Le père et la belle-mère de deux enfants de 10 et 12 ans des Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) ont été mis en examen samedi pour violences sur mineur, défaut de soins et privation d'aliments. Ils ont été placés en détention provisoire. Les deux enfants qui ont dénoncé des violences, de même que le fils cadet de leur belle-mère - qui semble n'avoir jamais subi le même sort - ont été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Que savait ce service de cette famille, et du sort réservé à ces enfants ?
"Le Nouvel Observateur" a questionné la directrice de l'ASE (Aide sociale à l'enfance) pour la Seine-Saint-Denis, Françoise Simon.
Depuis quand cette famille était-elle suivie par les services sociaux ?
- Après un signalement, un juge des enfants a décidé, en 2008, de mettre en place un suivi par un éducateur dans le cadre d'une AEMO (Action éducative en milieu ouvert). Fin 2010, le frère aîné des deux enfants dont on parle aujourd'hui, aujourd'hui âgé de 15 ans - et qui vivait avec eux jusque-là, a souhaité être placé, en accord avec son père avec lequel il était en conflit. Il a donc été placé en janvier 2011. Parallèlement à cela, le juge des enfants a renouvelé l'AEMO en faveur des deux plus jeunes, et a maintenu le placement pour l'aîné. La mesure de suivi a donc continué. L'aîné des deux plus jeunes, souffrant de troubles du comportement relativement importants, a par ailleurs été suivi en neuropsychiatrie en CMP (centre médico-psychologique).
Quelle a été l'attitude du père pendant le suivi ?
- Il s'est toujours montré très coopératif, et semblait davantage être dépassé par ses enfants, avec lesquels il rencontrait de nombreuses difficultés, que susceptible de les maltraiter.
Les maltraitances subies par les enfants auraient duré trois ans. Les services sociaux avaient-ils connaissance de ces violences ?
- Nous n'avions, toutes ces dernières années, aucune information concernant les maltraitances. Sauf en 2007, quand des suspicions de coups ont été signalées. Une IOE (Investigation et orientation éducative) avait alors été ordonnée par le juge des enfants pour analyser la situation.
Quels en avaient été les résultats ?
- Il n'avait sans doute pas été estimé que ces violences étaient avérées, sinon les enfants auraient immédiatement été placés. Cette famille présentait probablement déjà davantage de difficultés d'ordre éducatif que de maltraitance.
En janvier dernier, un juge des enfants a de nouveau prononcé le maintien du suivi. Qu'a-t-il été précisément décidé ?
- En janvier, constatant que la situation s'était dégradée, les services sociaux ont demandé au juge des enfants qu'il ordonne un placement provisoire. Celui-ci a prononcé le maintien de l'AEMO pour trois mois pour nous laisser le temps d'organiser le placement des enfants. L'association qui suit ces enfants était donc en train de préparer leur placement. Toutefois il est vrai que l'un des enfants souffrant de troubles du comportement, les services rencontraient certaines difficultés à lui trouver un lieu d'accueil.
Qu'entendez-vous par "dégradation de la situation" ?
- Les services ont constaté que les conditions d'accueil - d'hygiène notamment - étaient mauvaises, et que le père était en grande difficulté dans sa relation avec ses fils. Mais encore une fois, ce ne sont pas des soupçons de maltraitance qui ont poussé les services sociaux a demander leur placement, mais les mauvaises relations entre le père et ses enfants.
Si la situation durait depuis trois ans, est-il possible que les services sociaux n'aient rien vu ? Ils ne pouvaient ignorer le lieu où dormaient les enfants, n'est-ce pas ?
- Nous ne savions pas pour les maltraitances. Nous ignorions aussi que les enfants étaient enfermés. Les services se déplacent régulièrement sur place et regardent ce qu'il se passe. Les choses étaient-elles différentes avant et se sont-elles dégradées très rapidement ? Le frère aîné des deux enfants enfermés, qui est donc suivi, rentrait régulièrement chez son père le week-end, et lui non plus ne nous a jamais rien dit.
Propos recueillis pas Céline Rastello - Le Nouvel Observateur