclaration du Procureur de la CPI devant le Conseil de sécurité en application de la Résolution 1593 (2005) à New York, le 13 décembre 2005.

* 55Article 103 du Règlement de procédure et de preuves du TPIR.

* 56 HENZELIN M., Le principe de l'universalité en droit pénal international, Droit et obligation des Etats de poursuivre et juger selon le principe de l'universalité, Bruxelles, 2000 ; P.2

* 57 BETTATI M., Le DROIT D'INGERENCE, mutation de l'ordre international, éd. ODILE JACOB, Paris, 1996 ; P.269.

* 58 idem.

II.2.3 Le rôle controversé du Conseil de sécurité dans la justice internationale

Le Conseil de sécurité est un organe qui joue un rôle important dans l'adoption des normes internationales et qui intervient sous divers aspects dans l'action pénale internationale. Mais les prérogatives du Conseil de sécurité en matière de justice internationale suscitent beaucoup d'interrogations et les gens ne conçoivent pas de la même manière son intervention dans ce domaine.

Pour ce qui est du TPIR, sa légitimité a été niée par certaines personnes poursuivies. Elles disaient que ce Tribunal avait été créé par le Conseil de sécurité qui n'en avait pas la compétence.

Dans l'affaire Le Procureur c. Joseph Kanyabashi, l'accusé a allégué que la souveraineté des Etats, notamment celle du Rwanda, a été violée parce que le TPIR n'a pas été établi en vertu d'un Traité. L'accusé a également fait valoir que le Conseil de sécurité n'avait, en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, aucun pouvoir pour créer un organe judiciaire international.

La Chambre a rejeté ces arguments, expliquant notamment que la composition de l'ONU comporte nécessairement des limitations à la souveraineté d'un Etat membre, conformément à l'article 35 de la Charte des Nations Unies59(*). La Chambre de première instance a noté que, bien que le Conseil de sécurité soit lié par les dispositions du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, il disposait d'une grande marge d'appréciation lorsqu'il lui revenait de déterminer l'existence d'une menace pesant sur la paix et la sécurité internationale et que son autorité en la matière ne pouvait être contestée.

Nous sommes du même avis que celui émis par la Chambre à ce sujet qui a poursuivi en disant que la liste des actions figurant à l'article 41 de la Charte des Nations Unies n'est certes pas exhaustive mais elle indique quelques exemples des mesures que le Conseil de sécurité peut imposer aux Etats afin de mettre un terme à un conflit ou à une menace imminente à la paix et la sécurité internationale.

II.2.4 Le rôle des Etats dans la justice pénale internationale

Les Etats sont des intervenants incontournables qui apportent leurs concours en vue de faire avancer les activités judiciaires internationales. Le droit international reconnaît aux juridictions nationales des Etats le droit et le devoir de poursuivre et juger les personnes présumées avoir commis des crimes graves.

Dans cette optique, le Statut du TPIR dispose qu'une juridiction nationale peut connaître une affaire relevant de sa compétence, sauf que le TPIR se réserve le droit de demander le dessaisissement en sa faveur si les intérêts de la justice le justifient. Quant au Statut de la CPI, le principe de complémentarité veut que la CPI intervienne si un Etat se montre défaillant ou manifeste une mauvaise volonté à poursuivre des personnes présumées responsables de crimes graves. Dans tout les cas, c'est la compétence universelle qui est privilégiée.

II.2.4.1 La mise en oeuvre de la compétence universelle

Les mandats du TPIR et de la CPI ne peuvent être remplis que s'ils coopèrent avec les Etats. Il ne fait guère de doute que l'intérêt de ces deux instances est de laisser les Etats mettre en oeuvre leurs législations nationales en usant de la compétence universelle dans la poursuite des crimes graves.60(*)

Généralement, la compétence d'une juridiction d'un Etat à l'égard d'un crime est soumise aux principes de territorialité et de personnalité, ce qui signifie qu'elle ne peut s'exercer que dans les circonstances suivantes : si le crime a été commis sur le territoire de cet Etat ou bien si le criminel ou la victime sont ses ressortissants.

Toutefois, une exception a été faite pour les crimes les plus graves. Cette exception existe dans plusieurs instruments internationaux. Certains de ces textes recommandent aux Etats d'adopter des mesures législatives pour sanctionner les personnes responsables de ces violations. Les quatre Conventions de Genève stipulent que « chaque Partie contractante aura l'obligation de rechercher les personnes présumées avoir commis, ou d'avoir ordonné de commettre, l'une ou l'autre de ces infractions graves, et elle devra les déférer devant ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité. Elle pourra aussi, si elle le préfère, et selon les conditions prévues par sa propre législation, les remettre pour jugement à une autre Partie contractante, pour autant que cette partie contractante ait retenu contre lesdites personnes des charges suffisantes »61(*).

Mario BETTATI qualifie cette possibilité accordée aux Etats par les textes internationaux de « procédure d'ingérence judiciaire universelle »62(*), procédure par laquelle un Etat a le droit de s'immiscer dans les affaires judiciaires d'un autre.

Marc HENZELIN estime que « le principe de l'universalité en droit pénal permet à un Etat de poursuivre et de juger l'auteur d'une infraction qui n'a aucun lien de rattachement avec l'Etat en question »63(*) et c'est la définition même de ce principe.

Le Protocole additionnel I du 8 juin 1977 est revenu sur cette disposition en stipulant que « les Hautes Parties contractantes s'accordent l'entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure relative aux infractions graves aux Conventions et au présent Protocole »64(*). Il en résulte que les Etats se sont vus imposer deux types d'obligations. D'une part, ils sont tenus de respecter et de faire respecter les dispositions du DIH en toutes circonstances. Cette obligation s'applique tant aux conflits internationaux qu'aux conflits internes. Le principe de la compétence universelle est ainsi posée sans ambiguïté.65(*) D'autre part, ils doivent poursuivre et punir les auteurs des crimes graves.

Or, très peu d'Etats sont dotés de législations à compétence universelle nécessaires pour connaître des crimes de droit international : l'exemple typique est celui de la Norvège qui n'a pas pu juger Michel BAGARAGAZA présumé avoir commis le crime de génocide au Rwanda en 1994, pour la simple raison que ce crime ne figure pas dans les lois de cet Etat66(*). La même lacune a fait que le Sénégal ne juge pas l'ancien président tchadien Hissen HABRE pour les crimes qu'il a commis au Tchad. En novembre 2005, la Chambre d'appel du Sénégal a déclaré que le Sénégal n'était pas compétent pour le poursuivre67(*).

Certains autres Etats dont les juridictions sont universellement compétentes, pourtant signataires de la Résolution adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1973, intitulé « Principe de la coopération internationale en ce qui concerne le dépistage, l'arrestation, l'extradition et le châtiment des individus responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité »,68(*) ne s'intéressent pas à la poursuite et à la punition des auteurs des crimes graves.

La mise en oeuvre de la résolution susmentionnée est un moyen efficace de rendre la justice internationale beaucoup plus dissuasive car les criminels n'auront pas d'endroit où se cacher.

En outre, nous estimons que les Etats sur les territoires desquels se trouvent des personnes recherchées et dont les juridictions jouissent d'une compétence universelle en cas de violations graves du DIH devraient être obligés, sous peine de sanctions, de respecter leurs engagements conventionnels.

Il incombe donc aux Etats de prendre les mesures législatives nécessaires pour transposer dans leurs codes pénaux les instruments du DIH. Ces derniers doivent adopter des dispositions permettant de réprimer les infractions et établissant la procédure à suivre.

La mise en adéquation de la législation interne avec les dispositions du DIH est donc une condition sine qua non pour que justice soit rendue69(*). Ce serait une illustration parfaite de la mondialisation de la justice qui offre une arme efficace pour combattre l'impunité à l'avenir, et même actuellement à une époque où tant de violations du droit humanitaire sont commises mais échappent au filet de la justice internationale, parce que, d'une part, les évènements qui suscitent ces crimes échappent à la compétence des tribunaux ad hoc et que, d'autre part la CPI n'a pas de compétence rétroactive70(*).

* 59 TPIR, le Procureur c. Joseph KANYABASHI, Affaire n° TPIR-96-15-t, 18 juin 1997, décision sur l'exception d'incompétence ( Décision Kanyabashi ) Par. 13-14

* 60Article Premier du Statut de la CPI et article 11 bis du Statut du TPIR.

* 61 Chap. IX, article 49, alinéa 2 de la Convention I de Genève ; Chap. VIII, article 50 alinéa 2 de la Convention II de Genève ; article129 de la Convention III et article 146 de la Convention IV.

* 62 BETTATI M., Op. Cit., p.263

* 63 HENZELIN M., Op. Cit., p.1

* 64Article 88 du Protocole additionnel I.

* 65 Le discours du Greffier du TPIR à Abidjan, Op. cit.

* 66 Bagaragaza, première demande de transfert du TPIR, disponible sur : http://www.justicetribune.com/v2_print.php?page=v2_article&mode=print, consulté 10 mai 2007.

* 67 NAYGOTIMTI, B., Politique: Abdoulaye Wade, Le donneur de leçon coincé par l'affaire Habré, in Tchad et culture, n°243, janvier 2006.

* 68 CICR : Rapport de la Réunion d'experts : La répression nationale des violations du droit international humanitaire du 23 au 25 septembre 1997 ( Systèmes romano-germaniques), Genève,19997 ; p.40

* 69 Discours de M. Adama DIENG, Greffier du TPIR, à Abidjan, Op. cit.

* 70 L'Afrique et la mondialisation de la justice : le rôle du Tribunal pénal international pour le Rwanda et les enseignements qui se dégagent de son expérience : Discours prononcé par M. Adama DIENG, Sous-secrétaire général de L'ONU et Greffier du TPIR, lors de la conférence sur « La justice en Afrique », tenue du 30 juillet au 2 août 2001 à Wilton Park, Sussex en Grande Bretagne.

II.2.4.2 Les tribunaux hybrides : un nouveau moyen efficace de dissuasion

Par tribunal hybride, il faut endendre un tribunal à composition mixte, c'est-à-dire qui associe le droit international et le droit national71(*).

Le recours à la création de tribunaux hybrides est un nouveau moyen permettant à un Etat de mettre en place une juridiction mixte sur la base d'un Accord bilatéral que cet Etat peut conclure avec les Nations Unies afin de poursuivre et juger les personnes présumées responsables des crimes graves. Mais nous n'allons pas nous y attarder puisque notre champ d'étude se limite au TPIR et à la CPI. Nous allons tout simplement démontrer comment ce genre de tribunaux est un moyen efficace, et d'ailleurs plus dissuasif que les TPI ad hoc, du fait qu'ils opèrent sur le lieu où les crimes ont été commis.

L'exemple le plus éloquent de ce nouveau mécanisme est celui du Tribunal Spécial pour le Cambodge. Le gouvernement cambodgien, ayant sollicité une aide pour poursuivre les anciens dirigeants khmers rouges pour des crimes commis entre 1975 et 1979, a pu se doter de ce genre de tribunal mixte.

Au départ, l'ONU désirait instituer un autre TPI ad hoc, mais le gouvernement cambodgien s'était opposé à l'établissement d'un tel mécanisme. Les négociations ont continué avec l'ONU, lesquelles négociations ont abouti à la signature d'un Accord bilatéral le 6 juin 2003. Cet Accord faisait suite à l'adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 13 mai 2003, d'une Résolution approuvant une proposition d'Accord entre l'ONU et le Cambodge pour la poursuite des principaux responsables des crimes commis sur son territoire entre 1975 et 1979.

Le Tribunal Spécial pour le Cambodge a pour mandat de poursuivre les criminels des années 70. C'est un exemple de lutte contre l'impunité et qui renforce le caractère imprescriptible des crimes graves.

Un tel mécanisme avait été adopté par la Sierra Léone qui, sur demande adressée à l'ONU, a pu obtenir du Conseil de sécurité l'adoption de la Résolution 1315 du 14 août 2000 donnant mandat au Secrétaire général de l'ONU pour créer une juridiction mixte en vue de « poursuivre et juger les hauts responsables de crimes contre l'humanité72(*), des violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et à celles du Protocole additionnel II73(*), les autres violations du DIH74(*) et certains crimes prévus par le droit sierra-léonais75(*), commis depuis le 30 novembre 1996 », date des Accords d'Abidjan (Côte d'Ivoire ) qui avait tenté, sans succès, de trouver solution à la crise. Le Timor Oriental a également fait recours à ce genre de mécanisme judiciaire.

L'avantage de tels tribunaux réside dans le fait qu'ils peuvent appliquer en même temps le droit interne et le droit international. Plus encore, des tribunaux hybrides ont des juges internes et des juges internationaux. Le parquet est aussi mixte. Ce mécanisme s'avère le mieux adapté puisqu'il permet la conduite des procès sur le lieu du drame.

Néanmoins, l'on peut redouter sur l'impartialité de ce genre de tribunal puisque les personnes soupçonnées d'avoir trempé dans les actes incriminés peuvent y prendre part. En outre, du fait que les tribunaux mixtes siègent sur le lieu du crime, la sécurité des témoins et des victimes risque d'être menacée. Même les juges peuvent avoir des inconvénients non négligeables dans l'exercice de leurs fonctions.

* 71 Le tribunal special pour la Sierra Leone, disponible sur http://wikipedia.org/wiki/Tibunal_Special_pour_la_Sierra_Leone , consulté le 16/05/2007.

* 72Article 2 du Statut du TSSL

* 73 Idem, Article 3

* 74 Idem, Article 4

* 75 Idem,Article 5

II.2.4.2 Les tribunaux hybrides : un nouveau moyen efficace de dissuasion

Par tribunal hybride, il faut endendre un tribunal à composition mixte, c'est-à-dire qui associe le droit international et le droit national71(*).

Le recours à la création de tribunaux hybrides est un nouveau moyen permettant à un Etat de mettre en place une juridiction mixte sur la base d'un Accord bilatéral que cet Etat peut conclure avec les Nations Unies afin de poursuivre et juger les personnes présumées responsables des crimes graves. Mais nous n'allons pas nous y attarder puisque notre champ d'étude se limite au TPIR et à la CPI. Nous allons tout simplement démontrer comment ce genre de tribunaux est un moyen efficace, et d'ailleurs plus dissuasif que les TPI ad hoc, du fait qu'ils opèrent sur le lieu où les crimes ont été commis.

L'exemple le plus éloquent de ce nouveau mécanisme est celui du Tribunal Spécial pour le Cambodge. Le gouvernement cambodgien, ayant sollicité une aide pour poursuivre les anciens dirigeants khmers rouges pour des crimes commis entre 1975 et 1979, a pu se doter de ce genre de tribunal mixte.

Au départ, l'ONU désirait instituer un autre TPI ad hoc, mais le gouvernement cambodgien s'était opposé à l'établissement d'un tel mécanisme. Les négociations ont continué avec l'ONU, lesquelles négociations ont abouti à la signature d'un Accord bilatéral le 6 juin 2003. Cet Accord faisait suite à l'adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 13 mai 2003, d'une Résolution approuvant une proposition d'Accord entre l'ONU et le Cambodge pour la poursuite des principaux responsables des crimes commis sur son territoire entre 1975 et 1979.

Le Tribunal Spécial pour le Cambodge a pour mandat de poursuivre les criminels des années 70. C'est un exemple de lutte contre l'impunité et qui renforce le caractère imprescriptible des crimes graves.

Un tel mécanisme avait été adopté par la Sierra Léone qui, sur demande adressée à l'ONU, a pu obtenir du Conseil de sécurité l'adoption de la Résolution 1315 du 14 août 2000 donnant mandat au Secrétaire général de l'ONU pour créer une juridiction mixte en vue de « poursuivre et juger les hauts responsables de crimes contre l'humanité72(*), des violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et à celles du Protocole additionnel II73(*), les autres violations du DIH74(*) et certains crimes prévus par le droit sierra-léonais75(*), commis depuis le 30 novembre 1996 », date des Accords d'Abidjan (Côte d'Ivoire ) qui avait tenté, sans succès, de trouver solution à la crise. Le Timor Oriental a également fait recours à ce genre de mécanisme judiciaire.

L'avantage de tels tribunaux réside dans le fait qu'ils peuvent appliquer en même temps le droit interne et le droit international. Plus encore, des tribunaux hybrides ont des juges internes et des juges internationaux. Le parquet est aussi mixte. Ce mécanisme s'avère le mieux adapté puisqu'il permet la conduite des procès sur le lieu du drame.

Néanmoins, l'on peut redouter sur l'impartialité de ce genre de tribunal puisque les personnes soupçonnées d'avoir trempé dans les actes incriminés peuvent y prendre part. En outre, du fait que les tribunaux mixtes siègent sur le lieu du crime, la sécurité des témoins et des victimes risque d'être menacée. Même les juges peuvent avoir des inconvénients non négligeables dans l'exercice de leurs fonctions.

* 71 Le tribunal special pour la Sierra Leone, disponible sur http://wikipedia.org/wiki/Tibunal_Special_pour_la_Sierra_Leone , consulté le 16/05/2007.

* 72Article 2 du Statut du TSSL

* 73 Idem, Article 3

* 74 Idem, Article 4

* 7

II.2.5 Une main mise sur le patrimoine des personnes condamnées

II.2.5.1 Aspect dissuasif de la réparation des dommages

Avec la possibilité accordée aux victimes des crimes internationaux de se constituer parties civiles devant la CPI, les auteurs potentiels de ces infractions craindront que non seulement leur responsabilité pénale soit engagée, mais aussi ils devront répondre civilement de leurs actes en réparant les préjudices qu'ils auront causés.

En effet, très souvent, les grands responsables de crimes graves sont des personnes qui ont amassé déloyalement de grandes fortunes et dorénavant leurs agissements auront un impact sur leur patrimoine. De ce fait, nous trouvons dans ce nouveau droit à la réparation reconnu aux victimes un moyen efficace de dissuader la commission de crimes graves.

Le Tribunal devrait également prononcer la saisi de tous les biens mal acquis et les affecter au trésor public des Etats dont les personnes condamnées sont ressortissantes.

II.2.5.2 La réparation dans les procédures judiciaires internationales

Depuis longtemps jusqu'à une date très récente, « il n'existait pas, dans le droit pénal international, une base juridique pour les demandes d'indemnisation des victimes des crimes internationaux »76(*). Le droit à la réparation reconnu à toute victime d'un dommage tant matériel que moral résultant d'une infraction, a été négligé par la justice pénale internationale. Ce n'est qu'avec la création de la CPI que les victimes viennent d'avoir droit à la réparation des dommages qu'elles ont subis.

Devant la CPI tout comme devant le TPIR, les victimes peuvent être entendues en tant que témoins. Mais, le Statut de la CPI a frayé une nouvelle voie aux victimes. En effet, ces dernières peuvent elles-mêmes participer effectivement au procès en tant que parties civiles ou donner mandat à leurs représentants légaux de défendre leurs intérêts77(*).

Le Statut du TPIR est muet sur la question de constitution de partie civile devant elle. En effet, le Statut prévoit seulement que la victime peut être entendue en tant que témoin. La préoccupation était l'établissement de la responsabilité pénale.

Cependant, le Règlement de procédure et de preuve ne prévoit que la restitution des biens.78(*) Aux yeux du Statut du TPIR, cette restitution des biens aux victimes propriétaires est une peine et diffère de la réparation provenant d'une action civile »79(*).

Pour être indemnisés, la victime ou ses ayants-droits doivent, sur la base d'un jugement définitif condamnant l'auteur d'un crime, intenter une action pour obtenir réparation du préjudice conformément à la législation nationale ou toute autre institution compétente80(*).

Selon nous, nous pensons plutôt que ce renvoi devant les autres instances habilitées témoigne d'un déni de justice puisque c'est la justice internationale qui, par le soutien du Conseil de sécurité, peut faire effectivement exécuter les décisions ordonnant indemnisation.

La CPI quant à elle, a pu marquer un pas de géant en faveur des victimes. Son statut a prévu un fonds d'indemnisation81(*).

Clôturant ce chapitre, il sied de rappeler que tout ce que nous venons d'y dévélopper nous donne une ouverture sur les défis à lever afin d'avoir une justice pénale internationale effectivement dissuasive. Ce pas, une fois marqué, la justice pénale internationale pourra atteindre son idéal à l'occurrence le recul de l'impunité, le point que nous allons aborder dans le dernier chapitre qui suit.

* 76 DAFF A., Op. Cit. , p.74.

* 77Article 68 (3) du Statut de la CPI etArticle107 de son RPP.

* 78Voy.Article 105 du RPP du TPIR.

* 79 GAKUMBA J.C, La réparation des dommages causés par le crime de génocide et autres crimes contre l'humanité en droit rwandais, mémoire, UNR, Butare, septembre 2000 ; p.53, inédit.

* 80Article106 du RPP du TPIR.

*

CHAPITRE III: LA LUTTE CONTRE L'IMPUNITE PAR LA JUSTICE PENALE INTERNATIONALE

La raison principale qui justifie l'existence des juridictions pénales internationales c'est d'aider l'humanité à réprimer les personnes responsables des atrocités qui choquent sa conscience. Dotées de moyens plus solides que ceux des juridictions nationales des Etats, ces instances internationales sont les mieux adaptées pour lutter contre l'impunité dont ces personnes ont bénéficié depuis longtemps. Cette impunité se manifeste sous trois formes principales.

III.1 Les différentes formes de l'impunité

Il existe trois formes d'impunité à savoir l'impunité juridique, l'impunité de fait et enfin l'impunité qui se traduit par l'application d'une peine non proportionnelle à la gravité d'une infraction.

III.1.1 L'impunité juridique

Cette forme d'impunité peut s'imposer par moyens juridiques d'adoption des mesures d'amnistie, de clémence, de pardon, de grâce ou de toute autre mesure qui empêche d'enquêter et de poursuivre les auteurs d'un crime82(*).

Pour éclaircir cette situation, prenons l'exemple de l'Ouganda : en octobre 2005, la CPI, sur demande du gouvernement ougandais, a émis des mandats d'arrêt contre cinq dirigeants de la Lord's Resistance Army (Armée de résistance du Seigneur ) à savoir Joseph Kony, Vincent Otti, Raska Lukwiya, Okot Odhiambo et Dominic Ongwen. Ces hommes sont inculpés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité dans le Nord de l'Ouganda.

Toutefois, dans l'intérêt de « la réconciliation nationale », l'Ouganda, bien que ce soit lui qui avait déféré la situation à la Cour, a adopté une loi d'amnistie qui, en violation du DIH, empêche ses tribunaux de juger les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis dans cette région du Nord.83(*) Cette pratique favorise l'impunité, et la vraie réconciliation doit se fonder sur la justice.

III.1.2 L'impunité de fait

C'est la forme la plus fréquente puisque beaucoup d'atrocités se commettent mais restent couvertes par les autorités qui les ont commises ou qui ont donné l'ordre de les commettre.

On dit qu'il existe une impunité de fait quand une enquête n'est pas conduite pour déterminer les faits, quand on nie ou on couvre les faits ou les auteurs. On parle aussi d'impunité de fait lorsque les instances habilitées ne poursuivent pas les responsables des actes illégaux, à condition que cette attitude résulte d'une intention délibérée, de mobiles politiques ou de l'intimidation84(*).

L'exemple le mieux adapté à cette forme d'impunité est celui du Soudan : le Gouvernement soudanais ne manifeste aucune volonté de traduire en justice les miliciens janjawids et les membres des forces gouvernementales qui ont commis des crimes de guerre.

En règle générale, devant le TPIR comme devant la CPI, et d'ailleurs devant n'importe quelle juridiction nationale ou internationale, celui qui allègue un fait doit le prouver, c'est ce que veut dire l'adage latin actori incumbit probatio. En d'autres termes, il incombe au Procureur de prouver les faits et la culpabilité, l'accusé étant présumé innocent jusqu'à preuve du contraire.

Pour ce qui est du degré de preuve, la procédure devant le TPIR et la CPI s'inspire essentiellement de la Common Law : l'accusé ne peut être déclaré coupable que lorsque le Tribunal considère que sa culpabilité a été prouvée au-delà de tout doute raisonnable85(*), tandis que dans la Civil Law ou les systèmes romano-germaniques, le juge ne prononce la culpabilité que s'il en a l'intime conviction.

Quand il est question de prouver le crime de génocide, la culpabilité est facilement établie si l'un des actes matériels constitutifs de l'infraction a été commis. Par contre, il est difficile de prouver l'intention de commettre le génocide. Il en découle que beaucoup de gens peuvent être acquittés faute de moyens de preuves suffisants. Et nombreux seront ceux qui, bien qu'ils étaient animés d'une intention de commettre le génocide, ne seront pas punis selon l'adage in dubio proreo.

* 82 NKURAYIJA, J.M.V., La répression du génocide rwandais face à la Convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, mémoire, UNR, Butare, octobre 2004 ; p.71, inédit.

* 83 La Cour pénale internationale prête à juger ses premières affaires, disponible sur : htpp://efai.amnesty.org/fildai/06february/cpi-fra.htm, consulté le 04 mai 2007.

* 84 La Commission nationale consultative des droits de l'homme et la commission internationale des juristes, rencontres internationales sur l'impunité des auteurs des violations graves des droits de l'homme, du 2 au 5 novembre 1992, ABRAX, Paris, 1992 ; p.193, cité par NKURAYIJA J.M.V., Op. cit., p.71.

* 85Article 87 (A) du RPP du TPIR.81 Article 79 du Statut de la CPI.5

 

 Idem,Article 5

III.1.3 La non-proportionnalité de la peine à la gravité d'un crime

A part ces deux formes d'impunité, il existe une dernière qui consiste à adopter une sanction pénale qui n'est pas proportionnelle à la gravité de l'infraction86(*).

Les tenants de la peine de mort estiment que la peine d'emprisonnement préconisé par les peuples civilisés et prônée par la justice pénale internationale n'est pas proportionnelle aux crimes graves comme le génocide, les crimes de guerre ou les crimes contre l'humanité.

Nous estimons qu'à l'époque actuelle la loi du talion n'a plus de place dans une société civilisée. Il faudrait plutôt adopter des sanctions susceptibles d'amener le délinquant à se reconnaître qu'il a mal agi et l'amener ainsi à s'amender.

Nous convenons avec Aglaia TSITSOURA qui affirme que l'effet dissuasif ne réside pas dans la gravite d'une sanction. A ce sujet, cet auteur affirme que « l'expérience a montré que...la délinquance, dans l'ancienne France notamment, demeurait néanmoins élevée, en dépit de l'existence de peines redoutables, de supplices, et, au surplus, d'une procédure inquisitoire assortie de tortures. Aussi a-t-on estimé que l'intimidation devait reposer sur la certitude et la rapidité du châtiment »87(*). Ce n'est donc pas par la rigueur des supplices qu'on prévient le plus sûrement les crimes, c'est plutôt par la certitude de la peine.

Il sied de rappeler que le TPIR et la CPI n'imposent que des peines d'emprisonnement. Au TPIR, pour en fixer les conditions, ses Chambres de première instance ont recours à la grille générale des peines d'emprisonnement appliquée par les tribunaux du Rwanda.88(*)

Nous pensons que les prévisions du Statut du TPIR sont correctes car il faut donner la chance aux personnes condamnées de méditer sur leurs forfaits. En outre, celles qui sortiront des prisons après avoir purgé leurs peines, doivent avoir un rôle actif dans la reconstruction de la société qu'elles ont elles-mêmes détruite.

Ayant passé en revue les différentes formes d'impunité, nous allons, au cours de la partie qui suit, parler de la contribution du TPIR et de la CPI dans la lutte contre l'impunité.

* 86 Ibidem.

* 87 TSITSOURA A., Op. Cit., p.60.

* 88Article 23, 1. du Statut du TPIR

 

III.2 La contribution des juridictions pénales internationales dans la lutte contre

l'impunité

III.2.1 L'apport du TPIR

La création du TPIR par la Résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations Unies a été saluée par la Communauté internationale en général, et par le Rwanda en particulier.

Au Rwanda, l'histoire montre que depuis 1959, le pays a été le théâtre des tueries ethniques89(*). Depuis lors, aucun auteur de ces crimes n'avait été traduit devant une instance judiciaire, nationale ou internationale. Cette histoire macabre a culminé dans les événements de 1994 qui ont coûté la vie à plus d'un million de personnes90(*), essentiellement tutsies, en trois mois.

Après cette tragédie, le Bureau du Procureur du TPIR a arrêté plusieurs personnes présumées responsables des crimes graves dont les membres du gouvernement intérimaire, des hauts gradés de l'ancienne armée rwandaise, des dirigeants des milices, des autorités provinciales et bourgmestres des communes, des chefs religieux, des hommes d'affaires importants ainsi que des responsables des médias. Le Rwanda ruiné par le génocide et la guerre civile, avec ses moyens insuffisants, ne pouvait ni arrêter ni juger toutes ces personnes.

De surcroît, la situation au Rwanda après le génocide était telle que le système judiciaire rwandais avait perdu un grand nombre de son personnel judiciaire. Il y en avait beaucoup qui avaient été emportés par le génocide et les massacres de 1994 et d'autres qui avaient pris le chemin de l'exil. Pire encore, l'infrastructure judiciaire était complètement détruite.

Il fallait donc une instance puissante, dotée de ressources nécessaires, capable de poursuivre et de punir ces personnes présumées avoir commis le génocide. Aussi le Conseil de sécurité de l'ONU a t-il créé le TPIR, une institution qui, jusqu'à présent, vient de faire grande tâche.

Selon Alison Desforges, historienne et militante des droits de l'homme, 80% des personnes impliquées à un niveau élevé de responsabilité dans le génocide (« les gros poissons» ) ont été arrêtées par le TPIR91(*).

Dans cette démarche, le TPIR a pu traquer et arrêter plus de 72 personnes présumées responsables des violations graves du DIH92(*) : 56 personnes sont détenues dans le Quartier pénitentiaire du TPIR, 13 autres condamnées définitivement sont en attente de transfert vers les pays qui ont passé des accords avec le TPIR à cette fin, où elles doivent purger leurs peines.

Pour l'heure, nous tenons à rappeler que le Mali héberge 6 personnes condamnées par le TPIR. Les détenus dont les procès sont en cours sont au nombre de 29, et 8 détenus sont en attente de procès93(*).

Le TPIR a remis en liberté trois personnes : il s'agit de Bernard NTUYAHAGA, arrêté le 18 juin 1998 et remis liberté le 18 mars 1999 suite au retrait de l'acte d'accusation par le Procureur. Léonidas RUSATIRA a été aussi remis en liberté : son acte d'accusation a été aussi retiré pour insuffisance de preuves. Elizaphan NTAKIRUTIMANA quant à lui a purgé sa peine94(*).

Parmi ces personnes arrêtées par le TPIR, trois sont décédées. Il s'agit de Samuel MUSABYIMANA, Joseph SERUGENDO et d'Elizaphan NTAKIRUTIMANA. Celui-ci est décédé après avoir purgé sa peine95(*).

Le TPIR a acquitté 5 personnes. Il s'agit de Ignace BAGIRISHEMA, Emmanuel BAGAMBIKI, André NTAGERURA, Jean MPAMBARA et André RWAMAKUBA96(*).

La jurisprudence du TPIR est une preuve incontestable de sa contribution à la lutte contre l'impunité. En effet, c'est pour la toute première fois qu'un chef de gouvernement a été arrêté, jugé et condamné pour crimes graves par un tribunal pénal international97(*).

La condamnation de Monsieur Jean KAMBANDA à l'emprisonnement à vie le 4 septembre 1998, le TPIR a créé un précédent en matière de justice pénale internationale. Elle traduit un message fort et dissuasif et un avertissement aux responsables politiques. Dorénavant, ces derniers savent que tôt ou tard ils peuvent être appelés à répondre de leurs actes devant une juridiction pénale internationale. Ce précédent donne un nouvel élan à la justice internationale dans la lutte contre l'impunité. Ce précédent a été invoqué à la Chambre des Lords dans l'affaire PINOCHET ( demande d'extradition ). Puis, il y a eu l'inculpation et le transfert à La Haye de l'ancien dirigeant serbe, Slobodan MILOSEVIC98(*).

A coté de ce jugement de l'ancien Premier ministre Jean KAMBANDA, le TPIR a rendu un autre jugement historique : Dans l'affaire Jean-Paul AKAYESU c. le Procureur, le Tribunal a également, pour la première fois dans l'histoire, condamné un accusé pour viol entendu comme crime contre l'humanité. La Chambre est même allée plus loin en déclarant que le viol peut être un moyen de commission de ce crime concluant que le viol constitue en l'espèce un crime de génocide : « La violence sexuelle faisait partie intégrante du processus de destruction particulièrement dirigé contre les femmes tutsies et ayant contribué de manière spécifique à leur anéantissement et à celui du groupe tutsi considéré comme tel »99(*) lit-on dans le jugement AKAYESU. En d'autres termes, « cette violence sexuelle était une étape dans ce processus de destruction du groupe tutsi, destruction de son moral, la volonté de vivre de ses membres, et de leur vies elles-mêmes»100(*).

Un autre jugement, prononcé le 3 décembre 2003 dans l'Affaire « des médias du génocide », a lui aussi laissé des empreintes dans la jurisprudence internationale. En condamnant à l'emprisonnement à vie Ferdinand NAHIMANA, promoteur de la RTLM, Hassan NGEZE, directeur du journal « Kangura » et Jean-Bosco BARAYAGWIZA pour incitation au génocide, le TPIR a donné un message fort et dissuasif concernant l'utilisation des médias comme une arme de destruction massive101(*). Dans cette affaire, la Chambre précise que les journalistes, au lieu d'utiliser les médias pour promouvoir les droits de l'homme, les ont utilisés pour attaquer et détruire les droits humains les plus élémentaires. Ils ont abusé de la confiance du public en utilisant les médias pour inciter au génocide.

C'est aussi la jurisprudence du TPIR qui montre que, pour la première fois dans l'histoire de la justice internationale, une femme a été inculpée, arrêtée et jugée. Il s'agit de Pauline NYIRAMASUHUKO, l'ancienne ministre de la famille et de la promotion féminine, poursuivie pour génocide et viol en tant que crime contre l'humanité. Le TPIR est également la première juridiction internationale à avoir appréhendé un artiste, en l'occurrence le musicien Simon BIKINDI, sur la base du message que ses chansons véhiculaient pendant le génocide102(*).

Un autre mérite du TPIR qu'il ne faut pas négliger c'est que pour la première fois des violations du DIH commises dans le contexte d'un conflit interne ont fait l'objet d'une répression internationale. Le Conseil de sécurité a inclus dans la compétence ratione materiae du TPIR des instruments qui n'étaient pas nécessairement considérés comme faisant partie du droit international coutumier ou dont la violation n'était généralement pas considérée comme engageant la responsabilité pénale individuelle de son auteur. L'article 4 du Statut du TPIR inclut donc les violations du protocole additionnel II qui, dans son ensemble, n'a pas encore été universellement reconnu comme faisant partie du droit international coutumier. Pour la première fois cet article érige en crimes les violations de l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève103(*).

Bien que le TPIR se soit vu reprocher sa lenteur par certains Etats et des organisations internationales, il a pourtant fait tout ce qui était en son pouvoir pour lutter contre l'impunité. En fait, son travail a été retardé principalement par certains Etats qui ne se sont pas montrés coopératifs avec lui.

Il faut aussi noter que beaucoup d'autres raisons justifient cette lenteur alléguée. Devant le TPIR, les procès se déroulent en trois langues à savoir l'Anglais, le Français et le Kinyarwanda qui est la langue utilisée par la majorité des témoins et des accusés. Le TPIR doit donc assurer l'interprétation simultanée de ces trois langues dans la salle d'audience. Tous les documents officiels doivent également être traduits en ces trois langues.

Le système de la Common Law exige que le juge joue un rôle passif. Ce sont les parties qui se confrontent entre elles et le juge ne décide que sur la base des éléments de preuves que ces dernières lui ont présentés.

* 89 LUGAN, B., L'histoire du Rwanda, De la préhistoire à nos jours, éd. Bartillant, Paris, 1997, p.433

* 90 Rwanda/ Génocide: Plus d'un million de morts: Billan officiel, disponible sur : http://www.reliefweb.int/rw/rwb.nsf/ALLDocsByUNID, consulté le 4 mai 2007, tiré de la Fondation Hirondelle du 8 février 2002.

* 91La commémoration : le 6 avril 2004- Les réalisations du TPIR , disponible sur http : Fondation Hirondelle-Agence de presse

* 92Les affaires : Liste et situation des détenus du TPIR ( 23 février 2007), disponible sur www.ictr.org , consulté le 8 mai 2007.

* 93 Ibidem.

* 94 Etat des affaires, disponible sur www.ictr.org, consulté le 8 mai 2007.

* 95 Ibidem.

* 96 Ibidem.

* 97 L'affaire n° ICTR-97-23-S : Le Procureur c. Jean KAMBANDA.

* 98 Discours de M. Adama DIENG à Wilton Park, Sussex, op. cit., p.3.

* 99 L'affaire n° ICTR-96-4-T ( Par. 724) : Le Procureur c. Jean-Paul AKAYESU.

* 100 Idem, Par. 725.

* 101 Affaire n° ICTR-99-52-T : Le Procureur c. Ferdinand NAHIMANA, Jean-Bosco BARAYAGWIZA et Hassan NGEZE.

* 102 Les réalisations du TPIR depuis 1994, disponible sur http:// www.aidh.org/rwand/hirond15.htm , consulté le 14 mai 2007.

* 103 Discours de M. Adama DIENG, Greffier du TPIR, à Abidjan, op.cit.

III.2.2 La contribution de la CPI

La CPI, institution internationale judiciaire encore jeune, n'a pas encore réalisé de grands progrès. Mais nous croyons qu'elle ne prendra pas longtemps pour se mettre sur les rails puisqu'elle va se servir de l'expérience et de la jurisprudence des TPI ad hoc pour l'Ex-Yougoslavie et pour le Rwanda.

La CPI, de compétence universelle et de caractère permanent contrairement aux TPI ad hoc, s'est immédiatement saisi de certaines personnes présumées responsables de crimes de guerre en République centrafricaine, en République Démocratique du Congo et en Ouganda.

La première affaire dont la CPI s'est saisie est celle de Thomas LUBANGA DYILO, l'ancien chef de l'UPC, accusé d'avoir enlevé des enfants de moins de quinze ans qu'il a enrôlés dans son armée. Par la suite, ils les a envoyé sur le champ de bataille et il les a fait participer activement à un conflit sanglant dans la Province d'Ituri104(*).

La Chambre préliminaire I a également décerné des mandats d'arrêt contre deux hauts responsables soudanais à savoir Ahmad Muhammad HARUN, ex-Ministre d'Etat chargé de l'intérieur au sein du Gouvernement soudanais et actuellement Ministre d'Etat chargé des affaires humanitaires, et Ali Muhammad Al ABD-AL RAHMAN, un dirigeant des miliciens janjawids.

En motivant ce mandat d'arrêt, la Chambre a conclu qu'il y avait des motifs raisonnables de croire qu'en raison de ses fonctions, Ahmad HARUN avait connaissance des crimes commis contre des personnes civiles et des méthodes utilisées par les miliciens janjawids. Ses discours publics montrent qu'il savait que les miliciens attaquaient des personnes civiles et pillaient des bourgs et villages. Ces discours constituaient également des encouragements personnels à la commission de tels actes105(*). Le mandat d'arrêt visant Muhammad HARUN énumère 42 chefs d'accusation, mettant en cause sa responsabilité pénale individuelle au sens des alinéas b) et d) de l'article 25-3 du Statut de Rome106(*).

La Chambre préliminaire a conclu également que Ali ABD-AL RAHMAN a recruté des combattants, et a armé, financé et approvisionné des miliciens janjawids placés sous son commandement, contribuant ainsi intentionnellement à la commission des crimes. La Chambre ajoute qu'il a personnellement participé à certaines des attaques dirigées contre des civils107(*).

Dans la même démarche de lutte contre l'impunité, la CPI, après avoir reçu la lettre qui lui a été envoyée par le gouvernement de la République centrafricaine, lettre déferant la situation des crimes relevant de la compétence de la Cour commis sur l'ensemble du territoire de la République centrafricaine depuis le 1er juillet 2002, a entamé des enquêtes.

La CPI examine également la situation au Nord de l'Ouganda et réunit des éléments de preuves contre quatre responsables de la Lord's Resistance Army, une armée rebelle qui s'oppose au régime en place en Ouganda. La CPI a déjà lancé des mandats d'arrêt contre Joseph KONY,Vincent OTTI, Okot ODHIAMBO et contre Dominic ONGWEN.108(*)En application de l'article 18 du Statut de la CPI, le Procureur a déjà notifié son intention d'ouvrir une enquête aux Etats parties et aux autres Etats concernés109(*).

Pour arriver à ces immenses réalisations, le TPIR et la CPI ont dû, par le biais de leurs Statuts, renoncer à certaines exceptions qui avaient depuis longtemps servi de prétexte pour faire échapper certaines catégories de personnes aux poursuites judiciaires.

Nous constatons que c'est vraiment une voie qui témoigne de l'engagement de la justice pénale internationale de s'attaquer vigoureusement aux personnes de hauts rangs, qui jadis , pouvaient écraser les populations innocentes sans se soucier de rien.

* 104 Mandat d'arrêt international contre Thomas LUBANGA DYILO délivré par la Chambre préliminaire I de la CPI le 10 février 2006.

* 105 Mandats d'arrêt décernés par la Chambre préliminaire I de la CPI contre Ahmad HARUN et ABD-AL RAHMAN, le 2 mai 2007.

* 106Délivrance de mandats d'arrêt à l'encontre du Ministre d'Etat chargé des affaires humanitaires du Soudan et d'un dirigeant des miliciens janjawids, disponible sur : http://www.icccpi.int/press/pressreleases/241.htm , consulté le 8 mai 2007.

* 107 Ibidem.

* 108 Situations et affaires, disponible sur http://www.icc-cpi.int/cases.html, consulté le 08 mai 2007.

* 109 Ibidem.



12/04/2013
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