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La protection des enfants au Québec :

La protection des enfants au Québec :

une responsabilité à mieux partager

Rapport du Comité d’experts

sur la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse

La protection des enfants au Québec :

une responsabilité à mieux partager

Rapport du Comité d’experts

sur la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse

Février 2004

AVIS

Le présent rapport ne constitue pas les orientations

du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Il représente l’opinion des membres du Comité d’experts

sur la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse.

Son contenu n’engage que les membres du Comité.

Édition produite par

La Direction générale des services à la population du ministère de la Santé et des Services sociaux

Le présent document est disponible sur le site intranet réseau du ministère de la Santé et des Services

sociaux, à la section Documentation, sous la rubrique Publications, à l’adresse suivante :

http://intranetreseau.rtss.qc.ca

Il est également disponible sur le site Web du ministère de la Santé et des Services sociaux, à la section

Documentation, sous la rubrique Publications, à l'adresse suivante : www.msss.gouv.qc.ca

Le genre masculin utilisé dans ce document désigne aussi bien les hommes que les femmes.

Dépôt légal

Bibliothèque nationale du Québec, 2004

Bibliothèque nationale du Canada, 2004

Toute reproduction totale ou partielle de ce document est autorisée, à condition que la source soit

mentionnée.

© Comité d’experts sur la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse

Québec, le 14 novembre 2003

Madame Renée Lamontagne

Sous-ministre adjointe

Direction générale des services à la population

Ministère de la Santé et des Services sociaux

1075, chemin Sainte-Foy, 6e étage

Québec (Québec) G1S 2M1

Madame la Sous-Ministre adjointe,

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la Stratégie d’action pour les jeunes en

difficulté et leur famille, vous nous avez confié le mandat de vous faire des

propositions pour réviser la Loi sur la protection de la jeunesse. C’est avec un

immense plaisir et avec fierté que nous vous présentons les résultats de nos

réflexions et les recommandations qui en découlent.

Le Comité d’experts sur la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse, que

vous avez créé en janvier 2003, a répondu rapidement au mandat que vous lui avez

confié, dans un souci constant de trouver les meilleures réponses aux besoins des

enfants les plus vulnérables. Le Comité s’est inspiré des fondements sur lesquels

repose la Loi depuis son adoption et des orientations qui ont guidé les nombreuses

modifications qui lui ont été apportées au fil des ans. Il a tenu compte de l’évolution

des pratiques et de l’avancement des connaissances sur le développement de

l’enfant.

Le rapport qui vous est soumis s’inscrit dans la constante évolution du système de

protection de la jeunesse que le Québec s’est donné il y a 25 ans. Il réaffirme les

orientations fondamentales de la Loi sur la protection de la jeunesse et propose des

correctifs importants pour réduire les difficultés d’application.

Nous recommandons que le principe voulant que toutes les décisions concernant un

enfant soient prises dans son intérêt et dans le respect de ses droits soit réaffirmé et

considéré comme le premier principe de la Loi. Nous reconnaissons également que

les parents sont les premiers responsables d’assurer la protection de leur enfant et

qu’ils doivent pouvoir être soutenus dans l’exercice de cette responsabilité. Nous

nous permettons d’insister pour que la protection de la jeunesse soit réellement

considérée comme une responsabilité collective et que des prescriptions législatives

viennent renforcer ce principe.

Tout en reconnaissant que la Loi sur la protection de la jeunesse est une bonne loi

qui assure la protection des enfants au Québec, il faut aussi reconnaître que

plusieurs difficultés d’application ont été soulevées. Nous en avons fait une analyse

rigoureuse afin de vous soumettre les correctifs qui s’imposent. Pour maintenir le

caractère exceptionnel de l’intervention d’autorité auprès des enfants et des

familles, une révision complète des motifs d’intervention vous est proposée.

Compte tenu des problèmes majeurs constatés dans le placement et le déplacement

des enfants en ressources d’accueil, il vous est fortement suggéré de faire une place

importante dans la Loi à l’élaboration d’un projet de vie permanent pour tous les

enfants placés.

Nous croyons que les rôles et les responsabilités du directeur de la protection de la

jeunesse et de tous les dispensateurs de services auxquels il fait appel doivent être

clarifiés et clairement inscrits dans la Loi. Pour freiner la progression constante du

recours à l’intervention judiciaire et réaffirmer la place privilégiée que doit occuper

l’intervention sociale auprès des enfants et des parents, nous vous recommandons

de favoriser dans la Loi le recours à des approches consensuelles. Enfin, les

problèmes d’accès à l’information pour assurer la protection des enfants nécessitent

également que des changements importants soient apportés au régime de

confidentialité.

Au moment de mettre un terme à nos réflexions sur la révision de la Loi sur la

protection de la jeunesse, nous sommes de plus en plus convaincus que les

changements proposés doivent s’inscrire rapidement dans des modifications

législatives, en lien avec les autres actions du Ministère pour améliorer le réseau

d’aide aux enfants et à leur famille. Il faut permettre à tous les enfants en grande

détresse de grandir et de se développer dans un milieu de vie stable, capable de

garantir leur protection.

Veuillez accepter, madame la Sous-Ministre, l'expression de nos meilleurs

sentiments.

Les membres du Comité d’experts sur la révision

de la Loi sur la protection de la jeunesse

Jacques Dumais

Président du Comité d’experts

Coordonnateur de l’Assemblée de coordination de

la protection de la jeunesse

Ministère de la Santé et des Services sociaux

Nicole Brie

Chef des services

Équipe protection Richelieu

Centres jeunesse de la Montérégie

Marie-Josée Cantin-Archer

Avocate

Ministère de la Justice

Direction des affaires juridiques

Santé et Services sociaux

Jean Désy

Commissaire régional à la qualité des services

et coordonnateur des relations avec la population

Régie régionale de la santé et des services sociaux

des Laurentides

Claude Girouard

Chef des services Jeunesse, Famille et Santé

mentale

CLSC Lac-Saint-Louis

Michael Godman

Directeur de la protection de la jeunesse

Centres de la jeunesse et de la famille Batshaw

Jean Simon Gosselin

Chef du service du contentieux

Centre jeunesse de Québec

Marie Jacob

Adjointe à la coordination

Assemblée de coordination de la protection

de la jeunesse

Ministère de la Santé et des Services sociaux

Marie-Camille Noël

Avocate

Ministère de la Justice

Direction des affaires juridiques

Santé et Services sociaux

Jean-Marc Potvin

Directeur de la protection de la jeunesse

Centre jeunesse de Montréal

Table des matières

INTRODUCTION............................................................................................................... 13

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS

ET DES PARENTS.................................................................................. 19

1. Le champ d’application et l’objet de la Loi ............................................................. 20

1.1. Le champ d’application de la Loi ....................................................................... 20

1.2. L’objet de la Loi ................................................................................................. 21

2. La distinction entre droits et principes ................................................................... 23

3. Les principes généraux.......................................................................................... 23

3.1. L’intérêt de l’enfant et le respect de ses droits .................................................. 24

3.2. La primauté de la responsabilité parentale........................................................ 26

3.3. Le maintien de l’enfant dans son milieu familial ................................................ 27

3.3.1. L’importance de la continuité des soins et de la stabilité des liens et des

conditions de vie ........................................................................................ 28

3.3.2. L’importance d’élaborer un projet de vie permanent pour chaque enfant

placé........................................................................................................... 31

3.4. Une intervention diligente .................................................................................. 33

3.5. Une intervention qui privilégie l’utilisation d’approches consensuelles et de

coopération........................................................................................................ 35

3.6. La prévention et la participation de la communauté .......................................... 39

4. Les droits des enfants et des parents.................................................................... 45

4.1. Le droit de l’enfant à la protection ..................................................................... 46

4.2. Le droit d’être informé........................................................................................ 46

4.3. Le droit d’être entendu....................................................................................... 48

4.4. Le droit à des services adéquats....................................................................... 50

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D’INTERVENTION EN PROTECTION DE LA

JEUNESSE..............................................................................................51

1. Le concept de protection ....................................................................................... 52

2. Les situations dans lesquelles la sécurité ou le développement de l’enfant

pourrait être considéré comme compromis ........................................................... 53

3. Le regroupement des motifs d’intervention en fonction des problématiques

reconnues.............................................................................................................. 54

3.1. L’abandon..........................................................................................................55

3.1.1. Les abandons dus au décès des parents ou au non-exercice des

responsabilités parentales ......................................................................... 56

3.1.2. Les abandons à la suite d’un placement en ressource d’accueil............... 57

3.2. La négligence ....................................................................................................60

3.2.1. La définition de la négligence .................................................................... 61

3.2.2. Les formes de négligence.......................................................................... 62

3.2.3. Les situations présentant un risque de négligence.................................... 64

3.3. Les mauvais traitements psychologiques.......................................................... 66

3.3.1. La définition des mauvais traitements psychologiques.............................. 67

3.3.2. Les formes de mauvais traitements psychologiques ................................. 68

3.3.3. Les mauvais traitements psychologiques comme motif d’intervention ...... 69

3.4. L’abus sexuel.....................................................................................................73

3.4.1. La définition et l’utilisation des termes « agression sexuelle » et « abus

sexuel »...................................................................................................... 73

3.4.2. Les abus sexuels commis par une personne autre que les parents et

l’obligation de signaler................................................................................ 74

3.4.3. Les situations présentant un risque d’abus sexuel .................................... 76

3.5. L’abus physique.................................................................................................78

3.5.1. La définition des mauvais traitements physiques et la distinction entre

l’abus et la négligence physiques .............................................................. 78

3.5.2. Les abus physiques commis par une personne autre que les parents et

l’obligation de signaler................................................................................ 79

3.5.3. Les situations présentant un risque d’abus physique ................................ 81

3.6. Les troubles de comportement .......................................................................... 82

3.6.1. La définition des troubles de comportement.............................................. 84

3.6.2. La volonté et la capacité des parents de prendre les moyens nécessaires

pour corriger la situation .................................................................. 87

3.6.3. L’absentéisme scolaire ..............................................................................91

3.6.4. La fugue.....................................................................................................92

CHAPITRE 3 : LE PROJET DE VIE PERMANENT......................................................... 95

1. La définition du projet de vie permanent................................................................ 96

2. Les principes de la Loi........................................................................................... 98

3. La durée du placement.......................................................................................... 99

3.1. La mesure de placement volontaire ................................................................ 100

3.2. La mesure de placement ordonnée................................................................. 101

4. La révision de la situation des enfants placés ..................................................... 104

5. Les différentes mesures visant la stabilisation de la situation de l’enfant

à plus long terme ................................................................................................. 105

5.1. La réinsertion de l’enfant dans son milieu familial ........................................... 106

5.2. L’adoption ........................................................................................................107

5.3. La tutelle ..........................................................................................................108

5.4. Le placement à long terme en ressource d’accueil ......................................... 110

5.5. Le projet de vie permanent dans la famille élargie .......................................... 110

CHAPITRE 4 : LE RÔLE ET LES RESPONSABILITÉS DU DPJ ET DES

ÉTABLISSEMENTS OU ORGANISMES DISPENSATEURS DE

SERVICES............................................................................................. 113

1. Lorsque la sécurité ou le développement de l’enfant est ou pourrait être considéré

comme compromis ...................................................................................... 113

1.1. Le rôle et les responsabilités du DPJ .............................................................. 113

1.1.1. Les responsabilités exclusives du DPJ.................................................... 114

1.1.2. Les « autres » responsabilités du DPJ .................................................... 121

1.2. Le rôle et les responsabilités des établissements ou organismes dispensateurs

de services ............................................................................................. 122

2. Lorsque la sécurité ou le développement de l’enfant n’est pas ou n’est plus

compromis ........................................................................................................... 125

2.1. Le rôle et les responsabilités du DPJ .............................................................. 126

2.2. Le rôle et les responsabilités des établissements et organismes dispensateurs

de services ............................................................................................. 129

CHAPITRE 5 : LE RÉGIME DE CONFIDENTIALITÉ .................................................... 131

1. Les dispositions législatives concernant la protection de la vie privée et la

confidentialité des renseignements personnels................................................... 132

2. L’accès à l’information dans le cadre d’une enquête du DPJ .............................. 134

2.1. La demande de renseignements personnels .................................................. 134

2.2. La consultation des dossiers ........................................................................... 138

3. La divulgation de l’information détenue par le DPJ ............................................. 143

4. La conservation de l’information contenue dans les dossiers du DPJ................. 145

CONCLUSION ............................................................................................................... 149

RÉSUMÉ ...............................................................................................................151

LISTE DES RECOMMANDATIONS................................................................................ 157

BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................. 171

LISTE DES LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS.................................................................. 177

ANNEXE 1 : LE PROCESSUS D’INTERVENTION LPJ ................................................. 181

ANNEXE 2 : TABLEAUX STATISTIQUES COMPLÉMENTAIRES................................. 183

ANNEXE 3 : LISTE DES PERSONNES-RESSOURCES CONSULTÉES...................... 193

REMERCIEMENTS

Entreprendre une démarche de révision de la Loi sur la protection de la jeunesse dans un

temps très court représentait tout un défi. Si les délais ont été en bonne partie respectés,

c’est grâce à la mobilisation, à l’engagement et à la constance des membres du Comité

d’experts. Leur participation active a été indispensable à la réalisation de cette démarche

et nous les remercions très chaleureusement.

Nous tenons aussi à souligner la précieuse contribution de l’ensemble des personnes

consultées tout au long de cette démarche. Nous voulons particulièrement remercier

madame Jeanne Houde, madame Denise Lalande, monsieur Nico Trocmé et les

membres de l’Assemblée de coordination de la protection de la jeunesse.

La mise en page du rapport du Comité d’experts a été assurée par mesdames Céline

Fréchette et Sonia Jean du ministère de la Santé et des Services sociaux et nous leur

sommes très reconnaissants de leur efficacité et de la qualité de leur travail.

INTRODUCTION

- 13 -

INTRODUCTION

La mise en oeuvre de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) franchira le cap des

25 ans en 2004. Cette loi, reconnue comme progressiste, adoptée à l’unanimité et

appliquée depuis le 15 janvier 1979, a permis à la société québécoise de relever le défi de

la protection des enfants. Il est indéniable que la Loi a entraîné des progrès considérables

non seulement dans la réponse aux besoins des enfants, mais aussi dans le soutien aux

parents dans l’exercice de leurs responsabilités à l’égard de leurs enfants.

Comme pour toute nouvelle loi, il a été nécessaire au fil des ans de lui apporter

différentes modifications, soit pour corriger des orientations prises ou des interprétations

données, soit pour l’ajuster à l’évolution des connaissances scientifiques et des pratiques

sociales ou judiciaires. Des modifications majeures lui ont été apportées en 1984, à la

suite des travaux de la Commission parlementaire spéciale sur la protection de la

jeunesse qui était présidée par monsieur Jean-Pierre Charbonneau. Des changements

importants y ont aussi été introduits en 1994, à la suite des travaux du Groupe de travail

sur l’évaluation de la Loi sur la protection de la jeunesse présidé par le juge en chef

adjoint de la Cour du Québec, l’honorable Michel Jasmin. Même si d’autres modifications

lui ont été apportées à d’autres moments, elles n’ont pas eu la même ampleur.

Depuis quelques années, plusieurs groupes de travail, et plus particulièrement le Comité

de coordination des chantiers jeunesse à l’automne 2001, ont proposé une révision de la

LPJ. Tout en recommandant sa révision, le Comité de coordination insistait pour affirmer

que la LPJ est encore reconnue comme une bonne loi qui assure la protection des

enfants au Québec, mais que certains correctifs sont nécessaires pour s’assurer d’y

recourir plus judicieusement et de l’appliquer plus rigoureusement. Pour donner suite à

ces différentes recommandations, le ministère de la Santé et des Services sociaux a

confié le mandat de révision de la LPJ à l’Assemblée de coordination de la protection de

la jeunesse. Sous la présidence de monsieur Jacques Dumais, un comité d’experts a été

créé pour procéder à l’analyse des différents avis de modifications de la LPJ et faire des

recommandations sur les changements souhaités. Cette démarche a été réalisée en

tenant compte des travaux d’un comité de travail du ministère de la Justice qui ont été

complétés à l’automne 2002 et qui visent plus particulièrement la modernisation des

processus judiciaires en matière d’administration de la justice à l’égard des jeunes. Ce

- 14 -

sont les travaux réalisés dans le cadre de ces deux démarches qui permettront au

gouvernement québécois de se prononcer sur l’opportunité de modifications législatives.

Portrait de la situation en protection de la jeunesse

D’entrée de jeu, il convient de présenter quelques données sur l’application de la LPJ aux

différentes étapes du processus d’intervention1. Sans dresser un portrait détaillé de la

situation en protection de la jeunesse, il apparaît en effet important, afin de mieux situer

certains enjeux reliés à la révision de la Loi, de relever un certain nombre de constats

significatifs2.

Relevons en premier lieu que les services de protection de la jeunesse reçoivent et

traitent chaque année un nombre important de signalements. En 2000-2001, le nombre

de signalements traités s’élevait à 53 600, ce qui correspond à un taux de

33,8 signalements pour 1 000 jeunes de 0 à 17 ans, soit environ 3,4 % des enfants du

Québec.

Il faut cependant noter que la majorité des signalements reçus ne donnent pas lieu à une

prise en charge de la situation de l’enfant par le directeur de la protection de la jeunesse

(DPJ). En effet, environ un enfant signalé sur quatre sera considéré comme ayant besoin

de protection après avoir franchi les différentes étapes du processus d’évaluation. En

2000-2001, le nombre total de prises en charge par le DPJ s’élevait à 25 565, ce qui

représentait environ 2 % des enfants du Québec.

Un deuxième constat qui se dégage de l’examen des données disponibles est qu’une très

grande proportion des enfants signalés dont la situation n’est pas prise en charge par le

DPJ présentent des besoins d’aide ou de services sociaux.

1 Le lecteur moins familier avec le processus d’intervention en protection de la jeunesse peut consulter

l’annexe 1. Chacune des étapes de ce processus est décrite de manière détaillée dans le Manuel de

référence sur la protection de la jeunesse (1998).

2 Pour un portrait statistique plus complet de la situation, voir Ministère de la Santé et des Services sociaux

(MSSS) (2002a). Indicateurs repères relatifs à l’application de la Loi sur la protection de la jeunesse 1993-

1994 à 2001-2002. Voir également l’Étude sur l’incidence et les caractéristiques des situations d’abus, de

négligence, d’abandon et de troubles de comportement sérieux signalées à la direction de la protection de la

jeunesse au Québec (ÉIQ) (2002), sous la direction de Marc Tourigny, Micheline Mayer et John Wright. Cette

étude porte sur plus de 9 790 signalements reçus dans les 16 centres jeunesse du Québec à l’automne 1998.

Certaines données tirées de ces deux documents sont présentées à l’annexe 2.

INTRODUCTION

- 15 -

Selon les données de l’ÉIQ (Tourigny et al., 2002), des besoins en services ont été

reconnus chez 61 à 82 % des enfants et des parents dont la situation n’a pas été prise en

charge par le DPJ, ce qui met notamment en évidence l’importance de l’arrimage entre

les services de protection de la jeunesse et les autres services d’aide aux jeunes et aux

familles en difficulté.

Comme troisième constat, il faut noter que, depuis plusieurs années, ce sont les enfants

négligés et ceux qui manifestent des troubles de comportement sérieux qui représentent

la majorité des enfants évalués et pris en charge par le DPJ. En 2000-2001, 59 % des

enfants pris en charge l’ont été en raison d’un problème de négligence et 27 %, en raison

d’un problème de comportement sérieux.

Il est également intéressant de souligner que plus de 80 % des signalements retenus et

des prises en charge pour négligence concernent des enfants de moins de 12 ans alors

que plus de 85 % des signalements retenus et des prises en charge pour troubles de

comportement sérieux impliquent des jeunes de 12 à 17 ans.

Un quatrième constat qu’il importe de faire ressortir a trait à l’augmentation du recours au

tribunal en matière de protection de la jeunesse. Les taux de judiciarisation des situations

prises en charge par le DPJ sont très élevés et ont connu une hausse considérable au

cours des dernières années. De 1993-1994 à 2000-2001, la proportion de situations

soumises au tribunal est ainsi passée de 32 à 47 %. Au cours de la même période, la

proportion des enfants pris en charge par le DPJ en vertu d’un régime judiciaire est

passée de 50 à 73 %.

Enfin, relevons que le taux de placement des enfants déclarés en besoin de protection

demeure également élevé. De 1993-1994 à 2000-2001, la proportion des prises en

charge comportant une mesure de placement est passée de 47 à 46 %. Près d’un enfant

suivi en protection de la jeunesse sur deux est ainsi placé en dehors de son milieu

familial, soit en famille d’accueil, soit en ressource de réadaptation.

Démarche retenue

Les membres du Comité d’experts ont d’abord pris en considération, dans leurs

réflexions, les intentions qu’avait le législateur lors de l’adoption de la LPJ en décembre

1977. De façon à bien mettre en perspective les modifications proposées, ils ont en outre

- 16 -

procédé à un examen attentif des analyses et recommandations de la commission

Charbonneau et du groupe de travail Jasmin, lesquelles ont été à l’origine des principaux

changements apportés à la Loi en 1984 et en 1994.

Ils ont aussi porté une attention particulière aux orientations majeures qui ont été retenues

dans le Manuel de référence sur la protection de la jeunesse ainsi qu’à la jurisprudence

rapportée dans le texte annoté de la LPJ. Les avis, protocoles et guides de pratique

produits par l’Association des centres jeunesse du Québec (ACJQ) ont également

constitué des documents de référence importants et ont guidé leurs travaux.

Le membres du Comité ont par ailleurs fait l’analyse des avis formulés par différents

groupes de travail gouvernementaux concernant les services aux jeunes et aux familles

au cours des dernières années et étudié attentivement les propositions de modifications

de la LPJ ayant été recommandées.

De même, ils ont pris connaissance des travaux et des choix législatifs qui ont été faits

dans d’autres provinces canadiennes, dans certains États américains et dans quelques

pays européens. Les rapports des comités d’experts chargés de réviser les lois de

l’Ontario (1998) et de l’Alberta (2002) ont été examinés de manière détaillée.

Plusieurs études et travaux de recherche en lien avec les différents thèmes abordés

appuient en outre les orientations retenues.

Enfin, dans le but d’enrichir leurs débats sur les principales difficultés à aplanir, les

membres du Comité ont consulté de façon plus formelle trois personnes reconnues pour

leur grande expertise dans le domaine de la protection de la jeunesse : maître Jeanne

Houde, madame Denise Lalande et monsieur Nico Trocmé. Leur contribution à

l’avancement des travaux du Comité a été fort appréciable. Les avis des membres de

l’Assemblée de coordination en protection de la jeunesse ont aussi été d’un apport

considérable. Le Comité a aussi pu profiter des avis des membres du Comité de

coordination en adoption et retrouvailles de l'ACJQ.

Les travaux du Comité se sont déroulés de janvier à octobre 2003. Les membres se sont

réunis à dix reprises, pour un total de dix-huit jours de rencontre.

INTRODUCTION

- 17 -

Contenu du rapport

Les réflexions du Comité d’experts ont essentiellement porté sur les principales difficultés

d’interprétation et d’application soulevées au cours des dernières années. Il ne faut donc

pas s’attendre à un bilan exhaustif des différentes modalités d’application de la Loi.

Au regard des travaux effectués par l’Équipe de travail sur la modernisation des

processus judiciaires en matière d’administration de la justice à l’égard des jeunes, les

membres du Comité d’experts ne se sont généralement pas prononcés sur les

recommandations qui ont été formulées concernant le fonctionnement du tribunal.

Cependant, certaines analyses ou recommandations de l’Équipe de travail qui touchaient

les thèmes abordés par le Comité d’experts ont été prises en considération.

L’ensemble des recommandations proposées dans le présent rapport porte sur le volet

social de l’application de la LPJ. Les réflexions des membres ont été regroupées sous les

cinq thèmes sur lesquels ont porté leurs analyses.

Le premier chapitre traite de la déclaration de principes et des droits des enfants et des

parents. Ces principes et droits constituent les fondements de la Loi et servent à mieux

comprendre les éléments qui doivent guider les décisions et les mesures qui seront prises

à l’égard des enfants et de leurs parents. Particulièrement en ce qui concerne les

principes, des changements importants sont proposés.

Le deuxième chapitre aborde le coeur même de la Loi puisqu’il circonscrit les situations

qui requièrent la protection d’un enfant par l’État. Ces motifs d’intervention en protection

de la jeunesse sont analysés et reformulés. Ils sont regroupés en six problématiques :

l’abandon, la négligence, les mauvais traitements psychologiques, l’abus sexuel, l’abus

physique et les troubles de comportement.

Le troisième chapitre met davantage l’accent sur l’importance d’un projet de vie

permanent pour les enfants placés. Il traite des différentes dispositions législatives qui

peuvent le favoriser et des options qui peuvent être envisagées afin d’assurer un milieu

de vie stable aux enfants placés à plus long terme.

- 18 -

Le quatrième chapitre distingue et précise les rôles et les responsabilités du DPJ et des

établissements ou organismes dispensateurs de services. Ces rôles et responsabilités

sont définis pour les cas où la sécurité ou le développement d’un enfant est compromis et

pour ceux où la sécurité ou le développement d’un enfant n’est pas ou n’est plus

compromis.

Enfin, le cinquième chapitre porte sur le régime de confidentialité prévu dans la Loi. De

façon plus spécifique, la communication de renseignements personnels ainsi que la

consultation et la conservation des dossiers sont abordées.

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS ET DES PARENTS

- 19 -

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS

ET DES PARENTS

Aborder la question des droits des enfants et des principes qui sous-tendent la LPJ, c’est

remonter aux fondements mêmes de la loi de 1977, alors que l’enfant est devenu un

véritable sujet de droit :

L’adoption, en 1977, de la Loi sur la protection de la jeunesse constitue, à n’en

pas douter, un point tournant dans l’histoire de la protection de l’enfance au

Québec. […] Ce qui caractérise avant tout notre loi actuelle, celle qui a amorcé la

réforme de 1977, c’est qu’elle a promu les droits fondamentaux et les droits

spécifiques de l’enfant à protéger. Autrefois objet de droit, l’enfant au Québec est

devenu sujet de droit à part entière. (Groupe de travail Jasmin, 1992 : 1)

On perçoit dès lors l’importance des changements législatifs introduits en 1977. En 1982,

les travaux de la commission Charbonneau ont toutefois fait ressortir l’existence

d’imprécisions et même de contradictions dans la compréhension de la Loi,

particulièrement concernant les droits des enfants et les responsabilités parentales. À la

suite de ces travaux, quatre principes ont été reconnus de façon plus formelle dans la Loi

lors des modifications de 1984 : la recherche de l’intérêt de l’enfant et le respect de ses

droits, la primauté de la responsabilité parentale, le maintien de l’enfant dans son milieu

familial et enfin, la nécessité de la prévention et de la participation de la communauté. En

1992, en plus de proposer la consolidation des principes existants, le groupe de travail

Jasmin a recommandé des ajouts importants, dont la nécessité d’intervenir de façon

diligente compte tenu de la notion de temps chez l’enfant, recommandations qui ont été

retenues dans les modifications législatives de 1994.

Plus récemment, en 2001, le Comité de coordination des chantiers jeunesse a proposé la

révision de certains éléments de la LPJ. Deux recommandations ont été formulées de

manière plus spécifique concernant la déclaration de principes : « Réaffirmer et consolider

ce qui fait la spécificité et l’originalité de la LPJ : la nécessité que l’intervention sociale

précède l’intervention judiciaire » et « Établir plus clairement que la protection de l’enfant

est le principe premier qui doit sous-tendre les décisions et les interventions effectuées

dans son intérêt et dans le respect de ses droits » (Comité de coordination des chantiers

jeunesse, 2001 : 52).

- 20 -

Comme les principes et les droits reconnus dans la Loi définissent les grandes

orientations qui doivent être prises en considération dans son application, le Comité leur a

accordé une attention particulière. Les discussions ont principalement porté sur la

déclaration de principes. Sans remettre en cause les principes actuels, les membres

estiment toutefois que certains d’entre eux doivent être affirmés avec plus de force ou

explicités davantage. Il y a également lieu de faire ressortir plus clairement une certaine

hiérarchie entre les différents principes. En ce qui concerne les droits des enfants et des

parents, les membres du Comité y souscrivent d’emblée, mais considèrent qu’il y aurait

intérêt à les présenter différemment, soit pour faire ressortir l’importance de certains, soit

pour en regrouper d’autres qui présentent des similitudes.

1. Le champ d’application et l’objet de la Loi

Le champ d’application et l’objet de la LPJ ont d’abord retenu l’attention des membres du

Comité. Ces éléments leur sont en effet apparus importants dans la mesure où ils

permettent de guider l’interprétation de la Loi.

1.1. Le champ d’application de la Loi

Il est énoncé à l’article 2 que la LPJ « s’applique à un enfant dont la sécurité ou le

développement est ou peut être considéré comme compromis ».

Les notions de sécurité et de développement constituent deux notions clefs dans

l’application de la LPJ. Comme le relevait la commission Charbonneau et comme il est

repris dans le Manuel de référence sur la protection de la jeunesse, ces notions sont

étroitement reliées à la satisfaction des besoins de l’enfant :

Pour arriver à cerner ces notions de sécurité et de développement, il faut se

référer aux besoins de l’enfant qui sont de plusieurs ordres. D’abord physiques :

alimentation, repos, santé et croissance. Ils sont aussi affectifs : liens d’amour et

d’amitié, sentiment d’appartenance, besoin d’identification et de sécurité émotive.

Ils sont intellectuels : apprentissage, développement, cognition, scolarisation,

créativité. Ils sont enfin sociaux : appartenance à un milieu familial, ouverture au

monde extérieur à la famille, développement de l’aptitude à s’insérer et à

participer socialement, intégration aux valeurs de la société. Or, à chaque ordre

de besoins de l’enfant correspond un droit au développement et à la sécurité.

(Assemblée nationale du Québec, 1982 : 53)

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS ET DES PARENTS

- 21 -

Toutefois, la LPJ ne vise pas la satisfaction de l’ensemble des besoins d’un enfant ni la

satisfaction entière de ses besoins. Il s’agit ici d’éléments indispensables à la

compréhension de la Loi et du concept de protection :

La notion de besoin est cependant très large. De toute évidence, la LPJ n’a pas

pour objectif la satisfaction de tous les besoins d’un enfant, mais tend plutôt à

corriger les situations où le développement est entravé par des besoins

fondamentaux non satisfaits. En conséquence, cette loi vise la satisfaction

minimale des besoins essentiels d’un enfant. (Groupe de travail sur la révision du

Manuel de référence sur la LPJ, 1998 : 143)

Dans la même perspective, selon la définition adoptée par la Table des DPJ, « la

protection d’un enfant consiste à apporter une réponse minimale à ses besoins

fondamentaux, dans son meilleur intérêt, et dans le respect de ses droits » (ACJQ,

1995 : 4).

De façon à mettre clairement en relief le caractère d’exception de la LPJ, et

conformément à la définition du concept de protection, les membres du Comité

recommandent de préciser le champ d’application de la Loi et de compléter l’article 2 en y

ajoutant que la sécurité ou le développement d’un enfant est considéré comme

compromis lorsqu’il ne reçoit pas ce qui est essentiel pour répondre à ses besoins

fondamentaux.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 1.1 :

Que le champ d’application de la Loi soit précisé en ajoutant, à l’article 2,

que la sécurité ou le développement d’un enfant est considéré comme

compromis lorsqu’il ne reçoit pas ce qui est essentiel pour répondre à ses

besoins fondamentaux.

1.2. L’objet de la Loi

L’objet de la LPJ n’est pas mentionné comme tel dans la Loi.

Selon le Manuel de référence sur la protection de la jeunesse, la LPJ poursuit deux

objectifs généraux : mettre fin à la situation qui compromet la sécurité ou le

- 22 -

développement de l’enfant et éviter qu’elle ne se reproduise. Ces objectifs sont davantage

énoncés comme des principes à l’article 2.3 :

2.3. Toute intervention auprès d’un enfant et de ses parents doit viser à mettre

fin à la situation qui compromet la sécurité ou le développement de l’enfant

et à éviter qu’elle ne se reproduise.

Il est intéressant de souligner que, selon l’interprétation donnée par le Manuel, par ces

deux grands objectifs, la LPJ vise non seulement la protection des enfants, mais

également l’amélioration de la capacité des parents à assumer leurs responsabilités :

Cette nouvelle disposition introduite en 1994 précise de manière significative les

objectifs généraux qui doivent être poursuivis au moyen d’une intervention

d’autorité effectuée en vertu de cette loi. Il ne suffit pas de “mettre fin à la

situation qui compromet la sécurité ou le développement d’un enfant”. […] Il faut

en outre “éviter que cette situation ne se reproduise” pour respecter les principes

affirmés dans la LPJ et le droit québécois, notamment celui qui veut que l’intérêt

d’un enfant et le respect de ses droits soient assumés, dans la mesure du

possible, par ses parents. […] Autrement dit, l’intervention vise ainsi à la fois la

protection de l’enfant et l’amélioration de l’exercice de certaines responsabilités

parentales. (Groupe de travail sur la révision du Manuel de référence sur la LPJ,

1998 : 113)

De l’avis des membres du Comité, l’objet de la Loi devrait être spécifié dans le chapitre

portant sur l’interprétation et l’application de la Loi. À cette fin, ils recommandent de

reprendre la première partie de l’article 2.3 actuel et de mentionner que la Loi a pour but

d’assurer la protection d’un enfant en permettant de mettre fin à la situation qui

compromet sa sécurité ou son développement et d'éviter qu’elle ne se reproduise.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 1.2 :

Que l’objet de la LPJ soit spécifié dans le chapitre portant sur son

interprétation et son application.

À cette fin, qu’il soit mentionné que la Loi a pour but d’assurer la protection

d’un enfant en permettant de mettre fin à la situation qui compromet sa

sécurité ou son développement et d’éviter qu’elle ne se reproduise.

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS ET DES PARENTS

- 23 -

2. La distinction entre droits et principes

Lors de son adoption en 1977, la LPJ ne contenait pas de déclaration de principes

proprement dite, bien que certains principes y figuraient. De nouveaux principes et droits

ont été introduits en 1984 à la suite des travaux de la commission Charbonneau. En 1992,

le groupe de travail Jasmin (1992 : 33) considérait ainsi qu’il fallait « établir une distinction

plus claire entre les droits et les principes », sans toutefois suggérer de modifications

précises à cet effet.

Compte tenu du grand nombre de principes et de droits énoncés dans la Loi, les

membres du Comité recommandent de les présenter dans deux sections distinctes.

Plusieurs droits reconnus dans la LPJ s’appliquant à la fois aux enfants et aux parents, il

conviendrait en outre, selon les membres du Comité, d’intituler la section sur les droits

« Droits des enfants et des parents ».

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 1.3 :

Que les droits et les principes reconnus dans la Loi soient traités dans deux

sections distinctes et que la section sur les droits soit intitulée : « Droits des

enfants et des parents ».

3. Les principes généraux

La LPJ s’appuie sur plusieurs principes qui ont pour but de guider les décisions prises par

toutes les personnes chargées d’en assurer l’application. Sept grands principes sont plus

spécifiquement reconnus dans la Loi, ainsi que le précise le Manuel de référence sur la

protection de la jeunesse :

L’intérêt de l’enfant et le respect de ses droits;

La primauté de la responsabilité parentale;

Le maintien de l’enfant dans son milieu familial;

La prévention et la participation de la communauté;

Une intervention d’autorité respectueuse des personnes et de leurs droits;

- 24 -

Une intervention diligente;

Une intervention qui prend en considération les caractéristiques des communautés

culturelles et des communautés autochtones.

Deux de ces principes, soit une intervention d’autorité respectueuse des personnes et de

leurs droits et qui prend en considération les caractéristiques des communautés

culturelles et des communautés autochtones, ne donne pas lieu à des recommandations

particulières. Les membres du Comité maintiennent à leur égard les orientations actuelles

de la Loi.

Ils proposent par ailleurs d’introduire trois nouveaux principes de plus en plus reconnus

dans la pratique sociale et judiciaire, soit l’importance :

de favoriser la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie

de l’enfant;

d’élaborer un projet de vie permanent pour chaque enfant placé;

de privilégier l’utilisation d’approches consensuelles dans l’intervention.

3.1. L’intérêt de l’enfant et le respect de ses droits

L’article 3 stipule que les décisions prises en vertu de la LPJ doivent l’être « dans l’intérêt

de l’enfant et dans le respect de ses droits ». À l’origine, cet article ne faisait référence

qu’aux droits de l’enfant. En 1982, des problèmes d’interprétation ont cependant été

soulevés par la commission Charbonneau. Dans la pratique, on s’est rendu compte que le

respect des droits de l’enfant ne permettait pas toujours de répondre à ses besoins ni de

tenir compte de son intérêt. La Commission a donc recommandé que la notion d’intérêt

soit associée à celle du respect des droits de l’enfant comme motif déterminant toute

décision prise en vertu de la Loi.

En 1992, afin de dissiper toute ambiguïté et de bien mettre en évidence l’importance

d’établir un « équilibre » entre les droits, l’intérêt et les besoins d’un enfant, le groupe de

travail Jasmin a recommandé d’ajouter, à l’article 3, le deuxième alinéa de l’article 33 du

Code civil du Québec, qui fait référence aux besoins de l’enfant :

3. Les décisions prises en vertu de la présente loi doivent l’être dans l’intérêt de

l’enfant et dans le respect de ses droits.

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS ET DES PARENTS

- 25 -

Sont pris en considération, outre les besoins moraux, intellectuels, affectifs et

physiques de l’enfant, son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et

les autres aspects de sa situation.

Pour le groupe de travail Jasmin (1992 : 37), il ne fait aucun doute par ailleurs que le

principe de l’intérêt de l’enfant et du respect de ses droits « constitue le fondement même

de la Loi sur la protection de la jeunesse ». « Par conséquent, si le droit d’un parent

s’oppose ou est en conflit avec celui de l’enfant, c’est le droit de ce dernier qui doit avoir la

priorité, compte tenu de son intérêt. »

Plusieurs jugements reconnaissent également la prédominance du principe de l’intérêt de

l’enfant et du respect de ses droits (Boulais, 1999 : 42). Sur ce plan, il est intéressant de

citer un extrait d’un jugement de la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec datant

de septembre 2002. Se référant aux différents principes énoncés dans la Loi et, de

manière plus particulière, aux articles 2.2, 3 et 4, la juge Durand-Brault pose la question

suivante : « Dans l’évaluation de la preuve telle qu’elle se présente au dossier, le tribunal

doit-il considérer ces principes comme étant sur un même pied et rechercher une solution

qui tente de les concilier? Au contraire, l’intérêt de l’enfant et le respect de ses droits

constituent-ils la grande finalité à laquelle les autres principes se subordonnent? » Après

examen des jugements de la Cour suprême du Canada, elle conclut « qu’à chaque fois

que le sort d’un enfant est concerné, qu’il s’agisse d’un conflit privé entre les parents ou

d’un recours initié dans le cadre d’une loi d’ordre public comme la Loi sur la protection de

la jeunesse, l’intérêt de l’enfant est maintenant indiscutablement reconnu comme le critère

ultime à l’aune duquel tous les autres principes doivent se mesurer » (C.Q. Montréal 525-

41-006678-99, le 8 octobre 2002 (J.E. 2002-1981) : 13).

Il se dégage sans conteste que le principe de l’intérêt de l’enfant et du respect de ses

droits constitue le principe fondamental sur lequel repose la LPJ. En conséquence, les

membres du Comité recommandent que ce principe paraisse tout au début de la

déclaration de principes et soit présenté comme le principe premier, ayant préséance sur

tous les autres.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 1.4 :

Qu’il soit établi clairement que le principe de l’intérêt de l’enfant et du respect

de ses droits constitue le principe premier de la LPJ, ayant préséance sur

tous les autres.

- 26 -

3.2. La primauté de la responsabilité parentale

La responsabilité première des parents à l’égard de leur enfant est affirmée à l’article 2.2

introduit dans la Loi en 1984, à la suite d’une recommandation de la commission

Charbonneau :

2.2. La responsabilité de pourvoir aux soins, à l’entretien et à l’éducation d’un

enfant et d’en assurer la surveillance incombe en premier lieu à ses

parents.

La Commission avait en effet constaté qu’il n’était pas précisé dans la Loi qu’il revient

d’abord aux parents d’assurer la protection de leur enfant, en vertu notamment des

dispositions du Code civil du Québec, qui reconnaît un certain nombre de droits et de

devoirs aux parents : droit et devoir de garde, de surveillance et d’éducation, devoir de

nourrir et d’entretenir l’enfant. Dans ce contexte, le rôle de l’État est de soutenir les

parents par des mesures d’aide et, exceptionnellement, de se substituer à eux. Même

lorsque l’enfant est placé dans une ressource d’accueil, les parents continuent à exercer

leurs responsabilités parentales, à moins que celles-ci ne leur aient été retirées :

[…] il est important de rappeler que la Loi sur la protection de la jeunesse ne

modifie en rien le fondement juridique de la responsabilité parentale et que

l’intervention des services publics dans la vie privée des familles ne peut se fonder

que sur un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d’un

enfant est compromis. Les parents se voient alors reconnu le droit à des services

d’aide qui ne tendent qu’à rétablir, supporter, restaurer ou renforcer leur capacité

de parents. Lorsqu’un enfant doit leur être retiré temporairement, ce retrait, même

prolongé, ne correspond aucunement à une suppression de leur responsabilité et

ne peut donc être invoqué comme seul motif de déchéance. (Assemblée nationale

du Québec, 1982 : 228)

En 1992, le groupe de travail Jasmin a proposé d’accentuer et de renforcer la primauté de

l’autorité parentale. Il insiste en particulier sur l’importance « d’agir avec les parents », de

les impliquer activement tout au long du processus d’intervention, de faciliter leur

engagement et de favoriser le développement de leurs capacités parentales.

Selon les membres du Comité, il est essentiel de maintenir et de réaffirmer le principe de

la primauté de la responsabilité parentale et d’en faire le deuxième principe en importance

dans la Loi.

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS ET DES PARENTS

- 27 -

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 1.5 :

Que le principe de la primauté de la responsabilité parentale, défini à

l’article 2.2, soit reconnu comme le deuxième principe en importance dans la

Loi.

3.3. Le maintien de l’enfant dans son milieu familial

Dès 1977, il était stipulé à l’article 4 que les décisions prises en vertu de la Loi devaient

« tendre à maintenir l’enfant dans son milieu familial ». Un deuxième alinéa précisait que

si l’enfant n’avait pas de famille ou s’il devait être retiré de son milieu, ces décisions

devaient tendre « à lui assurer les conditions de vie et de développement se rapprochant

le plus de celles d’un milieu familial normal », soit, concrètement, une famille d’accueil.

Cette disposition tire son origine d’une recommandation du Comité d’étude sur la

réadaptation des enfants et des adolescents placés en centre d’accueil (rapport Batshaw)

et visait à éviter le plus possible le placement en institution.

Le maintien de l’enfant dans son milieu familial constitue, depuis l’adoption de la LPJ, un

principe de base important, en lien avec le principe de la primauté de la responsabilité

parentale :

Ce principe découle directement de celui de la primauté de la responsabilité

parentale. La logique du législateur est évidente : lorsque la sécurité ou le

développement d’un enfant est compromis à cause de manquements des

parents dans la façon de jouer leur rôle, la meilleure façon de remédier à la

situation, la plupart du temps, est d’amener ces parents à assumer la

responsabilité de leur enfant différemment dans la vie quotidienne, avec l’aide

appropriée. En conséquence, compte tenu des capacités des parents, des

besoins de l’enfant et des circonstances de l’intervention, les services doivent,

dans toute la mesure du possible, être donnés aux parents et à l’enfant en

maintenant celui-ci dans le milieu familial. (Groupe de travail sur la révision du

Manuel de référence sur la LPJ, 1998 : 119)

Toutefois, selon les membres du Comité, le fait que ce principe implique d’abord que

« toute décision doit tendre à maintenir l’enfant dans son milieu familial » entraîne des

difficultés d’application majeures, notamment dans certaines situations chroniques de

mauvais traitements. En raison de ce principe, en effet, certains enfants peuvent être

- 28 -

amenés à vivre de multiples allers et retours dans leur milieu familial et, en corollaire, de

multiples placements et déplacements en milieu substitut, ce qui entraîne parfois de

graves conséquences sur leur capacité d’attachement et sur leur développement.

3.3.1. L’importance de la continuité des soins et de la stabilité des liens et des

conditions de vie

De l’avis des membres du Comité, les décisions prises en vertu de la LPJ devraient

d’abord viser à assurer à l’enfant « la continuité des soins et la stabilité des conditions de

vie », principe auquel renvoie déjà l’article 4 lorsqu’il évoque les cas où le maintien ou le

retour de l’enfant dans son milieu parental n’est pas possible.

4. Toute décision prise en vertu de la présente loi doit tendre à maintenir l’enfant

dans son milieu familial. Si, dans l’intérêt de l’enfant, un tel maintien ou le

retour dans son milieu familial n’est pas possible, la décision doit tendre à lui

assurer la continuité des soins et la stabilité des conditions de vie appropriées

à ses besoins et à son âge et se rapprochant le plus d’un milieu familial

normal.

L’importance de la continuité des soins et de la stabilité des conditions de vie pour l’enfant

a été introduite dans la LPJ en 1984 à la suite d’une recommandation de la commission

Charbonneau, dans le but de favoriser la stabilisation de la situation des enfants placés,

tout particulièrement des enfants abandonnés ou à risque d’abandon. Elle a également

été reconnue par le groupe de travail Jasmin en 1992.

Les notions de soins et de stabilité des conditions de vie méritent par ailleurs une

attention particulière. Selon l’interprétation donnée dans le texte annoté de la LPJ, « [l]e

terme “soins” fait référence, dans le contexte de l’article 4, au fait de s’occuper des

besoins de l’enfant au quotidien, de remplir ses besoins de base, ses besoins

alimentaires et d’éducation, d’offrir un milieu accueillant et encadrant, d’en assumer la

surveillance; ce terme fait également référence aux gestes concernant le maintien ou le

rétablissement de la santé, les soins médicaux ou psychologiques » (Boulais, 1999 : 51-

52). Ce terme renvoie donc non seulement à la satisfaction des besoins physiques de

l’enfant, mais également à celle de ses besoins affectifs, intellectuels et sociaux.

La notion de stabilité des conditions de vie implique quant à elle que, lorsque le maintien

ou le retour de l’enfant dans son milieu familial n’est pas possible, trois éléments doivent

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS ET DES PARENTS

- 29 -

être plus spécifiquement pris en considération : la durée des mesures, le choix d’un milieu

de vie et les conditions d’accès à l’enfant par les parents :

Le facteur de stabilité s’exprime en premier lieu dans la durée des mesures. Ainsi,

après des tentatives de réinsertion familiale infructueuses, on décidera d’héberger

l’enfant à moyen (trois à cinq ans) ou à long terme (jusqu’à la majorité de l’enfant),

ou de recommander des mesures particulières visant la stabilisation de sa

situation, telles des procédures d’adoption ou de tutelle en faveur du directeur ou

d’une personne qu’il recommande. La recherche de stabilité s’exprime en second

lieu par le maintien de l’enfant dans une famille d’accueil qui est engagée depuis

longtemps auprès de lui, auprès d’un ascendant ou d’un autre allié, et ce, même si

l’enfant leur a été confié au départ à titre temporaire. En troisième lieu, la

recherche de stabilité signifie parfois qu’il faut établir les conditions des futurs

rapports de l’enfant avec ses parents, que ce soit par le contrôle des visites,

l’établissement des modalités, fréquence et lieu des rencontres, ou même parfois

par l’interdiction complète des contacts entre l’enfant et ses parents. (Boulais,

1999 : 52-53)

Il appert notamment que, selon l’interprétation donnée par les tribunaux, la stabilité des

conditions de vie fait référence aux liens établis par l’enfant avec ses parents d’une part et

avec sa famille d’accueil d’autre part, compte tenu de la durée du placement.

De l’avis des membres du Comité, le principe affirmant l’importance d’assurer à l’enfant la

continuité des soins et la stabilité des conditions de vie apparaît plus large que celui

affirmant l’importance de le maintenir dans son milieu familial et peut s’appliquer à la

situation de tous les enfants. À la lumière des connaissances actuelles en effet

(Steinhauer, 1996), dans toute décision concernant le maintien ou le retour d’un enfant

dans son milieu familial ou dans un milieu de vie substitut, il importe de prendre en

considération les besoins de stabilité de l’enfant et de tenir compte des liens

d’attachement qu’il a développés.

Ce principe a en outre l’avantage d’être centré d’abord et avant tout sur les besoins de

l’enfant et sur la recherche de son intérêt et du respect de ses droits.

Par ailleurs, le maintien ou le retour de l’enfant dans son milieu familial demeure

généralement la première option à envisager, dans la mesure où les capacités parentales

peuvent être restaurées dans un délai raisonnable. Il demeure ainsi essentiel que des

efforts soient faits pour maintenir ou réinsérer l’enfant dans son milieu familial et pour

fournir aux parents toute l’aide dont ils ont besoin. Cependant, à défaut de pouvoir

- 30 -

restaurer, à court terme, les capacités parentales, particulièrement dans le cas de très

jeunes enfants, ce seront les besoins de continuité et de stabilité de l’enfant dans un

milieu de vie substitut qui devront guider les actions à entreprendre.

Soulignons que, pour les membres du Comité, le milieu familial de l’enfant peut être

composé d’un seul ou des deux parents, et inclure ou non d’autres adultes ou enfants. Si

les parents sont séparés, le milieu familial de l’enfant peut signifier à la fois le milieu de

vie de la mère et celui du père.

Concernant le choix du milieu substitut, les membres du Comité maintiennent les

orientations actuelles de la Loi en privilégiant les ressources qui se « rapprochent le plus

d’un milieu familial normal », de façon à recourir le moins souvent possible au placement

en centre de réadaptation.

En conclusion, les membres recommandent de réviser la formulation de l’article 4 et

d’affirmer que le troisième principe de base devant guider les décisions prises en vertu de

la Loi est celui de la continuité des soins et de la stabilité des liens et des conditions de

vie de l’enfant. À cet effet, ils suggèrent de faire référence non seulement à la stabilité des

conditions de vie, mais également à la stabilité des liens pour souligner l’importance de

prendre en considération les liens d’attachement développés par l’enfant tant avec ses

parents qu’avec sa famille d’accueil ou avec tout autre membre de sa parenté ou de son

entourage.

Ils proposent en outre de préciser que pour favoriser la continuité des soins et la stabilité

des liens et des conditions de vie de l’enfant, les décisions prises en vertu de la Loi

doivent tendre à le maintenir ou à le réinsérer dans son milieu familial et, lorsque cela

n’est pas possible en raison des limites que présentent les capacités parentales, à lui

assurer un milieu de vie stable se rapprochant le plus possible d’un milieu familial normal.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 1.6 :

Que l’article 4 soit modifié afin que le principe de la continuité des soins et

de la stabilité des liens et des conditions de vie de l’enfant soit d’abord

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS ET DES PARENTS

- 31 -

mentionné comme devant guider toutes les décisions prises à l’égard de

l’enfant en vertu de la Loi.

Qu’il soit de plus indiqué :

qu’à cette fin, les décisions prises doivent tendre à maintenir l’enfant ou à

le réinsérer dans son milieu familial;

que lorsque le maintien ou la réinsertion de l’enfant dans son milieu

familial n’est pas possible, ces décisions doivent tendre à lui assurer un

milieu de vie stable se rapprochant le plus possible d’un milieu familial

normal.

3.3.2. L’importance d’élaborer un projet de vie permanent pour chaque enfant

placé

En faisant état de l’importance d’assurer la stabilisation des enfants abandonnés ou à

risque d’abandon, tant la commission Charbonneau que le groupe de travail Jasmin ont

souligné la nécessité d’élaborer un projet de vie à plus long terme, ou projet de vie

permanent, pour ces enfants :

Si la plupart des parents arrivent à se remettre en marche quant à leurs

obligations envers les enfants, pour un certain nombre, la possibilité d’établir des

liens affectifs structurants est fort aléatoire, ou encore, le type de liens que ces

parents sont capables d’établir s’avère nocif pour l’enfant.

Certains parents, prenant conscience de leurs difficultés, confieront leurs enfants à

l’adoption, mais d’autres ne s’avoueront jamais leur incapacité. D’autres, démunis,

sont simplement dans l’ignorance de leur inaptitude. Ils la traduiront par leur

désengagement ou encore par une ambivalence dont la conséquence est une

succession de placements.

À l’égard des enfants abandonnés et des enfants ballottés, l’État a la

responsabilité de les orienter vers un projet de vie permanent. L’État a le devoir de

leur donner une appartenance. Il doit mettre fin aux situations susceptibles de

créer un vide affectif, dans des délais qui ne compromettent pas définitivement la

capacité d’évolution de l’enfant. Il faut se rappeler l’importance de la notion du

temps, de la continuité relationnelle avec un adulte significatif et les torts

irrémédiables causés par la privation affective continue. (Groupe de travail Jasmin,

1992 : 20)

Selon les membres du Comité, il importe d’affirmer plus clairement dans la Loi la

nécessité de définir un projet de vie permanent pour tout enfant placé. À cet égard, en lien

avec le principe précédent affirmant l’importance d’assurer la continuité des soins et la

- 32 -

stabilité des liens et des conditions de vie de l’enfant, ils recommandent d’introduire un

nouveau principe soulignant l’importance d’élaborer un projet de vie permanent.

Ils proposent ainsi d’ajouter un nouvel article faisant directement référence aux situations

où il faut recourir au placement de l’enfant. Ils recommandent de mentionner que, lorsque

l’enfant doit être retiré de son milieu familial, tous les moyens doivent être pris pour

favoriser l’implication des parents et pour déterminer, dans une perspective de projet de

vie permanent, les possibilités de retour de l’enfant dans son milieu familial ou de

maintien dans un milieu de vie substitut. Les membres du Comité insistent tout

particulièrement sur la nécessité d’impliquer étroitement les parents tout au long du

placement, et ce, tant pour réduire l’impact de la séparation sur l’enfant que pour favoriser

la mobilisation des parents et la réintégration dans la famille. Ils sont également d’avis

que les mesures visant la stabilisation des enfants à plus long terme doivent être

déterminées dans les plus brefs délais possible.

Dans la loi actuelle, le principe du maintien de l’enfant dans son milieu familial implique

par ailleurs que, lorsqu’il faut procéder au placement de l’enfant, il faut tenir compte de

« la proximité de la ressource choisie » (art. 2.4, par. 5º). Le choix d’une ressource à

proximité du milieu familial de l’enfant peut notamment en faciliter l’accès aux parents.

Selon le Manuel de référence sur la protection de la jeunesse (1998 : 119), « [l]a notion

de “proximité” ne se limite pas à l’aspect géographique, mais inclut aussi, entres autres

éléments, les aspects psychosociaux, le niveau de parenté et la culture ». Dans le choix

des ressources, il importe ainsi d’examiner la possibilité de recourir à la famille élargie. En

effet, celle-ci joue souvent un rôle important dans la vie de l’enfant. Un placement dans la

famille élargie peut s’avérer particulièrement approprié lorsque l’enfant a développé des

liens affectifs significatifs avec un membre de la parenté en mesure d’assurer sa sécurité

et son développement. Le Code civil du Québec admet d’ailleurs « le caractère

habituellement privilégié des relations entre les grands-parents et l’enfant » et reconnaît

certaines responsabilités aux membres de la parenté, leur conférant ainsi un statut

particulier auprès de l’enfant (Groupe de travail sur la révision du Manuel de référence sur

la LPJ, 1998 : 34).

Afin de minimiser l’impact du placement sur l’enfant, le Programme national de formation

actuellement offert aux intervenants par l’ACJQ en lien avec l’Institute for Human Services

insiste également sur l’importance de choisir une ressource d’accueil qui soit le plus

« près » possible du milieu familial et culturel de l’enfant et d’envisager d’abord les

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS ET DES PARENTS

- 33 -

ressources disponibles dans la famille élargie (ACJQ, 2002a : 10). Cette orientation a été

étudiée dans le cadre de différentes recherches, principalement aux États-Unis, qui, tout

en soulignant certaines difficultés, en reconnaissent les nombreux avantages pour les

enfants placés (Simard, Vachon et Bérubé, 1998).

Les membres du Comité considèrent que le principe de la continuité des soins et de la

stabilité des liens et des conditions de vie de l’enfant exige de la même manière que l’on

prenne en considération la proximité de la ressource d’accueil. Ils suggèrent de préciser

dans l’article portant sur le placement de l’enfant que le choix d’un milieu de vie substitut

doit tenir compte de la proximité des ressources choisies et des possibilités de mettre à

contribution la famille élargie.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 1.7 :

Qu’un nouveau principe soulignant l’importance d’élaborer un projet de vie

permanent pour chaque enfant placé soit introduit dans la Loi.

Qu’il soit ainsi mentionné, dans un nouvel article, que, lorsqu’il faut procéder au

placement de l’enfant, tous les moyens doivent être pris pour :

favoriser l’implication des parents;

déterminer, dans un délai raisonnable et dans une perspective de projet de

vie permanent, les possibilités de retour de l’enfant dans son milieu familial

ou de son maintien dans un milieu de vie substitut.

Qu’il soit en outre précisé que le choix d’un milieu de vie substitut doit tenir

compte de la proximité des ressources choisies et des possibilités de mettre à

contribution la famille élargie.

3.4. Une intervention diligente

La nécessité d’agir avec diligence constitue un autre principe reconnu dans la Loi depuis

1994. Le paragraphe 5º de l’article 2.4 s’énonce ainsi :

2.4. Les personnes à qui la présente loi confie des responsabilités envers

l’enfant ainsi que celles appelées à prendre des décisions à son sujet en

vertu de cette loi tiennent compte, lors de leurs interventions, de la

nécessité :

[…]

- 34 -

5º de favoriser des mesures auprès de l’enfant et de ses parents en prenant

en considération qu’il faut agir avec diligence pour assurer la protection

de l’enfant, compte tenu que la notion de temps chez l’enfant est

différente de celle des adultes.

Ce principe a notamment été introduit en raison de la préoccupation découlant du constat

que plusieurs enfants placés vivaient de longues périodes de placement ou de nombreux

allers et retours dans des ressources d’accueil sans que des mesures visant à stabiliser

leur situation à plus long terme aient été envisagées. Cette préoccupation renvoie à la

question posée par les membres de la commission Charbonneau en 1982 et formulée en

ces termes dans le Manuel de référence sur la protection de la jeunesse (1998 : 122) :

« pendant combien de temps, tout en respectant l’intérêt de l’enfant et ses droits, des

mesures peuvent-elles être prises pour amener des parents à exercer leurs

responsabilités sans compromettre la sécurité ou le développement de leur enfant? »

Ce principe découle également d’une autre préoccupation liée aux délais observés dans

l’intervention sociale et judiciaire, à toutes les étapes de l’application de la LPJ, et aux

conséquences qu’entraînent ces délais pour les enfants, en particulier lorsqu’ils sont très

jeunes et qu’ils doivent être séparés de leurs parents.

Ces deux types de préoccupations ont retenu l’attention du groupe de travail Jasmin en

1992, qui a souligné l’importance de prendre en considération la notion de temps pour

l’enfant dans toute décision le concernant et dont les recommandations ont donné lieu à

la reconnaissance formelle, dans le texte de loi, de la nécessité d’agir avec diligence.

Il s’agit d’un principe ayant des répercussions sur plusieurs plans et touchant, entre

autres :

la célérité des procédures de prise de décision sur la compromission et, s’il y

a lieu, sur les mesures pour mettre fin à la situation et éviter qu’elle ne se

reproduise;

la rapidité d’intervention;

l’intensité et la durée des interventions;

l’importance de limiter la durée de l’intervention d’autorité de l’État à ce qui

est nécessaire à l’atteinte des objectifs visés par la LPJ. (Groupe de travail

sur la révision du Manuel de référence sur la LPJ, 1998 : 122)

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS ET DES PARENTS

- 35 -

Les membres du Comité reconnaissent l’importance primordiale d’agir avec célérité à

toutes les étapes du processus d’intervention, tout particulièrement lorsque de jeunes

enfants sont concernés. Selon eux, les préoccupations ayant été à l’origine de

l’introduction de ce principe dans la Loi renvoient à des difficultés auxquelles les services

de protection de la jeunesse font encore face avec acuité : problèmes de listes d’attente

aux étapes d’évaluation et d’application des mesures, délais dans le processus judiciaire,

difficultés à déterminer des projets de vie à plus long terme pour les enfants placés, etc.

Afin d’en souligner davantage l’importance et de le mettre davantage en relief, ils

recommandent de considérer ce principe dans un article spécifique.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 1.8 :

Que l’importance d’agir avec diligence compte tenu que la notion de temps

est différente pour l’enfant soit plus clairement mise en relief dans la Loi.

À cette fin, que le paragraphe 5º de l’article 2.4 soit modifié pour en faire un

article spécifique.

3.5. Une intervention qui privilégie l’utilisation d’approches consensuelles

et de coopération

En vertu du principe de la primauté de la responsabilité parentale, une importance accrue

a été accordée à la participation des parents, comme en témoigne l’introduction, en 1994,

de modifications substantielles à l’article 2.3.

2.3. Toute intervention auprès d’un enfant et de ses parents doit viser à

mettre fin à la situation qui compromet la sécurité ou le développement

de l’enfant et à éviter qu’elle ne se reproduise. À cette fin, une

personne, un organisme ou un établissement à qui la présente loi

confie des responsabilités envers l’enfant et ses parents doit favoriser

la participation des parents et l’implication de la communauté.

Les parents doivent, dans la mesure du possible, participer activement

à l’application de mesures pour mettre fin à la situation qui compromet

la sécurité ou le développement de leur enfant et pour éviter qu’elle ne

se reproduise.

- 36 -

Dans la mesure où le rôle de l’État n’est pas d’abord de se substituer aux parents, mais

de faciliter l’exercice des responsabilités parentales, il apparaît en effet nécessaire

d’associer les parents à l’intervention. « Les parents étant les premiers visés, la solution

au problème devrait normalement passer par eux » (Groupe de travail sur la révision du

Manuel de référence sur la LPJ, 1998 : 118).

L’intervention en protection de la jeunesse étant une intervention en contexte d’autorité,

elle soulève toutefois des défis particuliers concernant la participation des parents. En

effet, d’une façon générale, les parents n’ont pas demandé eux-mêmes les services et ne

sont pas toujours prêts à reconnaître les problèmes et à prendre les moyens nécessaires

pour corriger la situation. Un autre défi consiste à impliquer les deux parents dans

l’intervention. La LPJ « insiste sur la participation des deux parents même si ceux-ci ne

font plus vie commune, à moins qu’un des parents ne soit, entre autres possibilités,

décédé ou déchu de l’autorité parentale » (Groupe de travail sur la révision du Manuel de

référence sur la LPJ, 1998 : 118). Or, la majorité des enfants signalés aux services de

protection de la jeunesse appartiennent à des familles monoparentales ou recomposées

et des problèmes liés à la séparation conjugale ou des conflits entre les parents sont

fréquemment relevés (Tourigny et al., 2003; Trocmé et al., 2001).

L’intervention en protection de la jeunesse soulève également des défis concernant la

participation des enfants, tout particulièrement des jeunes qui manifestent des problèmes

de comportement sérieux. Une part importante de ces jeunes sont signalés par leurs

parents et des problèmes relationnels entre l’enfant et ses parents sont souvent présents.

En outre, tout comme certains parents, certains jeunes ne sont pas toujours prêts à

collaborer avec les services. Bien que l’article 2.3 ne fasse pas référence à la participation

de l’enfant, celle-ci s’avère tout aussi essentielle.

Selon les membres du Comité, l’implication de l’enfant et des parents doit en outre

dépasser la simple participation. L’enfant et les parents doivent véritablement contribuer à

part entière aux décisions les concernant afin d’être en mesure de consentir réellement et

d’adhérer à l’intervention. À cet égard, les approches consensuelles, centrées sur la

médiation et la conciliation, apparaissent particulièrement appropriées aux membres du

Comité et devraient être privilégiées tant dans l’intervention sociale que judiciaire.

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS ET DES PARENTS

- 37 -

De telles approches se sont développées au cours des dernières années dans d’autres

champs d’activité, particulièrement en matière familiale. Relevons ici l’exemple du recours

à la médiation dans les situations de séparation et de divorce. La transposition de ces

approches est actuellement étudiée dans le secteur judiciaire de la protection de la

jeunesse. Deux projets-pilotes sont ainsi envisagés à Montréal et à Québec afin

d’expérimenter la conciliation judiciaire à la Cour du Québec en matière de protection de

la jeunesse.

En ce qui concerne l’intervention sociale en protection de la jeunesse, on compte

également des expériences inspirées de la médiation (Bernard, 2002; Savourey, 2002).

Ces expériences correspondent davantage à de la « négociation sur intérêt » :

En effet, ce sont les intervenants responsables qui appliquent, à leurs dossiers,

lors de moments critiques, les principes et les techniques associés à la

médiation. Il ne s’agit donc pas d’une médiation extérieure mais d’une pratique

qui s’insère dans le processus même de l’intervention auprès des familles. Elle

offre une structure de résolution de problème et de communication coopérative

qui implique la présence simultanée des parties en conflit. Elle favorise une

approche systémique des difficultés vécues dans une famille. Elle mise sur la

valorisation des compétences et des ressources déjà présentes. Cette prise de

décision collective permet une meilleure responsabilisation des parents et des

jeunes. (Conseil de la famille et de l’enfance, 2003 : 35-36)

Ces approches novatrices de règlement de conflit ne sont pas encore largement utilisées

et sont davantage laissées à la discrétion des intervenants.

Deux constats principaux se dégagent de ces expériences. En premier lieu, la démarche

de médiation permet de traduire les difficultés éprouvées en termes de besoins à

satisfaire. Au lieu de mettre l’accent sur les problèmes de l’enfant et des parents, la

démarche vise à déterminer les besoins non comblés qui sont à l’origine des problèmes.

Comme l’identification de ces besoins est effectuée par les personnes en cause, avec

l’aide d’une tierce personne, il y a davantage de possibilités qu’elle corresponde vraiment

à leurs préoccupations réelles. En second lieu, la démarche de médiation permet

également la recherche des réponses les mieux adaptées à la situation de chacun. Le fait

de pouvoir trouver par soi-même les solutions aux difficultés éprouvées permet une plus

grande appropriation de ces solutions et une plus grande mobilisation en vue de leur

application, tout en rehaussant l’estime de soi et le sentiment d’une plus grande

compétence personnelle.

- 38 -

Le Programme national de formation met également en évidence les différences entre un

modèle d’intervention axé sur la coopération et un modèle d’autorité, tant sur le plan des

principes que sur les plans des méthodes d’intervention et des résultats éventuels.

L’intervention de coopération se centre non seulement sur les comportements

problématiques, mais également sur les forces et les ressources de la famille. Les

membres de la famille sont en outre étroitement associés à l’évaluation de la situation

ainsi qu’à la définition et à la réalisation du plan d’intervention « d’une manière qui

correspond à leurs valeurs et à leur héritage culturel ». Dans ce contexte, les

changements à apporter pour corriger la situation sont davantage perçus positivement et

les résultats obtenus sont davantage susceptibles de se maintenir à plus long terme. Il

s’agit du modèle d’intervention préconisé, dans la mesure toutefois où la protection de

l’enfant peut être assurée :

La méthode d’intervention de coopération représente clairement l’intervention

privilégiée en ce qui concerne les services d’aide à la jeunesse, parce qu’elle

offre plus de possibilités de protéger l’enfant, de renforcer les familles et de

maintenir l’enfant dans son milieu naturel. Avec l’intervention de coopération,

nous dirigeons nos efforts afin de donner du pouvoir aux parents et aux autres

membres de la famille pour faire les changements qui leur permettent de

protéger leurs enfants au sein de leur foyer et de leur communauté. Toutefois,

nous devons également agir de façon à nous assurer que les enfants soient à

l’abri des mauvais traitements, lorsqu’il semble impossible d’aider les familles à

le faire elles-mêmes. (ACJQ, 2002b : 9)

Constatant une augmentation importante de la judiciarisation en protection de la

jeunesse, l’Équipe de travail sur la modernisation des processus judiciaires en matière

d’administration de la justice à l’égard des jeunes s’est par ailleurs penchée tout

particulièrement sur l’importance de recourir aux approches consensuelles en matière de

protection de la jeunesse. Elle a notamment recommandé d’inscrire, dans le texte de loi,

un principe affirmant l’importance de favoriser l’utilisation de telles approches tant dans

l’intervention sociale que judiciaire (recommandation 2).

Les membres du Comité reprennent l’essentiel de la recommandation de l’Équipe de

travail sur la modernisation et proposent, dans le même sens, de privilégier l’utilisation

d’approches centrées sur la médiation et sur la conciliation de façon à faciliter des

ententes consensuelles entre toutes les parties en cause. Selon eux, l’introduction de ce

nouveau principe vient réaffirmer la nécessité que l’intervention sociale précède

l’intervention judiciaire, tel que le souhaite le Comité de coordination des chantiers

jeunesse, principe qui constituait la pierre angulaire de la réforme entreprise avec la loi de

1977.

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS ET DES PARENTS

- 39 -

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 1.9 :

Qu’un nouveau principe affirmant l’importance de favoriser l’utilisation

d’approches consensuelles, centrées sur la médiation et la conciliation, soit

introduit dans la Loi.

Qu’il soit ainsi mentionné, dans un nouvel article, que toute intervention, tant

sociale que judiciaire, auprès d’un enfant ou de ses parents en vertu de la Loi

doit :

privilégier les moyens qui leur permettent de participer activement à la prise

de décision et au choix des mesures qui les concernent;

faciliter, lorsque la situation le permet, par la médiation, la conciliation ou

tout autre mode analogue, des ententes consensuelles.

3.6. La prévention et la participation de la communauté

Deux autres principes ayant retenu l’attention des membres du Comité sont les principes

de la prévention et de la participation de la communauté introduits dans la Loi en 1984 de

la façon suivante :

2.3. Toute intervention auprès d’un enfant et de ses parents par une

personne à qui la présente loi confie des responsabilités envers cet

enfant doit viser à prévenir les situations qui donnent ouverture à de

telles interventions et à favoriser l’implication de la communauté.

En inscrivant ces deux principes, l’intention du législateur était d’affirmer plus

explicitement que la protection de la jeunesse était une responsabilité collective et de

préciser le rôle de la communauté. Lors de l’adoption de la Loi, en 1977, cette

responsabilité s’était notamment traduite dans l’obligation légale faite à toute personne

d’effectuer un signalement si elle avait un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le

développement d’un enfant était compromis (Deleury, Lindsay et Rivet, 1978). En 1982, la

commission Charbonneau a par ailleurs mis l’accent sur le rôle préventif et curatif des

organismes et établissements pour assurer la protection des enfants. Comme l’exprimait

la Commission :

Par plusieurs de ses articles, la Loi sur la protection de la jeunesse encourage

la communauté à jouer un rôle concret dans des activités autant préventives

- 40 -

que curatives reliées à la protection de la jeunesse. Cette loi reconnaît aussi la

nécessité pour les organismes et établissements de mettre sur pied des

programmes d’intervention à caractère préventif.

Prévention et participation communautaire nous apparaissent les deux

éléments peut-être les plus fondamentaux susceptibles d’assurer la viabilité

d’une législation qui vise à apporter la réponse sociale la mieux adaptée aux

divers besoins des jeunes. (Assemblée nationale du Québec, 1982 : 441)

En 1992, le groupe de travail Jasmin a réaffirmé que la protection des enfants était une

responsabilité collective et non la seule responsabilité du DPJ par l’entremise de

l’application de la LPJ. Il a également souligné l’importance de la prévention, par la mise

en place de services de base offerts à la population ou de programmes plus spécifiques

visant à appuyer les parents dans l’exercice de leurs responsabilités parentales et à éviter

l’émergence ou la détérioration des problèmes :

Trouvant application dans des situations exceptionnelles, la Loi sur la

protection de la jeunesse n’épuise pas à elle seule le concept de protection de

l’enfant. Celui-ci repose d’abord et avant tout sur les parents qui, pour la

plupart, sont en mesure d’assumer pleinement leurs responsabilités à l’égard

de leurs enfants. Il est également l’affaire de la communauté, qui se trouve

dans l’environnement immédiat et naturel des jeunes et des parents. […]

En somme, parents, communauté et services publics se doivent d’unir leurs

efforts pour assurer la protection des enfants au sens le plus large. Une

protection qui se traduit par une action préventive, une action qui cherche à

endiguer les problèmes avant qu’ils ne deviennent graves. On pourrait dire

qu’il s’agit d’une intervention en amont des situations critiques. […]

La protection de l’enfant est donc l’affaire des parents, de la communauté et

de l’État. Nous sommes tous, individuellement et collectivement responsables

de nos enfants. (Groupe de travail Jasmin, 1992 : 15-16)

Tout en reconnaissant l’importance de la prévention en amont de l’intervention du DPJ,

les membres du groupe de travail Jasmin ont cependant proposé de restreindre la portée

de l’objectif de prévention tel qu’il était formulé à l’article 2.3, qui était source de confusion

et soulevait des problèmes d’interprétation. Pour qu’il soit clair que la LPJ est une loi

« essentiellement curative », s’appliquant « à une clientèle d’exception », et éviter de

laisser croire que les services de protection de la jeunesse peuvent régler tous les

problèmes et même être considérés comme la porte d’entrée des services, ils ont

recommandé de modifier l’article 2.3 de façon que l’objectif de l’intervention en protection

de la jeunesse soit plutôt de « mettre fin à une situation de compromission et d’éviter

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS ET DES PARENTS

- 41 -

qu’elle ne se reproduise ». Cette modification a cependant eu pour effet de réduire

considérablement, dans le texte de loi, la place accordée à l’intervention préventive dans

la protection des enfants.

Par ailleurs, le groupe de travail Jasmin a maintenu le principe de la participation de la

communauté et a formulé des recommandations visant à renforcer cette participation à

l’intérieur du processus de prise en charge en protection de la jeunesse en faisant appel à

la collaboration de toutes les personnes, organismes et établissements amenés à offrir

des services aux enfants dont la situation est prise en charge par le DPJ (art. 54 et 55).

Force est toutefois de constater que, malgré l’importance accordée à la prévention et à la

participation de la communauté depuis l’adoption de la Loi, la responsabilité d’assurer la

protection des enfants est encore largement perçue comme relevant principalement du

DPJ et des services de protection de la jeunesse. Malgré les efforts fournis, l’arrimage

entre les différentes ressources de soutien et d’aide aux jeunes et aux familles en

difficulté fait également souvent défaut, ce qui constitue, encore aujourd’hui, un problème

important de l’organisation des services. De même, il demeure fondamental de

développer les programmes de prévention.

Selon les membres du Comité, il importe ainsi d’insister sur l’importance des principes de

la prévention et de la participation de la communauté. À leur avis, ces principes ne sont

pas énoncés suffisamment clairement ni suffisamment mis en évidence dans le texte de

loi. À cet égard, ils recommandent de mentionner explicitement dans la Loi que la

protection des enfants est une responsabilité collective et de faire davantage ressortir le

rôle de la communauté. Selon eux, le rôle des organismes et des établissements doit être

considéré comme essentiel à la fois en amont de l’intervention du DPJ, pendant son

intervention, puisque le DPJ doit pouvoir compter sur les services de la communauté qui

sont offerts aux jeunes et aux familles, et après son intervention, si l’enfant et ses parents

ont encore besoin d’aide et de soutien.

Les membres du Comité estiment également que la Loi doit faire mention du rôle que

toute personne a à jouer dans la protection des enfants, selon les moyens mis à sa

disposition. Ce rôle ne consiste pas uniquement à signaler au DPJ la situation d’un enfant

dont la sécurité ou le développement peut être compromis, mais aussi, et surtout, à

soutenir les parents et les enfants et à les orienter, s’il y a lieu, vers les ressources du

milieu pouvant répondre à leurs besoins.

- 42 -

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 1.10 :

Que l’importance de la prévention et de la participation de la communauté

soit davantage mise en évidence dans la Loi.

Qu’il soit clairement énoncé, dans un nouvel article, que la protection des

enfants est une responsabilité collective.

Qu’il soit en outre précisé :

qu’il incombe aux organismes et aux établissements ayant des

responsabilités envers l’enfant et ses parents de prendre tous les

moyens à leur disposition pour les soutenir afin de prévenir le recours à

la Loi, contribuer à mettre fin à la situation qui compromet la sécurité ou

le développement de l’enfant et éviter qu’elle ne se reproduise;

qu’il incombe également à toute personne de contribuer à la protection

des enfants selon les moyens à sa disposition.

Éléments comparatifs

La très grande majorité des législations en matière de protection de l’enfance et

de la jeunesse au Canada et dans les pays occidentaux contiennent une

déclaration de principes précisant les objectifs visés par la loi ainsi que les

différentes considérations à prendre en compte dans son application.

Les principes reconnus dans les différentes législations sont nombreux et varient

considérablement d’une loi à l’autre.

Meilleur intérêt de l’enfant

Au Canada, le « meilleur intérêt » ou « l’intérêt supérieur » de l’enfant constitue

l’élément central de la majorité des déclarations de principes. L’article 1 de la loi

ontarienne s’énonce ainsi :

1. (1) L’objet primordial de la présente loi est de promouvoir l’intérêt véritable de

l’enfant, sa protection et son bien-être.

C’est dans des termes similaires qu’un tel objectif est défini dans la loi du

Nunavut :

2 a) l’objectif suprême de la présente loi est de voir à la protection, au bien-être et

à l’intérêt supérieur de l’enfant.

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS ET DES PARENTS

- 43 -

Dans cette loi, comme dans celles d’autres provinces, les éléments devant être

pris en considération pour définir le meilleur intérêt de l’enfant sont également

précisés.

Primauté de la responsabilité parentale

Généralement, les lois reconnaissent également que les parents sont les

personnes qui peuvent le mieux répondre aux besoins de leur enfant et qu’ils sont

les premiers responsables d’en assurer la protection. Il est ainsi mentionné dans

la loi de la Colombie-Britannique :

2 (b) A family is the preferred environment for the care and upbringing of children

and the responsibility for the protection of children rests primarily with

parents.

Importance de la stabilité des liens et de la continuité des soins

L’importance de la stabilité des liens et de la continuité des soins pour l’enfant

figure aussi dans la plupart des déclarations de principes ou, comme en

Colombie-Britannique, au Nunavut ou à Terre-Neuve-et-Labrador, fait partie des

éléments qui doivent être pris en considération pour définir le meilleur intérêt de

l’enfant.

Selon la loi ontarienne (art. 1 (2), alinéa 3), les services à l’enfance devraient ainsi

être fournis d’une façon qui « respecte les besoins des enfants en ce qui

concerne la continuité de soins et des rapports familiaux stables ». Dans la loi de

Terre-Neuve-et-Labrador, le meilleur intérêt de l’enfant doit être déterminé en

tenant compte :

9. (e) the importance of stability and continuity in the child’s care;

(f) the continuity of a child’s relationship with his or her family, including siblings

or others with whom the child has a significant relationship.

Importance du projet de vie permanent

Tout en reconnaissant l’importance de la stabilité des liens et de la continuité des

soins pour l’enfant, la déclaration de principes du Child Welfare Act de l’Alberta va

plus loin et renvoie explicitement à la nécessité d’élaborer un projet de vie

permanent pour l’enfant :

2 (l) If a child is being provided with care under this Act, a plan for the care of that

child should be developed that

(i) adresses the child’s need for stability, permanence and continuity of

care and relationships.

Prise en considération des ressources de la famille élargie et du milieu

culturel de l’enfant

La loi albertaine mentionne en outre que toute décision de placement doit tenir

compte de la proximité de la ressource choisie et notamment des avantages pour

l’enfant d’un placement dans la famille élargie :

- 44 -

2 (h) any decision concerning the placement of a child outside the child’s family

should take into account

(i) the benefits to the child of a placement within the child’s extended

family;

(ii) the benefits to the child of a placement within or as close as possible

to the child’s home community;

(iii) the benefits to the child of a placement that respects the child’s

familial, cultural, social and religious heritage.

Importance d’agir avec diligence

L’importance d’agir avec diligence constitue un autre principe qu’on retrouve dans

la majorité des lois, soit dans les principes généraux, soit comme élément à

prendre en considération pour déterminer le meilleur intérêt de l’enfant, soit dans

les deux à la fois, comme en Colombie-Britannique ou au Nunavut.

Il est ainsi énoncé dans la loi du Nunavut (art. 2j) qu’« il ne devrait y avoir aucun

retard déraisonnable dans la prise ou l’application d’une décision touchant un

enfant ». Selon l’article 3j, il faut par ailleurs tenir compte des « conséquences

pour l’enfant d’un retard dans la prise d’une décision » pour déterminer le meilleur

intérêt de l’enfant.

Prévention et participation de la communauté

La plupart des déclarations de principes reconnaissent également que les parents

doivent recevoir du soutien pour assumer leurs responsabilités et que la

communauté doit leur fournir les services requis. Plusieurs lois insistent

également sur l’importance d’offrir des services préventifs aux enfants et aux

familles. Selon l’article 3e de la loi de la Colombie-Britannique :

3 (e) the community should be involved, wherever possible and appropriate, in

the planning and delivery of services, including preventive and support

services to families and children.

Dans la loi de l’Alberta, il est spécifiquement mentionné que les enfants qui ont

besoin de services d’aide doivent être dirigés vers les services de la communauté

si leur sécurité ou leur développement n’est pas compromis et que les services

d’aide sont disponibles :

2 (g) if it not inconsistent with protecting the survival, security or development of a

child who is in need of intervention, and appropriate community services are

available, the child or the child’s family should be referred to the community

for services to support and preserve the family and to prevent the need for

any other intervention under this act.

Utilisation d’approches consensuelles

Plusieurs législations font état de l’importance de la participation de l’enfant et des

parents à la prise de décision. Peu font toutefois expressément référence à

l’importance de privilégier l’utilisation d’approches consensuelles. À cet égard, la loi

ontarienne énonce comme principe qu’il faut :

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS ET DES PARENTS

- 45 -

1. (2) 1. Reconnaître que même si les parents peuvent avoir besoin d’aide pour

s’occuper de leurs enfants, cette aide devrait favoriser l’autonomie et

l’intégrité de la cellule familiale et, dans la mesure du possible, être

accordée par consentement mutuel.

4. Les droits des enfants et des parents

Dans le chapitre II de la LPJ, différents droits sont reconnus aux enfants et, dans certains

cas, aux parents. Ce sont, selon le Manuel de référence sur la protection de la jeunesse :

Le droit d’être informé;

Le droit d’être entendu;

Le droit aux services d’un avocat;

Le droit de refus;

Le droit à des services adéquats;

Certains droits applicables à l’occasion d’un placement et concernant les lieux, la

confidentialité des communications, les mesures disciplinaires et les transferts

d’une ressource d’accueil à une autre.

Dans l’ensemble, peu de modifications sont proposées concernant ces dispositions. Les

changements suggérés portent essentiellement sur trois droits, soit le droit d’être informé,

le droit d’être entendu et le droit à des services adéquats.

Les membres du Comité réitèrent par ailleurs avec force l’importance de chacun des

droits spécifiques reconnus aux enfants dans le cadre de la LPJ tout comme l’importance

des autres droits fondamentaux qui leur sont reconnus dans la Convention relative aux

droits des enfants, dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne et

dans le Code civil du Québec, tels les droits à la vie, à la protection, à la sécurité, à la

dignité et au développement. À cet égard, ils se sont notamment interrogés sur la

pertinence d’inclure le droit à la protection dans la LPJ.

- 46 -

4.1. Le droit de l’enfant à la protection

Le droit à la protection constitue l’un des droits unanimement reconnus aux enfants dans

les documents internationaux portant sur les droits des enfants, telle la Convention

relative aux droits des enfants (art. 19) adoptée par les Nations Unies le

20 novembre 1989, ratifiée par le Canada le 13 décembre 1991, et à laquelle le Québec

s’est également déclaré lié le 11 décembre 1991.

Au Québec, l’article 48 de la Charte stipule que toute personne a droit à la protection, à la

sécurité et à l’attention de la part de sa famille ou des personnes qui en tiennent lieu. Ce

droit est en outre reconnu de façon plus spécifique aux enfants à l’article 39 :

39. Tout enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l’attention que ses

parents ou les personnes qui en tiennent lieu peuvent lui donner.

Depuis 1991, cet article figure également intégralement dans le Code civil du Québec,

dans son chapitre traitant du respect des droits de l’enfant (art. 33).

Bien qu’il s’agisse d’un droit général déjà mentionné dans les textes juridiques cités plus

haut, le Comité recommande qu’il soit présenté comme le premier droit reconnu aux

enfants dans la LPJ, afin de souligner son importance dans l’application de la Loi.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 1.11 :

Que le droit à la protection, reconnu dans la Charte des droits et libertés de

la personne (art. 39) et dans le Code civil du Québec (art. 32), soit inscrit

dans la Loi, afin de souligner l’importance fondamentale qu’il revêt dans le

cadre de l’application de la LPJ.

4.2. Le droit d’être informé

La LPJ donnant lieu à une intervention en contexte d’autorité, il s’avère de première

importance que les enfants et les parents soient clairement informés de leurs droits ainsi

que des différentes modalités d’application de la Loi dans leur situation particulière.

Plusieurs dispositions de la LPJ concernent le droit des enfants et des parents à

l’information, notamment l’article 5 et les paragraphes 2º et 3º de l’article 2.4 :

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS ET DES PARENTS

- 47 -

5. Les personnes à qui la présente loi confie des responsabilités envers

l’enfant doivent l’informer aussi complètement que possible, ainsi que ses

parents, des droits que leur confère la présente loi et notamment du droit de

consulter un avocat et des droits d’appel prévus à la présente loi.

Lors d’une intervention en vertu de la présente loi, un enfant ainsi que ses

parents doivent obtenir une description des moyens de protection et de

réadaptation ainsi que des étapes prévues pour mettre fin à cette

intervention.

Le premier alinéa de l’article 5 porte sur la nécessité d’informer l’enfant et ses parents sur

l’ensemble des droits que leur reconnaît la LPJ de même que, de manière plus spécifique,

sur leur droit de consulter un avocat et sur leurs droits d’appel. Le deuxième alinéa traite

davantage de la nécessité de faire connaître à l’enfant et à ses parents les moyens qui

seront mis en place ainsi que les délais de l’intervention en protection et en réadaptation.

Selon les membres du Comité, il y a toutefois lieu de traiter ces derniers éléments dans

un article distinct. Il s’agit en effet du droit des enfants et des parents de connaître la

teneur des mesures de protection qui les concernent ainsi que les façons d’y donner suite

dans le cadre d’un plan d’intervention et, s’il y a lieu, d’un plan de services individualisé.

Rappelons que la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS) prévoit

formellement que les établissements ont la responsabilité d’élaborer un plan d’intervention

qui doit déterminer les besoins de l’usager de même que « les objectifs poursuivis, les

moyens à utiliser et la durée prévisible pendant laquelle des services devront lui être

fournis » (art. 102). Un plan de services individualisé doit également être élaboré lorsque

des services sont donnés par plus d’un établissement (art. 103).

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 1.12 :

Que l’article 5 soit scindé en deux afin de faire ressortir deux droits distincts :

le droit de l’enfant et des parents d’être informés des droits que leur

confère la Loi;

le droit d’obtenir une description des mesures de protection ainsi que, tel

que le prévoit la LSSSS, un plan d’intervention et, s’il y a lieu, un plan de

services individualisé.

Pour leur part, les paragraphes 2º et 3º de l’article 2.4 se rapportent à la manière dont

l’information doit être donnée à l’enfant et aux parents. Celle-ci est davantage traduite en

termes de principes :

- 48 -

2.4. Les personnes à qui la présente loi confie des responsabilités envers

l’enfant ainsi que celles appelées à prendre des décisions à son sujet en

vertu de cette loi tiennent compte, lors de leurs interventions, de la

nécessité :

[…]

2º de s’assurer que les informations et les explications qui doivent être

données à l’enfant dans le cadre de la présente loi doivent l’être en des

termes adaptés à son âge et à sa compréhension;

3º de s’assurer que les parents ont compris les informations et les

explications qui doivent leur être données dans le cadre de la présente loi.

Or, pour les membres du Comité, le droit à l’information doit également s’accompagner du

droit à ce que cette information soit fournie dans un langage qui permet véritablement à

l’enfant et à ses parents de la comprendre. C’est pourquoi les membres recommandent

de traduire ces principes en termes de droits.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 1.13 :

Que les principes énoncés aux paragraphes 2º et 3º de l’article 2.4 soient

reformulés sous forme d’un droit de l’enfant et des parents à ce que

l’information qui leur est donnée dans le cadre de la Loi le soit dans un

langage adapté et compréhensible.

Qu’il soit indiqué de plus que les personnes à qui la Loi confie des

responsabilités doivent prendre les moyens nécessaires pour permettre à

l’enfant et à ses parents d’avoir la meilleure compréhension possible de

cette information.

4.3. Le droit d’être entendu

Le droit d’être entendu constitue un autre droit reconnu aux enfants et aux parents depuis

l’adoption de la Loi en 1977. En vertu de l’article 6 :

6. Les personnes et les tribunaux appelés à prendre des décisions au sujet

d’un enfant en vertu de la présente loi doivent donner à cet enfant, à ses

parents et à toute personne qui veut intervenir dans l’intérêt de l’enfant

l’occasion d’être entendus.

CHAPITRE 1 : LA DÉCLARATION DE PRINCIPES ET LES DROITS DES ENFANTS ET DES PARENTS

- 49 -

Le paragraphe 4º de l’article 2.4, ajouté en 1994, stipule en outre que :

2.4. Les personnes à qui la présente loi confie des responsabilités envers

l’enfant ainsi que celles appelées à prendre des décisions à son sujet en

vertu de cette loi tiennent compte, lors de leurs interventions, de la

nécessité : […]

4º de permettre à l’enfant et à ses parents de faire entendre leurs points de

vue, d’exprimer leurs préoccupations et d’être écoutés au moment

approprié de l’intervention.

Le droit d’exprimer ses points de vue et opinions est déjà prévu dans la Convention

relative aux droits de l’enfant, plus particulièrement à l’article 12. Le Bureau international

des droits des enfants (BIDE) a repris l’énoncé de ce droit dans un document récent

présentant les lignes directrices en matière de justice pour les enfants victimes et témoins

d’actes criminels. Ces lignes directrices vont même un peu plus loin en affirmant que

« [l]es professionnels devraient prendre en considération les opinions et les

préoccupations de l’enfant et, s’il ne leur est pas possible d’y apporter une solution

adaptée, en expliquer les raisons à l’enfant » (BIDE, 2003 : 10).

Les membres du Comité suggèrent de regrouper le paragraphe 4º de l’article 2.4 et

l’article 6. Ils estiment que l’énoncé relatif au droit de l’enfant et des parents d’être

entendus doit être réaffirmé et même complété afin que leurs points de vue et leurs

préoccupations soient réellement pris en considération.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 1.14 :

Que le paragraphe 4º de l’article 2.4 soit rattaché à l’article 6, lequel

concerne le droit de l’enfant et des parents d’être entendus.

Qu’il soit ajouté à l’article 6 que les points de vue et les préoccupations de

l’enfant et des parents doivent être pris en considération et que, si on ne

peut en tenir compte, ils doivent en connaître la raison.

- 50 -

4.4. Le droit à des services adéquats

L’article 8 fait référence au droit des enfants à des services de santé, à des services

sociaux et à des services d’éducation adéquats. Les parents étant souvent amenés à

recevoir des services en application de la LPJ, les membres du Comité proposent que

l’article 8 spécifie également que le droit à des services de santé et à des services

sociaux adéquats s’applique aux parents. Il s’agit d’un droit déjà reconnu à l’article 5 de la

LSSSS.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 1.15 :

Qu’il soit ajouté à l’article 8 que le droit de recevoir des services de santé et

des services sociaux adéquats s’applique également aux parents.

Éléments comparatifs

Certaines lois, comme celle de l’Ontario, comportent, outre une déclaration de

principes, une section spécifiquement consacrée aux droits des enfants. Il s’agit

plus particulièrement de droits reconnus aux enfants placés, tel le droit d’exprimer

son point de vue :

107. L’enfant qui reçoit des soins a le droit d’être consulté et d’exprimer son point

de vue, dans la mesure de ce qui peut se faire raisonnablement, compte tenu

de son niveau de compréhension, lorsque des décisions importantes qui

l’intéressent sont prises, y compris des décisions relatives à un traitement

médical, à son éducation et à la religion et des décisions relatives à son

congé d’un établissement ou à son transfert à un autre établissement.

Le Décret relatif à l’aide à la jeunesse de la Belgique fait également mention de

certaines garanties quant au respect des droits des jeunes, notamment : le droit à

l’aide spécialisée, le droit d’être informé, d’être entendu, de donner son point de

vue personnel et de voir respectées ses convictions philosophiques, politiques et

religieuses (chapitre premier). Ces droits sont également reconnus aux membres

de la famille concernés.

Le droit d’être entendu est ainsi énoncé à l’article 6 :

Le conseiller et le directeur ne prennent, en application du présent décret,

aucune mesure ou décision d’aide individuelle sans avoir préalablement

convoqué et entendu les personnes intéressées à l’aide, à moins qu’elles ne

puissent être entendues en raison de leur âge, de leur état de santé, de

l’urgence ou de leur abstention à comparaître.

Certaines garanties plus spécifiques au respect des droits des jeunes faisant l’objet

d’une mesure de placement sont également précisées (chapitre II).

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 51 -

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D’INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

Les situations pouvant donner lieu à l’application de la LPJ sont définies aux articles 38

et 38.1. Bien que ces articles aient été modifiés à quelques reprises depuis l’adoption de

la Loi en 1977, leur interprétation et leur application soulèvent encore de nombreuses

difficultés. En outre, dans la pratique, certains motifs s’avèrent peu utiles ou moins

adaptés aux réalités sociales actuelles, tel le paragraphe f, qui fait référence à la

mendicité des enfants.

Dans ce contexte, une des mesures proposées dans l’avis du Comité de coordination des

chantiers jeunesse (2001 : 53) consiste à donner « une définition plus claire, plus simple

et mieux ciblée des motifs qui autorisent le DPJ à intervenir pour assurer la protection

d’un jeune » sans toutefois « restreindre l’étendue actuelle de cette protection ».

Selon les membres du Comité, l’adoption d’une définition plus précise des différents

motifs d’intervention constitue un moyen de maintenir le caractère exceptionnel du

recours à la LPJ, un des principaux objectifs visés par la démarche de révision de la Loi.

Elle pourra, entre autres :

permettre de mieux circonscrire les situations où un enfant a besoin d’une

intervention du DPJ;

permettre aux services de protection de centrer leur attention sur les enfants les

plus vulnérables;

favoriser une meilleure compréhension de la Loi par les personnes appelées à

faire des signalements et par les différents acteurs qui interviennent en protection

de la jeunesse;

limiter l’intrusion de l’État dans la vie des familles.

Les membres du Comité se sont penchés sur le concept de protection ainsi que sur

chacune des situations visées aux articles 38 et 38.1. À cet égard, ils proposent des

modifications substantielles. Tout au long de leurs discussions, ils se sont également

interrogés sur les conséquences que pourront entraîner ces modifications compte tenu

des autres lois en vigueur et de l’organisation actuelle des services.

- 52 -

1. Le concept de protection

Tel qu’il a été mentionné précédemment, dans la section portant sur le champ

d’application de la Loi et dans les orientations adoptées par les DPJ, « la protection d’un

enfant consiste à apporter une réponse minimale à ses besoins fondamentaux, dans son

meilleur intérêt, et dans le respect de ses droits » (ACJQ, 1995 : 4).

Comme le rappelle le Manuel de référence sur la protection de la jeunesse (1998 : 142),

« la notion de protection véhiculée par la LPJ est restreinte en ce sens qu’elle vise

certaines situations plutôt exceptionnelles. Cette loi ne vise pas toutes les situations où

des enfants peuvent avoir besoin d’être protégés ou, encore moins, besoin d’être aidés. »

En conséquence :

les situations visées par la LPJ sont des situations où les jeunes font face à des

« problèmes majeurs » pouvant légitimer une intervention d’autorité de l’État dans

la famille;

la responsabilité d’assurer la protection de l’enfant revient d’abord et avant tout

aux parents. L’État doit en premier lieu les soutenir et, de façon exceptionnelle, se

substituer à eux.

Afin de mieux traduire le concept de protection dans la Loi, les membres du Comité

recommandent ainsi de préciser, au début de l’article 38, que la sécurité ou le

développement d’un enfant est considéré comme compromis lorsqu’il ne reçoit pas ce qui

est essentiel pour répondre à ses besoins fondamentaux, reprenant ici la

recommandation concernant le champ d’application de la Loi (recommandation 1.1).

Par ailleurs, l’évolution des pratiques sociales a permis d’établir quatre grands facteurs

qui sont pris en considération afin de déterminer si un enfant a besoin d’être protégé par

l’État (ACJQ, 1995 : 7-9) :

les faits : nature, gravité, chronicité et fréquence des faits signalés;

la vulnérabilité de l’enfant : conséquences des faits sur l’enfant compte tenu de

son âge et de ses caractéristiques personnelles et sociales;

l’exercice de la responsabilité parentale et de la capacité parentale : ressources

personnelles des parents, reconnaissance du problème et motivation à corriger la

situation;

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 53 -

la capacité du milieu à procurer soutien et ressources à l’enfant et à ses parents :

soutien disponible auprès des proches ou des ressources du milieu pouvant

contribuer à assurer la protection de l’enfant.

Ces facteurs guident l’analyse de la situation de l’enfant et les décisions prises à son

endroit à toutes les étapes du processus d’intervention en protection de la jeunesse.

Compte tenu de l’importance de ces éléments dans l’évaluation de la situation de l’enfant,

les membres du Comité se sont interrogés sur la pertinence de les introduire de façon

plus formelle dans le texte de loi. À leur avis, l’introduction de ces éléments dans la Loi, à

l’intérieur du libellé de l’article 38, pourrait favoriser une meilleure compréhension du

concept de protection ainsi que des critères sur lesquels se fondent les décisions des

intervenants, et entraîner un recours plus judicieux à la LPJ.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 2.1 :

Qu’il soit précisé, au début de l’article 38, que la sécurité ou le

développement d’un enfant est considéré comme compromis lorsqu’il ne

reçoit pas ce qui est essentiel pour répondre à ses besoins fondamentaux.

Qu’il soit également mentionné à l’article 38 que les décisions prises en

vertu de cet article doivent s’appuyer sur une évaluation de la situation de

l’enfant qui prend en considération :

la nature, la gravité, la chronicité et la fréquence des faits signalés;

l’âge et les caractéristiques personnelles de l’enfant;

la capacité et la volonté des parents de corriger la situation;

les ressources du milieu pour venir en aide à l’enfant et à ses parents.

2. Les situations dans lesquelles la sécurité ou le développement

de l’enfant pourrait être considéré comme compromis

Les situations visées par la LPJ sont des situations qui compromettent (art. 38) ou

peuvent compromettre (art. 38.1) la sécurité ou le développement de l’enfant. Cette

dernière distinction a été établie en 1981 pour les situations de non-fréquentation scolaire

(38.1a) et de fugue (38.1b), auxquelles furent ajoutées, en 1984, les situations d’abandon

à la suite d’un placement en ressource d’accueil (38.1c). Comme il est précisé dans le

- 54 -

texte annoté de la LPJ concernant les situations visées à l’article 38.1, « [l]e paragraphe

introductif de l’article 38.1 ne crée aucune présomption. On doit démontrer non seulement

que l’enfant se trouve dans l’une ou l’autre des situations qui y est décrite, mais aussi que

cette situation entraîne la compromission de la sécurité ou du développement de

l’enfant » (Boulais, 1999 : 190).

De l’avis des membres du Comité, dans la perspective où l’objectif est de mieux

circonscrire les situations pouvant donner lieu à l’application de la Loi, il apparaît

préférable de ne conserver que les situations où la sécurité et le développement d’un

enfant est considéré comme compromis. Dans la pratique en effet, les motifs énumérés à

l’article 38.1 doivent généralement être associés à un autre motif d’intervention précisé à

l’article 38 (ex. : 38a, 38h ou 38e) pour être retenus à l’étape de la réception des

signalements. La distinction qu’introduit l’article 38.1 crée de la confusion et s’avère en

définitive peu utile.

Les membres du Comité ont par ailleurs considéré la possibilité de réintroduire les trois

situations spécifiquement visées par l’article 38.1, la non-fréquentation scolaire, la fugue

et l’abandon à la suite d’un placement en ressource d’accueil, comme des éléments

faisant partie des motifs d’intervention précisés à l’article 38.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 2.2 :

Que l’article 38.1 soit abrogé et que les situations visées par cet article

soient considérées à l’intérieur des motifs d’intervention précisés à

l’article 38.

3. Le regroupement des motifs d’intervention en fonction des

problématiques reconnues

Le Comité de coordination des chantiers jeunesse proposait un regroupement des motifs

d’intervention sous quatre problématiques : l’abandon, la négligence, la violence et les

troubles de comportement. Les membres du Comité ont néanmoins jugé important de

considérer les mauvais traitements psychologiques, l’abus sexuel et l’abus physique dans

des catégories distinctes. Ils proposent ainsi un regroupement selon les six grandes

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 55 -

problématiques suivantes, qui sont reconnues tant dans la littérature scientifique que dans

la pratique sociale : 1) l’abandon; 2) la négligence; 3) les mauvais traitements

psychologiques; 4) l’abus sexuel; 5) l’abus physique; 6) les troubles de comportement.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 2.3 :

Que les motifs d’intervention en vertu de la Loi soient regroupés sous les six

grandes problématiques suivantes :

abandon

négligence

mauvais traitements psychologiques

abus sexuel

abus physique

troubles de comportement

Que ces motifs soient énumérés au début de l’article 38.

Que la sécurité ou le développement d’un enfant soit ainsi considéré comme

compromis lorsqu’il ne reçoit pas ce qui est essentiel pour répondre à ses

besoins fondamentaux en raison d’un abandon, d’une négligence, de

mauvais traitements psychologiques, d’un abus sexuel, d’un abus physique

ou de troubles de comportement.

3.1. L’abandon

Depuis 1984, les situations d’abandon sont traitées en vertu des articles 38a et 38.1c de

la LPJ :

38. Aux fins de la présente loi, la sécurité ou le développement d’un enfant

est considéré comme compromis :

a) si ses parents ne vivent plus ou n’en assument pas de fait le soin,

l’entretien et l’éducation.

[…]

- 56 -

Toutefois, la sécurité ou le développement d’un enfant n’est pas

considéré comme compromis bien que ses parents ne vivent plus, si

une personne qui en tient lieu assume de fait le soin, l’entretien et

l’éducation de cet enfant, compte tenu de ses besoins.

38.1 La sécurité ou le développement d’un enfant peut être considéré

comme compromis :

[…]

c) si ses parents ne s’acquittent pas des obligations de soin,

d’entretien et d’éducation qu’ils ont à l’égard de leur enfant ou ne

s’en occupent pas d’une façon stable, alors qu’il est confié à un

établissement ou à une famille d’accueil depuis un an.

La jurisprudence et la pratique des dernières années n’ont pas révélé de problèmes

importants dans l’application de ces articles. Des modifications sont néanmoins

proposées pour en simplifier la formulation et à en clarifier l’interprétation. Ces

modifications touchent les abandons dus au décès des parents ou au non-exercice des

responsabilités parentales et les abandons à la suite d’un placement en ressource

d’accueil.

3.1.1. Les abandons dus au décès des parents ou au non-exercice des

responsabilités parentales

En vertu de l’article 38a, un enfant est en situation d’abandon soit en raison de l’absence

de ses parents (décès, pas de filiation établie), soit en raison du défaut de ces derniers de

répondre de fait aux besoins de soin, d’entretien ou d’éducation de leur enfant.

Concernant les situations où les parents sont décédés, un alinéa a été ajouté à la fin de

l’article 38 en 1994 précisant que la sécurité ou le développement de l’enfant n’est pas

considéré comme compromis « si une personne qui en tient lieu [de parent] assume de

fait le soin, l’entretien et l’éducation de cet enfant, compte tenu de ses besoins ». Cet

ajout vient en quelque sorte « confirmer la pratique et la jurisprudence » (Boulais, 1999 :

155), selon lesquelles le seul fait que les parents soient décédés ne constitue pas un

motif d’intervention au sens de la LPJ. Selon les membres du Comité, cet alinéa aurait

toutefois avantage à être intégré directement au paragraphe a.

Un enfant est également en situation d’abandon si ses parents n’en assument pas de fait

le soin, l’entretien ou l’éducation, responsabilités qui leur sont dévolues par le Code civil

du Québec (art. 599). En vertu de l’article 601 du Code civil, les parents sont toutefois

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 57 -

autorisés à déléguer l’exercice de certains attributs de l’autorité parentale, soit la garde, la

surveillance ou l’éducation de l’enfant.

Un parent peut ainsi confier la garde, la surveillance et l’éducation de son enfant à une

personne responsable, par exemple à un membre de la famille élargie, sans que la

sécurité ou le développement de l’enfant soit considéré comme compromis. Comme il est

reconnu dans la jurisprudence, « [c]onfier l’enfant à ses grands-parents ou à une tante

tout en gardant un contact avec lui et en contribuant à son entretien ne crée pas une

situation de compromission » (Boulais, 1999 : 157).

Selon les membres du Comité, il devrait ainsi être précisé dans la Loi que c’est lorsque

les parents n’assument pas de fait le soin, l’entretien ou l’éducation de l’enfant et que ces

responsabilités ne sont pas assumées par une autre personne qu’une intervention du DPJ

est requise.

3.1.2. Les abandons à la suite d’un placement en ressource d’accueil

L’article 38.1c a été introduit en 1984 pour couvrir de façon plus spécifique les situations

d’abandon à la suite d’un placement en ressource d’accueil. En 1979, lors de l’entrée en

vigueur de la LPJ, l’interprétation donnée au paragraphe 38a avait en effet eu pour

conséquence d’exclure les enfants placés des situations d’abandon. Constatant qu’un

nombre important d’enfants placés étaient abandonnés de fait ou en voie d’être

abandonnés par leurs parents, la commission Charbonneau a donc recommandé des

modifications à la Loi permettant au DPJ d’intervenir dans ces situations. Depuis1984, la

sécurité ou le développement de l’enfant peut ainsi être considéré comme compromis si

ses parents ne s’acquittent pas de leurs obligations parentales ou ne s’occupent pas

d’une façon stable de leur enfant placé.

Les membres du Comité estiment que s’il n’apparaît pas utile de conserver la distinction

entre les motifs de protection selon qu’ils établissent (art. 38) ou non (art 38.1) une

présomption de compromission, il s’avère cependant pertinent de conserver l’abandon par

les parents à la suite d’un placement comme motif d’intervention spécifique et de l’intégrer

dans le libellé du paragraphe a.

- 58 -

En effet, le placement d’un enfant n’a pas pour effet de délester les parents de leurs

responsabilités parentales, bien que celles-ci puissent s’exercer différemment. « [M]ême

si un enfant doit être placé, les parents demeurent responsables de leur enfant et doivent

exercer leurs responsabilités dans la mesure des besoins de l’enfant et de leurs propres

capacités » (Groupe de travail sur la révision du Manuel de référence sur la LPJ, 1998 :

145). L’abandon à la suite d’un placement, qui se manifeste notamment par le

délaissement ou le désengagement des parents vis-à-vis de l’enfant, constitue ainsi, de

l’avis des membres du Comité, une forme d’abandon au même titre que les situations

déjà visées par l’article 38a.

Il est par ailleurs proposé de remplacer la formulation actuelle de l’article 38.1c, « ne

s’acquittent pas des obligations de soin, d’entretien et d’éducation qu’ils ont à l’égard de

leur enfant ou ne s’en occupent pas d’une façon stable », par la suivante : « ne

maintiennent pas de liens significatifs suffisants avec leur enfant ». Cette formulation

apparaît moins axée sur les notions de soin, d’entretien et d’éducation utilisées en

conformité avec le Code civil du Québec et qui sont des responsabilités difficiles à exercer

pour les parents quand l’enfant ne vit pas avec eux. Lorsque l’enfant est placé en

ressource d’accueil, l’exercice des responsabilités parentales consiste essentiellement à

maintenir des liens significatifs avec lui, liens se traduisant notamment par la qualité et la

fréquence des contacts avec l’enfant et la participation au plan d’intervention.

Il importe par ailleurs de mentionner que, pour les enfants placés en vertu de la LPJ qui

seraient victimes d’abandon de la part de leurs parents, il ne sera pas nécessaire de faire

un signalement en vertu de l’article 38a compte tenu des nouvelles dispositions

législatives qui sont proposées concernant l’obligation d’élaborer un projet de vie

permanent pour tous les enfants placés, selon des délais fixés dans la Loi. Les situations

visées ici concernent principalement les enfants placés en vertu de la LSSSS et pour

lesquels une révision est prévue à l’article 57.1.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 2.4 :

Que le deuxième alinéa de l’article 38 soit fusionné avec le paragraphe a de

façon à regrouper les éléments faisant référence aux abandons dus au

décès des parents.

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 59 -

Concernant les situations d’abandon dues au non-exercice des

responsabilités parentales, qu’il soit précisé que la sécurité ou le

développement de l’enfant est compromis lorsque les parents n’assument

pas de fait le soin, l’entretien ou l’éducation de l’enfant et que ces

responsabilités ne sont pas assumées par une autre personne.

Que les situations d’abandon à la suite d’un placement en ressource

d’accueil soient traitées à l’intérieur du paragraphe 38a et qu’elles soient

définies comme des situations où les parents ne maintiennent pas de liens

significatifs avec leur enfant.

Que l’enfant soit ainsi considéré comme victime d’un abandon :

si ses parents ne vivent plus et qu’aucune autre personne qui en tient

lieu n’en assume de fait le soin, l’entretien et l’éducation, compte tenu de

ses besoins;

si ses parents n’en assument pas de fait le soin, l’entretien ou l’éducation

et que ces responsabilités ne sont pas assumées par une autre

personne;

si, alors qu’il est confié à un établissement ou à une famille d’accueil, ses

parents ne maintiennent pas de liens significatifs avec lui.

Importance de l’abandon comme motif d’intervention

Selon les données opérationnelles des centres jeunesse (MSSS, 2002a), en

2000-2001, les signalements pour abandon (art. 38a) représentaient 1,6 % des

signalements retenus pour évaluation et 4,2 % des prises en charge par le

DPJ.

Les abandons à la suite d’un placement (art. 38.1c) représentaient pour leur

part moins de 0,01 % des signalements retenus pour évaluation et 0,2 % des

prises en charge par le DPJ.

Selon les données de l’ÉIQ (Tourigny et al., 2002), le taux d’enfants signalés

pour abandon et dont le signalement a été retenu était de 0,8 enfants par

1 000 en 1998.

- 60 -

Éléments comparatifs

Au Canada, toutes les législations provinciales considèrent l’abandon comme un

motif de protection. Règle générale, les situations d’abandon renvoient au fait que

les parents sont décédés ou qu’ils ne prennent pas de mesures pour assurer la

garde de l’enfant et lui donner les soins nécessaires. Lorsque les parents sont

décédés, l’enfant est considéré comme ayant besoin de protection seulement si

des mesures n’ont pas été prises pour en assurer la garde et les soins. Quelques

législations font également référence aux situations d’abandon à la suite d’un

placement.

C’est la loi ontarienne qui fournit le plus d’indications sur l’abandon :

37. (2) i) L’enfant qui a été abandonné ou l’enfant dont le père ou la mère est

décédé ou ne peut pas exercer ses droits de garde sur l’enfant et qui

n’a pas pris de mesures suffisantes relativement à la garde de

l’enfant et aux soins à lui fournir ou si l’enfant est placé dans un

établissement, l’enfant dont le père ou la mère refuse d’en assumer à

nouveau la garde et de lui fournir des soins, n’est pas en mesure de

le faire ou n’y consent pas.

3.2. La négligence

Dans le libellé actuel de la LPJ, plusieurs paragraphes de l’article 38, soit les paragraphes

b, c, d, e et f, sont associés à la négligence :

38. Aux fins de la présente loi, la sécurité ou le développement d’un enfant

est considéré comme compromis :

[…]

b) si son développement mental ou affectif est menacé par l’absence de

soins appropriés ou par l’isolement dans lequel il est maintenu ou par

un rejet affectif grave et continu de la part de ses parents;

c) si sa santé physique est menacée par l’absence de soins appropriés;

d) s’il est privé de conditions matérielles d’existence appropriées à ses

besoins et aux ressources de ses parents ou de ceux qui en ont la

garde;

e) s’il est gardé par une personne dont le comportement ou le mode de

vie risque de créer pour lui un danger moral ou physique;

f) s’il est forcé ou incité à mendier, à faire un travail disproportionné à

ses capacités ou à se produire en spectacle de façon inacceptable eu

égard à son âge.

Dans l’ensemble, peu de modifications ont été apportées à ces paragraphes depuis

l’adoption de la Loi en 1977. Seuls les paragraphes b et c ont été modifiés en 1984 de

façon à introduire le rejet affectif grave et continu comme motif d’intervention et à

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 61 -

distinguer les situations constituant une menace pour la santé physique de celles

affectant le développement mental ou affectif de l’enfant. En 1992, le groupe de travail

Jasmin n’a pour sa part formulé aucun commentaire sur les paragraphes de l’article 38

touchant la négligence. Plusieurs de ces paragraphes soulèvent néanmoins des difficultés

d’application en raison notamment d’un manque de clarté. Dans les faits, la quasi-totalité

des situations de négligence sont traitées en vertu du paragraphe e, « s’il est gardé par

une personne dont le comportement ou le mode de vie risque de créer pour lui un danger

moral ou physique ». Dans la pratique, les notions de « comportement », de « mode de

vie » et de « risque » ont donné lieu à une interprétation très large des besoins de

protection d’un enfant. Pour de nombreuses personnes qui font un signalement, il s’agit

qu’un parent adopte un comportement problématique, tel que la consommation d’alcool,

pour conclure qu’il y a nécessairement des risques pour l’enfant.

Selon les membres du Comité, il y a ainsi lieu de réviser en profondeur l’ensemble des

paragraphes se rapportant à la négligence et de mieux circonscrire cette problématique

dans le texte de loi. Cette révision apparaît d’autant plus nécessaire que les situations de

négligence représentent la plus grande part des situations soumises à l’attention des

services de protection de la jeunesse et entraînant une intervention du DPJ.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 2.5 :

Que la formulation des paragraphes 38b, c, d, e, et f, qui, de façon courante,

sont associés à la négligence, soit révisée en entier.

3.2.1. La définition de la négligence

La question principale ayant retenu l’attention des membres du Comité a été la définition

de la négligence et plus particulièrement l’approche à privilégier sur le plan législatif.

Par opposition au concept d’abus ou de violence envers les enfants, le concept de

négligence fait référence non seulement à des gestes inadéquats posés par les parents

ou les personnes qui assument la garde de l’enfant mais aussi, très souvent, à des

omissions d’exercer les responsabilités et les devoirs qui leur sont généralement dévolus.

- 62 -

Plusieurs définitions de la négligence ont été proposées dans la littérature scientifique.

Certaines renvoient aux conduites parentales jugées inadéquates ou aux problèmes que

manifestent les parents et pouvant entraîner des répercussions négatives sur les enfants,

tels les problèmes de consommation de drogue et d’alcool. D’autres insistent sur l’impact

des conduites négligentes sur l’enfant. Dubowitz et ses collaborateurs (1993 : 13)

proposent à cet égard une définition qui met l’accent sur les besoins des enfants qui ne

sont pas satisfaits de manière appropriée plutôt que sur les comportements des parents.

Selon cette perspective, un enfant est considéré comme négligé lorsqu’il ne reçoit pas de

réponse adéquate à ses besoins de base. Ces besoins incluent notamment les besoins

en matière d’alimentation, d’habillement, de logement, de soins de santé et d’éducation

ainsi que les besoins affectifs ou psychologiques.

Cette définition a été jugée particulièrement intéressante par les membres du Comité,

entre autres parce qu’elle est centrée prioritairement sur l’enfant. Elle tient également

compte de l’âge et du niveau de développement de l’enfant, les besoins variant en

fonction de ces deux caractéristiques. Le fait que la négligence soit intentionnelle ou non

n’a pas non plus à être pris en considération. Enfin, une non-réponse aux besoins de

base implique nécessairement un critère relatif à la gravité et à la présence de

conséquences négatives pour l’enfant.

Cette définition rejoint en outre celle du concept de protection énoncée précédemment et

selon laquelle « la protection d’un enfant consiste à apporter une réponse minimale à ses

besoins fondamentaux ». Comme il a été souligné antérieurement, la notion de besoins

de l’enfant se situe au coeur de la LPJ.

3.2.2. Les formes de négligence

La plupart des praticiens et des chercheurs reconnaissent par ailleurs que la négligence

est un phénomène complexe et hétérogène qui peut revêtir différentes formes. Si les

classifications proposées dans la littérature sont nombreuses (Santé Canada, 2000), il se

dégage néanmoins un certain consensus concernant les principales catégories de

négligence.

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 63 -

Les membres du Comité suggèrent de retenir les grandes catégories suivantes et de les

introduire dans le libellé de l’article 38, en lien avec la définition des besoins de base ou

fondamentaux des enfants :

1) la négligence physique : défaut de procurer les soins essentiels sur les plans de

l’alimentation, de l’habillement, de l’hygiène et du logement;

2) la négligence en matière de soins de santé : défaut de procurer les soins essentiels à

la santé physique ou mentale de l’enfant;

3) la négligence éducative : défaut de répondre aux besoins essentiels de l’enfant en

matière d’éducation, d’encadrement et de surveillance, permissivité en ce qui a trait à

l’absentéisme scolaire chronique, fait de ne pas inscrire l’enfant à l’école et de ne pas

s'assurer de sa scolarisation;

4) la négligence affective ou psychologique : défaut de répondre aux besoins essentiels

de l’enfant sur le plan affectif, indifférence affective, non-approbation, isolement.

La négligence psychologique constitue une forme de négligence considérée dans

plusieurs des classifications existantes. Certaines formes de négligence affective, soit

l’isolement et le rejet affectif, sont également reconnues au paragraphe b de l’article 38.

Les membres du Comité recommandent toutefois de traiter les situations de négligence

psychologique dans un paragraphe distinct portant sur les mauvais traitements

psychologiques.

Une approche similaire a récemment été retenue par l’Alberta dans les modifications

apportées au Child Welfare Act à la suite des recommandations du comité chargé de

réviser la loi (Child Welfare Act Review Committee, 2002).

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 2.6 :

Que les différentes formes de négligence soient précisées dans la Loi.

Que l’enfant soit ainsi considéré comme victime de négligence lorsque ses

parents ou la personne qui en a la garde :

n’assurent pas, sur le plan physique, la satisfaction de ses besoins

d’ordre alimentaire, vestimentaire, d’hygiène ou de logement;

- 64 -

ne lui permettent pas, sur le plan de la santé, de recevoir les soins que

requiert sa santé physique ou mentale;

ne lui fournissent pas, sur le plan éducatif, une surveillance ou un

encadrement adéquats ou ne prennent pas les moyens nécessaires pour

assurer sa scolarisation.

Que les situations de négligence psychologique soient traitées dans un

paragraphe portant spécifiquement sur les mauvais traitements

psychologiques.

3.2.3. Les situations présentant un risque de négligence

Les membres du Comité ont également considéré les situations présentant un risque de

négligence. Compte tenu du libellé actuel de l’article 38e, « s’il est gardé par une

personne dont le comportement ou le mode de vie risque de créer pour lui un danger

moral ou physique », on constate que la « notion de risque est centrale dans

l’interprétation de ce paragraphe de l’article 38 » (Boulais, 1999 : 163). Les paragraphes b

et c font également référence à une menace soit pour le développement mental et affectif,

soit pour la santé de l’enfant. « Le terme menace laisse croire à un danger réel ou

probable pouvant se produire de façon imminente ou à moyen terme » (ACJQ, 1995 : 11).

Selon les membres du Comité, la notion de risque, et tout particulièrement de mode de

vie à risque, est source de confusion et soulève des difficultés d’application. Dans la

pratique en effet, cette notion a donné lieu à une interprétation très large du concept de

protection, mettant l’accent sur les comportements des parents jugés inappropriés plutôt

que sur leurs conséquences pour l’enfant. Or, comme il est relevé dans le texte annoté de

la LPJ à propos de l’interprétation de l’article 38e donnée par les tribunaux :

Les tribunaux ont reconnu certaines situations créant des risques : les

problèmes d’ordre psychiatrique ou psychologique, la déficience mentale,

l’instabilité, l’impulsivité, l’irresponsabilité, la dépression, l’incapacité d’assumer

une autorité suffisante, l’alcoolisme, la consommation et le trafic de drogues. Il

est entendu que ces symptômes et comportements seuls ne peuvent entraîner

une déclaration de compromission. Le tribunal doit être d’avis que cela a un

impact sur l’enfant en cause. (Boulais, 1999 : 165-166)

Les membres reconnaissent que certaines situations où l’enfant risque d’être négligé et

de ne pas recevoir de réponse à ses besoins en raison de la gravité des problèmes qui

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 65 -

affectent les capacités parentales (ex. : comportements antérieurs des parents ayant

entraîné la compromission de la sécurité ou du développement d’autres enfants et

absence de moyens pris pour corriger la situation, problèmes de santé mentale rendant

les parents inaptes à s’occuper d’un enfant) doivent être couvertes par la Loi.

Selon les membres du Comité, le risque couru par l’enfant devrait cependant être jugé

comme sérieux pour donner ouverture à l’application de la Loi. Les membres

recommandent également de traiter les situations présentant un risque de négligence

dans un paragraphe spécifique afin de bien les distinguer des situations de négligence

proprement dite.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 2.7 :

Que les situations présentant un risque de négligence soient traitées dans

un paragraphe spécifique de l’article 38.

Qu’il soit précisé que le risque doit être sérieux pour donner lieu à

l’application de la Loi.

Que l’enfant soit ainsi considéré comme pouvant être victime de négligence

lorsqu’il court un risque sérieux que ses parents ou la personne qui en a la

garde :

n’assurent pas, sur le plan physique, la satisfaction de ses besoins

d’ordre alimentaire, vestimentaire, d’hygiène ou de logement;

ne lui permettent pas, sur le plan de la santé, de recevoir les soins que

requiert sa santé physique ou mentale;

ne lui fournissent pas, sur le plan éducatif, une surveillance ou un

encadrement adéquats ou ne prennent pas les moyens nécessaires pour

assurer sa scolarisation.

Importance de la négligence comme motif d’intervention

Selon les données opérationnelles des centres jeunesse (MSSS, 2002a), en 2000-2001,

les signalements pour négligence représentaient 50 % des signalements retenus pour

évaluation et 59,2 % des prises en charge par le DPJ. La négligence constitue la

problématique qui regroupe la proportion la plus importante de signalements retenus et de

prises en charge en vertu de la LPJ.

- 66 -

En 2000-2001, les signalements retenus et les prises en charge se répartissaient

comme suit selon les différents alinéas de l’article 38 relatifs à la négligence :

Signalements retenus

Prises en charge

38b 1,4 % 38b 2,1 %

38c 1,7 % 38c 0,9 %

38d 1,5 % 38d 0,9 %

38e 46,3 % 38e 55,2 %

38f 0,1 % 38f 0,0 %

Selon les données de l’ÉIQ (Tourigny et al., 2002), le taux d’enfants signalés

pour négligence et dont le signalement a été retenu était de 7,3 enfants par

1 000 en 1998.

Éléments comparatifs

Toutes les législations canadiennes font mention de certaines situations pouvant

être associées aux différentes formes de négligence, sans toutefois que le terme

« négligence » soit toujours expressément utilisé.

Tout récemment, l’Alberta a apporté des modifications au Child Welfare Act

visant à mieux circonscrire la négligence comme motif d’intervention. La

définition suivante de la négligence a ainsi été retenue :

(2.1) For the purposes of subsection (2) (c), a child is neglected if the

guardian

(a) is unable or unwilling to provide the child with the necessities of

life,

(b) is unable or unwilling to obtain for the child, or to permit the child

to receive, essential medical, surgical or other remedial treatment

that is necessary for the health or well-being of the child, or

(c) is unable or unwilling to provide the child with adequate care or

supervision.

3.3. Les mauvais traitements psychologiques

Bien qu’ils demeurent encore difficiles à dépister, à évaluer et à prouver, les mauvais

traitements psychologiques envers les enfants constituent une forme de mauvais

traitements de plus en plus reconnue. Les membres du Comité se sont principalement

interrogés sur la définition des mauvais traitements psychologiques, sur la pertinence de

les inclure de manière plus explicite parmi les motifs d’intervention et sur l’approche à

privilégier sur le plan législatif.

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 67 -

Dans la loi actuelle, les paragraphes b, e et f de l’article 38 renvoient à certaines

situations de mauvais traitements psychologiques :

38. Aux fins de la présente loi, la sécurité ou le développement d’un enfant

est considéré comme compromis :

[…]

b) si son développement mental ou affectif est menacé par l’absence de

soins appropriés ou par l’isolement dans lequel il est maintenu ou par

un rejet affectif grave et continu de la part de ses parents;

[…]

e) s’il est gardé par une personne dont le comportement ou le mode de

vie risque de créer pour lui un danger moral ou physique;

f) s’il est forcé ou incité à mendier, à faire un travail disproportionné à

ses capacités ou à se produire en spectacle de façon inacceptable eu

égard à son âge.

3.3.1. La définition des mauvais traitements psychologiques

Plusieurs termes sont utilisés pour désigner les mauvais traitements psychologiques

envers les enfants : « Qu’on les nomme mauvais traitements, abus, violence ou

négligence, qu’on les qualifie de psychologiques, d’affectives ou d’émotionnelles, ces

conduites partagent cette caractéristique fondamentale : elles ne portent pas directement

atteinte à l’intégrité physique de l’enfant qui en est la cible » (Gagné et Bouchard, 2000 :

229). Ces situations consistent plutôt en une atteinte à l’intégrité psychologique de l’enfant

pouvant affecter son développement et toutes les sphères de son fonctionnement.

À l’instar de plusieurs chercheurs, les membres du Comité ont retenu les termes de

« mauvais traitements psychologiques », termes plus génériques qui permettent d’inclure

à la fois les actes commis, renvoyant au concept d’abus, et les omissions, davantage

associées au concept de négligence.

Contrairement aux mauvais traitements physiques, pour lesquels ils proposent de

considérer l’abus et la négligence physiques dans des paragraphes séparés, ils jugent

préférable de traiter l’ensemble des mauvais traitements psychologiques en vertu du

même paragraphe. Tant dans la littérature scientifique que dans la pratique en effet, la

distinction entre l’abus et la négligence psychologiques n’est pas toujours clairement

établie.

- 68 -

3.3.2. Les formes de mauvais traitements psychologiques

Les formes de mauvais traitements psychologiques sont nombreuses et certaines

classifications ont été proposées dans la littérature (Garbarino, Guttman et Seeley, 1986;

Hart, Germain et Brassard, 1987). Les formes généralement reconnues sont

l’indifférence, le rejet, l’isolement, l’agression verbale et le dénigrement, les menaces

d’abus et le fait de terroriser l’enfant, l’exploitation et la corruption, qui consiste à inciter

l’enfant à des comportements criminels ou antisociaux. Plusieurs auteurs considèrent

également que l’exposition à la violence conjugale constitue une forme de mauvais

traitement psychologique.

Dans la loi actuelle, les situations de mauvais traitements psychologiques peuvent être

traitées en vertu des paragraphes b, e et f de l’article 38. Le paragraphe b fait référence

au rejet affectif et à l’isolement : « Le rejet peut s’exprimer par l’absence de démonstration

affective parentale ou par des démonstrations affectives ouvertement négatives à l’endroit

de l’enfant » (Groupe de travail sur la révision du Manuel de référence sur la LPJ,

1998 : 146). L’isolement est défini comme « l’insuffisance manifeste de contacts

nécessaires au développement de l’enfant et l’absence de moyens de socialisation que

les parents lui imposent volontairement ou non et abusivement. L’isolement peut être

physique, psychologique ou social » (ACJQ, 1995 : 13). Alors que l’isolement a constitué

un motif d’intervention dès 1977, le rejet affectif a été ajouté en 1984, à la suite d’une

recommandation de la commission Charbonneau. Les membres de la Commission

estimaient en effet qu’il était aussi important de répondre aux besoins émotifs de l’enfant

qu’à ses besoins physiques, mais que la pratique judiciaire se centrait presque

exclusivement sur la réponse donnée aux besoins physiques de l’enfant.

Par ailleurs, certaines situations de mauvais traitements psychologiques peuvent être

traitées, en vertu du paragraphe e, comme des situations pouvant entraîner un risque de

« danger moral » pour l’enfant. Il en est ainsi par exemple de situations d’enfants exposés

à de la violence conjugale ou familiale.

Enfin, l’article 38f recouvre certaines situations d’exploitation : « L’angle de prise est ici

l’état d’exploitation du mineur par un adulte qui profite de sa naïveté, de son jeune âge.

L’adulte abuse de la vulnérabilité d’un enfant en exploitant ses forces ou ses déficiences

et ce, sans commune mesure avec ses capacités physiques ou psychologiques » (ACJQ,

1995 : 20).

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 69 -

3.3.3. Les mauvais traitements psychologiques comme motif d’intervention

Plusieurs raisons militent en faveur d’une reconnaissance des mauvais traitements

psychologiques comme « un problème à part entière » et une forme de mauvais

traitements spécifique : leur prévalence élevée, leurs particularités sur le plan étiologique

et le fait qu’ils puissent constituer, en eux-mêmes, la seule forme de mauvais traitements

subie par l’enfant, et finalement leurs conséquences négatives à court, moyen et long

terme pour les jeunes qui en sont victimes (Gagné, 2001).

Selon diverses enquêtes en effet, les mauvais traitements psychologiques constituent la

forme la plus répandue de mauvais traitements envers les enfants. En outre, les mauvais

traitements psychologiques ne s’accompagnent pas toujours d’autres formes de mauvais

traitements, bien que, en particulier chez les enfants faisant l’objet d’une intervention en

protection de la jeunesse, ils y soient fréquemment associés. Enfin, les mauvais

traitements psychologiques sont « susceptibles d’atteindre les jeunes sur tous les plans

de leur développement, avec une intensité qui pourrait même surpasser celle associée à

l’impact des autres formes de violence, d’abus et de négligence » (Gagné, 2001 : 75). Ils

peuvent notamment entraîner des troubles du développement social, affectif, cognitif et

physique pouvant se manifester par différents problèmes de comportement : anxiété,

dépression, comportement de retrait, agressivité, problèmes d’attention, etc., et, chez les

nourrissons, par un retard de croissance (retard staturo-pondéral d’origine non

organique).

Toutefois, on connaît encore mal les critères relatifs à la gravité et à la chronicité

permettant d’établir qu’un mauvais traitement psychologique par un parent entraîne ou

pourra entraîner la compromission de la sécurité ou du développement de l’enfant.

Compte tenu du développement actuel des connaissances, certains chercheurs émettent

ainsi des réserves quant à ce motif d’intervention en protection de la jeunesse et insistent

sur l’importance de démontrer clairement que les mauvais traitements psychologiques ont

des conséquences négatives sur l’enfant.

Selon les membres du Comité, il importe de reconnaître plus explicitement les mauvais

traitements psychologiques dans la Loi afin de contribuer à assurer une meilleure

protection aux enfants qui en sont victimes. Comme dans les autres formes de mauvais

- 70 -

traitements envers les enfants toutefois, ce ne sont pas toutes les situations de mauvais

traitements psychologiques qui justifient une intervention du DPJ.

Plusieurs approches sont actuellement utilisées sur le plan législatif pour traiter des

mauvais traitements psychologiques. Au Canada (Tokar, 1999), certaines législations

mettent l’accent, de manière plus ou moins détaillée, sur les comportements des parents,

d’autres font état des conséquences des mauvais traitements sur l’enfant, en lien avec les

conduites parentales. Dans certains cas, comme en Alberta ou en Colombie-Britannique,

les préjudices doivent être « appréciables et observables »; dans d’autres, comme en

Ontario, il n’est pas nécessaire de démontrer l’existence d’un préjudice actuel, mais plutôt

celle d’un risque de préjudice.

Après avoir considéré les avantages et les inconvénients de chaque approche, les

membres du Comité recommandent d’inclure dans le texte de loi un critère relatif à la

gravité ou à la chronicité permettant de qualifier les mauvais traitements psychologiques,

comme cela est d’ailleurs précisé actuellement dans l’article 38b : « Le rejet doit être

grave et continu révélant ainsi une permanence d’attitude ou de comportement des

parents à l’endroit de l’enfant qui compromet son développement ou sa sécurité »

(Groupe de travail sur la révision du Manuel de référence sur la LPJ, 1998 : 146).

Il devrait également être démontré que les mauvais traitements psychologiques causent

un préjudice à l’enfant pour qu’ils donnent lieu à l’application de la Loi, approche

actuellement retenue dans les lois de certaines provinces canadiennes.

Enfin, les membres du Comité suggèrent de mentionner dans le texte de loi certaines

formes de mauvais traitements psychologiques renvoyant soit à des omissions, soit à des

actions commises par les parents ou par la personne qui a la garde de l’enfant. À cet

égard, ils se sont notamment interrogés sur la pertinence de considérer l’exposition à la

violence conjugale comme un motif d’intervention spécifique, comme c’est le cas dans les

lois de certaines provinces. Il n’existe toutefois pas de consensus sur cette question. Alors

que certains (Tokar, 1999) préconisent une telle option, d’autres estiment qu’il n’y a pas

lieu de faire expressément mention de l’exposition à la violence conjugale comme motif

d’intervention dans la loi. Ainsi, selon Edleson (à paraître), il ne fait aucun doute que

l’exposition à la violence conjugale entraîne des conséquences importantes à court et à

long terme pour certains enfants et que les enfants exposés à la violence conjugale

présentent un risque plus élevé d’être eux-mêmes victimes de violence. Cependant, tous

les enfants exposés à la violence conjugale ne présentent pas de problèmes de

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 71 -

fonctionnement ou de développement et ne sont pas eux-mêmes victimes de violence.

Seuls certains enfants et certaines familles ont ainsi besoin de services de protection, les

autres devant plutôt bénéficier d’une intervention des services oeuvrant dans la

communauté. Il s’agit également de la position adoptée par le Groupe de travail CLSCCentres

jeunesse sur les enfants témoins de violence conjugale (Association des CLSC et

des CHSLD du Québec et ACJQ, 1998a), dont le mandat visait à départager les

responsabilités des établissements à l’égard des enfants témoins de violence conjugale.

Le DPJ n’a pas à intervenir lorsque le conjoint victime, généralement la mère, est en

mesure de recourir aux services d’aide et d’assurer la protection de l’enfant.

Compte tenu de ces éléments, les membres du Comité ne recommandent pas d’inclure

explicitement l’exposition à la violence conjugale parmi les motifs d’intervention. Ils

suggèrent toutefois de mentionner les menaces et un climat de violence parmi les

exemples de mauvais traitements psychologiques énoncés dans la Loi.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 2.8 :

Que les mauvais traitements psychologiques soient reconnus plus

explicitement dans la Loi comme motif d’intervention.

Que certaines formes de mauvais traitements psychologiques soient

spécifiées dans la Loi et renvoient à des actions ou à des omissions, tels

l’indifférence, le dénigrement, le rejet affectif, l’isolement, l’exploitation, les

menaces ou un climat de violence, commises par les parents ou la personne

qui a la garde de l’enfant.

Qu’il soit en outre précisé que les mauvais traitements psychologiques

doivent être graves ou continus et causer un préjudice à l’enfant pour donner

lieu à l’application de la Loi.

Importance des mauvais traitements psychologiques comme motif

d’intervention

Les données opérationnelles des centres jeunesse ne fournissent que des

données partielles sur les mauvais traitements psychologiques, soit les données

relatives au paragraphe b de l’article 38 faisant référence au rejet affectif grave et

continu et à l’isolement de l’enfant par ses parents. En 2000-2001, les

signalements retenus en vertu de ce paragraphe représentaient 1,4 % des

signalements retenus pour évaluation et 2,1 % des prises en charge par le DPJ

(MSSS, 2002a).

- 72 -

L’ÉIQ (Tourigny et al., 2002) a tenté d’évaluer de façon plus précise l'incidence

des mauvais traitements psychologiques dans les situations des enfants signalés

au DPJ. Selon les données de cette enquête, la présence de mauvais traitements

psychologiques a été reconnue dans 24,3 % des signalements retenus pour

évaluation. La définition donnée aux mauvais traitements psychologiques incluait

les catégories suivantes : le rejet et le dénigrement; les menaces d’abus et le

terrorisme; l’indifférence affective, l’ignorance et la non-approbation; l’exposition à

la violence conjugale.

Selon les données de l’ÉIQ, le taux d’enfants signalés pour mauvais traitements

psychologiques et dont le signalement a été retenu était de 3,4 enfants par 1 000

en 1998.

Éléments comparatifs

Les mauvais traitements psychologiques sont reconnus formellement dans les

lois de la plupart des autres provinces canadiennes.

Certaines lois renvoient aux comportements des parents ou des personnes qui

ont la garde des enfants dans des termes très généraux. Par exemple, au

Nouveau-Brunswick, on retrouve les dispositions suivantes dans la Loi sur les

services à la famille :

31 (1) La sécurité ou le développement d’un enfant peuvent être menacés

lorsque

[…]

d) l’enfant est à la charge d’une personne dont la conduite menace sa

vie, sa santé ou son équilibre affectif;

e) l’enfant est victime de sévices ou d’atteintes sexuelles, de négligence

physique, matérielle ou affective ou d’exploitation sexuelle ou est

menacé de tels traitements;

f) l’enfant vit dans une situation marquée par des actes de violence

domestique.

D’autres lois sont très précises et font état des conséquences sur l’enfant en lien

avec les comportements jugés abusifs. En Ontario, il est ainsi stipulé dans la Loi

sur les services à l’enfance et à la famille :

37. (2) Est un enfant ayant besoin de protection :

[…]

f) l’enfant qui a subi des maux affectifs qui se traduisent par, selon le

cas :

(i) un grave sentiment d’angoisse,

(ii) un état dépressif grave,

(iii) un fort repliement sur soi,

(iv) un comportement autodestructeur ou agressif marqué,

(v) un important retard dans son développement,

s’il existe des motifs raisonnables de croire que les maux affectifs que

l’enfant a subis résultent des actes, du défaut d’agir ou de la négligence

habituelle de son père ou de sa mère ou de la personne qui en est

responsable.

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 73 -

3.4. L’abus sexuel

Dans la loi actuelle, les situations d’abus sexuel sont définies au paragraphe g de

l’article 38, avec les situations de mauvais traitements physiques :

38. Aux fins de la présente loi, la sécurité ou le développement d’un enfant est

considéré comme compromis :

[…]

g) s’il est victime d’abus sexuels ou est soumis à des mauvais traitements

physiques par suite d’excès ou de négligence.

L’abus sexuel constitue un motif d’intervention ayant considérablement retenu l’attention

au cours des dernières années et ayant donné lieu à une abondante jurisprudence qui a

permis d’en préciser l’interprétation. Les discussions du Comité ont essentiellement porté

sur trois questions : la définition de l’abus sexuel, les situations présentant un risque

d’abus sexuel compte tenu des modifications proposées à l’article 38e et les abus sexuels

commis par une personne autre que les parents. C’est d’ailleurs surtout concernant cette

dernière question que des problèmes d’interprétation et d’application ont été décelés.

3.4.1. La définition et l’utilisation des termes « agression sexuelle » et « abus

sexuel »

Selon la définition retenue par les DPJ (ACJQ, 1995, 2000), les abus sexuels recouvrent

divers comportements portant atteinte à l’intégrité physique et psychologique des enfants,

incluant des comportements sexuels inadéquats avec ou sans contacts physiques et avec

ou sans recours à la contrainte.

Sans remettre en cause les éléments de cette définition, les membres du Comité se sont

néanmoins interrogés sur la pertinence d’utiliser le terme « agression » de préférence au

terme « abus ». Ce premier terme est notamment celui qui a été retenu par le

gouvernement du Québec dans son document Orientations gouvernementales en matière

d’agression sexuelle. La définition de l’agression sexuelle qui y est donnée est très large

et intègre celle d’abus. « On parle d’agression sexuelle lorsqu’on utilise certaines autres

expressions telles que viol, abus sexuel, infractions sexuelles, contacts sexuels, inceste,

prostitution et pornographie juvéniles » (MSSS, 2001a : 22). Dans le Code criminel par

contre, le terme « agression » est utilisé dans un sens beaucoup plus restreint. Les trois

formes d’agressions sexuelles qui y sont définies, l’agression sexuelle simple, l’agression

sexuelle armée et l’agression sexuelle grave, font partie des infractions contre la

- 74 -

personne et figurent parmi les dispositions relatives aux voies de fait. D’autres infractions

d’ordre sexuel, tels les contacts sexuels avec les enfants de moins de 14 ans, l’inceste, la

bestialité, la pornographie juvénile, l’exhibitionnisme, etc., sont également sanctionnées

en vertu du Code criminel. Selon la jurisprudence, il ressort par ailleurs que le « terme

“abus sexuel” englobe toutes les expressions d’ordre sexuel prévues au Code criminel et

va beaucoup plus loin » (Boulais, 1999 : 171).

Considérant, d’une part, que le terme « abus » est largement reconnu dans la pratique

sociale et que, d’autre part, le terme « agression » pourrait être perçu comme étant plus

restrictif compte tenu de son usage dans le Code criminel, il est jugé plus approprié de

conserver le terme « abus ».

3.4.2. Les abus sexuels commis par une personne autre que les parents et

l’obligation de signaler

La question des abus sexuels commis par une personne autre que les parents n’est pas

nouvelle et a déjà donné lieu à des modifications législatives à la suite notamment des

rapports Charbonneau et Jasmin.

En 1982, la commission Charbonneau a recommandé d’introduire une distinction

parmi les auteurs d’abus de façon qu’il soit clair pour les personnes qui font un

signalement que le paragraphe g s’applique à toute personne, quelle que soit sa

relation avec l’enfant. En 1984, un deuxième alinéa concernant les abus sexuels et les

mauvais traitements physiques a ainsi été ajouté dans la Loi : « Le paragraphe g ne

s’applique pas si l’enfant est victime d’abus sexuels ou est soumis à des mauvais

traitements de la part d’une personne autre que ses parents et que ceux-ci prennent

les moyens nécessaires pour corriger la situation. »

En 1992, le groupe de travail Jasmin jugea toutefois que cet alinéa posait des

difficultés, tout particulièrement dans les situations où l’abus sexuel était commis par

le conjoint du parent, dans lesquelles on craignait que l’enfant ne soit pas protégé

adéquatement. Le Groupe de travail (1992 : 54) recommanda ainsi « que le

paragraphe g s’applique lorsque l’enfant est abusé par un tiers qui a un lien avec

l’enfant, par exemple, un conjoint de fait ». Dans les modifications de 1994, l’ajout fait

en 1984 selon lequel le paragraphe g ne s’applique pas si les parents prennent les

moyens nécessaires pour corriger la situation, a plutôt été abrogé. « Il semble que cet

alinéa causait des problèmes d’interprétation quant à la portée de l’obligation de

signaler toutes situations où l’enfant était victime d’abus sexuels ou soumis à de

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 75 -

mauvais traitements physiques. La question se posait notamment à savoir qui devait

évaluer si les parents prenaient les moyens nécessaires pour corriger la situation »

(Boulais, 1999 : 170).

Les membres du Comité se sont penchés à la fois sur l’opportunité de maintenir

l’obligation de signaler toutes les situations d’abus sexuel, quel qu’en soit l’auteur, et de

réintroduire, dans le libellé de l’article 38, des éléments relatifs à la capacité des parents

de protéger l’enfant lorsque l’abus sexuel est commis par une autre personne. Dans la

mesure où les signalements d’abus sexuel impliquant un tiers sont rarement retenus

lorsque les parents prennent les moyens nécessaires pour protéger l’enfant, y a-t-il lieu de

maintenir l’obligation de signaler toutes les situations d’abus sexuel?

Selon les membres du Comité, cette obligation doit être maintenue. Il est en effet jugé

préférable que ce soit le DPJ qui procède à l’évaluation de la situation et qui détermine si

les parents prennent les moyens nécessaires pour protéger l’enfant et corriger la

situation. Cette obligation permet en outre au DPJ d’avoir une certaine prise légale sur les

situations où l’abus sexuel est commis par un tiers, pour assurer par exemple la

protection d’autres enfants, et de jouer un rôle d’accompagnement auprès des victimes et

de leur famille. Les membres du Comité estiment toutefois qu’il importe de réaffirmer le

principe de la primauté de la responsabilité parentale. Malgré la gravité de certains abus

sexuels commis par des tiers, l’État n’a pas à intervenir si les parents sont jugés en

mesure de protéger leur enfant.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 2.9 :

Qu’une distinction quant à l’auteur de l’abus sexuel soit réintroduite dans le

libellé de l’article 38 et qu’il soit spécifié qu’il y a une présomption de

compromission si l’abus sexuel est commis par une autre personne et que

les parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour protéger leur

enfant.

Que l’enfant soit ainsi considéré comme victime d’un abus sexuel lorsqu'il

subit des gestes à caractère sexuel infligés par ses parents ou par une autre

personne et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour

le protéger.

- 76 -

Recommandation 2.10 :

Que l’obligation de signaler toutes les situations d’abus sexuel, tel que le

prévoit l’article 39, soit maintenue, compte tenu qu’il appartient au DPJ de

vérifier les mesures prises par les parents pour protéger l’enfant.

3.4.3. Les situations présentant un risque d’abus sexuel

Une autre question soulevée a trait aux situations jugées comme présentant un risque

d’abus sexuel. La notion de risque implique que des gestes d’abus n’ont pas encore été

posés. Il peut s’agir, par exemple, d’un climat de grande promiscuité sexuelle ou encore

d’un parent refusant de protéger son enfant qui risque d’être victime d’un abus sexuel

commis par une autre personne (ACJQ, 2000 : 16). À l’heure actuelle, ces situations sont

couvertes par le paragraphe e de l’article 38 : « s’il est gardé par une personne dont le

comportement ou le mode de vie risque de créer pour lui un danger moral ou physique ».

Différentes hypothèses ont été examinées concernant l’inclusion des situations « à

risque » dans l’article 38 lors des discussions entourant la reformulation de l’alinéa 38e.

En définitive, il est proposé de considérer les situations présentant un risque d’abus

sexuel dans un paragraphe spécifique de l’article 38 et de préciser que le risque doit être

sérieux pour donner lieu à une intervention en protection.

En effet, les membres du Comité jugent qu’il serait inacceptable, compte tenu des

conséquences possibles pour l’enfant, de devoir attendre qu’un abus sexuel soit commis

avant que le DPJ puisse intervenir. C’est dans cette perspective qu’ils recommandent

d’introduire explicitement les situations présentant un risque d’abus sexuel parmi les

motifs d’intervention. Ils estiment toutefois que les situations présentant un risque d’abus

doivent être circonscrites et qu’il doit être démontré que le risque couru par l’enfant est

sérieux soit en raison de la probabilité élevée qu’il y ait abus, soit en raison de la gravité

du danger pour l’enfant.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 2.11 :

Que les situations présentant un risque d’abus sexuel soient traitées dans un

paragraphe spécifique de l’article 38.

Qu’il soit précisé que le risque doit être sérieux pour donner lieu à

l’application de la Loi.

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 77 -

Que l’enfant soit ainsi considéré comme pouvant être victime d’un abus

sexuel lorsqu'il court un risque sérieux de subir des gestes à caractère

sexuel infligés par ses parents ou par une autre personne et que ses parents

ne prennent pas les moyens nécessaires pour le protéger.

Importance de l’abus sexuel comme motif d’intervention

Selon les données opérationnelles des centres jeunesse (MSSS, 2002a), en

2000-2001, les signalements pour abus sexuel représentaient 10,0 % des

signalements retenus pour évaluation et 3,7 % des prises en charge par le DPJ.

Selon les données de l’ÉIQ (Tourigny et al., 2002), le taux d’enfants signalés pour

abus sexuel et dont le signalement a été retenu était de 1,7 enfants par 1 000 en

1998.

Éléments comparatifs

Dans les autres provinces canadiennes, l’abus sexuel est un motif d’intervention

généralement considéré dans un paragraphe spécifique.

Certaines lois distinguent les situations présentant un risque d’abus sexuel et les

traitent soit dans le même paragraphe, comme à Terre-Neuve-et-Labrador ou en

Colombie-Britannique, soit dans un paragraphe séparé, comme en Ontario, en

Nouvelle-Écosse ou au Nunavut.

Certaines qualifient également le risque, qui doit être « vraisemblable »

(substantial) pour donner lieu à l’application de la loi.

La plupart des législations font référence aux situations où l’abus sexuel est

commis par un tiers en précisant que la loi s’applique lorsque les parents

n’assurent pas la protection de leur enfant. À titre d’exemple, la loi ontarienne

stipule :

37. (2) Est un enfant ayant besoin de protection :

[…]

c) l’enfant qui a subi une atteinte aux moeurs ou qui a été exploité

sexuellement par la personne qui en est responsable ou par une autre

personne si la personne qui en est responsable sait ou devrait savoir

qu’il existe des dangers d’atteinte aux moeurs ou d’exploitation sexuelle

et qu’elle ne protège pas l’enfant;

d) l’enfant qui risque vraisemblablement de subir une atteinte aux moeurs

ou d’être exploité sexuellement dans les circonstances mentionnées à

l’alinéa c).

- 78 -

3.5. L’abus physique

La deuxième partie de l’article 38g renvoie aux mauvais traitements physiques en

distinguant ceux survenus par suite d’excès et ceux survenus par suite de négligence :

38. Aux fins de la présente loi, la sécurité ou le développement d’un enfant

est considéré comme compromis :

[…]

g) s’il est victime d’abus sexuels ou est soumis à des mauvais

traitements physiques par suite d’excès ou de négligence.

Une des principales modifications proposées consiste à considérer ces deux types de

mauvais traitements, l’abus et la négligence physiques, dans des paragraphes distincts.

Les membres du Comité se sont en outre penchés sur les situations présentant un risque

d’abus physique et sur les situations où l’abus physique est commis par une personne

autre que les parents. À cet égard, les recommandations formulées reprennent

essentiellement celles concernant les situations d’abus sexuel.

3.5.1. La définition des mauvais traitements physiques et la distinction entre l’abus

et la négligence physiques

Les situations de mauvais traitements physiques « renvoient à des actions ou des

omissions dirigées vers un enfant, provoquant des traumatismes corporels et affectant

son intégrité physique » (ACJQ, 1995 : 21). Deux types de situations sont ainsi visés :

1) les mauvais traitements physiques par suite d’excès (actions) et 2) les mauvais

traitements physiques par suite de négligence (omissions).

Les mauvais traitements physiques par suite d’excès peuvent être assimilés aux

situations d’abus physique. Il s’agit de gestes qui « dépassent la mesure raisonnable » et

qui « provoquent des sévices corporels ou des traumatismes qui peuvent avoir des

conséquences graves sur la santé, le développement ou la vie de l’enfant » (ACJQ,

1995 : 21). Ils incluent l’utilisation de corrections physiques abusives, soit « l’emploi de

moyens démesurés, immodérés et déraisonnables pour éduquer et prendre soin d’un

enfant ».

Les mauvais traitements physiques par suite de négligence comportent davantage

d’ambiguïté. D’une part, ils recouvrent des situations de négligence physique et sont

définis comme « une insuffisance chronique qualitative et/ou quantitative de répondre aux

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 79 -

besoins physiques de l’enfant ». D’autre part, ils font également référence à « l’absence

de moyens pris par les parents pour empêcher les mauvais traitements physiques par un

tiers » (ACJQ, 1995 : 22).

Dans un souci de clarification, et en fonction des grandes problématiques reconnues, les

membres du Comité recommandent de traiter ces deux types de mauvais traitements

physiques dans des paragraphes distincts.

Il est ainsi proposé de considérer les situations de mauvais traitements physiques par

suite d’excès dans un paragraphe spécifique. Il est en outre suggéré d’employer les

termes « abus physique », utilisés tant dans la littérature scientifique et clinique que dans

la pratique sociale, pour désigner ces situations. Le terme « abus » implique le même

caractère d’excès et renvoie à la même définition que ceux de « mauvais traitements

physiques par suite d’excès ».

Concernant les mauvais traitements physiques par suite de négligence, il est par ailleurs

proposé de les traiter avec les autres formes de négligence, sous le nouveau paragraphe

se rapportant spécifiquement à cette problématique.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 2.12 :

Que les situations de mauvais traitements physiques par suite d’excès soient

traitées dans un paragraphe spécifique de l’article 38.

Que les termes « mauvais traitements physiques par suite d’excès » soient

remplacés par ceux d’« abus physique ».

Que les situations de mauvais traitements physiques par suite de négligence

soient traitées avec les autres formes de négligence.

3.5.2. Les abus physiques commis par une personne autre que les parents et

l’obligation de signaler

Bien que la question des « tiers abuseurs » ait été principalement soulevée concernant

les situations d’abus sexuel, les débats entourant cette question ainsi que les

- 80 -

modifications législatives introduites à la suite des rapports Charbonneau et Jasmin ont

également touché les situations de mauvais traitements physiques.

Sans reprendre l’ensemble des éléments présentés dans la discussion sur l’abus sexuel,

rappelons qu’en 1984, à la suite d’une recommandation de la commission Charbonneau,

une modification a été apportée à l’article 38 spécifiant que la sécurité ou le

développement d’un enfant n’était pas jugé compromis en vertu du paragraphe 38g si

l’enfant était victime d’un abus commis par une autre personne et que ses parents

prenaient les moyens nécessaires pour corriger la situation. Ce paragraphe a toutefois été

abrogé en 1994, à cause de certains problèmes d’interprétation relevés notamment par le

groupe de travail Jasmin et portant plus particulièrement sur l’obligation de signaler et sur

les personnes jugées en mesure de procéder à l’évaluation de la capacité des parents à

prendre les moyens nécessaires pour protéger l’enfant.

Après avoir réexaminé la question des « tiers abuseurs », les membres du Comité en sont

venus à la conclusion qu’il fallait maintenir l’obligation de signaler toute situation d’abus

physique au même titre que toute situation d’abus sexuel. Ils estiment néanmoins qu’il y a

lieu de réintroduire des éléments relatifs à la capacité des parents de protéger l’enfant

lorsque celui-ci est victime d’un abus physique commis par une autre personne. Selon les

membres du Comité, il importe en effet de réaffirmer que les parents sont les premiers

responsables d’assurer la protection de leur enfant et qu’une intervention du DPJ n’est

pas nécessaire s’ils assument adéquatement ce rôle.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 2.13 :

Qu’une distinction quant à l’auteur de l’abus physique soit réintroduite dans

le libellé de l’article 38 et qu’il soit spécifié qu’il y a une présomption de

compromission si l’abus physique est commis par une autre personne et que

les parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour protéger leur

enfant.

Que l’enfant soit ainsi considéré comme victime d’un abus physique lorsqu'il

subit des sévices corporels ou est soumis à des méthodes éducatives

déraisonnables infligés par ses parents ou par une autre personne et que

ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour le protéger.

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 81 -

Recommandation 2.14 :

Que l’obligation de signaler toutes les situations d’abus physique, tel que le

prévoit l’article 39, soit maintenue, compte tenu qu’il appartient au DPJ de

vérifier les mesures prises par les parents pour protéger l’enfant.

3.5.3. Les situations présentant un risque d’abus physique

Comme pour les situations d’abus sexuel, les membres du Comité se sont questionnés

sur les situations où l’enfant court un risque de subir un abus physique. Ces situations

sont actuellement traitées en vertu du paragraphe e de l’article 38. Compte tenu des

modifications proposées à ce paragraphe, les membres du Comité recommandent de

considérer les situations d’abus physique ou présentant un risque d’abus physique dans

des paragraphes séparés. Ils suggèrent en outre de préciser que le risque doit être

sérieux pour donner lieu à une intervention en protection. À leur avis, s’il y a lieu

d’intervenir de manière préventive dans certains cas, le risque d’abus doit cependant être

très probable ou comporter éventuellement des conséquences graves pour l’enfant, par

exemple lorsqu’un parent fait preuve d’impulsivité non contrôlée et a blessé un autre

enfant de la famille.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 2.15 :

Que les situations présentant un risque d’abus physique soient traitées dans

un paragraphe spécifique de l’article 38.

Qu’il soit précisé que le risque doit être sérieux pour donner lieu à

l’application de la Loi.

Que l’enfant soit ainsi considéré comme pouvant être victime d’un abus

physique lorsqu’il court un risque sérieux de subir des sévices corporels ou

d'être soumis à des méthodes éducatives déraisonnables infligés par ses

parents ou par une autre personne et que ses parents ne prennent pas les

moyens nécessaires pour le protéger.

Importance des mauvais traitements physiques comme motif d’intervention

Selon les données opérationnelles des centres jeunesse (MSSS, 2002a), en

2000-2001, les signalements pour mauvais traitements physiques représentaient

14,4 % des signalements retenus pour évaluation et 6,1 % des prises en charge

par le DPJ.

- 82 -

Selon les données de l’ÉIQ (Tourigny et al., 2002), le taux d’enfants signalés pour

abus physique et dont le signalement a été retenu était de 3,3 enfants par 1 000

en 1998.

Éléments comparatifs

Dans les autres provinces canadiennes, l’abus physique est généralement défini

en fonction des conséquences (préjudice physique, blessures) qu’il comporte

pour l’enfant. En Colombie-Britannique, le paragraphe a de l’article 13 (1) du

Child, Family and Community Service Act stipule ainsi :

13 (1) A child needs protection in the following circumstances :

(a) if the child has been, or is likely to be, physically harmed by the child’s

parent.

Certaines lois distinguent les situations présentant un risque d’abus physique et

les traitent soit dans le même paragraphe, comme à Terre-Neuve-et-Labrador ou

en Colombie-Britannique, soit dans un paragraphe séparé, comme en Ontario, en

Nouvelle-Écosse ou au Nunavut.

Certaines qualifient également le risque, qui doit être « vraisemblable »

(substantial) pour donner lieu à l’application de la loi.

Plusieurs législations font référence aux situations où l’abus physique est commis

par un tiers en précisant que la loi s’applique lorsque les parents n’assurent pas la

protection de leur enfant. Il est par exemple précisé dans la Loi sur les services à

l’enfance et à la famille du Nunavut :

7. (3) Un enfant a besoin de protection dans les cas suivants :

(a) il a subi des maux physiques infligés par son père ou sa mère ou

attribuables au fait que son père ou sa mère refuse ou soit incapable de

s’occuper de lui, de l’entretenir, de le surveiller et de le protéger

convenablement;

(b) il se peut fortement qu’il subisse des maux physiques infligés par son

père ou sa mère ou attribuables au fait que son père ou sa mère refuse

ou soit incapable de s’occuper de lui, de l’entretenir, de le surveiller et

de le protéger convenablement.

3.6. Les troubles de comportement

Les problèmes de comportement des jeunes représentent une part considérable des

situations soumises à l’attention des services de protection de la jeunesse et constituent,

après la négligence, la deuxième problématique en importance. Ces problèmes sont plus

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 83 -

spécifiquement traités en vertu de l’article 38h de la LPJ. Les situations de fugue et de

non-fréquentation scolaire, définies aux articles 38.1a et 38.1b, sont également associées

à des problèmes de comportement du jeune. Il convient d’ailleurs de souligner le

caractère particulier de ces trois motifs d’intervention pour lesquels, contrairement aux

autres motifs précisés aux articles 38 et 38.1, ce sont les comportements de l’enfant luimême

qui sont mis en cause.

38. Aux fins de la présente loi, la sécurité ou le développement d’un enfant est

considéré comme compromis :

[…]

h) s’il manifeste des troubles de comportement sérieux et que ses parents

ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation

qui compromet la sécurité ou le développement de leur enfant ou n’y

parviennent pas.

38.1 La sécurité ou le développement d’un enfant peut être considéré comme

compromis :

a) s’il quitte sans autorisation son foyer, une famille d’accueil ou une

installation maintenue par un établissement qui exploite un centre de

réadaptation ou un centre hospitalier alors que sa situation n’est pas

prise en charge par le directeur de la protection de la jeunesse;

b) s’il est d’âge scolaire et ne fréquente pas l’école ou s’en absente

fréquemment sans raison.

Parmi tous les motifs d’intervention, l’article 38h est sans contredit celui ayant suscité et

suscitant encore aujourd’hui le plus de controverses. Il a notamment retenu l’attention de

la commission Charbonneau et du groupe de travail Jasmin, lequel affirmait dans son

rapport : « L’article 38h concernant les enfants qui manifestent des troubles de

comportement crée une grande confusion, tant à propos de sa compréhension que de

son application » (Groupe de travail Jasmin, 1992 : 54). Malgré les modifications

apportées au paragraphe h à la suite de ces travaux, plusieurs difficultés sont encore

relevées concernant les situations de troubles de comportement sérieux. Selon le Manuel

de référence sur la protection de la jeunesse, il s’agit des situations qui donnent le plus

fréquemment lieu à des « utilisations inappropriées » de la Loi.

Les membres du Comité ont ainsi été amenés à réexaminer l’ensemble des éléments qui

doivent être pris en considération dans l’évaluation des situations de troubles de

comportement, tout particulièrement la définition des troubles de comportement ainsi que

la volonté et la capacité des parents de corriger la situation. Comme ils ont recommandé

d’abroger l’article 38.1 en vertu duquel la sécurité ou le développement de l’enfant peut

être considéré comme compromis, ils se sont en outre questionnés sur l’opportunité de

- 84 -

conserver les problématiques d’absentéisme scolaire et de fugue à l’intérieur de

l’article 38.

3.6.1. La définition des troubles de comportement

Les membres du Comité se sont d’abord interrogés sur la notion de troubles de

comportement au sens de la LPJ. Selon la définition retenue par les DPJ et présentée

dans le Manuel de référence sur la protection de la jeunesse, il peut s’agir de troubles

réactionnels ou de troubles profonds de la personnalité. Ces problèmes peuvent être

intériorisés (ex. : tendances suicidaires, automutilation) ou extériorisés (ex. :

consommation abusive d’alcool et de drogue, refus de l’autorité, manifestations de

violence). Pour nécessiter une intervention en protection, ils doivent par ailleurs être jugés

sérieux. L’évaluation des troubles de comportement doit ainsi tenir compte non seulement

de la nature des problèmes manifestés par l’enfant, mais également « de l’intensité des

manifestations, de leur persistance, de leur étendue sur les différentes sphères de vie de

l’enfant (familiale, scolaire, sociale et personnelle), de leur fréquence » (ACJQ, 1995 : 25).

Sur ce plan, les membres du Comité estiment que le terme « sérieux », qui qualifie les

troubles de comportement dans le libellé du paragraphe h, ne traduit pas suffisamment le

caractère de gravité ou de chronicité que doivent présenter les troubles de comportement

pour donner lieu à l’application de la LPJ ainsi que leurs conséquences pour l’enfant. Afin

de mieux faire ressortir cet aspect, ils recommandent de définir les situations de troubles

de comportement comme des situations où les comportements qu’adopte l’enfant portent

atteinte à son intégrité physique ou psychologique de façon grave ou persistante. Une

définition similaire des troubles de comportement, faisant référence à une atteinte à

l’intégrité physique ou psychique de l’enfant, est notamment utilisée dans le Décret relatif

à l’aide à la jeunesse de la Belgique.

Par ailleurs, à la lumière des connaissances actuelles sur les caractéristiques des enfants

signalés pour troubles de comportement sérieux ou dont la situation est prise en charge

en vertu de ce motif, les membres du Comité en sont venus à distinguer trois cas types de

situations de troubles de comportement :

les situations où les comportements de l’enfant présentent un danger pour lui-même;

les situations où les comportements de l’enfant présentent un danger pour autrui;

les situations de conflits entre parents et enfant.

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 85 -

Ils se sont par ailleurs interrogés sur le bien-fondé d’une intervention en protection de la

jeunesse et sur les approches à privilégier dans chacune de ces situations.

Les situations où les comportements de l’enfant présentent clairement un danger pour

lui-même, par exemple les cas d’anorexie mentale, de comportements suicidaires,

d’usage excessif d’alcool et de drogues, constituent, selon les membres du Comité,

des situations pour lesquelles une intervention en protection de la jeunesse peut

s’avérer appropriée au sens de la Loi. Il s’agit en effet de situations où les

comportements du jeune portent directement atteinte à son intégrité physique ou

psychologique.

Les situations où les comportements de l’enfant présentent un danger pour autrui font

référence à des situations où l’enfant manifeste des comportements violents, abuse

sexuellement d’un autre jeune, recourt à l’intimidation et au taxage. Il s’agit de

comportements pouvant davantage être associés à la délinquance ou à la

prédélinquance. Pour les membres du Comité, plusieurs de ces situations relèvent de

la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents (LSJPA) et devraient

prioritairement être traitées en vertu de cette loi. Les membres reconnaissent toutefois

que certains enfants qui manifestent des problèmes graves de comportement

présentant un danger pour autrui (agressivité, menaces, intimidation) peuvent requérir

une intervention des services de protection.

La distinction entre les situations de délinquance et de troubles de comportement est

importante. Il en est de même des régimes légaux à utiliser. Dans certaines situations,

il peut s’avérer opportun d’intervenir à la fois en vertu de la LPJ et de la LSJPA.

« Chaque loi a son propre champ d’application, ses objectifs et ses règles

particulières; chacune doit être utilisée à bon escient. Au besoin, ces diverses

législations devront trouver application simultanément » (Groupe de travail sur la

révision du Manuel de référence sur la LPJ, 1998 : 161).

Selon les membres du Comité, dans les situations où les comportements de l’enfant

présentent un danger pour autrui, la LPJ ne devrait être utilisée que lorsque l’enfant

lui-même a besoin d’être protégé parce que de tels comportements portent atteinte à

sa propre intégrité physique ou psychologique et qu’aucune autre mesure ne lui

permet de recevoir les services que requiert sa situation.

- 86 -

Les situations de conflits entre parents et enfant représentent pour leur part des

situations où les problèmes relevés sont principalement des difficultés relationnelles

entre les parents et l’enfant. Très souvent, ces situations sont signalées par les

parents dans un contexte de crise familiale. Selon les membres du Comité toutefois,

ces situations, qui regroupent une large part des signalements pour troubles de

comportement (Tourigny et al., 2002), ne devraient pas constituer des cas de

protection. Tout en reconnaissant la gravité de certains conflits entre parents et enfant,

les membres du comité sont d’avis qu’une intervention d’autorité en vertu de la LPJ a

souvent pour effet de déresponsabiliser les parents et ne s’avère pas la voie à

privilégier. Il importe de soutenir l’autorité parentale plutôt que de lui substituer une

autre forme d’autorité. Comme l’affirment Laberge et Grenier :

Dans le cadre des interventions en troubles de comportement sérieux, le

piège le plus grand est de se substituer au parent en fragilisant la fonction

parentale. Tous deviennent perdants. La Loi sur la protection de la jeunesse

vise à assurer le développement du jeune et non pas à servir d’argument de

force pour les différents représentants de l’autorité qu’il met à l’épreuve.

(Laberge et Grenier, 2002 : 33)

Les membres recommandent ainsi que ces situations soient traitées à l’extérieur des

services de protection. Ils favorisent en outre une approche de médiation entre les

parents et l’enfant. L’implantation de services d’intervention de crise et de suivi intensif

ainsi que la mise sur pied d’équipes d’intervention jeunesse dans toutes les régions du

Québec, deux mesures proposées dans la Stratégie d’action pour les jeunes en difficulté

et leur famille (MSSS, 2002b), leur apparaissent également des voies de solution plus

appropriées.

En résumé, les membres du Comité proposent de définir les situations de troubles de

comportement pouvant donner lieu à l’application de la LPJ comme des situations où

l’enfant porte atteinte à son intégrité physique ou psychologique de façon grave ou

persistante, ce qui renvoie essentiellement à des situations où les comportements de

l’enfant présentent un danger pour lui-même et, dans certains cas, un danger pour autrui,

mais exclut les conflits relationnels entre parents et enfant. Cette définition met ainsi

l’accent sur les conséquences des problèmes de comportement pour l’enfant.

Il importe cependant de garder en mémoire que, même lorsque les problèmes de

comportement de l’enfant portent atteinte à son intégrité physique ou psychologique, leur

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 87 -

gravité ou leur persistance n’est pas suffisante pour justifier une intervention du DPJ. Ces

problèmes peuvent être traités en vertu de la LSSSS. Dans certains cas, la Loi sur la

protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou

pour autrui pourra également être utilisée :

Il faut préciser que beaucoup de situations lourdes qui menacent même la vie

d’un jeune peuvent être prises en charge par la famille, les établissements de

santé et des organismes communautaires à vocation spécifique. On pense au

jeune qui pose un geste suicidaire isolé, qui vit de l’anorexie ou de la boulimie,

celui qui présente une déficience mentale et qui menace les autres, celui qui fait

une première crise psychotique et devient paranoïde. Les familles de ces jeunes

peuvent se sentir dépassées et en danger, mais plusieurs établissements et

organismes communautaires du réseau ont des mandats et des moyens

spécialisés adaptés à ces situations. (Laberge et Grenier, 2002 : 14)

C’est dans la mesure où les parents ne prendront pas ou ne parviendront pas à prendre

les moyens nécessaires pour corriger la situation que la LPJ devrait s’appliquer.

3.6.2. La volonté et la capacité des parents de prendre les moyens nécessaires

pour corriger la situation

L’évaluation des situations de troubles de comportement sérieux doit également porter sur

« la volonté et la capacité des parents de recourir à l’aide nécessaire pour corriger la

situation » et sur leur « capacité d’assumer adéquatement leurs rôles parentaux ». Selon

les membres du Comité, il s’agit des deux principaux critères sur lesquels devrait se

fonder toute évaluation des situations de troubles de comportement.

Il convient d’ailleurs de rappeler que la commission Charbonneau et le groupe de travail

Jasmin en sont arrivés à la même conclusion :

Lors de l’adoption de la LPJ, en 1977, le libellé de l’article 38 faisait uniquement

référence à la présence de troubles de comportement sérieux.

En 1982, s’interrogeant sur la pertinence d’intervenir dans les situations de troubles

de comportement et de maintenir ce motif d’intervention, la commission Charbonneau

en vint à la conclusion qu’il convenait de le conserver en ajoutant toutefois des

considérations liées à la responsabilité parentale. À la suite du rapport Charbonneau,

la mention « et que ses parents ne prennent pas les moyens pour corriger la situation

ou n’y parviennent pas » a ainsi été ajoutée au libellé du paragraphe 38h.

- 88 -

En 1992, le groupe de travail Jasmin a réaffirmé avec force l’importance de tenir

compte de la capacité des parents dans l’évaluation des situations de troubles de

comportement. « C’est l’incapacité des parents d’apporter une réponse adéquate au

moment opportun qui place leur enfant dans une situation de troubles de

comportement sérieux au sens de la Loi sur la protection de la jeunesse » (Groupe de

travail Jasmin, 1992 : 55).

Le Groupe de travail a cependant relevé que l’article 38h maintenait « une certaine

ambiguïté en se rapportant à l’éventualité que l’État doit intervenir si “les parents ne

parviennent pas à corriger la situation” » (Groupe de travail Jasmin, 1992 : 55). Il jugea

toutefois qu’il était préférable de ne pas exclure ces situations de l’application de la Loi

« afin d’éviter que les jeunes et les parents ne se retrouvent dans la situation où ils ne

peuvent obtenir des services ». En 1994, les termes « pour corriger la situation » ont

cependant été remplacés par « pour mettre fin à la situation qui compromet la sécurité

ou le développement de leur enfant ».

Selon les membres du Comité, les éléments relatifs à la capacité parentale sont encore

trop souvent perdus de vue. Sur ce plan, l’interprétation des termes « ne prennent pas les

moyens nécessaires pour mettre fin à la situation qui compromet la sécurité ou le

développement de leur enfant » et surtout « n’y parviennent pas » soulève encore des

difficultés et peut donner lieu à une utilisation inappropriée de la Loi.

Les situations où les parents ne parviennent pas ou éprouvent des difficultés à obtenir

des services pour leur enfant ou pour eux-mêmes en constituent un premier exemple :

La LSSSS confie aux régies régionales, de concert avec les établissements, la

responsabilité de rendre disponibles une gamme de services et d’en déterminer

les modalités d’accès pour la population. Tous les services, y incluant les

services avec hébergement, doivent être accessibles, au besoin, en vertu des

règles habituelles d’accès; il est anormal que des parents qui veulent des

services pour leur enfant ou pour eux-mêmes aient à recourir au signalement

pour les obtenir. (Groupe de travail sur la révision du Manuel de référence sur

la LPJ, 1998 : 159)

De l’avis des membres du Comité, il doit être clair que les services de protection de la

jeunesse ne constituent pas une voie d’accès pour obtenir des services et que la LPJ ne

doit pas s’appliquer si les parents assument adéquatement leurs responsabilités

parentales.

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 89 -

Les situations où l’enfant continue à manifester des troubles de comportement en dépit

des moyens pris par les parents constituent un autre exemple de situations où le recours

à la LPJ peut s’avérer inapproprié. Comme il est précisé dans le Manuel de référence sur

la protection de la jeunesse :

[L]a LPJ ne doit pas être considérée comme un remède miracle. Des enfants et

des familles peuvent présenter de graves problèmes nécessitant des

interventions de très longue durée et dont les résultats peuvent être relatifs. De

telles situations ne requièrent pas nécessairement l’application de la LPJ. Cette

loi n’est pas un palliatif du manque de ressources, de services qui n’existent

pas ou de certaines situations sans issue. (Groupe de travail sur la révision du

Manuel de référence sur la LPJ, 1998 : 143)

Certains enfants peuvent ainsi manifester des problèmes de comportement qui ne

pourront pas se résorber ou se résorber complètement malgré les services reçus. En

conséquence, dans l’évaluation des situations de troubles de comportement, l’accent doit

être placé sur la prise de moyens par les parents pour corriger la situation et non sur les

résultats obtenus :

La LPJ n’a pas pour objectif premier la disparition des troubles de comportement

même sérieux; la LPJ vise plutôt à amener les parents et les jeunes de 14 ans ou

plus aux prises avec de tels problèmes à prendre les moyens pour tenter de

remédier à la situation. (Groupe de travail sur la révision du Manuel de référence

sur la LPJ, 1998 : 160)

Deux types de situations sont spécifiquement visées par la Loi : soit les parents ne

prennent pas les moyens nécessaires pour corriger la situation, soit ils ne parviennent pas

à prendre les moyens nécessaires. Dans le premier cas, c’est la volonté des parents

d’exercer leurs responsabilités parentales qui est en cause. Dans le second cas, c’est

plutôt leur capacité à exercer ces responsabilités.

À cet égard, les parents peuvent être dans l’incapacité d’exercer leurs responsabilités en

raison de certaines limites personnelles (problèmes de santé mentale ou autres formes

d’inaptitudes) ou encore en raison de l’opposition de l’enfant, s’il est âgé de 14 ans et

plus.

Il est en effet important de rappeler que le Code civil du Québec reconnaît certains droits

en matière de consentement aux soins aux enfants de 14 ans et plus. Le refus d’un enfant

- 90 -

de 14 ans et plus de consentir à recevoir les services requis peut ainsi donner ouverture à

l’application de la LPJ. Dans ce cas, ce n’est plus la volonté des parents qui est en cause,

mais celle de l’enfant.

Lorsque l’enfant manifeste des troubles de comportement, la LPJ ne devrait ainsi

s’appliquer que lorsque les parents n’assument pas leurs responsabilités parentales ou

lorsque l’enfant, s’il est âgé de 14 ans et plus, refuse de recevoir les soins ou les services

que requiert sa situation. Ces éléments sont d’ailleurs explicitement reconnus dans le

Manuel de référence sur la protection de la jeunesse :

En somme, l’intervention d’autorité de l’État serait justifiée soit par le

désengagement ou l’incapacité des parents de jouer leur rôle comme dans

toutes les autres situations visées par la LPJ, soit par le refus de leur enfant de

14 ans ou plus de consentir à des services, soit par ces deux motifs à la fois.

(Groupe de travail sur la révision du Manuel de référence sur la LPJ, 1998 :

160)

De façon à clarifier les éléments relatifs à la volonté et à la capacité des parents à exercer

leurs responsabilités parentales, les membres du Comité proposent ainsi de remplacer la

formulation actuelle, « ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la

situation qui compromet la sécurité ou le développement de leur enfant ou n’y parviennent

pas », par : « ne prennent pas ou ne parviennent pas à prendre les moyens nécessaires

pour corriger la situation ».

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 2.16 :

Que les situations de troubles de comportement pouvant donner lieu à

l’application de la LPJ soient définies comme des situations où l’enfant porte

atteinte à son intégrité physique ou psychologique de façon grave ou

persistante.

Que les éléments relatifs à la volonté et à la capacité des parents d’exercer

leurs responsabilités parentales soient reformulés afin de clarifier

l’interprétation qu’il faut en faire.

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 91 -

Que l’enfant soit ainsi considéré comme manifestant des troubles de

comportement lorsqu’il porte atteinte à son intégrité physique ou

psychologique de façon grave ou persistante et que ses parents ne prennent

pas ou ne parviennent pas à prendre les moyens nécessaires pour corriger

la situation.

3.6.3. L’absentéisme scolaire

En vertu de la Loi sur l’instruction publique (LIP), la fréquentation scolaire est obligatoire

jusqu’à 16 ans, sauf dans certaines circonstances particulières. Si un élève s’absente

fréquemment de l’école sans motif ou est en expulsé en raison de l’application de

sanctions disciplinaires, la situation doit être signalée au DPJ (art. 18 et art. 242, LIP).

L’absentéisme scolaire constituait un motif d’intervention formel en protection de la

jeunesse lors de la promulgation de la Loi en 1977. En 1981, à la suite de l’introduction de

l’article 38.1, il a été considéré comme pouvant compromettre la sécurité ou le

développement de l’enfant. Malgré cette modification, la pertinence de conserver ce motif

dans la Loi a constamment été remise en question.

Dès 1982, la commission Charbonneau (1982 : 474) affirmait qu’il n’y avait « jamais eu de

consensus sur la réponse à offrir à des jeunes qui ne fréquentent pas l’école, sont

suspendus, ou qui ont décroché ». Tout en étant préoccupée par la situation de ces

jeunes, la Commission estimait qu’il revenait principalement au milieu scolaire de mettre

en place des moyens visant à aider les jeunes. Elle recommandait ainsi « que le ministère

de l’Éducation, dans le cadre de la réforme scolaire, prenne les moyens nécessaires pour

que les jeunes qui ne fréquentent pas l’école, sont suspendus ou expulsés continuent à

recevoir des services appropriés » et « qu’à cette fin, la non-fréquentation scolaire ne

puisse servir comme motif de compromission à la sécurité ou au développement d’un

jeune » (Assemblée nationale du Québec, 1982 : 477).

En 1992, le groupe de travail Jasmin a souligné, de la même manière, l’absence de

consensus et le manque de complémentarité et de concertation entre le milieu scolaire et

les services de protection de la jeunesse et a insisté à nouveau sur la responsabilité du

milieu scolaire à l’égard de la protection des jeunes.

- 92 -

À l’heure actuelle, malgré les progrès constatés, les signalements pour absentéisme

scolaire continuent de susciter la controverse. Ces situations sont en effet celles qui sont

le plus fréquemment soumises à l’attention du DPJ en vertu de l’article 38.1. La majorité

des signalements pour absentéisme scolaire ne sont toutefois pas retenus à l’étape de la

réception et du traitement des signalements si aucun autre motif n’est invoqué. Les

situations d’absentéisme scolaire représentent également un très faible pourcentage des

situations pour lesquelles la sécurité ou le développement de l’enfant est jugé compromis.

Selon les membres du Comité, il n’apparaît pas pertinent de conserver ce motif

d’intervention dans la Loi. L’absentéisme scolaire peut néanmoins constituer une

manifestation de la négligence des parents sur le plan éducatif, une manifestation de

problèmes de comportement du jeune ou les deux à la fois. Il doit par conséquent

continuer à faire partie des faits qui peuvent entraîner un signalement dans la mesure où

la situation d’un enfant apparaît particulièrement problématique et révèle un besoin de

protection.

Les membres recommandent ainsi de considérer l’absentéisme scolaire comme faisant

partie des éléments à prendre en considération dans l’évaluation de la situation et non

comme un motif d’intervention en soi. Ils réaffirment par ailleurs l’importance d’une étroite

collaboration entre les services de protection de la jeunesse et le milieu scolaire à toutes

les étapes de l’application de la Loi.

3.6.4. La fugue

Les situations de fugue, définies à l’article 38.1a, constituent également un motif en vertu

duquel la sécurité ou le développement de l’enfant peut être jugé compromis. À l’origine,

dans la loi de 1977, toutes les situations de fugue devaient être signalées au DPJ. Depuis

1984, à la suite d’une recommandation de la commission Charbonneau, il n’est plus

nécessaire de faire un signalement lorsque l’enfant fait une fugue alors que sa situation

est déjà prise en charge par le DPJ. Il est en effet prévu à l’article 66 que, dans ces

situations, le DPJ doit être avisé.

Plusieurs éléments doivent être pris en considération dans l’évaluation des cas de fugue :

les raisons et les circonstances à l’origine de la fugue, la sûreté de l’endroit où se trouve

l’enfant, sa capacité de subvenir à ses besoins, les conséquences sur sa sécurité ou son

développement. Comme dans les autres situations où l’enfant manifeste des problèmes

de comportement, l’attitude des parents s’avère par ailleurs un critère déterminant pour

établir la compromission :

CHAPITRE 2 : LES MOTIFS D'INTERVENTION EN PROTECTION DE LA JEUNESSE

- 93 -

La compromission s’appuie sur des indices autres que le simple fait de quitter un

endroit sans autorisation. C’est surtout dans la mesure où les parents ne

prendraient pas les moyens pour corriger la situation ou n’y parviendraient pas et

que cette situation compromettrait la sécurité ou le développement de l’enfant

que le DPJ pourrait être appelé à intervenir. (ACJQ, 1995 : 28)

Ici encore, selon les membres du Comité, il n’y a pas lieu de conserver ce motif

d’intervention dans le libellé de l’article 38. À leur avis, les situations de fugue, qui ne

représentent qu’une part très restreinte des situations donnant lieu à une intervention du

DPJ, sont déjà couvertes dans la définition des troubles de comportement proposée.

Ainsi, si un enfant se met en danger en raison de fugues répétées ou en raison d’une

fugue associée à d’autres problèmes de comportement et que ses parents ne prennent

pas les moyens nécessaires pour corriger la situation, la situation de l’enfant pourra être

prise en charge par le DPJ. Tout comme l’absentéisme scolaire, la fugue devrait

constituer un des éléments à prendre en considération dans l’évaluation de la situation de

l’enfant.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 2.17

Que l’absentéisme scolaire et la fugue soient considérés comme faisant

partie des éléments à prendre en considération dans l’évaluation de la

situation et non comme des motifs d’intervention en soi.

Importance des troubles de comportement sérieux, de l’absentéisme scolaire et

de la fugue comme motifs d’intervention

Selon les données opérationnelles des centres jeunesse (MSSS, 2002a), en 2000-

2001, les troubles de comportement sérieux, excluant l’absentéisme scolaire et la

fugue, représentaient 21,8 % des signalements retenus pour évaluation et 25,9 %

des prises en charge par le DPJ.

Les problèmes d’absentéisme scolaire et de fugue représentaient pour leur part

1,4 % et 0,4 % des signalements retenus pour évaluation et 0,6 % et 0,1 % des

prises en charge par le DPJ.

Selon les données de l’ÉIQ (Tourigny et al., 2002 : 64), les problèmes de relations

parents/enfant ou avec l’autorité représentent 40 % des problèmes définis comme

principaux problèmes dans les signalements pour troubles de comportement qui se

sont avérés fondés. Ils sont suivis des problèmes de comportement en milieu

scolaire (12 %), des problèmes de consommation d’alcool et de drogue (11 %) et

des problèmes de violence (9 %).

- 94 -

Selon les données de cette étude, le taux d’enfants signalés pour troubles de

comportement sérieux, incluant l’absentéisme scolaire et la fugue, et dont le

signalement a été retenu était de 5,7 enfants par 1 000 en 1998.

Éléments comparatifs

Dans la majorité des autres provinces canadiennes, les troubles de comportement

sérieux ne constituent pas un motif d’intervention spécifique.

Certaines lois font cependant référence :

- aux situations des enfants de moins de 12 ans ayant commis une infraction

à la loi ou un délit;

- aux troubles de comportement (anxiété, dépression, comportement de

retrait, comportement autodestructeur, agressivité) que peuvent entraîner

chez l’enfant des mauvais traitements émotionnels par les parents;

- à la consommation d’alcool, de drogues ou de solvants par l’enfant

(Nunavut).

Le Décret sur l’aide à la jeunesse de la Belgique reconnaît les troubles de

comportement comme motif de protection en ces termes : « lorsque l’enfant adopte

de manière habituelle et répétée des comportements qui compromettent réellement

et directement son intégrité physique ou psychique ».

CHAPITRE 3 : LE PROJET DE VIE PERMANENT

- 95 -

CHAPITRE 3 : LE PROJET DE VIE PERMANENT

L’importance d’assurer un milieu de vie stable aux enfants abandonnés ou à risque

d’abandon a été reconnue dès la mise en application de la Loi en 1977. Le législateur

précisait alors que, lorsque le retour de l’enfant auprès de ses parents n’était pas

possible, le DPJ devait prendre « toutes les mesures raisonnables pour faciliter l’adoption

de l’enfant ou se faire nommer tuteur ». La situation des enfants abandonnés a également

retenu l’attention de la commission Charbonneau et du groupe de travail Jasmin et des

modifications ont été apportées à la Loi en 1984 et en 1994. Le groupe de travail Harvey

a pour sa part proposé un Guide d’intervention psychosociale auprès des enfants en

situation d’abandon (1991a) soulignant la nécessité de définir un projet de vie à plus long

terme pour ces enfants. L’importance d’un projet de vie permanent a été réaffirmée par le

groupe de travail chargé d’élaborer un cadre de référence en matière d’adoption au

Québec, cadre publié en 1994 et qui a contribué au développement des pratiques

sociales et judiciaires orientées vers la clarification de projets de vie pour les enfants. À

l’automne 1995, un comité de travail a par ailleurs été mis sur pied par la Table des DPJ

et s’est vu confier le mandat de définir un cadre de référence touchant plus

spécifiquement l’élaboration du projet de vie permanent (ACJQ, 1997). Ce cadre, adopté

par la Table des DPJ en février 1997, a connu une large diffusion dans l’ensemble du

Québec et a permis une plus grande sensibilisation à l’importance d’établir tôt un projet

visant la stabilisation de la situation des enfants placés. Il est néanmoins reconnu que

cette pratique n’est pas suffisamment développée au Québec pour différentes raisons

dont, entre autres, l’absence de balises légales claires. Les comités chargés de réviser

les lois de l’Ontario (1998) et de l’Alberta (2002) ont, à cet égard, accordé une attention

particulière à la question du projet de vie permanent et des modifications importantes ont

été apportées à chacune des lois à la suite de ces travaux.

Dans ce contexte, les membres du Comité se sont penchés sur les mesures législatives

qui pourraient favoriser la stabilisation de la situation des enfants à plus long terme.

Compte tenu de l’importance d’infléchir les pratiques actuelles, ils proposent d’introduire

plusieurs modifications dans le texte de loi, notamment en ce qui concerne les

dispositions touchant les principes de la Loi, les mesures de placement et la révision de la

situation des enfants placés. Ils ont en outre examiné les différentes formes de projets de

vie permanents.

- 96 -

1. La définition du projet de vie permanent

En guise de préambule et afin de mieux situer les recommandations du Comité, il

convient de définir la notion de projet de vie et de faire brièvement état de certains

éléments qui ont contribué au développement de programmes d’intervention visant

l’élaboration de projets de vie permanents pour les enfants placés (permanency planning).

Selon la définition proposée à l’annexe 3 du rapport Harvey II (MSSS, 1991a : 16), « [l]e

projet de vie se définit comme une projection des conditions de vie sociale et familiale

jugées les plus aptes à répondre aux besoins de l’enfant et à lui offrir des liens continus et

un milieu d’appartenance dans une optique de permanence ».

Au cours des vingt dernières années, l’intérêt pour les projets de vie permanents s’est

notamment développé à la suite d’un certain nombre de constats concernant la situation

de bon nombre d’enfants placés : enfants abandonnés de fait par leurs parents, enfants

« ping-pong » vivant des placements et des déplacements multiples à la suite de

tentatives de réinsertion familiale infructueuses ou de problèmes de ressources d’accueil,

lenteurs et discontinuités dans l’intervention sociale et judiciaire, augmentant ainsi la

durée des placements :

L’accent mis sur la planification permanente en Amérique du Nord est

fondamentalement un appel en faveur d’interventions proactives dans le but

d’éviter que les enfants soient abandonnés de façon non intentionnelle dans

des placements de longue durée, par suite de la négligence de leurs parents

naturels et de l’inattention des agences à qui il appartient de protéger ces

jeunes. (Steinhauer, 1996 : 228)

Le développement des connaissances sur l’attachement et les études

neurophysiologiques sur le développement du cerveau sont venues accroître l’importance

d’élaborer des projets de vie permanents, dans le cas des jeunes enfants en particulier.

Selon la théorie de l’attachement (Ainsworth et al., 1978; Bowlby, 1969, 1978, 1984;

Steinhauer, 1996), il est crucial pour l’enfant de développer un lien d’attachement

sécurisant et stable avec une personne significative de son entourage, au cours de sa

première année de vie. Généralement, la mère constitue la principale responsable des

soins et la figure d’attachement principale de l’enfant. Ce lien d’attachement constitue un

facteur déterminant dans le développement normal de l’enfant. L’incapacité de former ce

CHAPITRE 3 : LE PROJET DE VIE PERMANENT

- 97 -

lien peut, à l’inverse, entraîner pour l’enfant des conséquences graves, voire, dans

certains cas, irréversibles :

Le développement d’un lien d’attachement sécurisant est un facteur décisif du

développement normal. Il est essentiel au développement de la confiance en soi

et de la capacité d’intimité et il est capital dans le processus de socialisation.

L’incapacité pour l’enfant d’établir un lien sélectif durant la petite enfance est

associée à des troubles permanents et souvent irréversibles de la socialisation.

Elle entraîne plus tard toute une série de comportements inadéquats et

compromet sérieusement l’adaptation sociale. (Paquette, 2003)

Les premières recherches sur l’attachement se sont surtout intéressées aux effets de

l’abandon et de la séparation chez les enfants placés. Les études plus récentes font

également ressortir les effets négatifs de la négligence et de l’incapacité des parents à

reconnaître les besoins de l’enfant et à y répondre sur la capacité d’attachement de

l’enfant.

Les études neurophysiologiques sur le développement du cerveau confirment

l’importance de stimulations et d’interactions positives au cours des premières années de

vie de l’enfant. Elles mettent aussi en évidence l’existence de périodes critiques dans le

développement de certaines fonctions cérébrales ainsi que les effets négatifs de

l’insuffisance de soins sur l’enfant :

Le cerveau du jeune enfant se développe grâce à la stimulation des canaux

sensoriels (la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat, le goût) découlant des premières

expériences. La mère qui allaite son bébé ou le père qui lit une histoire à son toutpetit

assis sur ses genoux, font vivre à leur enfant une expérience enrichissante

favorisant son développement cérébral. Les soins et l’éducation prodigués durant

les périodes critiques de développement cérébral ne font pas que stimuler le

développement des parties du cerveau qui coordonnent les fonctions de la vue et

d’autres sens, ils activent aussi les embranchements neuronaux à d’autres parties

du cerveau qui interviennent dans l’excitation, la maîtrise des émotions et le

comportement. Un enfant privé de stimulation positive ou assujetti à un stress

chronique durant les premières années de sa vie peut éprouver des difficultés à

surmonter le handicap d’un mauvais départ dans la vie. (Ministère des Services à

la collectivité, à la famille et à l’enfance, 1999 : 51)

Tant les recherches sur l’attachement que celles sur le développement du cerveau

soulignent l’importance d’intervenir le plus tôt possible dans la vie de l’enfant afin de

limiter les séquelles possibles de troubles de l’attachement et du développement.

- 98 -

Les programmes d’intervention visant l’élaboration d’un projet de vie permanent visent

donc à dépister rapidement les enfants à risque ou en voie d’être abandonnés, ou encore

ceux dont les parents présentent de faibles capacités, de façon à leur assurer le plus tôt

possible un milieu de vie stable qui puisse répondre à leurs besoins affectifs,

psychologiques et physiques. Un des objectifs de ces programmes est de mobiliser les

parents pour corriger la situation et de les amener à clarifier leur rôle auprès de l’enfant.

2. Les principes de la Loi

L’élaboration des projets de vie permanents renvoie à plusieurs principes reconnus dans

la Loi : l’intérêt de l’enfant et le respect de ses droits, la primauté de la responsabilité

parentale, le maintien de l’enfant dans son milieu familial, la participation de la

communauté, l’importance d’agir avec diligence. Ces principes ont été au coeur des

discussions des membres du Comité concernant les projets de vie permanents et en ont

constitué la toile de fond. Les membres ont plus particulièrement été amenés à

questionner le principe du maintien de l’enfant dans son milieu familial et à se centrer

davantage sur l’importance d’assurer la continuité des soins et la stabilité des liens et des

conditions de vie de l’enfant et de tenir compte de la notion de temps pour l’enfant.

Qu’il suffise de rappeler ici que l’importance d’assurer un milieu de vie et des liens

affectifs stables aux enfants abandonnés ou à risque d’abandon a été longuement

abordée dans les travaux de la commission Charbonneau. En 1992, le groupe de travail

Jasmin, tout en réaffirmant l’importance de soutenir la famille, a souligné à nouveau la

responsabilité de l’État de prévoir un projet de vie permanent pour les enfants

abandonnés ou à risque d’abandon :

Si l’autonomie et l’intégrité de la famille sont des valeurs fondamentales à

préserver, le besoin d’un enfant de faire partie d’une famille stable est tout aussi

fondamental.

Lorsqu’il existe un espoir de maintenir l’enfant dans son milieu de vie, il faut tout

mettre en oeuvre pour aider la famille. Si, par ailleurs, il n’y a pas d’espoir dans

un délai raisonnable ou si l’intervention se révèle être un échec, on doit

consacrer les énergies à donner à cet enfant une continuité relationnelle ou lui

permettre de rencontrer des parents psychologiquement capables de répondre à

ses besoins dans la permanence. L’État doit concentrer ses efforts à favoriser la

mise en place de conditions rendant possible l’attachement réciproque d’un

enfant et d’une famille. Il doit être un instrument catalyseur et il ne saurait être un

substitut parental affectif. (Groupe de travail Jasmin, 1992 : 20)

CHAPITRE 3 : LE PROJET DE VIE PERMANENT

- 99 -

Le groupe de travail Jasmin a par ailleurs insisté de façon particulière sur la notion de

temps pour l’enfant. Reconnaissant que la signification du temps pour l’enfant était

différente de celle des adultes et qu’il jouait un rôle déterminant dans le développement

de sa capacité d’attachement, le groupe affirmait ainsi qu’il fallait se « mettre à l’heure de

l’horloge psychique de l’enfant » (Groupe de travail Jasmin, 1992 : 19).

L’importance d’assurer la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de

vie de l’enfant ainsi que celle d’agir avec diligence constituent des principes déjà

reconnus dans la Loi. Tel que les précisent les recommandations 1.6 et 1.8 du présent

rapport, ces principes devraient néanmoins être davantage mis en relief dans le texte de

loi et figurer dans des articles spécifiques. Il est également proposé d’inscrire

formellement l’importance d’élaborer un projet de vie permanent pour les enfants placés

dans la déclaration de principes (recommandation 1.7). Selon les membres du Comité en

effet, ces trois principes se situent directement en lien avec les connaissances

scientifiques actuelles sur l’attachement et sur le développement de l’enfant et font

ressortir l’importance de se placer d’abord du point de vue de l’enfant dans toute décision

prise à son endroit.

3. La durée du placement

De façon à favoriser la stabilisation de la situation des enfants placés, plusieurs

législations, dont celles de l’Ontario et de l’Alberta, distinguent le placement temporaire

(temporary guardianship) du placement permanent (permanent guardianship) et fixent

une durée maximale au placement temporaire. Après cette période, des mesures à plus

long terme doivent obligatoirement être envisagées.

La durée du placement varie également en fonction de l’âge de l’enfant. Les

connaissances scientifiques actuelles démontrent en effet que plus l’enfant est jeune, plus

les risques qu’il développe des troubles de l’attachement et des problèmes de

développement sont élevés, et plus il importe de lui assurer rapidement un milieu de vie

stable.

À l’instar de ces législations et dans le but de réduire les délais concernant la

détermination d’un projet de vie pour les enfants, les membres du Comité recommandent

- 100 -

d’introduire dans le texte de loi des durées maximales de placement en fonction de l’âge

des enfants, soit :

12 mois lorsque l’enfant a moins de 2 ans;

18 mois lorsqu’il est âgé de 2 à 5 ans;

24 mois lorsqu’il est âgé de 6 ans et plus.

Ces durées devraient être précisées en référence aux mesures de placement volontaires

(art. 54j) ou ordonnées (art. 91j) pour les cas où la sécurité ou le développement de

l’enfant est considéré comme compromis.

3.1. La mesure de placement volontaire

Dans le cas d’une mesure de placement volontaire, les membres du Comité

recommandent d’introduire un nouvel article précisant les durées maximales de

placement en fonction de l’âge de l’enfant.

Ils proposent en outre de mentionner, dans le texte de loi, la nécessité, pour le DPJ, de

prendre en considération les placements antérieurs de l’enfant. Les membres font ici

référence à tout type de placement antérieur, qu’il s’agisse d’un placement informel, chez

un membre de la parenté par exemple, ou d’un placement plus formel dans le cadre de la

LSSSS ou de la LPJ. Selon les membres du Comité en effet, l’objectif est d’en arriver à

stabiliser, dans les meilleurs délais, la situation des enfants placés afin d’éviter qu’ils

vivent des placements et déplacements multiples ou qu’ils passent trop de temps dans

une ressource d’accueil sans qu’on s’interroge sur leur situation à plus long terme. Dans

cette perspective, il leur apparaît important que le DPJ prenne en considération

l’ensemble de la situation de l’enfant et, de manière spécifique, son histoire de placement

et, s’il y a lieu, qu’il en tienne compte dans le calcul de la durée du placement.

Selon les membres du Comité, à l’expiration du délai prévu, des mesures visant la

stabilisation de la situation de l’enfant à plus long terme devraient être systématiquement

envisagées si la situation n’est pas rétablie ou en voie de se rétablir. Les membres du

Comité recommandent ainsi qu’il soit mentionné dans la Loi que, à l’expiration du délai

prévu, si la sécurité ou le développement de l’enfant est toujours compromis, le DJP doit

saisir le tribunal en vue d’obtenir une ordonnance qui favorisera la continuité des soins et

la stabilité des liens et des conditions de vie de l’enfant à plus long terme. Le DJP ne

CHAPITRE 3 : LE PROJET DE VIE PERMANENT

- 101 -

devrait toutefois pas avoir à saisir le tribunal si un projet de réinsertion de l’enfant dans

son milieu familial est prévu à court terme.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 3.1 :

Qu’un nouvel article soit introduit dans la Loi, à la suite de l’article 54,

précisant des durées maximales de placement en fonction de l’âge de

l’enfant dans le cadre d’une mesure de placement volontaire (art. 54j).

La durée totale d’un placement ne devrait pas excéder :

12 mois si l’enfant a moins de 2 ans;

18 mois si l’enfant est âgé de 2 à 5 ans;

24 mois si l’enfant est âgé de 6 ans et plus.

Qu’il soit en outre mentionné :

que lorsqu’il détermine la durée du placement, le directeur doit prendre

en considération les placements antérieurs de l’enfant;

qu’à l’expiration du délai prévu, si la sécurité ou le développement de

l’enfant est toujours compromis, le directeur doit, dans une perspective

de projet de vie permanent, saisir le tribunal en vue d’obtenir une

ordonnance qui favorisera la continuité des soins et la stabilité des liens

et des conditions de vie de l’enfant à plus long terme;

que le directeur ne devrait toutefois pas avoir à saisir le tribunal si un

projet de réinsertion de l’enfant dans son milieu familial est prévu à court

terme.

3.2. La mesure de placement ordonnée

Dans le cas d’une mesure de placement ordonnée, les membres du Comité

recommandent, comme dans le cas d’une mesure volontaire, d’introduire un nouvel article

précisant les durées maximales de placement en fonction de l’âge de l’enfant.

De même, ils proposent de mentionner, dans le texte de loi, que lorsqu’il fixe la durée

d’une première mesure de placement, à l’exclusion d’une mesure de placement

provisoire, le tribunal doit prendre en considération les placements antérieurs de l’enfant.

- 102 -

La durée de ces placements n’aurait pas à entrer formellement dans le calcul de la durée

du placement ordonné par le tribunal, sauf si l’enfant a d’abord fait l’objet d’une mesure de

placement volontaire à cause de la même situation. Selon les membres du Comité, il

s’avère essentiel de se situer du point de vue de l’enfant. Peu importe alors si le

placement a été déterminé par une instance sociale ou judiciaire.

À l’expiration du délai prévu, le tribunal devrait par ailleurs ordonner des mesures visant la

stabilisation de la situation de l’enfant à plus long terme. En conséquence, les membres

du Comité recommandent d’indiquer dans le texte de loi que si, à l’expiration des délais

prévus au premier alinéa, la sécurité ou le développement de l’enfant est toujours

compromis, les mesures ordonnées doivent tendre à favoriser la continuité des soins et la

stabilité des liens et des conditions de vie de l’enfant à plus long terme.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 3.2 :

Qu’un nouvel article soit introduit dans la Loi, à la suite de l’article 91,

précisant des durées maximales de placement en fonction de l’âge de

l’enfant dans le cadre d’une mesure de placement ordonnée (art. 91j).

La durée totale d’une première mesure de placement, à l’exception d’une

mesure provisoire appliquée en vertu de l’article 79, ne devrait pas excéder :

12 mois si l’enfant a moins de 2 ans;

18 mois si l’enfant est âgé de 2 à 5 ans;

24 mois si l’enfant est âgé de 6 ans et plus.

Qu’il soit en outre mentionné :

que lorsqu’il détermine la durée du placement, le tribunal doit prendre en

considération les placements antérieurs de l’enfant;

que lorsque le tribunal est saisi de la situation d’un enfant à la suite de

l’application d’une mesure de placement volontaire, il doit tenir compte

de la durée de ce placement dans le calcul de la durée du placement

ordonné;

qu’à l’expiration du délai prévu, si la sécurité ou le développement de

l’enfant est toujours compromis, les mesures ordonnées doivent, dans

une perspective de projet de vie permanent, tendre à favoriser la

continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie de

l’enfant à plus long terme.

CHAPITRE 3 : LE PROJET DE VIE PERMANENT

- 103 -

Éléments comparatifs

Durée du placement temporaire

La majorité des législations canadiennes distinguent deux types de mesures de

placement, le placement temporaire et le placement permanent, et spécifient

des limites concernant la durée d’un placement temporaire.

Plusieurs précisent également des durées maximales de placement temporaire

en fonction de l’âge de l’enfant. Ces durées sont plus courtes lorsque les

enfants sont plus jeunes :

Ainsi, en Colombie-Britannique (art. 45.1), les durées maximales d’un

placement temporaire sont de 12 mois pour les enfants de moins de

5 ans, de 18 mois pour les enfants de 5 ans à moins de 12 ans et de

24 mois pour les enfants de 12 ans et plus.

En Ontario, le tribunal ne peut rendre une ordonnance de placement

temporaire (tutelle par une société) de plus de 12 mois si l’enfant est

âgé de moins de 6 ans et de plus de 24 mois si l’enfant est âgé de

6 ans ou plus (art. 70. (1)).

En Alberta, le Comité de révision du Child Welfare Act (2002) a

également recommandé de fixer des durées maximales de placement

en fonction de l’âge de l’enfant, soit 6 mois si l’enfant est âgé de

moins de 6 ans et 9 mois si l’enfant est âgé de 6 ans et plus,

recommandation qui a été retenue par le législateur (art. 33(1)).

Antérieurement, la durée maximale d’un placement temporaire ne

pouvait excéder deux ans.

Les périodes de placement qui doivent entrer dans le calcul de la durée du

placement temporaire sont également précisées dans la loi. Ainsi, en Ontario,

ce calcul inclut les périodes antérieures de placement déterminées en vertu

d’une entente ou d’une ordonnance provisoire (art. 70. (2), (2.1) et (3)).

Les lois qui précisent des durées maximales de placement temporaire

prévoient en outre que ces durées peuvent être prolongées dans certaines

circonstances, par exemple « si cette prolongation est dans l’intérêt véritable

de l’enfant » (Ontario, art. 70. (4); Colombie-Britannique, art. 45 (1.1)), ou

encore, comme il est mentionné dans la loi de l’Alberta (art. 33), si le tribunal

juge que cette prolongation est justifiée ou si la réinsertion de l’enfant dans son

milieu familial est envisagée à court terme :

33 (1) The total cumulative period during which a child is in the custody of

a director or the subject of a temporary guardianship order shall

not exceed

(a) 6 months if the child is under the age of 6 years, or

(b) 9 months if the child is 6 years of age or older.

- 104 -

33 (2) Despite subsection (1), the Court may make a temporary

guardianship order for one further period of not more than 6

months if the Court is satisfied there are good and sufficient

reasons for doing so.

33 (3) Despite subsection (1) and (2), the Court may make a temporary

guardianship order for one further period of not more than an

additional 3 months if the Court is satisfied that

(a) there are exceptional circumstances that justify exceeding the

time limit, and

(b) it can be anticipated that the child may be returned to the

custody of the child’s guardian within the period of the order.

4. La révision de la situation des enfants placés

À l’heure actuelle, l’article 57 prévoit que la situation de tout enfant dont la situation est

prise en charge doit être révisée périodiquement et que, le cas échéant, la possibilité

d’une réinsertion de l’enfant dans le milieu familial doit être examinée. Si l’enfant n’est pas

réinséré dans son milieu familial, le DPJ doit par ailleurs s’assurer qu’il bénéficie de

conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge.

L’article 57.1 prévoit également la révision de la situation de tout enfant placé depuis un

an en vertu de la LSSSS, s’il n’y a aucun projet de retour chez ses parents. Cet article a

été ajouté en 1984 à la suite d’une recommandation de la commission Charbonneau.

Initialement, le délai était de deux ans. Il a été réduit à un an à la suite d’une

recommandation du groupe de travail Jasmin, en raison notamment de l’importance

accordée à la notion de temps pour l’enfant et dans le but de favoriser une prise de

décision plus rapide.

Il est par ailleurs intéressant de relever qu’en 1982, la recommandation de la commission

Charbonneau ne concernait pas uniquement les enfants placés en vertu de la LSSSS,

mais tous les enfants placés depuis deux ans. Les membres de la Commission étaient en

effet « d’avis que si, après deux ans de révision systématique, aucune mesure particulière

de stabilisation n’a été prise, une révision spéciale de la décision du placement devrait

être effectuée afin de vérifier si les décisions prises jusque-là favorisent à long terme le

développement de l’enfant et le respect intégral de ses droits » (Assemblée nationale du

Québec, 1982 : 247).

CHAPITRE 3 : LE PROJET DE VIE PERMANENT

- 105 -

S’inspirant des orientations du rapport Charbonneau, les membres du Comité proposent

de modifier l’article 57 pour s’assurer que la révision de la situation de tous les enfants

placés tient compte de l’importance d’un projet de vie permanent pour chaque enfant. Les

délais accordés pour effectuer cette révision devraient prendre en considération l’âge de

l’enfant et s’ajuster au développement des pratiques en cette matière. À titre d’exemple, le

programme d’intervention À chaque enfant son projet de vie permanent (Paquette, 2003)

en cours d’expérimentation au Centre jeunesse de Montréal et s’adressant à des enfants

de 0 à 5 ans prévoit une révision du plan d’intervention tous les trois mois. Comme il

existe déjà un règlement sur la révision prévoyant, entre autres, des délais de révision, les

membres recommandent de réviser ce règlement et de revoir les délais prévus. Le fait

que les délais de révision soient déterminés dans le règlement permet plus de souplesse

pour s’ajuster au développement des pratiques.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 3.3 :

Que le Règlement sur la révision de la situation d’un enfant soit révisé afin

d’y introduire des délais concernant la détermination de mesures visant la

stabilisation de la situation de l’enfant à plus long terme dans le but de lui

assurer un projet de vie permanent.

Recommandation 3.4 :

Que l’article 57 soit modifié en précisant que le directeur doit réviser

périodiquement le cas de chaque enfant dont il a pris la situation en charge,

selon des délais prévus par règlement.

Que, le cas échéant et dans une perspective de projet de vie permanent, il

doit vérifier que toutes les mesures sont prises pour assurer la continuité des

soins et la stabilité des liens et des conditions de vie de l’enfant à plus long

terme.

5. Les différentes mesures visant la stabilisation de la situation

de l’enfant à plus long terme

Les projets de vie permanents peuvent revêtir différentes formes en fonction des besoins

des enfants. Comme il est précisé dans le Cadre de référence en matière d’adoption au

Québec :

- 106 -

L’élaboration d’un projet de vie peut prendre diverses orientations :

�� la réimplication des parents biologiques auprès de l’enfant en vue d’une

réinsertion dans sa famille;

�� l’orientation de l’enfant dans un nouveau milieu d’appartenance par :

la décision d’orienter l’enfant vers l’adoption et de lui créer ainsi une

nouvelle filiation;

la décision de confier l’enfant à un membre de la parenté;

la décision de recourir à une mesure exceptionnelle consistant à

maintenir l’enfant en milieu substitut à long terme (famille d’accueil);

la décision de faire nommer le DPJ tuteur de l’enfant, ou de confier ce

rôle à toute autre personne jugée apte à répondre aux besoins et à

l’intérêt de l’enfant. (MSSS, 1994 : 33-34)

5.1. La réinsertion de l’enfant dans son milieu familial

Selon les membres du Comité, il importe de garder en mémoire que la réinsertion de

l’enfant dans le milieu familial constitue la première option à privilégier. À cet égard, les

parents doivent recevoir toute l’aide nécessaire pour être en mesure d’exercer leurs

responsabilités et être étroitement impliqués tout au long du placement de l’enfant.

La réinsertion de l’enfant dans son milieu familial devrait être ajoutée à l’article 91 parmi

les mesures pouvant être ordonnées par le tribunal lorsque la sécurité ou le

développement de l’enfant est compromis.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 3.5 :

Que le paragraphe a de l’article 91 soit modifié en ajoutant la réinsertion de

l’enfant dans son milieu familial parmi les mesures pouvant être ordonnées

par le tribunal lorsque la sécurité ou le développement de l’enfant est

compromis.

Par ailleurs, au cours des dernières années, l’approche consistant à considérer

successivement la possibilité d’une réinsertion familiale puis une autre forme de projet de

vie permanent (sequential planning) a été remise en question, en particulier pour les

enfants présentant un risque élevé d’abandon ou pour qui un retour dans le milieu familial

s’avère peu probable. Une autre approche a ainsi été développée : l’élaboration de projets

de vie concurrents (concurrent planning). Cette approche consiste à élaborer en même

temps ou de manière concomitante deux projets de vie pour l’enfant : le premier axé sur

CHAPITRE 3 : LE PROJET DE VIE PERMANENT

- 107 -

la réunification familiale et le deuxième envisageant une autre option au cas où la

réunification s’avérerait impossible (Schene, 2001).

Une telle approche exige que les parents soient impliqués activement dans la démarche

d’élaboration du projet de vie et qu’ils soient informés de façon très précise sur ce qu’ils

doivent faire pour remédier à la situation ainsi que sur les conséquences possibles s’ils

n’y parviennent pas.

Cette approche apparaît des plus pertinentes aux membres du Comité parce qu’elle ne

comporte pas d’ambiguïté quant aux objectifs visés et permet une prise de décision plus

rapide. Sans proposer d’introduire dans la Loi des dispositions législatives particulières

concernant l’élaboration de projets de vie concurrents comme le font, entre autres,

l’Alberta et certains États américains, ils recommandent de revoir les pratiques

d’intervention cliniques actuelles en matière d’élaboration de projets de vie, en tenant

compte des différents programmes qui sont en cours d’application et d’évaluation.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 3.6 :

Que les pratiques cliniques actuelles en matière d’élaboration de projets de

vie permanents soient revues.

5.2. L’adoption

L’adoption constitue une autre façon d’assurer aux enfants un projet de vie permanent et

à laquelle il est possible de recourir depuis la mise en application de la Loi en 1979.

Dans la loi actuelle, le DPJ doit « prendre tous les moyens raisonnables » pour faciliter

l’adoption s’il considère qu’il s’agit de la mesure « la plus susceptible d’assurer le respect

des droits de l’enfant » (art. 72.1). Un soutien financier est en outre accordé aux parents

adoptifs en vertu du paragraphe f de l’article 132, qui stipule que le gouvernement peut

déterminer par règlement « dans quels cas, selon quels critères et à quelles conditions un

établissement qui exploite un centre de protection de l’enfance et de la jeunesse peut

accorder une aide financière pour favoriser l’adoption ».

- 108 -

En dépit des mesures prises jusqu’ici, il subsiste néanmoins différents obstacles à

l’adoption, dont les obstacles d’ordre économique. De l’avis des membres du Comité,

certaines familles d’accueil pourraient envisager plus facilement un projet d’adoption, pour

les enfants qui sont déjà adoptables ou en voie de le devenir, si elles recevaient un

soutien financier plus important de la part de l’État. À l’heure actuelle, une aide financière

est accordée pour une période de trois ans, selon un taux décroissant, aux parents

adoptifs qui étaient déjà famille d’accueil.

Les membres du Comité recommandent ainsi de réviser le Règlement sur l’aide financière

pour favoriser l’adoption d’un enfant afin d’accroître la durée du soutien offert, d’autant

plus que les enfants susceptibles d’être confiés en adoption présentent souvent des

besoins particuliers en raison de leur situation.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 3.7 :

Que le Règlement sur l’aide financière pour favoriser l’adoption d’un enfant

soit révisé afin d’accroître la durée du soutien offert aux parents adoptifs.

Par ailleurs, plusieurs sont d’avis que certains parents consentiraient plus facilement à

l’adoption s’ils pouvaient avoir un droit de regard sur le choix des parents adoptifs ou

encore s’ils pouvaient maintenir des contacts avec leur enfant dans le cadre d’adoptions

dites « ouvertes ». Selon le Programme national de formation, « [l]es organismes doivent

explorer les possibilités de médiation et d’adoption ouverte pour les enfants possédant de

forts liens émotionnels avec les membres de leur famille naturelle » (ACJQ, 2001 : 125).

Comme la réalisation d’un projet de vie permanent pourrait être facilitée par des mesures

plus souples en matière d’adoption, les membres du Comité estiment que les questions

du droit de regard des parents sur le choix des parents adoptifs et de l’adoption ouverte

devraient être examinées de façon approfondie ainsi que toute autre modalité d’adoption.

5.3. La tutelle

Comme il est également relevé dans le Programme national de formation (ACJQ, 2001 :

125), « [d’]autres mesures permanentes, notamment la tutelle subventionnée, doivent être

envisagées comme solutions de rechange viables pour certains enfants ».

CHAPITRE 3 : LE PROJET DE VIE PERMANENT

- 109 -

Au Québec, les dispositions relatives à la tutelle se retrouvent dans le Code civil. La

tutelle est généralement exercée par les parents. En vertu de l’article 207, le DPJ, ou la

personne qu’il recommande, peut recourir à la Cour supérieure et demander la tutelle

pour :

un enfant orphelin ou sans tuteur;

un enfant dont ni le père ni la mère n’assument, de fait, le soin, l’entretien ou

l’éducation;

un enfant qui serait vraisemblablement en danger s’il retournait auprès de ses père

et mère.

Selon les membres du Comité, la tutelle peut représenter une option intéressante pour

assurer un projet de vie permanent, par exemple lorsque l’enfant ne désire pas être

adopté formellement. La désignation d’un tuteur permet à la fois d’assurer à l’enfant la

stabilisation de sa situation et de pouvoir compter sur un répondant légal et au tuteur

d’exercer les attributs de l’autorité parentale sans qu’il soit par ailleurs nécessaire de

maintenir l’intervention du DPJ.

Les questions financières peuvent constituer, encore ici, un obstacle important à la

désignation d’un tuteur. La tutelle doit en effet être exercée gratuitement (Code civil,

art. 183). Or, il appert que certaines familles d’accueil pourraient opter pour la tutelle si

elles pouvaient bénéficier d’une aide financière pour subvenir aux besoins de l’enfant.

Des situations précises ont, à ce sujet, été portées à l’attention des membres du Comité.

Comme la tutelle est une mesure qui ne peut être ordonnée que par la Cour supérieure et

qu’aucune modalité n’est prévue pour apporter un soutien financier à un éventuel tuteur,

les membres du Comité recommandent que le ministère de la Santé et des Services

sociaux, en collaboration avec le ministère de la Justice, examine la faisabilité de la mise

en place d’une mesure de tutelle pouvant être ordonnée par la Chambre de la jeunesse

de la Cour du Québec.

Ils recommandent également qu’un nouveau règlement permette d’accorder une aide

financière à la personne qui exerce une tutelle à la suite d’une décision judiciaire dans le

cadre de l’élaboration d’un projet de vie permanent.

- 110 -

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 3.8 :

Que le ministère de la Santé et des Services sociaux, en collaboration avec

le ministère de la Justice, examine la faisabilité de la mise en place d’une

mesure de tutelle pouvant être ordonnée par la Chambre de la jeunesse de

la Cour du Québec.

Qu’un nouveau règlement permette d’accorder une aide financière à la

personne qui exerce une tutelle à la suite d’une décision judiciaire dans le

cadre de l’élaboration d’un projet de vie permanent.

5.4. Le placement à long terme en ressource d’accueil

Une quatrième orientation possible consiste à recourir à un placement à plus long terme

en ressource d’accueil. Ce placement peut être effectué en vertu de la LSSSS ou de la

LPJ. Comme il est mentionné dans le Manuel de référence sur la protection de la

jeunesse (1998 : 208), « Ie fait qu’un enfant soit placé, même pour une longue durée,

peut être tout à fait justifié et ne signifie pas qu’il soit abandonné, rejeté ou négligé par ses

parents. C’est le cas, notamment, de certains enfants placés à cause d’un handicap

physique ou mental sévère. Dans ces cas, les parents peuvent continuer à jouer leur rôle

de manière adéquate compte tenu des circonstances. »

Le recours à un placement à long terme dans une ressource d’accueil en vertu de la LPJ

constitue actuellement une option régulièrement utilisée, bien qu’elle n’offre pas les

mêmes conditions de permanence que l’adoption ou la tutelle. Dans la mesure où une

aide financière plus substantielle serait accordée aux parents adoptifs ou aux tuteurs d’un

enfant dans le cadre d’un projet de vie permanent, le recours à un placement à long terme

pourrait devenir moins fréquent. L’intervention du DPJ peut néanmoins s’avérer

nécessaire dans certaines situations plus problématiques compte tenu des difficultés que

présentent l’enfant ou les parents ou lorsque les autres options ne peuvent pas être

envisagées.

5.5. Le projet de vie permanent dans la famille élargie

Les membres du Comité ont également considéré la possibilité de confier l’enfant à un

membre de la parenté. En réalité, il s’agit d’une forme de projet de vie qui peut s’inscrire

CHAPITRE 3 : LE PROJET DE VIE PERMANENT

- 111 -

dans le cadre des autres options examinées lorsqu’une réinsertion dans le milieu familial

n’est pas possible, soit l’adoption, la tutelle ou le placement à plus long terme en

ressource d’accueil.

Selon les membres du Comité, quel que soit le projet de vie envisagé à plus long terme

pour l’enfant, il importe de considérer les ressources disponibles dans la famille élargie.

Ils ont d’ailleurs recommandé d’inscrire dans la déclaration de principes que, lorsqu’un

enfant doit être retiré de son milieu familial, on doit tenir compte, dans le choix des

ressources, des possibilités de mettre à contribution la famille élargie

(recommandation 1.7). Toute décision prise en vertu de la LPJ devrait en outre favoriser

la continuité des soins et la stabilité des liens et des conditions de vie de l’enfant

(recommandation 1.6). À cet égard, le fait que ce soit un membre de la parenté qui adopte

l’enfant, devienne son tuteur ou l’accueille dans le cadre d’un placement à plus long terme

peut permettre à l’enfant de maintenir des liens d’attachement importants et limiter les

effets négatifs de la séparation d’avec son milieu familial. Le Programme national de

formation privilégie également le choix d’un membre de la parenté de l’enfant dans

l’élaboration d’un projet de vie permanent, dans la mesure où la sécurité et le

développement de l’enfant peuvent être assurés.

Éléments comparatifs

Projets de vie concurrents (concurrent planning)

En Alberta, à la suite des recommandations du Comité de révision du Child

Welfare Act, la nécessité d’élaborer deux projets de vie concurrents pour les

enfants placés, un premier axé sur la réunification familiale et un deuxième

définissant une autre option à long terme, a été inscrite formellement dans la

Loi. L’article 21 de la Loi a ainsi été modifié comme suit :

21(6) If an order is made under subsection (2) (a), unless exempted by the

regulations, the director must, within 42 days of the directors

application under section 21(1)(b), consult with the guardian and

other family member to develop a plan, in accordance with the

regulations, that

(a) describes the services to be provided to facilitate the return of the

child to the custody of the child’s guardian, and

(b) describes an alternative permanent placement for the child.

Il s’agit également d’une approche retenue dans les lois de certains États

américains, dont l’Oregon, la Californie, le Colorado et le Minnesota (Schene,

2002).

- 112 -

Il n’est toutefois pas indispensable d’introduire des changements dans le texte

de loi pour mettre en oeuvre des projets de vie concurrents. Des changements

peuvent être apportés dans les politiques et pratiques d’intervention.

Soutien financier à l’adoption et à la tutelle

Les comités qui se sont penchés sur la révision des lois en matière de

protection de la jeunesse en Ontario et en Alberta ont notamment proposé

d’augmenter le soutien financier offert aux familles souhaitant adopter un

enfant faisant l’objet d’un placement à long terme par suite de l’intervention des

services de protection.

Le Comité de révision de la loi albertaine a en outre insisté sur l’importance

d’apporter une aide financière et psychosociale aux familles qui souhaitent

prendre en charge un enfant de façon permanente lorsque l’adoption n’est pas

possible (private guardianship) (recommandation 6.6). Faisant suite à cette

recommandation du comité, un nouvel article a été introduit dans la loi afin de

permettre au directeur de soutenir financièrement les familles qui désirent

assurer la prise en charge permanente d’un enfant :

56.1(1) A director may provide financial assistance in accordance with the

regulations to a person who is made a private guardian of a child who

was, at the time of making the private guardianship order, the subject

of a permanent guardianship agreement or order if the director is

satisfied that the private guardianship would place an undue burden on

the financial resources of that person.

56.1(2) The director may review the financial assistance from time to time and

may vary or terminate the financial assistance to accordance with the

regulations.

CHAPITRE 4 : LE RÔLE ET LES RESPONSABILITÉS DU DPJ ET DES ÉTABLISSEMENTS OU ORGANISMES DISPENSATEURS DE SERVICES

- 113 -

CHAPITRE 4 : LE RÔLE ET LES RESPONSABILITÉS DU DPJ ET DES

ÉTABLISSEMENTS OU ORGANISMES DISPENSATEURS DE

SERVICES

En vertu de la LPJ, le rôle du DPJ est d’intervenir dans toutes les situations où la sécurité

ou le développement d’un enfant est ou pourrait être considéré comme compromis. Pour

ce faire, il est amené à travailler en étroite collaboration avec les différentes ressources du

milieu concernées par la protection des enfants. Un grand nombre d’enfants signalés dont

la sécurité ou le développement n’est pas ou n’est plus compromis requièrent par ailleurs

des services d’aide, ce qui soulève également la question de l’arrimage entre les services

de protection de la jeunesse et les autres ressources de la communauté.

Ces questions ne sont pas nouvelles et sont, encore aujourd’hui, au coeur des débats

entourant l’organisation des services aux jeunes et aux familles en difficulté. Elles ont été

examinées par la commission Charbonneau et le groupe de travail Jasmin et ont

également été abordées dans les divers rapports gouvernementaux relatifs aux services à

la jeunesse produits au cours des dix dernières années.

Les membres du Comité ont examiné successivement le rôle et les responsabilités du

DPJ et des établissements ou organismes dispensateurs de services, tant dans les

situations où la loi s’applique que dans les situations où elle ne s'applique pas ou ne

s'applique plus. Ils ont tout particulièrement tenté de clarifier ces rôles et responsabilités et

de mieux les définir dans la Loi, de façon à mieux délimiter la responsabilité du DPJ et

celle des autres dispensateurs de services dans la perspective de favoriser une meilleure

articulation entre les services de protection de la jeunesse et les différentes ressources du

milieu.

1. Lorsque la sécurité ou le développement de l’enfant est ou

pourrait être considéré comme compromis

1.1. Le rôle et les responsabilités du DPJ

Depuis l’adoption de la LPJ, l’État a reconnu que la responsabilité d’assurer la protection

d’un enfant appartient au premier chef à ses parents, qui doivent toutefois pouvoir

compter sur le soutien de leur communauté. C’est en ce sens que la responsabilité

d’assurer la protection des enfants est aussi reconnue comme une responsabilité

- 114 -

collective. Cependant, dans la mesure où les parents, avec l’aide des ressources de leur

milieu, sont incapables de protéger leur enfant, l’État se reconnaît la responsabilité

d’intervenir d’autorité dans la famille. Pour ce faire, l’État a délégué cette responsabilité à

une personne, soit le directeur de la protection de la jeunesse, dans chaque région du

Québec. Il a confié cette responsabilité à une personne et non à un établissement ou à un

organisme. Il s’agit d’une caractéristique fondamentale de la Loi, qui a pour but d’assurer

une intervention personnalisée aux enfants requérant des services de protection et qui fait

encore l’unanimité au Québec.

Pour exercer ses responsabilités, le DPJ autorise des personnes à agir en son nom. La

Loi prévoit ainsi deux types d’autorisation :

une autorisation, donnée aux membres de son personnel, d’exercer ses

responsabilités exclusives (art. 32);

une autorisation, donnée à toute personne physique, d’exercer une ou plusieurs des

autres responsabilités qui lui sont dévolues par la Loi (art. 33).

Avant 1984, la Loi prévoyait que le DPJ pouvait confier l’exercice de ses responsabilités,

au moyen d’une délégation, à une personne, à un organisme ou à un établissement.

Comme le DPJ assume personnellement une responsabilité confiée par l’État, la

commission Charbonneau précisait que le DPJ ne pouvait déléguer cette responsabilité,

mais qu’il pouvait autoriser d’autres personnes à l’exercer en son nom. L’autorisation

implique que le DPJ demeure responsable des décisions prises par les personnes qu’il

autorise à agir en son nom. La Commission considérait aussi que toutes les décisions à

prendre n’avaient pas la même importance, ce qui l’amenait à distinguer les

responsabilités dites « exclusives » des « autres » responsabilités attribuées au DPJ.

Telle est encore la situation qui prévaut actuellement.

1.1.1. Les responsabilités exclusives du DPJ

Précisions sur les responsabilités exclusives

Les responsabilités exclusives devant être assumées par le DPJ lui-même ou par un

membre de son personnel sont précisées à l’article 32 et concernent, entre autres, les

étapes décisionnelles du processus d’intervention en protection de la jeunesse : réception

et traitement des signalements, évaluation, orientation et révision.

CHAPITRE 4 : LE RÔLE ET LES RESPONSABILITÉS DU DPJ ET DES ÉTABLISSEMENTS OU ORGANISMES DISPENSATEURS DE SERVICES

- 115 -

Ces responsabilités font largement consensus et n’ont pas suscité de débats importants,

sauf pour l’étape de l’évaluation, à propos de laquelle le paragraphe b a parfois fait l’objet

d’une interprétation restrictive. Seule la décision sur la compromission de la sécurité ou

du développement de l’enfant était alors définie comme une responsabilité exclusive du

DPJ. Cette interprétation de la Loi a notamment entraîné l’adoption de modèles de

pratique différents dans les centres jeunesse.

Compte tenu de l’importance cruciale de l’évaluation dans l’application de la LPJ et de

façon à assurer une compréhension commune de la Loi et une cohérence dans son

application, il est jugé nécessaire que toutes les activités reliées à l’évaluation de la

situation de l’enfant soient considérées comme des responsabilités exclusives du DPJ.

Les membres du Comité recommandent ainsi de spécifier dans le paragraphe b de

l’article 32 que le DPJ détient non seulement la responsabilité de statuer sur la

compromission du développement ou de la sécurité de l’enfant, mais également celle de

procéder à l’évaluation.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 4.1 :

Que le paragraphe b de l’article 32 soit modifié de façon à préciser que le

directeur détient non seulement la responsabilité de statuer sur la

compromission du développement ou de la sécurité de l’enfant, mais

également celle de procéder à l’évaluation.

En ce qui a trait à l’article 32, ils proposent en outre de modifier la formulation des

paragraphes a et e, lesquels touchent les activités de réception et de traitement des

signalements ainsi que la fermeture du dossier, dans le but de les rendre plus conformes

à la pratique actuelle.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 4.2 :

Que les paragraphes a et e de l’article 32 soient modifiés afin de les rendre

plus conformes à la pratique actuelle :

que le paragraphe a, « déterminer la recevabilité du signalement de la

situation d’un enfant dont la sécurité ou le développement est ou peut

- 116 -

être considéré comme compromis », soit remplacé par : « recevoir et

traiter un signalement et décider s’il doit être retenu pour évaluation »;

que le paragraphe e, « décider de fermer le dossier », soit remplacé par :

« mettre fin à l’intervention si la sécurité ou le développement d’un enfant

n’est pas ou n’est plus compromis ».

La réception et le traitement des signalements

Une des responsabilités exclusives du DPJ consiste à recevoir et à traiter le signalement

et à décider s’il doit être retenu pour évaluation. Bien que cette responsabilité soit

précisée à l’article 32a, seul l’article 45, qui fait davantage référence aux mesures

d’urgence, en fait plus spécifiquement mention. Les membres du Comité proposent

d’ajouter une section sur la réception et le traitement des signalements. Il s’agit en effet

d’une étape charnière dans le processus d’intervention, non seulement en ce qui

concerne l’identification des situations requérant une évaluation plus en profondeur afin

de déterminer si l’enfant a besoin de protection, mais également pour l’orientation des

situations jugées à plus faible risque, pour lesquelles l’enfant et ses parents peuvent aussi

avoir besoin de services d’aide et de soutien.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 4.3 :

Qu’une nouvelle section portant sur la réception et le traitement des

signalements soit introduite dans la Loi, avant la section portant sur les

mesures d’urgence.

La convention intérimaire en cours d’évaluation

L’évaluation de la situation de l’enfant constitue une autre responsabilité exclusive du

DPJ. Dans le cadre de cette évaluation, le DPJ peut être amené à prendre des mesures

temporaires pour assurer la protection immédiate de l’enfant, tel un placement en

ressource d’accueil. Lorsque les parents et l’enfant consentent à de telles mesures, une

pratique s’est développée dans les centres jeunesse visant à établir une convention

intérimaire entre les parties. En juin 2001, un protocole visant à mieux définir et à

encadrer cette pratique a été adopté par les DPJ : Convention intérimaire en cours

d’évaluation de la Direction de la protection de la jeunesse (ACJQ, 2001b).

CHAPITRE 4 : LE RÔLE ET LES RESPONSABILITÉS DU DPJ ET DES ÉTABLISSEMENTS OU ORGANISMES DISPENSATEURS DE SERVICES

- 117 -

L’opportunité d’intégrer la convention intérimaire à la Loi a été examinée de manière

approfondie par l’Équipe de travail sur la modernisation des processus judiciaires en

matière d’administration de la justice à l’égard des jeunes. À cet égard, l’Équipe de travail

recommande « [q]ue la possibilité de recourir à des mesures consensuelles pendant

l’évaluation du directeur soit prévue à la Loi » (recommandation 4).

Les membres du Comité appuient d’emblée la recommandation de l’Équipe de travail

visant à introduire la convention intérimaire de manière plus formelle dans la Loi. Comme

le souligne l’Équipe de travail, une telle pratique facilite la mobilisation des parents et de

l’enfant ainsi que l’identification de solutions pouvant mettre fin plus rapidement à la

situation de compromission. Elle permet en outre d’éviter le recours au tribunal lorsque

des mesures sont requises de façon immédiate pour protéger l’enfant.

L’Équipe de travail présente par ailleurs différentes hypothèses concernant plus

particulièrement la durée de la convention intérimaire à la suite ou non de mesures

d’urgence. Les membres du Comité recommandent pour leur part que la convention

intérimaire ait une durée maximale de 30 jours et qu’elle puisse être prolongée d’un délai

additionnel de 30 jours afin de tenir compte, le cas échéant, du délai d’obtention d’une

date d’audition devant le tribunal.

Ils recommandent également d’inclure dans le texte de loi différents éléments relatifs à

l’information qui doit être donnée aux parents et à l’enfant afin de respecter leurs droits et

de s’assurer qu’ils pourront donner un consentement libre et éclairé.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 4.4 :

Que, tel que le recommande l’Équipe de travail sur la modernisation des

processus judiciaires en matière d’administration de la justice à l’égard des

jeunes, la Loi prévoie la possibilité de recourir à des mesures consensuelles

pendant l’évaluation du DPJ.

À cette fin, qu’un nouvel article soit introduit dans la Loi, à la suite de

l’article 49, permettant au directeur de convenir, avec un parent, et si

- 118 -

possible les deux, ainsi qu’avec l’enfant, d’une convention intérimaire dans le

cadre du processus d’évaluation.

Qu’il soit en outre spécifié :

que la convention intérimaire peut comprendre l’une ou plusieurs des

mesures applicables en vertu de l’article 54;

qu’elle ne peut excéder 30 jours et qu’elle peut toutefois être prolongée

jusqu’à la première date d’audition au tribunal, pour une période ne

dépassant pas 30 jours;

que les parents et l’enfant, s’il est âgé de 14 ans et plus, doivent y

consentir par écrit;

que l’adhésion de l’enfant de moins de 14 ans doit également être

favorisée lorsque ses parents acceptent de signer la convention;

que les parents et l’enfant doivent en outre être informés que la signature

d’une convention intérimaire ne constitue en aucun cas une

reconnaissance du fait que la sécurité ou le développement de l’enfant

est compromis et qu’ils peuvent refuser de signer une telle entente et

s’en retirer en tout temps.

L’orientation de l’enfant

Dans le cadre de la responsabilité exclusive du DPJ qui consiste à décider de l’orientation

de la situation d’un enfant, la loi actuelle prévoit que le DPJ peut proposer une entente sur

des mesures volontaires ou saisir le tribunal de la situation (art. 51). Selon les membres

du Comité, il importe également de favoriser l’utilisation d’approches consensuelles à

l’étape de l’orientation, et dans l’élaboration de l’entente sur les mesures volontaires tout

particulièrement.

De façon à renforcer le principe général qu’ils recommandent d’introduire dans la

déclaration de principes (recommandation 1.9), ils proposent ainsi de modifier l’article 51

et d’ajouter dans la Loi un nouvel article stipulant explicitement que, au moment de

prendre la décision sur l’orientation de l’enfant, le DPJ doit privilégier le recours à toute

forme d’approche consensuelle dans le but de favoriser la participation active de l’enfant

et de ses parents à la prise de décision concernant le choix du régime de protection d’une

CHAPITRE 4 : LE RÔLE ET LES RESPONSABILITÉS DU DPJ ET DES ÉTABLISSEMENTS OU ORGANISMES DISPENSATEURS DE SERVICES

- 119 -

part, et le choix des mesures visant à mettre fin à la situation de compromission d’autre

part.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 4.5 :

Que l’utilisation d’approches consensuelles à l’étape de l’orientation soit

favorisée dans la Loi.

À cette fin, que l’article 51 soit modifié en y ajoutant que, au moment de

prendre la décision sur l’orientation de l’enfant, le directeur doit privilégier,

lorsque la situation le permet, le recours à des approches de médiation, de

conciliation ou tout autre mode analogue d’entente consensuelle, pour

favoriser la participation active de l’enfant et de ses parents à la prise de

décision et au choix des mesures.

L’intervention terminale

Au cours des années, une pratique qui consiste à procéder à une intervention terminale

avant de conclure formellement une entente sur des mesures volontaires ou de saisir le

tribunal de la situation s’est par ailleurs graduellement instaurée à l’étape de l’orientation.

Les membres du Comité se sont ainsi interrogés sur l’opportunité d’introduire plus

explicitement ce type de mesure dans la Loi.

À la suite du rapport Harvey, l’intervention terminale a été reconnue plus formellement à

l’intérieur du processus d’intervention en protection de la jeunesse. Un protocole a

également été élaboré afin d’en préciser la définition, les conditions d’utilisation ainsi que

les activités professionnelles qui y sont reliées :

L’intervention terminale en protection de la jeunesse est une mesure applicable en

vertu d’un régime volontaire, réalisée par l’intervenant qui a fait l’évaluation, qui

consiste à modifier rapidement la situation d’un enfant dont la sécurité ou le

développement est compromis. (MSSS, 1990 : 1)

Il s’agit d’une mesure qui s’appuie notamment sur le potentiel de responsabilisation et de

mobilisation des parents, de l’enfant et des ressources du milieu pour apporter

rapidement des correctifs à la situation.

- 120 -

De l’avis des membres du Comité, l’utilisation de l’intervention terminale doit être

favorisée. D’une part, il s’agit d’une mesure qui implique le recours à des approches

consensuelles puisque les parents et, s’il y a lieu, l’enfant reconnaissent le problème et

sont prêts à s’engager et à prendre les moyens nécessaires pour corriger la situation.

D’autre part, cette mesure s’inscrit également dans le courant actuel des approches

différentielles de traitement des signalements visant à faire appel aux ressources du

milieu et à éviter le recours à des interventions plus longues et plus lourdes des services

de protection de la jeunesse. L’intervention terminale rejoint plusieurs objectifs visés par

ces approches et permet de répondre plus rapidement aux besoins de certaines familles.

Après avoir examiné la question, les membres du Comité en sont toutefois venus à la

conclusion qu’il n’y avait pas lieu d’introduire cette mesure dans la Loi puisqu’elle

constitue en quelque sorte une forme « allégée » de mesure volontaire, bien qu’elle soit

appliquée par un intervenant à l’évaluation et dans un délai très court, soit un mois. Selon

les membres, cette pratique n’est cependant pas suffisamment connue ni utilisée par

l’ensemble des intervenants en protection de la jeunesse et doit être encouragée. Les

balises de son application, et tout particulièrement le délai à l’intérieur duquel

l’intervention doit être faite, doivent cependant être revues, à la lumière notamment de

l’expérimentation de différentes approches différentielles. Dans cette perspective, les

membres recommandent de réviser le protocole d’intervention terminale actuel.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 4.6 :

Que l’utilisation de l’intervention terminale soit encouragée, compte tenu

qu’elle implique le recours à des approches consensuelles, qu’elle s’inscrit

dans le courant des approches différentielles de traitement des signalements

et qu’elle favorise un règlement à court terme de la situation qui compromet

la sécurité ou le développement de l’enfant.

À cette fin, que les balises d’application du protocole d’intervention terminale

actuel soient révisées.

CHAPITRE 4 : LE RÔLE ET LES RESPONSABILITÉS DU DPJ ET DES ÉTABLISSEMENTS OU ORGANISMES DISPENSATEURS DE SERVICES

- 121 -

1.1.2. Les « autres » responsabilités du DPJ

L’exercice des « autres » responsabilités qu’autorise le DPJ à toute personne physique en

vertu de l’article 33 soulève davantage de problèmes d’interprétation. Une des principales

difficultés relevées concerne la responsabilité du DPJ dans les décisions prises par les

personnes qu’il a autorisées à agir en son nom, à l’étape de l’application des mesures de

protection plus particulièrement. De manière générale, on confond les responsabilités du

DPJ, pour lesquelles il doit rendre des comptes, avec celles des établissements auxquels

il s’adresse afin d’assurer l’application des mesures de protection. Dans ce contexte, il

importe de distinguer plus clairement les responsabilités du DPJ de celles des personnes,

organismes ou établissements chargés de donner les services aux enfants dont la

sécurité ou le développement a été considéré comme compromis.

Concernant les responsabilités du DPJ, le législateur précise à l’article 54 que, dans le

cadre de mesures volontaires, celui-ci « doit, dans la mesure du possible, faire appel aux

personnes ou organismes oeuvrant dans le milieu de vie de l’enfant ». Il doit aussi

« s’assurer que les services requis sont dispensés à l’enfant ou à ses parents ». La même

logique s’applique pour les mesures ordonnées. Le législateur a même précisé que,

lorsque le tribunal ordonne un hébergement (art. 62), le DPJ doit « désigner » le lieu

d’hébergement et « voir à ce que l’hébergement s’effectue dans des conditions

adéquates ».

Si le DPJ a l’obligation d’assurer l’exécution des mesures volontaires ou ordonnées, le

législateur a aussi prévu, aux articles 55 et 62, des obligations pour les personnes,

établissements et organismes à qui le DPJ s’adresse. Ainsi, à l’article 55, il est stipulé que

« [t]out établissement et tout organisme du milieu scolaire doivent collaborer par tous les

moyens à leur disposition à l’exécution des mesures volontaires. Il en est de même des

personnes et des autres organismes qui consentent à appliquer de telles mesures. »

Comme le mentionne le Manuel de référence sur la protection de la jeunesse (1998 :

202), cette obligation « constitue un rappel des obligations déjà affirmées dans la LSSSS

et la LIP ». En vertu de l’article 62, lorsque le tribunal ordonne l’hébergement obligatoire

d’un enfant en centre de réadaptation ou en centre hospitalier, l’établissement concerné

est également tenu de recevoir l’enfant.

Même si la Loi reconnaît des responsabilités tant au DPJ qu’aux personnes,

établissements ou organismes concernés par l’application de mesures de protection, ces

responsabilités font l’objet d’interprétations diverses. Que le DPJ donne une autorisation à

- 122 -

une personne en vertu de l’article 32 ou 33, le texte de loi demeure par ailleurs muet sur

l’étendue de sa responsabilité. Le Manuel de référence sur la protection de la jeunesse

apporte toutefois des précisions à ce sujet :

Le DPJ demeure toujours imputable des attributions qui lui sont confiées en vertu

de la LPJ. Cependant, il est nécessaire de préciser que son imputabilité se limite

aux seuls rôles et obligations que la loi lui attribue. En effet, lorsqu’il fait appel aux

ressources de sa région pour appliquer certaines mesures prévues à l’entente ou

à l’ordonnance, les ressources en cause (établissements, organismes ou

personnes) sont responsables des mesures qu’elles appliquent et des services

qu’elles rendent. (Groupe de travail sur la révision du Manuel de référence sur la

LPJ, 1998 : 227)

Il appert ainsi que si le DPJ a la responsabilité de s’assurer que les mesures prévues à

l’entente ou à l’ordonnance sont appliquées, il n’est pas responsable de la prestation des

services ni de la qualité des services rendus. À cet égard, les membres du Comité

recommandent de modifier l’article 33 de façon qu’il soit clair que cette responsabilité

incombe à la personne, à l’établissement ou à l’organisme chargé de donner les services.

Des modifications aux articles 55, 62 et 92 devront également être apportées.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 4.7 :

Qu’un nouvel article soit introduit, à la suite de l’article 33, stipulant que toute

personne, établissement ou organisme appelé à donner des services dans le

cadre de l’exécution d’une mesure prévue à l’entente ou à l’ordonnance en

vertu de la Loi est responsable des soins et des services d’aide qu’il donne.

1.2. Le rôle et les responsabilités des établissements ou organismes

dispensateurs de services

Les membres du Comité ont également débattu de la responsabilité des personnes,

établissements ou organismes de donner des services aux enfants dont la sécurité ou le

développement a été déclaré compromis lorsqu’ils sont chargés d’appliquer des mesures

de protection. Ils ont par ailleurs analysé les propositions faites par l’Équipe de travail sur

la modernisation des processus judiciaires en matière d’administration de la justice à

l’égard des jeunes.

Abordant plus largement la question de la lésion de droits, l’Équipe de travail a en effet

été amenée à examiner les responsabilités et les pouvoirs du DPJ. Elle affirme à cet

CHAPITRE 4 : LE RÔLE ET LES RESPONSABILITÉS DU DPJ ET DES ÉTABLISSEMENTS OU ORGANISMES DISPENSATEURS DE SERVICES

- 123 -

égard que « la plupart des centres hospitaliers et des CLSC sont d’avis que le directeur

ne possède pas le pouvoir de les obliger à rendre les services ordonnés » (2003 : 70).

L’Équipe de travail a ainsi recommandé (recommandation 41) de modifier l’article 62

« afin d’élargir les pouvoirs du directeur pour lui permettre de contraindre un centre

hospitalier, un CLSC ou tout autre établissement à dispenser un service tel qu’ordonné

par le tribunal » (2003 : 70). La recommandation 42, qui propose des modifications aux

articles 55 et 92, vise la même obligation pour les établissements dans le cas de mesures

volontaires et de mesures ordonnées.

Les membres du Comité ont fait l’analyse des impacts possibles de l’orientation visant à

donner plus de pouvoirs au DPJ pour contraindre les établissements ou organismes à

fournir tous les services requis. Même s’ils reconnaissent que de tels pouvoirs existent

pour permettre l’hébergement d’un enfant (art. 62), afin d’assurer sa protection immédiate,

ils croient qu’un élargissement de ces pouvoirs pourrait entraîner des effets pervers. À

leur avis, la LPJ pourrait alors être utilisée pour avoir accès plus rapidement aux services.

Rappelons qu’il s’agit d’un problème déjà relevé dans le cadre de l’application de la loi

actuelle (Groupe de travail sur la révision du Manuel de référence sur la LPJ, 1998 : 158).

Une telle façon de procéder pourrait également créer un contexte défavorable à la

collaboration entre les établissements ou organismes.

Selon les membres du Comité, il importe également de garder en mémoire que les

enfants dont la sécurité ou le développement est considéré comme compromis ne

présentent pas toujours des problèmes plus graves que les autres enfants ayant besoin

de services, mais dont les parents, par exemple, prennent les moyens nécessaires pour

corriger la situation. Il pourrait ainsi s’avérer inopportun qu’une priorité soit

systématiquement accordée aux enfants nécessitant une intervention des services de

protection.

Les membres du Comité estiment toutefois que ces enfants sont particulièrement

vulnérables et qu’il importe de leur assurer les services requis dans les plus brefs délais

possible. Plutôt que d’élargir les pouvoirs du DPJ, ils recommandent de renforcer

l’obligation des établissements ou organismes de prendre tous les moyens à leur

disposition pour fournir les services requis pour l’exécution des mesures de protection,

- 124 -

qu’il s’agisse de mesures volontaires ou de mesures ordonnées. En ce sens, les

articles 55 et 92 de la LPJ devraient être modifiés en tenant compte de l’article 101 de la

LSSSS, qui oblige tout établissement à recevoir les personnes qui requièrent des

services, à évaluer leurs besoins et, le cas échéant, à donner eux-mêmes les services

requis ou à les faire donner par un autre établissement.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 4.8 :

Que l’article 55 soit modifié en remplaçant les termes « doivent collaborer

par tous les moyens à leur disposition » par « sont tenus de prendre tous les

moyens à leur disposition pour fournir les services requis », de façon à

renforcer l’obligation des établissements de donner aux enfants dont la

sécurité ou le développement est considéré comme compromis les services

dont ils ont besoin.

Que l’article 92 soit modifié dans le même sens en ce qui a trait aux mesures

ordonnées.

En ce qui a trait à l’article 62, les membres proposent en outre de transférer la

responsabilité du DPJ « de voir à ce que l’hébergement s’effectue dans des conditions

adéquates » à l’établissement lui-même, puisqu’il s’agit d’une responsabilité qui appartient

réellement à l’établissement dispensateur de services. Selon les membres du Comité, le

fait de transférer cette responsabilité à l’établissement n’empêche nullement le DPJ de

s’assurer des bonnes conditions d’hébergement d’un enfant et d’interpeller

l’établissement, s’il y a lieu, selon les moyens à sa disposition et les recours existants.

Comme le soulignait à juste titre le groupe de travail Jasmin (1992 : 60), « [l]a

responsabilité première du directeur de la protection de la jeunesse est d’assurer la

protection de l’enfant. Il doit donc se placer du point de vue de l’enfant, intercéder auprès

des divers services et faire pression sur eux pour que l’enfant obtienne une réponse à ses

besoins. »

CHAPITRE 4 : LE RÔLE ET LES RESPONSABILITÉS DU DPJ ET DES ÉTABLISSEMENTS OU ORGANISMES DISPENSATEURS DE SERVICES

- 125 -

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 4.9 :

Que le premier alinéa de l’article 62 soit modifié de façon que la

responsabilité du DPJ « de voir à ce que l’hébergement s’effectue dans des

conditions adéquates » soit transférée à l’établissement dispensateur de

services.

Les membres du Comité jugent par ailleurs fort pertinente et font leur la recommandation

(recommandation 43) de l’Équipe de travail sur la modernisation des processus judiciaires

en matière d’administration de la justice à l’égard des jeunes visant à modifier

l’article 74.1 afin d’y ajouter le DPJ, les parents et l’enfant comme personnes pouvant

saisir le tribunal de toute question de lésion de droits. Dans la loi actuelle, seule la

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse dispose d’un tel

recours. Même s’il s’agit d’un recours exceptionnel, cette possibilité de saisir le tribunal

pourrait permettre au DPJ, aux parents ou à l’enfant d’obliger les établissements ou

organismes à démontrer que tous les efforts ont vraiment été faits pour répondre aux

besoins des enfants dont la sécurité ou le développement est compromis.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 4.10 :

Que, tel que le recommande l’Équipe de travail sur la modernisation des

processus judiciaires en matière d’administration de la justice à l’égard des

jeunes, l’article 74.1 soit modifié afin d’y ajouter le directeur, les parents et

l’enfant comme personnes pouvant saisir le tribunal de toute question de

lésion de droits.

2. Lorsque la sécurité ou le développement de l’enfant n’est pas

ou n’est plus compromis

Selon les données disponibles (MSSS, 2002; Tourigny et al., 2002), environ la moitié des

signalements aux services de protection de la jeunesse ne sont pas retenus pour

évaluation. De même, environ la moitié des enfants dont le signalement est retenu voient

leur sécurité ou leur développement jugé non compromis à la suite de l’évaluation. Au

total, la situation de plus de 75 % des enfants signalés n’est pas prise en charge par les

- 126 -

services de protection de la jeunesse. Une part très appréciable de ces enfants sont

néanmoins considérés comme ayant besoin de services d’aide (Tourigny et al., 2002).

À cet égard, l’arrimage entre les services a été au coeur de nombreux débats et constitue

encore aujourd’hui un enjeu majeur de l’organisation des services aux jeunes et aux

familles en difficulté. En 2000, la commission Clair (MSSS, 2000 : 60) demandait que la

LPJ soit révisée pour éviter que des enfants se retrouvent sans filet de sécurité ou « assis

entre deux chaises ». La Commission formulait notamment cette recommandation pour

que « les enfants dont le signalement n’a pas été retenu ou ceux dont la situation

déclarée non compromise après évaluation du directeur de la protection de la jeunesse

puissent bénéficier de services adéquats ». Dans le même ordre d’idées et dans la foulée

des différents rapports gouvernementaux produits au cours des dix dernières années, les

chantiers jeunesse en 2001 et la Stratégie d’action pour les jeunes en difficulté et leur

famille, qui en a découlé en 2002, recommandaient également des modifications à la LPJ.

Pour assurer une meilleure intégration des services aux jeunes et aux familles, la création

d’équipes d’intervention jeunesse sur une base locale était également proposée. Ces

équipes sont actuellement en expérimentation dans chaque région du Québec.

Les membres du Comité se sont plus spécifiquement questionnés sur les modifications

législatives qui pourraient être apportées à la Loi concernant le rôle du DPJ et celui des

établissements ou organismes dispensateurs de services de façon à favoriser un meilleur

arrimage entre les services pour les enfants dont la sécurité ou le développement n’est

pas ou n’est plus compromis.

2.1. Le rôle et les responsabilités du DPJ

En dehors de la responsabilité première du DPJ d’assurer la protection des enfants dont

la sécurité ou le développement est jugé compromis, le législateur a introduit, en 1994, de

nouvelles obligations pour le DPJ, pour les cas où la sécurité ou le développement de

l’enfant n’est pas ou n’est plus compromis. Des modifications ont été apportées aux

articles 50 et 57.2 de la LPJ. Ainsi, selon l’article 50, lorsque la sécurité ou le

développement de l’enfant n’est pas jugé compromis à la suite de l’évaluation :

50. Le directeur doit, en outre, informer l’enfant et ses parents des services et des

ressources disponibles dans leur milieu ainsi que des modalités d’accès à ces

services et à ces ressources. Il peut, s’ils y consentent, les diriger vers les

CHAPITRE 4 : LE RÔLE ET LES RESPONSABILITÉS DU DPJ ET DES ÉTABLISSEMENTS OU ORGANISMES DISPENSATEURS DE SERVICES

- 127 -

établissements, les organismes ou les personnes les plus aptes à leur venir en

aide. À cette fin, il peut, le cas échéant, les conseiller sur le choix des

personnes ou des organismes pouvant les accompagner et les assister dans

leur démarche.

Les mêmes obligations d’informer l’enfant et ses parents sur les ressources d’aide

disponibles et de les orienter vers ces ressources s’ils y consentent sont mentionnées à

l’article 57.2 pour les cas où le DPJ décide de mettre fin à l’intervention à la suite d’une

révision de la situation de l’enfant.

Selon les membres du Comité, il y a lieu de maintenir et de renforcer ces obligations. Ils

rappellent que le rôle du DPJ ne doit pas se limiter à donner de l’information sur les

ressources, mais bien à conseiller les parents et les enfants, et même à les accompagner

dans leurs démarches s’il y consentent, tout en respectant leur droit de refuser l’aide qui

leur est offerte. Ils estiment également que, si l’enfant et les parents y consentent,

l’information recueillie par le DPJ devrait être transmise aux ressources concernées, pour

éviter à l’enfant et aux parents de répéter à d’autres professionnels toute leur histoire.

Les membres du Comité recommandent par ailleurs d’élargir ces obligations à certaines

situations où le signalement n’est pas retenu, particulièrement les situations où le

signalement a été effectué par les parents ou par l’enfant lui-même ou encore lorsque

ceux-ci ont été contactés dans le cadre de vérifications complémentaires et qu’ils sont

jugés comme requérant des services d’aide.

Sur ce plan, il convient de mentionner qu’on assiste actuellement, en Amérique du Nord

tout particulièrement, au développement d’approches différentielles de traitement des

signalements visant à orienter les enfants présentant une situation à faible ou à moyen

risque vers l’extérieur du réseau de protection de la jeunesse (English et al., 2000;

Gordon, 2000; Hetherington, 1999; Waldfogel, 1998). Plusieurs modèles sont en

émergence afin que les services de protection de la jeunesse partagent davantage leurs

responsabilités avec les autres dispensateurs de services :

Des approches différentielles de traitement de signalements, parfois appelées

« modèles alternatifs de réponse » ou « modèles multipistes » ont été

développées dans bon nombre de juridictions à travers les États-Unis, l’Australie

et plus récemment, en Alberta. Ces approches incluent un éventail

d’interventions variées, destinées à répondre aux divers besoins des familles qui

- 128 -

sont signalées aux agences de protection et de bien-être de l’enfance. Bien que

certaines juridictions ont instauré des modèles à options multiples, notamment au

Michigan, la plupart des approches différentielles de traitement des signalements

sont inspirées de modèles dichotomiques où les situations à « risque élevé »

sont traitées par le biais des services traditionnels de protection de l’enfance. […]

Les situations moins urgentes sont acheminées vers des ressources alternatives.

L’intervention met alors l’accent sur la coordination des services offerts, de

manière à répondre aux besoins immédiats, de même qu’aux besoins à plus long

terme des enfants et de leurs familles. (Trocmé et al., 2003 : 1)

Dans les modèles proposés, les situations à plus faible risque sont généralement

aiguillées vers les ressources de la communauté après une première évaluation.

Au Québec, l’organisation des services a permis le développement d’approches qui

s’apparentent à des approches différentielles. Nous pensons ici à l’instauration, dans de

nombreux centres jeunesse, de programmes de « vérification-terrain » à l’étape de la

réception et du traitement des signalements ainsi qu’à la mise sur pied des équipes

d’intervention jeunesse, relevée plus haut, et dont le rôle consiste spécifiquement à

favoriser l’accès aux ressources et la coordination des interventions. Parmi les situations

visées de manière prioritaire, on retrouve les situations qui pourraient être jugées à plus

faible risque par les services de protection de la jeunesse : « La situation donne à penser

qu’il pourrait y avoir des indices de compromission (actuellement ou dans les plus brefs

délais) mais une intervention dans le cadre de la Loi sur les services de santé et les

services sociaux apparaît possible et appropriée pour mobiliser les personnes concernées

et résorber la situation » (MSSS, 2002c : 2).

Compte tenu de ces différents éléments, les membres du Comité considèrent comme

particulièrement pertinent d’introduire de façon plus formelle dans la Loi les obligations du

DPJ d’informer l’enfant et les parents des ressources susceptibles de leur venir en aide

lorsque le signalement n’est pas retenu ainsi que, s’ils y consentent, de les orienter vers

ces ressources et de transmettre à ces dernières l’information pertinente sur leur

situation.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 4.11 :

Que les articles 50 et 57.2 soient modifiés en remplaçant la deuxième

phrase du second alinéa, « Il peut, s’ils y consentent, les diriger vers les

établissements, les organismes et les personnes les plus susceptibles de

leur venir en aide », par : « Il doit, s’ils y consentent, les diriger vers les

CHAPITRE 4 : LE RÔLE ET LES RESPONSABILITÉS DU DPJ ET DES ÉTABLISSEMENTS OU ORGANISMES DISPENSATEURS DE SERVICES

- 129 -

établissements, les organismes et les personnes les plus susceptibles de

leur venir en aide et transmettre à ces ressources l’information pertinente sur

leur situation. »

Qu’un nouvel article reprenant les termes des articles 50 et 57.2 soit introduit

dans la section sur la réception et le traitement des signalements proposée,

indiquant que si un signalement n’est pas retenu pour évaluation, le directeur

doit, lorsque la situation le requiert, informer l’enfant et ses parents des

ressources susceptibles de leur venir en aide ainsi que, s’ils y consentent,

les orienter vers ces ressources et transmettre à ces dernières l’information

pertinente sur leur situation.

2.2. Le rôle et les responsabilités des établissements et organismes

dispensateurs de services

Les membres du Comité se sont également penchés sur les responsabilités des

établissements ou organismes dispensateurs de services à l’égard des enfants dont la

sécurité ou le développement n’est pas ou n’est plus jugé compromis. Le DPJ peut en

effet être amené à orienter l’enfant ou ses parents vers d’autres ressources du milieu

lorsque le signalement n’est pas retenu, que la sécurité ou le développement de l’enfant

n’est pas jugé compromis à la suite de l’évaluation ou encore que le dossier est fermé à la

suite de la révision de la situation de l’enfant.

Dans la loi actuelle, aucune disposition n’est prévue concernant les responsabilités des

établissements ou organismes auxquels s’adresse le DPJ. De façon à réaffirmer les

responsabilités dévolues aux établissements en vertu de l’article 101 de la LSSSS, les

membres recommandent qu’une disposition expresse de la LPJ spécifie que les

établissements ou organismes auxquels le DPJ fait appel doivent accueillir l’enfant et ses

parents, procéder à l’évaluation de leurs besoins et, le cas échéant, donner les services

requis.

Cette disposition devrait être ajoutée aux articles 50 et 57.2, lesquels portent sur les

situations où la sécurité ou le développement de l’enfant n’est pas ou n’est plus jugé

compromis à la suite de l’évaluation ou de la révision de la situation de l’enfant, de même

que dans le nouvel article portant sur les signalements non retenus.

- 130 -

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 4.12 :

Qu’il soit spécifié, aux articles 50 et 57.2 ainsi que dans le nouvel article

portant sur les signalements non retenus, que, lorsque la situation d’un

enfant ne nécessite pas ou ne nécessite plus une intervention des services

de protection de la jeunesse, les établissements ou organismes auxquels le

directeur fait appel doivent accueillir l’enfant et ses parents, procéder à

l’évaluation de leurs besoins et, le cas échéant, donner les services requis.

CHAPITRE 5 : LE RÉGIME DE CONFIDENTIALITÉ

- 131 -

CHAPITRE 5 : LE RÉGIME DE CONFIDENTIALITÉ

Depuis l’entrée en vigueur de la LPJ, les questions relatives à la communication de

renseignements personnels nécessaires à l’application de la Loi ont soulevé plusieurs

difficultés et donné lieu à de nombreux débats. Tant la commission Charbonneau en 1982

que le groupe de travail Jasmin en 1992 ont ainsi relevé des problèmes concernant à la

fois l’accès aux dossiers médicaux et sociaux des enfants faisant l’objet d’un signalement,

la divulgation des renseignements recueillis par le DPJ et la conservation des dossiers.

Plus récemment, des problèmes d’accès à l’information consignée aux dossiers des

parents et, plus généralement, des personnes mises en cause par le signalement ont

également été mis en relief. À ce sujet, le Comité de coordination des chantiers jeunesse

recommandait, en 2001, que la LPJ soit révisée pour établir et baliser « le droit du DPJ

d’avoir accès, à toutes les étapes du processus de protection de la jeunesse, aux

informations concernant un parent ou une personne en lien avec le jeune et dont le

contenu pourrait lui permettre d’éclairer la situation du jeune » (Comité de coordination

des chantiers jeunesse, 2001 : 54). Le problème des délais de conservation des

renseignements contenus aux dossiers du DPJ a également été soulevé lors des travaux

des chantiers jeunesse dans la mesure où les délais prescrits par la Loi pour la

destruction des dossiers sont jugés comme ne permettant pas d’assurer adéquatement la

protection des enfants.

En dépit des modifications apportées à la Loi jusqu’ici, il faut reconnaître que toutes les

tentatives d’élargir la communication de renseignements personnels ont donné des

résultats bien en deçà des attentes exprimées, en raison notamment des restrictions

prévues aux différentes lois en vigueur au Québec concernant la protection de la vie

privée et la confidentialité des renseignements personnels.

Après avoir passé en revue ces différentes dispositions législatives, les membres du

Comité se sont penchés plus spécifiquement sur les difficultés qu’éprouve le DPJ dans la

réalisation de son mandat. Ces difficultés concernent l’accès à l’information ainsi que la

divulgation de renseignements sur l’enfant, les parents ou toute autre personne mise en

cause par le signalement, sans le consentement des personnes concernées, ainsi que la

conservation de l’information contenue au dossier du DPJ.

- 132 -

1. Les dispositions législatives concernant la protection de la vie

privée et la confidentialité des renseignements personnels

Afin de mieux situer les débats entourant les questions relatives à l’accès à l’information

et de mieux cerner les enjeux que soulève l’application de la LPJ, il importe de présenter

très brièvement les principales dispositions législatives concernant la protection de la vie

privée et la confidentialité des renseignements personnels au Québec (Archambault,

s. d.).

Relevons, en premier lieu, que l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne

reconnaît à toute personne le « droit au respect de sa vie privée ». Il s’agit d’un droit

fondamental ayant comme corollaire le « droit au respect du secret professionnel »,

énoncé à l’article 9.

Le droit au respect de la vie privée est également reconnu à l’article 3 du Code civil du

Québec, qui précise en outre certaines règles concernant la constitution d’un dossier sur

une personne et la confidentialité des renseignements qui y sont consignés. Ces

renseignements ne peuvent être communiqués à un tiers, sauf si la personne concernée y

consent ou encore que la loi l’autorise explicitement.

La Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des

renseignements personnels confère pour sa part à tout citoyen le droit à la confidentialité

des renseignements nominatifs le concernant. Un organisme public ne peut ainsi

communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne

concernée, sauf dans certaines circonstances précisées aux articles 59 et 59.1 dont,

entre autres, pour assurer la protection d’une personne dont la vie, la santé ou la sécurité

est menacée ou encore lorsque la communication de renseignements nominatifs est

nécessaire à l’application d’une loi (art. 67).

Autre disposition particulièrement importante relativement à l’application de la LPJ,

l’article 19 de la LSSSS stipule que le dossier de santé ou de services sociaux de l’usager

est confidentiel et que, pour y avoir accès, il faut obtenir soit le consentement de l’usager

ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom, soit une ordonnance

d’un tribunal ou d’un coroner dans l’exercice de ses fonctions, à moins qu’une disposition

CHAPITRE 5 : LE RÉGIME DE CONFIDENTIALITÉ

- 133 -

législative expresse ne prévoie « que la communication de renseignements contenus

dans le dossier peut être requise d’un établissement ».

À la suite de l’adoption, en décembre 2001, de la Loi modifiant diverses dispositions

législatives eu égard à la divulgation de renseignements confidentiels en vue d’assurer la

protection des personnes (projet de loi 180), plusieurs lois ont été modifiées pour

autoriser la communication de renseignements confidentiels, sans le consentement de

l’usager ou une ordonnance du tribunal, « en vue de prévenir un acte de violence, dont un

suicide, lorsqu’il existe un motif raisonnable de croire qu’un danger imminent de mort ou

de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable ».

En ce qui concerne le droit au secret professionnel, reconnu formellement à l’article 9 de

la Charte, il est également énoncé, sous forme d’obligation, dans plusieurs lois régissant

les groupes professionnels. L’article 60.4 du Code des professions stipule ainsi que le

professionnel « doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle qui

vient à sa connaissance dans l’exercice de sa profession » et qu’il ne peut être relevé de

ce secret « qu’avec l’autorisation de son client ou lorsque la loi l’ordonne » ou encore pour

assurer la protection d’une personne. L’article 39 de la LPJ, qui concerne l’obligation de

signaler, constitue un exemple d’une autorisation expresse contenue dans la loi.

Plusieurs dispositions de la LPJ concernent par ailleurs l’accessibilité, l’utilisation, la

conservation et la divulgation de l’information contenue aux dossiers. Trois articles ont

plus particulièrement retenu l’attention des membres du Comité, soit l’article 35.1, qui a

trait au pouvoir d’enquête du DPJ, l’article 36, qui porte sur la consultation des dossiers

de l’enfant et la transmission de l’information consignée aux dossiers d’une personne,

autre que l’enfant, mise en cause par le signalement, et l’article 72.6, qui porte sur la

divulgation, par le DPJ, de renseignements nominatifs sans le consentement des

personnes concernées. Les articles 37.1 à 37.4, qui sont relatifs à la conservation des

dossiers du DPJ, ont également été examinés.

- 134 -

2. L’accès à l’information dans le cadre d’une enquête du DPJ

Dans le cadre d’une enquête, le DPJ doit requérir des renseignements personnels sur

l’enfant, sur les parents ou sur toute autre personne mise en cause par le signalement. À

cet égard, les membres du Comité ont jugé important de distinguer la demande de

renseignements personnels lors d’échanges avec des professionnels ou d’autres

personnes susceptibles d’éclairer la situation de l’enfant de la consultation des dossiers

proprement dite. La consultation d’un dossier, parce qu’elle donne accès à l’ensemble des

renseignements colligés sur la personne concernée, constitue une forme d’intrusion plus

grande dans la vie privée.

2.1. La demande de renseignements personnels

L’article 35.1 de la LPJ confère au DPJ et aux personnes qui agissent avec son

autorisation en vertu des articles 32 et 33 le pouvoir d’« enquêter sur toute matière

relevant de la compétence du directeur ». Il s’agit ici des activités relatives à la réception

et au traitement d’un signalement visant à déterminer si le signalement doit être retenu ou

non, des activités relatives à l’évaluation et à la révision de la situation visant à déterminer

si la sécurité ou le développement de l’enfant est compromis ou toujours compromis ainsi

que de « toute autre enquête qui découle de l’exercice des responsabilités du directeur »

(Boulais, 1999 : 142). De plus, le paragraphe b de l’article 134 prévoit que nul ne peut

refuser de répondre au directeur ou aux personnes qu’il a autorisées à agir en son nom et

qu’un tel refus constitue une infraction pénale et est passible d’une amende.

Afin de vérifier les renseignements contenus dans le signalement ou d’obtenir

l’information pertinente pouvant éclairer la prise de décision, le DPJ peut être amené à

communiquer avec différentes personnes en plus des parents et de l’enfant. Il peut s’agir

d’un membre de l’entourage immédiat de l’enfant (membre de la parenté, voisin), du

personnel d’un organisme scolaire (enseignant, directeur) ou encore d’un professionnel

oeuvrant dans un établissement du réseau de la santé et des services sociaux ou en

cabinet privé (travailleur social, infirmière, pédiatre, psychologue). Ces vérifications se

font habituellement par des échanges verbaux, à toutes les étapes de l’application de la

LPJ.

Or, en novembre 1999, la Commissaire aux plaintes du MSSS, madame Rosette Côté,

dans le cadre de l’examen d’une plainte d’un usager de CLSC, a donné une interprétation

CHAPITRE 5 : LE RÉGIME DE CONFIDENTIALITÉ

- 135 -

restrictive des articles 36 et 134b de la LPJ et de l’article 19 de la LSSSS qui limite la

communication de renseignements personnels au DPJ par un professionnel de CLSC. La

Commissaire a conclu qu’un professionnel de CLSC ne peut partager de l’information

avec le DPJ sans obtenir au préalable l’autorisation de l’usager, tel que le requiert

l’article 19 de la LSSSS. Pour permettre cette transmission d’information sans le

consentement de l’usager, il faut une ordonnance du tribunal ou d’un coroner ou encore

une disposition expresse inscrite soit dans la LSSSS, soit dans la LPJ. Cette décision de

la Commissaire aux plaintes n’a pas été contestée puisqu’elle est apparue conforme aux

textes de loi. Dans son sens strict, cette décision ne permet pas au DPJ de vérifier avec

un CLSC si un enfant ou ses parents reçoivent des services, ce qui pourrait influencer sa

décision de retenir un signalement ou de statuer que la sécurité ou le développement de

l’enfant est compromis.

Ainsi, en dépit du fait que la LPJ reconnaît un pouvoir d’enquête au DPJ et prévoit une

sanction contre les personnes qui refusent de lui répondre, ce pouvoir apparaît

extrêmement limité à l’intérieur du réseau de la santé et des services sociaux dans la

mesure où l’article 19 de la LSSSS ne permet pas d’avoir accès à l’information détenue

par un professionnel sans le consentement des personnes concernées, soit le

consentement du ou des parents, de l’enfant lui-même s’il est âgé de 14 ans et plus ou de

toute autre personne sur laquelle le DPJ requiert de l’information. Des restrictions

similaires sont aussi présentes pour l’ensemble des professionnels liés par le secret

professionnel en vertu de l’article 60.4 du Code des professions, à moins qu’une loi

n’ordonne expressément la communication de renseignements personnels.

Bien qu’il soit souhaitable d’obtenir le consentement des personnes concernées, il n’est

pas toujours possible de le faire à certaine étapes du processus d’intervention. À l’étape

de la réception et du traitement des signalements plus particulièrement, les parents ou les

personnes en cause ne sont généralement pas informés qu’ils font l’objet d’un

signalement. Avant de retenir un signalement, il est souvent nécessaire de procéder à des

vérifications complémentaires auprès des différents professionnels pour savoir, entre

autres, si l’enfant ou les parents reçoivent déjà des services, vérifier les présomptions de

mauvais traitements ou éviter les risques de fausses allégations. Rappelons ici que plus

de la moitié des signalements ne sont pas retenus (Tourigny et al., 2002), très souvent

après que le DPJ a pu procéder à des vérifications complémentaires.

- 136 -

Durant l’évaluation et au cours de la prise en charge, les parents, l’enfant et, s’il y a lieu,

d’autres personnes concernées par la situation sont systématiquement rencontrés par le

DPJ et il est souvent possible d’obtenir leur consentement à ce que des vérifications

complémentaires soient effectuées. Même s’ils refusent d’autoriser de telles vérifications,

il apparaît néanmoins nécessaire que le DPJ puisse s’assurer du bien-fondé de leurs

allégations. La vérification des faits concernant la situation d’un enfant ne peut se baser

uniquement sur les dires des personnes concernées. Le protocole de réception et de

traitement des signalements ainsi que le protocole d’évaluation élaborés dans le cadre

des travaux du rapport Harvey I (1988), comme les protocoles de collaboration plus

récents avec les établissements du réseau, telle l’Entente-cadre CLSC-Centres jeunesse

(1998), reconnaissent d’ailleurs l’importance de ces vérifications dans l’application de la

LPJ.

Selon les membres du Comité, il demeure essentiel que le DPJ tente d’obtenir le

consentement des personnes concernées chaque fois que cela est possible. Cependant,

afin qu’il soit en mesure d’exercer, dans les faits, le pouvoir d’enquête qui lui est reconnu,

il apparaît indispensable que le DPJ puisse obtenir des renseignements personnels tant

sur l’enfant que sur les parents ou sur toute autre personne mise en cause dans le

signalement, sans qu’il soit toujours possible d’obtenir le consentement préalable des

personnes concernées.

Certes, l’accès à des renseignements personnels sans le consentement des personnes

concernées peut constituer une réelle atteinte à leur vie privée. Cependant, il faut bien

mesurer les effets dommageables qu’entraîne également l’absence d’information pour

prendre une décision éclairée.

D’une part, si, en cours d’évaluation ou durant l’application d’une mesure, le DPJ ne peut

obtenir l’information détenue par un professionnel impliqué ou ayant déjà été impliqué

auprès d’un enfant ou des parents, les décisions qu’il prendra risquent de ne pas assurer

la protection de l’enfant. L’opinion des professionnels intervenant auprès de l’enfant ou

des parents peut s’avérer cruciale pour évaluer le risque couru par l’enfant, telle l’opinion

d’une infirmière assurant le suivi postnatal d’un nouveau-né signalé pour négligence, celle

d’un psychiatre concernant les capacités parentales d’une mère recevant des traitements

pour des problèmes de santé mentale ou les antécédents d’un jeune signalé pour une

tentative de suicide.

CHAPITRE 5 : LE RÉGIME DE CONFIDENTIALITÉ

- 137 -

D’autre part, l’absence d’information peut également entraîner des conséquences non

négligeables pour les parents, en particulier lorsque l’enfant n’a pas besoin d’être protégé.

Par exemple, si le DPJ n’a pas accès à une information minimale avant de décider de

retenir ou non un signalement, il sera dans l’obligation de le retenir et de procéder à une

évaluation plus en profondeur de la situation de l’enfant, ce qui le conduira à s’introduire

davantage dans la vie privée des personnes signalées. Dans bien des cas, l’obtention

d’éléments d’information dans le cadre de vérifications complémentaires permet au DPJ

de s’assurer qu’un enfant n’a pas ou n’a plus besoin de protection et de mettre plus

rapidement un terme à l’intervention.

En conséquence, les membres du Comité proposent de modifier l’article 35.1 et d’ajouter

dans la LPJ une disposition expresse créant une obligation pour les personnes,

organismes ou établissements de communiquer, sur demande, au DPJ, ou aux

personnes qu’il autorise à agir en son nom en vertu des articles 32 et 33, les

renseignements qu’il requiert, et ce, malgré l’article 19 de la LSSSS et les restrictions

concernant le secret professionnel.

Cette transmission d’information devrait néanmoins se limiter aux seuls renseignements

de nature médicale ou sociale concernant l’enfant, ses parents ou la personne mise en

cause dans le signalement et qui sont nécessaires pour assurer la protection de l’enfant.

Selon les membres du Comité, cette obligation doit être précisée à l’article 35.1 afin qu’il

soit clair que le DPJ peut véritablement exercer son pouvoir d’enquête à toutes les étapes

du processus d’intervention.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 5.1 :

Que l’article 35.1 soit modifié afin d’ajouter que les personnes, organismes

ou établissements contactés par le directeur dans le cadre d’une enquête

doivent lui communiquer, sur demande, ou communiquer aux personnes

qu’il autorise à agir en son nom en vertu des articles 32 et 33, les

renseignements qu’il requiert, et ce, malgré l’article 19 de la LSSSS et les

restrictions concernant le secret professionnel.

- 138 -

Qu’il soit en outre précisé que cette transmission d’information :

doit se limiter aux seuls renseignements de nature sociale ou médicale

concernant l’enfant, ses parents ou la personne mise en cause par le

signalement et jugés nécessaires pour assurer la protection de l’enfant;

est possible à toutes les étapes du processus d’intervention, lorsque la

sécurité ou le développement de l’enfant est ou peut être compromis.

2.2. La consultation des dossiers

L’information obtenue dans le cadre de communications de renseignements personnels

avec des professionnels ou avec des personnes pouvant fournir de tels renseignements

peut souvent s’avérer suffisante pour permettre au DPJ de prendre les décisions

requises. Dans certains cas, l’accès, en tout ou en partie, au dossier de l’enfant ou encore

au dossier des personnes mises en cause par le signalement peut néanmoins s’avérer

indispensable.

L’accès aux dossiers des enfants et des parents ayant soulevé des débats à maintes

reprises, il convient de faire état de quelques éléments plus marquants :

Depuis l’adoption de la LPJ en 1977, la Commission des droits de la personne et des

droits de la jeunesse (anciennement le Comité de la protection de la jeunesse) a

accès à tout dossier « pertinent au cas d’un enfant » tenu par un établissement, en

vertu de l’article 26 de la LPJ. Cet accès est donc possible pour toutes les situations

de protection visées à l’article 38 et à toutes les étapes du processus d’intervention. Il

s’agit en outre d’un accès non seulement au dossier de l’enfant, mais également au

dossier de toute personne qui est concernée par sa situation. Enfin, cet accès est

possible malgré l’article 19 de la LSSSS, qui stipule que le dossier de l’usager est

confidentiel.

En 1982, la commission Charbonneau a recommandé que cette possibilité d’accès,

consentie à l’époque au Comité de la protection de la jeunesse, soit également

consentie au DPJ. Elle a en outre recommandé que le DPJ n’ait pas à recourir à

l’autorisation du tribunal pour avoir accès au dossier de l’enfant, sauf si l’établissement

détenteur du dossier s’y objecte.

CHAPITRE 5 : LE RÉGIME DE CONFIDENTIALITÉ

- 139 -

C’est dans le cadre de la révision de la LPJ en 1984 que le DPJ a obtenu le droit

d’accès au dossier d’un enfant par l’introduction d’un nouvel article 36. Si l’autorisation

du tribunal n’est pas requise pour avoir accès au dossier, ce droit est néanmoins

limité, d’une part, aux signalements retenus par le DPJ, et, d’autre part, à trois

situations de protection, soit dans les cas d’abus sexuels, de mauvais traitements

physiques ou lorsque la santé physique de l’enfant est menacée par l’absence de

soins appropriés. Il est aussi limité au dossier de l’enfant seulement.

Le groupe de travail Jasmin est revenu à la charge en 1992 pour recommander que le

DPJ ait accès, comme la Commission des droits de la personne et des droits de la

jeunesse, à tout dossier pertinent au cas d’un enfant :

Il apparaît que, dans l’exercice de ses responsabilités, le directeur de la

protection de la jeunesse devrait avoir le même pouvoir de consultation des

dossiers que celui conféré à la Commission de protection des droits de la

jeunesse à l’article 26, soit celui de consulter tout dossier pertinent à la

situation d’un enfant. (Groupe de travail Jasmin, 1992 : 168)

Cette recommandation n’a toutefois pas été retenue par le législateur dans les

modifications apportées à la Loi en 1994.

En juin et en décembre 1998, la coroner Anne-Marie David a par ailleurs déposé deux

rapports concernant les décès d’une fillette de 5 ans et d’un jeune garçon de 16 ans,

qui mettaient en évidence les limites que rencontre le DPJ dans l’accès à l’information

qui est nécessaire pour protéger un enfant. Dans le premier cas, il s’agissait d’une

enfant ayant été noyée par sa mère, laquelle souffrait de problèmes de santé mentale

et dont la situation faisait l’objet d’une évaluation par le DPJ et, dans le second cas,

d’un jeune qui s’est suicidé alors qu’il était placé en centre de réadaptation et dont les

deux parents avaient des antécédents de problèmes de santé mentale. La coroner

affirme dans son premier rapport :

Conférer à une personne la responsabilité d’évaluer si la maladie mentale du

parent peut représenter un danger pour l’enfant sans donner à ladite

personne accès au passé médical de l’enfant et au(x) dossier(s)

psychiatrique(s) du parent, équivaut à demander à ladite personne d’évaluer

un danger à partir de ouï-dire ou de ce que le parent accepte de divulguer.

(Rapport d’investigation A-112781, 1998 : 17)

- 140 -

Elle recommandait, dans ces deux rapports, de modifier la LPJ pour permettre au DPJ

d’avoir accès au dossier de l’enfant, peu importe le motif du signalement, ainsi qu’aux

dossiers psychiatriques des parents.

Il est également intéressant de relever que la Commission des droits de la personne

et des droits de la jeunesse a aussi effectué une enquête concernant le décès de la

fillette et pris connaissance des recommandations de la coroner David. Dans ses

conclusions, la Commission appuie la possibilité d’élargir l’accès aux dossiers des

enfants et des parents :

Dans un tel contexte, il est difficile de croire que la possibilité ou l’obligation

de signaler qui s’applique aux professionnels peut garantir à elle seule la

protection des enfants. La possibilité pour le directeur de la protection de la

jeunesse d’avoir accès aux dossiers médicaux des parents et un accès élargi

aux dossiers médicaux des enfants devient alors une alternative

envisageable. Cette avenue est néanmoins susceptible de porter atteinte à

des droits fondamentaux et il y a lieu de l’élaborer avec prudence.

(Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 1999,

dossier 96-192, Addenda : 10)

En décembre 2001, à la suite de l’adoption du projet de loi 180, des modifications ont

été apportées à l’article 36 de la LPJ concernant l’accès aux renseignements contenus

dans les dossiers des parents. La Loi autorise maintenant « la communication de tout

renseignement de nature médicale ou sociale consigné au dossier d’une personne,

autre que l’enfant, mise en cause par le signalement ». Cependant, ce droit d’accès ne

s’applique qu’aux signalements retenus en vertu de trois motifs de protection (abus

sexuels, mauvais traitements physiques, santé physique menacée par l’absence de

soins appropriés) et est limité par la nécessité de recourir au tribunal. D’autres

conditions, précisées au troisième alinéa de l’article 36, en limitent également

l’application. Ainsi, l’autorisation du tribunal ne peut être obtenue que si « un danger

menace la vie ou la sécurité de l’enfant concerné par le signalement ou celle d’un

autre enfant » et que l’information est « nécessaire, aux fins de l’évaluation de la

situation de l’enfant ».

L’Équipe de travail sur la modernisation des processus judiciaires en matière

d’administration de la justice à l’égard des jeunes, dont les travaux ont été complétés

à l’automne 2002, a de nouveau reconnu les difficultés du DPJ à avoir accès aux

CHAPITRE 5 : LE RÉGIME DE CONFIDENTIALITÉ

- 141 -

dossiers de l’enfant et des parents à l’intérieur du réseau de la santé et des services

sociaux, mais aussi auprès des professionnels du secteur privé. Elle propose

notamment de modifier l’article 36 de la LPJ afin d’élargir l’accès au dossier de l’enfant

à toutes les situations « où il existe un danger pour la vie ou la santé physique de

l’enfant » (recommandation 70) et de permettre au DPJ l’accès aux dossiers médicaux

et sociaux de l’enfant détenus par des professionnels du secteur public et du secteur

privé (recommandation 72).

Selon les membres du Comité, il apparaît essentiel d’élargir l’accès aux dossiers de

l’enfant. En effet, certaines situations jugées particulièrement préoccupantes par le DPJ et

dans lesquelles l’information contenue dans les dossiers pourrait s’avérer nécessaire pour

assurer la protection de l’enfant ne sont pas couvertes par l’article 36. La situation du

jeune manifestant des problèmes de comportement sérieux ayant fait l’objet de l’enquête

de la coroner David en constitue un exemple éloquent. À l’heure actuelle, le DPJ ne peut

consulter le dossier de l’enfant que s’il a retenu un signalement pour abus sexuels,

mauvais traitements physiques ou parce que la santé physique de l’enfant est menacée

par l’absence de soins appropriés.

En ce qui concerne l’accès aux dossiers des parents, le membres du Comité

reconnaissent que les modifications introduites à l’article 36 à la suite de l’adoption du

projet de loi 180 constituent un pas en avant. Ils estiment néanmoins que les conditions

spécifiées dans la Loi restreignent considérablement la possibilité d’avoir accès à des

renseignements consignés au dossier d’une personne, autre que l’enfant, mise en cause

par le signalement.

Les membres estiment que l’accès aux dossiers sans le consentement des personnes

concernées, même s’il porte atteinte au principe de la confidentialité du dossier de

l’usager, est justifié dans la mesure où il permet de prendre les décisions qui s’imposent

pour assurer la protection de l’enfant.

Une recherche menée en Angleterre (Munro, 1996) sur les décès d’enfants signalés aux

services de protection de la jeunesse révèle que trois des douze décès pour lesquels le

travailleur social avait conclu que l’enfant n’était pas en danger à la suite du signalement

étaient attribuables à l’insuffisance de l’information fournie par les professionnels qui

étaient en contact avec l’enfant. Selon l’auteure, de telles situations constituent des

- 142 -

« erreurs qui auraient pu être évitées » ou, pour reprendre les termes utilisés au Québec

dans le réseau de la santé, des « accidents évitables » (MSSS, 2001b).

Les membres du Comité recommandent ainsi d’élargir la possibilité d’accès du DPJ à tout

dossier pertinent au cas d’un enfant tenu par un établissement. Il s’agit d’un pouvoir qui

se rapprocherait de celui conféré à la Commission des droits de la personne et des droits

de la jeunesse depuis 1977. Les membres recommandent toutefois que ce pouvoir ne

s’applique que lorsqu’un signalement a été retenu et que le DPJ estime nécessaire d’y

recourir pour assurer la protection de l’enfant.

S’inspirant de la recommandation de l’Équipe de travail sur la modernisation des

processus judiciaires en matière d’administration de la justice à l’égard des jeunes, ils

proposent également d’élargir la possibilité d’accès du DPJ à tout dossier pertinent au cas

d’un enfant tenu par un professionnel oeuvrant dans un organisme ou dans un cabinet

privé. Dans le cadre d’un suivi médical, par exemple, plusieurs enfants sont amenés à

rencontrer des professionnels en cabinet privé (médecins de famille, pédiatres). Des

professionnels oeuvrant dans les organismes scolaires sont également fréquemment

consultés.

Dans certains cas, il importe que le DPJ puisse avoir accès à l’ensemble de l’histoire

sociale et médicale de l’enfant afin d’avoir la vision la plus complète possible de sa

situation et d’être en mesure de démontrer à la Cour que l’enfant a besoin de protection.

Ainsi, un enfant victime de mauvais traitements physiques peut avoir été soigné à de

multiples reprises par des médecins différents rencontrés à l’hôpital, au CLSC ou en

cabinet privé. Dans ces situations, il s’avère important que le DPJ puisse avoir accès à

l’ensemble des dossiers tenus sur l’enfant.

Les recommandations formulées par le Comité représentent un élargissement de l’accès

à l’information actuellement autorisé par la LPJ tant en ce qui concerne l’enfant que les

parents ou les autres personnes mises en cause par le signalement. Tout en

reconnaissant l’importance de limiter la possibilité d’atteinte aux droits fondamentaux des

personnes visées par le signalement, et tout particulièrement aux droits des parents, ils

considèrent que la priorité doit être accordée à la protection de l’enfant, qui constitue

également un droit fondamental. À cet égard, la Cour suprême du Canada a d’ailleurs

CHAPITRE 5 : LE RÉGIME DE CONFIDENTIALITÉ

- 143 -

reconnu que lorsque le droit de l’enfant à la protection s’oppose au droit des parents

d’être à l’abri de l’intervention de l’État, le droit de l’enfant doit être privilégié :

Étant donné que les enfants sont des individus vulnérables dans notre société et

étant donné l’intérêt qu’a la société à les protéger contre tout préjudice, le

processus équitable dans le contexte de la protection des enfants doit tenir compte

du fait qu’il faut parfois accorder la priorité à leur vie et à leur santé lorsque la

protection de ces intérêts diverge de celle du droit des parents d’être à l’abri de

l’intervention de l’État. (Winnipeg c. K.L.W., 13 octobre 2000 : 3)

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 5.2 :

Que l’article 36 soit modifié afin d’élargir l’accès aux dossiers de l’enfant, des

parents ou de toute autre personne mise en cause par le signalement.

Qu’il soit ainsi précisé que le directeur ainsi que toute personne qui agit en

vertu des articles 32 ou 33 peuvent avoir accès aux dossiers pertinents au

cas d’un enfant.

Que cet accès s’applique à tout dossier constitué par un établissement,

malgré l’article 19 de la LSSSS, ainsi que par un organisme ou un

professionnel en cabinet privé.

Que cet accès soit limité aux situations où le directeur a retenu un

signalement et qu’il l’estime nécessaire pour assurer la protection de l’enfant.

3. La divulgation de l’information détenue par le DPJ

Les articles 72.5 à 72.8 de la LPJ traitent de la divulgation des renseignements

confidentiels recueillis dans le cadre de l’application de la Loi. L’article 72.6 porte plus

spécifiquement sur la divulgation de ces renseignements aux personnes, organismes ou

établissements avec lesquels le DPJ est amené à collaborer. Cette information peut être

divulguée non seulement dans le cadre d’une enquête du DPJ, mais également dans le

cadre de l’élaboration et de la réalisation du plan d’intervention. Ce partage d’information

est jugé essentiel tant par le DPJ que par ses partenaires.

- 144 -

Le libellé actuel de l’article 72.6 précise que « les renseignements confidentiels peuvent

être divulgués sans l’autorisation de la personne concernée ou l’ordre du tribunal à toute

personne, organisme ou établissement à qui la présente loi confie des responsabilités ».

L’interprétation qui a été le plus couramment donnée à cet article est que le DPJ ne peut

partager l’information avec d’autres professionnels qu’il consulte, à moins que des

responsabilités ne leur aient été confiées dans le cadre de l’application de la LPJ. Lors de

vérifications complémentaires réalisées à l’étape de la réception et du traitement des

signalements ou lors de l’évaluation de la situation de l’enfant, le DPJ est toutefois amené

fréquemment à communiquer avec différents organismes, établissements ou personnes

sans que ceux-ci se soient encore formellement vu confier de responsabilités en vertu de

la Loi. Dans le cadre de ces échanges, il apparaît important que le DPJ puisse divulguer

certains renseignements concernant la situation de l’enfant et de sa famille. De tels

renseignements peuvent être indispensables à une meilleure compréhension de la

situation et faciliter la prise de décision. Les personnes, organismes ou établissements

auxquels le DPJ fait appel peuvent également être davantage en mesure d’exercer un

rôle de vigilance à l’endroit des enfants et des familles visés et constituer ainsi un filet de

sécurité. De l’avis des membres du Comité, ce rôle s’avère essentiel et renvoie

fondamentalement à la responsabilité collective d’assurer la protection des enfants. Les

membres recommandent donc de retirer les termes « à qui la présente loi confie des

responsabilités » et de les remplacer par « appelé à collaborer avec le directeur » afin de

dissiper toute ambiguïté concernant les organismes et établissements auxquels le DPJ

peut divulguer de l’information.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 5.3 :

Que l’article 72.6 soit modifié en retirant les termes « à qui la présente loi

confie des responsabilités » et en les remplaçant par « appelé à collaborer

avec le directeur » afin de dissiper toute ambiguïté concernant les

organismes et établissements auxquels le DPJ peut divulguer de

l’information.

CHAPITRE 5 : LE RÉGIME DE CONFIDENTIALITÉ

- 145 -

4. La conservation de l’information contenue dans les dossiers

du DPJ

Les dispositions relatives à la conservation de l’information contenue dans les dossiers du

DPJ sont précisées aux articles 37.1 à 37.4 de la LPJ. La Loi prévoit des délais de

conservation différents, variant de six mois à cinq ans, selon la décision rendue aux

différentes étapes du processus d’intervention. Par ailleurs, la Commission des droits de

la personne et des droits de la jeunesse (art. 27) et le tribunal (art. 98) peuvent conserver

l’information contenue au dossier jusqu’à ce que l’enfant ait atteint l’âge de 18 ans, peu

importe à quel moment le dossier a été ouvert.

La question des délais de conservation a été examinée de façon détaillée par l’Équipe de

travail sur la modernisation des processus judiciaires en matière d’administration de la

justice à l’égard des jeunes. Un état de la question, préparé par Réjean Dubé, directeur

de la protection de la jeunesse au Centre jeunesse de l’Estrie, a, à cet effet, été soumis à

l’attention des membres de l’Équipe de travail. D’une façon générale, les délais actuels

sont jugés trop courts par les DPJ.

La destruction des dossiers entraîne une perte importante de renseignements qui seraient

pertinents à l’analyse de la situation, tout particulièrement lorsque l’enfant fait l’objet d’un

nouveau signalement. À cet égard, il faut souligner le caractère chronique et récurrent de

nombreuses situations signalées. Selon les données de l’ÉIQ, 23 % des enfants dont le

signalement n’a pas été retenu et 28 % de ceux dont le signalement a été retenu étaient

connus des services de protection parce qu’ils avaient fait l’objet d’un signalement retenu

au cours de l’année précédant le signalement ou d’une prise en charge dans les cinq

années antérieures (Tourigny et al., 2002 : 54).

L’allongement des délais de conservation permettrait de tenir compte de l’information déjà

colligée et de profiter d’une analyse plus large de la situation de l’enfant. Le DPJ serait

ainsi en mesure d’assumer plus adéquatement son mandat de protection. L’importance

de la conservation des dossiers est en outre déjà reconnue à la Commission des droits de

la personne et des droits de la jeunesse et au tribunal.

- 146 -

Les membres du Comité d’experts appuient ainsi la recommandation 73 de l’Équipe de

travail sur la modernisation des processus judiciaires, recommandation qui propose de

revoir à la hausse les délais de conservation de l’information.

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 5.4 :

Que les articles 37.1 à 37.4 soient modifiés afin d’allonger les délais de

conservation de l’information contenue au dossier de l’enfant, tel que le

recommande l’Équipe de travail sur la modernisation des processus

judiciaires en matière d’administration de la justice à l’égard des jeunes.

L’information contenue au dossier de l’enfant devrait être conservée :

pour une période maximale de deux ans :

- lorsque le directeur ne retient pas le signalement;

pour une période maximale de cinq ans :

- lorsque le signalement a été retenu, mais que la sécurité ou le

développement de l’enfant n’est pas compromis;

- lorsque le tribunal infirme la décision du directeur quant au fait que la

sécurité ou le développement de l’enfant est compromis;

- lorsque la décision du directeur ou du tribunal est que la sécurité ou le

développement de l’enfant n’est plus compromis et qu’elle met fin à

l’intervention.

Une deuxième recommandation de l’Équipe de travail sur la modernisation des processus

judiciaires porte sur les modifications à la LPJ concernant la conservation des dossiers

des enfants abandonnés ou adoptables mais non adoptés ainsi que ceux des enfants

placés jusqu’à majorité (recommandation 74). Selon les membres du Comité, ces

modifications législatives devraient plutôt être envisagées dans le cadre de la Loi sur les

archives et des règlements qui en découlent. Les membres suggèrent par conséquent de

préciser dans le texte de loi que l’information contenue au dossier d’un enfant peut être

conservée au-delà des délais prescrits aux articles 37.1 à 37.4 si une autre loi le prévoit.

Une telle disposition permettrait de tenir compte plus généralement de certaines situations

particulières.

CHAPITRE 5 : LE RÉGIME DE CONFIDENTIALITÉ

- 147 -

Les membres du Comité recommandent donc :

Recommandation 5.5 :

Qu’un nouvel article soit ajouté dans la Loi, spécifiant que l’information

contenue au dossier de l’enfant peut être conservée au-delà des délais

prescrits lorsqu’une autre loi le prévoit.

CONCLUSION

- 149 -

CONCLUSION

Depuis la mise en place d’un système cohérent et articulé pour assurer la protection des

enfants au Québec, de nombreux efforts ont été faits par les personnes, les organismes,

les établissements et l’État afin d’améliorer constamment les services aux enfants et à

leur famille. L’évolution du cadre légal a aussi contribué aux progrès accomplis.

Vingt-cinq ans après l’entrée en vigueur de la LPJ, la réalité des enfants et des familles

s’est transformée, les pratiques sociales et judiciaires ont évolué et le développement des

connaissances scientifiques s’est poursuivi. Périodiquement, la Loi s’est ajustée à ces

différentes transformations et, aujourd’hui encore, des correctifs et des ajustements

s’imposent.

L’analyse des principales difficultés d'application de la LPJ permet de proposer plusieurs

changements législatifs. Il faut toutefois se rappeler que de tels changements, tout en

représentant un levier majeur, se doivent d’être accompagnés d’autres moyens d’action

pour effectuer les transformations souhaitées. Il faudra entre autres poursuivre les efforts

concernant la formation et l’amélioration des compétences des différents acteurs qui

interviennent en protection de la jeunesse, ajuster constamment les pratiques sociales et

judiciaires et s’assurer de l’indispensable arrimage des services, tant à l’intérieur du

réseau de la santé et des services sociaux qu’avec les autres réseaux concernés par la

protection des enfants. C’est par la conjugaison de tous ces efforts que les enfants les

plus vulnérables trouveront auprès de leur famille ou dans un autre milieu de vie une

réponse adaptée à leurs besoins fondamentaux.

Les propositions que formulent les membres du Comité d’experts sur la révision de la LPJ

dans le présent rapport constituent une importante contribution à ce vaste chantier d’une

nécessaire transformation de l’ensemble des services aux enfants et aux familles.

Compte tenu qu’une démarche de réflexion similaire a été menée dans le réseau de la

justice, il apparaît prioritaire que les différentes propositions formulées se traduisent

rapidement dans un projet de modification de la Loi, pour faire de la LPJ un outil moderne

et adapté à la réalité des enfants et des familles d’aujourd’hui.

RÉSUMÉ

- 151 -

RÉSUMÉ

Lors des travaux des chantiers jeunesse à l’automne 2001, il a été reconnu que la Loi sur

la protection de la jeunesse (LPJ) est encore une bonne loi qui garantit la protection des

enfants au Québec. Cependant, il était proposé d’apporter certains correctifs pour

permettre un recours plus judicieux à la Loi et en favoriser une application plus

rigoureuse.

Un comité d’experts a été constitué en janvier 2003 par le ministère de la Santé et des

Services sociaux (MSSS) pour procéder à la révision du volet social de la LPJ. Les

membres du Comité ont analysé les avis, les études et les propositions de révision déjà

formulés. Ils ont tenu compte des intentions qu’avait le législateur en 1977 lors de

l’adoption de la Loi et des principales modifications législatives introduites en 1984 et en

1994 à la suite du Rapport de la Commission parlementaire spéciale sur la protection de

la jeunesse (rapport Charbonneau) et du Rapport du groupe de travail sur l’évaluation de

la Loi sur la protection de la jeunesse (rapport Jasmin). Ils ont porté une attention

particulière à la jurisprudence qui s’est développée au fil des ans et ont tenu compte de

l’évolution des connaissances et des pratiques, tant au Québec qu’ailleurs.

Les recommandations des membres du Comité sont regroupées sous les cinq thèmes sur

lesquels ont porté leurs analyses :

la déclaration de principes et les droits des enfants et des parents;

les motifs d’intervention en protection de la jeunesse;

le projet de vie permanent;

les rôles et responsabilités du directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) et

des établissements ou organismes dispensateurs de services;

le régime de confidentialité.

1. La déclaration de principes et les droits des enfants et des parents

La LPJ, adoptée en décembre 1977, mettait surtout l’accent sur les droits reconnus

aux enfants et énonçait quelques principes généraux. C’est dans les modifications

législatives ultérieures que les rôles et responsabilités des parents ont davantage été

affirmés.

Sans remettre en cause les principes actuels de la Loi et les droits reconnus aux

enfants et aux parents, les membres du Comité proposent de les reformuler, de les

ordonner et d’en ajouter d’autres. Ils recommandent de faire deux sections

différentes : une sur les principes et une autre sur les droits. Ils proposent également

- 152 -

de mettre davantage en évidence l’objet de la Loi, qui est d’assurer la protection d’un

enfant en permettant de mettre fin à la situation qui compromet sa sécurité ou son

développement et d’éviter qu’elle ne se reproduise.

En ce qui concerne les principes généraux, les membres du Comité réaffirment que le

premier principe de la Loi est que toutes les décisions prises le soient dans l’intérêt de

l’enfant et dans le respect de ses droits. Ils reconnaissent que les parents sont les

premiers responsables de répondre aux besoins de leurs enfants et d’assurer leur

protection. Plutôt que d’affirmer le principe du maintien de l’enfant dans son milieu

familial, les membres du Comité recommandent de faire ressortir davantage

l’importance de la continuité des soins et de la stabilité des liens et des conditions de

vie pour l’enfant. Ils insistent également sur l’importance d’élaborer, pour chaque

enfant placé, un projet de vie permanent en privilégiant le milieu familial et la famille

élargie. Ils réaffirment la nécessité d’agir avec diligence. Ils recommandent que toute

intervention, tant sociale que judiciaire, privilégie l’utilisation d’approches

consensuelles et proposent enfin d’affirmer plus clairement que la protection des

enfants est une responsabilité collective.

Dans la nouvelle section sur les droits des enfants et des parents, les membres du

Comité proposent d’ajouter le droit de l’enfant à la protection, que l’on retrouve dans

d’autres textes de loi. Ils recommandent de réaffirmer, mais aussi de préciser

davantage, les droits des enfants et des parents d’être informés, d’être entendus et

d’avoir accès à des services adéquats, tout en maintenant les autres droits qui leur

sont reconnus.

2. Les motifs d’intervention en protection de la jeunesse

Malgré les modifications législatives apportées au cours des ans concernant les

différentes situations qui peuvent donner ouverture à la LPJ, leur interprétation et leur

application soulèvent encore de nombreuses difficultés. Afin de maintenir le caractère

exceptionnel du recours à la LPJ, il a été reconnu qu’il fallait mieux circonscrire les

situations qui requièrent la protection d’un enfant par l’État.

Les membres du Comité ont d’abord reconnu l’importance d’introduire dans le texte de

loi les quatre facteurs qui sont couramment utilisés pour déterminer le besoin de

protection, soit les faits, la vulnérabilité de l’enfant, la capacité parentale et la capacité

du milieu. Pour tenir compte de l’évolution des pratiques et des connaissances

scientifiques, les membres proposent de regrouper les motifs d’intervention en

protection de la jeunesse en six problématiques : l’abandon, la négligence, les

RÉSUMÉ

- 153 -

mauvais traitements psychologiques, l’abus sexuel, l’abus physique et les troubles de

comportement. Pour les autres situations où la sécurité ou le développement peut être

compromis, soit la non-fréquentation scolaire, la fugue et l’abandon lors d’un

placement, il est recommandé de les considérer comme des éléments faisant partie

de l’une ou l’autre des problématiques retenues.

Quelques changements sont proposés concernant la définition de chacune des

formes d’abandon considérées : les abandons dus au décès des parents, les

abandons dus au non-exercice des responsabilités parentales et les abandons à la

suite d’un placement en ressource d’accueil.

La problématique de la négligence est complètement reformulée et met davantage

l’accent sur l’absence de réponse aux besoins de base de l’enfant, tant sur le plan

physique et sur le plan de la santé que sur le plan éducatif. Pour les membres du

Comité, il faut aussi prévoir qu’un enfant pourrait être victime de négligence lorsqu’il

court un risque sérieux que ses parents ou la personne qui en a la garde ne puissent

pas répondre à ses besoins de base.

Les membres du Comité recommandent d’introduire plus explicitement dans la LPJ

les mauvais traitements psychologiques comme motif d’intervention, bien que

certaines formes de mauvais traitements psychologiques y soient déjà reconnues.

Cependant, ce motif doit être circonscrit d’une part en fonction de la gravité ou de la

chronicité des comportements des parents ou de la personne qui a la garde de

l’enfant et d’autre part en fonction du préjudice causé à l’enfant.

Les problématiques de l’abus sexuel et de l’abus physique posent généralement

moins de difficultés d’interprétation. Les membres du Comité proposent de prendre en

considération la capacité des parents de protéger leur enfant, lorsque c’est une

personne autre que les parents qui pose des gestes d’abus. Pour les deux

problématiques, des paragraphes distincts devraient être inscrits dans la Loi pour les

cas où il y a un risque sérieux que l’enfant soit victime d’un abus sexuel ou d’un abus

physique.

Enfin, les membres du Comité proposent des modifications importantes à la définition

des troubles de comportement qui doivent être traités dans le cadre de la LPJ. Ils

recommandent que l’enfant soit considéré comme manifestant des troubles de

comportement lorsqu’il porte atteinte à son intégrité physique ou psychologique de

façon grave ou persistante et que ses parents ne prennent pas ou ne parviennent pas

à prendre les moyens nécessaires pour corriger la situation.

- 154 -

3. Le projet de vie permanent

La préoccupation à l’endroit de l’élaboration d’un projet de vie permanent pour chaque

enfant placé est présente depuis l’entrée en vigueur de la Loi et elle a été maintes fois

reprise par différents groupes de travail. Le développement des connaissances et des

pratiques a également contribué à en accroître l’importance, particulièrement pour les

plus jeunes enfants.

Malgré les efforts déployés, il est toutefois reconnu que l’absence de balises légales

claires a freiné le développement de pratiques sociales et judiciaires qui favorisent la

stabilisation de la situation des enfants à plus long terme.

Les membres du Comité suggèrent d’introduire dans la déclaration de principes la

reconnaissance formelle de l’importance de la continuité et de la stabilité pour l’enfant.

Ils insistent sur la nécessité d’orienter les enfants placés vers un projet de vie

permanent, dans le plus court délai possible. Ils recommandent de déterminer la

durée d’une mesure de placement, volontaire ou ordonnée, en fonction de l’âge de

l’enfant et d’ajuster en conséquence les délais pour la révision effectuée par le DPJ.

Pour favoriser l’actualisation d’un projet de vie permanent pour chaque enfant placé,

les membres du Comité ont procédé à l’analyse de cinq possibilités de projets de vie

et ont fait des recommandations à leur sujet. Ils continuent de croire que la première

option à privilégier est la réinsertion de l’enfant dans son milieu familial. À défaut de

pouvoir réaliser cette réinsertion dans des délais raisonnables, il faut maintenir l’enfant

dans un autre milieu d’appartenance ou l’orienter vers un tel milieu, en privilégiant

d’abord des mesures plus permanentes, telles que l’adoption et la tutelle. Pour faire

face aux obstacles d’ordre économique qui freinent le recours à des mesures

d’adoption ou de tutelle, des règlements sur l’aide financière doivent être révisés ou

créés. Les membres du Comité reconnaissent que, pour certains enfants, le

placement à long terme en ressource d’accueil sera la meilleure option à retenir. Quel

que soit le nouveau milieu d’appartenance, les membres du Comité insistent sur la

mise à contribution, dans la mesure du possible, des ressources que peut offrir la

famille élargie.

4. Les rôles et responsabilités du DPJ et des établissements ou organismes

dispensateurs de services

Lors de l’adoption de la LPJ, il avait été clairement établi que le DPJ devait compter

sur un réseau de services, soit pour intervenir en amont avant l’émergence des

RÉSUMÉ

- 155 -

besoins de protection d’un enfant, soit pour contribuer à l’application des mesures de

protection. Malgré les efforts fournis de part et d’autre, l’arrimage des services de

protection avec l’ensemble des réseaux de services soulève encore de nombreuses

difficultés.

Les membres du Comité proposent d’apporter quelques modifications au libellé de

l’article sur les responsabilités exclusives du DPJ. En concordance avec des

orientations déjà adoptées par les DPJ, ils recommandent d’introduire dans la Loi une

section sur la réception et le traitement des signalements et la possibilité pour le DPJ

de convenir avec les parents et l’enfant d’une convention intérimaire durant le

processus d’évaluation. Ils suggèrent aussi d’introduire dans la Loi un rappel

permettant de privilégier des approches consensuelles à l’étape de l’orientation. Sans

en faire une modification législative, ils recommandent d’encourager le recours à des

mesures d’intervention terminale et de revoir la pratique à cet égard.

Lors de l’application d’une mesure de protection, avec ou sans hébergement, les

membres du Comité proposent de bien distinguer les responsabilités qui

appartiennent au DPJ de celles qui relèvent des personnes, des établissements ou

des organismes auxquels il fait appel pour donner les services. Ils ont aussi prévu un

recours exceptionnel au tribunal, par le DPJ, l’enfant ou ses parents, pour une lésion

de droits, lorsque les établissements ou les organismes ne prennent pas tous les

moyens à leur disposition pour fournir les services requis.

Lorsque la sécurité ou le développement de l’enfant n’est pas ou n’est plus compromis, la

Loi prévoit des responsabilités au DPJ, mais n’en établit aucune pour les établissements

ou organismes dispensateurs de services. Les membres du Comité ont donc proposé

d’apporter quelques modifications aux responsabilités du DPJ et de prévoir dans la LPJ

l’obligation, pour les établissements ou les organismes auxquels le DPJ le demande,

d’accueillir l’enfant et ses parents, de procéder à l’évaluation de leurs besoins et, s’il y a

lieu, de donner les services requis.

5. Le régime de confidentialité

Les questions relatives à la communication de renseignements personnels ont

soulevé des difficultés et suscité de nombreux débats, depuis les débuts de

l’application de la LPJ. Malgré quelques modifications à la Loi, toutes les tentatives

d’élargir les possibilités de communication se sont butées à diverses contraintes

législatives qui ont rendu difficile et même parfois impossible d’assurer la protection

adéquate des enfants. Les membres du Comité ont étudié plus spécifiquement les

- 156 -

difficultés qu’éprouve le DPJ dans la réalisation de son mandat en ce qui concerne

l’accès aux renseignements personnels, leur divulgation et leur conservation.

Même si la Loi reconnaît au DPJ un pouvoir d’enquête et prévoit des sanctions contre

les personnes qui refusent de lui répondre, d’autres lois ne permettent pas la

communication de renseignements personnels sans le consentement de l’usager. Les

membres du Comité ont donc recommandé que les personnes, les établissements ou

les organismes soient soustraits aux restrictions prévues dans la Loi sur les services

de santé et les services sociaux et à celles concernant le secret professionnel lorsque

le DPJ procède à une enquête. Ils reconnaissent que la communication de

renseignements personnels entre professionnels constitue une intrusion moins grande

dans la vie privée des familles, dans la mesure où l’absence d’information oblige le

DPJ à retenir un signalement et à procéder à l’évaluation de la situation d’un enfant ou

à se rendre sur place pour consulter les dossiers tenus par d’autres établissements.

Lorsqu’il est nécessaire de consulter les dossiers de l’enfant, des parents ou des

autres personnes mises en cause, les membres proposent d’élargir les possibilités

d’accès à ces dossiers. Comme la Commission des droits de la personne et des droits

de la jeunesse, le DPJ devrait avoir accès au « dossier pertinent au cas d’un enfant »,

dans toutes les situations de protection prévues dans la Loi. Cet accès au dossier

devrait aussi s’appliquer à tout dossier constitué par un établissement, un organisme

ou un professionnel en cabinet privé. Cependant, les membres recommandent de

limiter l’accès au dossier aux situations où le signalement est retenu et dans la

mesure où la consultation du dossier est nécessaire pour assurer la protection de

l’enfant.

Compte tenu que la protection de la jeunesse est reconnue comme une responsabilité

collective et que les personnes, organismes ou établissements consultés par le DPJ

peuvent exercer un rôle de vigilance, les membres du Comité considèrent que le DPJ

devrait pouvoir divulguer certains renseignements personnels recueillis dans l’exercice

de son mandat.

Pour éviter la perte importante de renseignements qu’entraîne la destruction trop

rapide des dossiers constitués par le DPJ, les membres du Comité recommandent

enfin d’allonger les délais actuels de conservation des dossiers.

- 157 -

LISTE DES RECOMMANDATIONS

R 1.1 Que le champ d’application de la Loi soit précisé en ajoutant, à

l’article 2, que la sécurité ou le développement d’un enfant est

considéré comme compromis lorsqu’il ne reçoit pas ce qui est

essentiel pour répondre à ses besoins fondamentaux.

R 1.2 Que l’objet de la LPJ soit spécifié dans le chapitre portant sur son

interprétation et son application.

À cette fin, qu’il soit mentionné que la Loi a pour but d’assurer la

protection d’un enfant en permettant de mettre fin à la situation

qui compromet sa sécurité ou son développement et d’éviter

qu’elle ne se reproduise.

R 1.3 Que les droits et les principes reconnus dans la Loi soient traités

dans deux sections distinctes et que la section sur les droits soit

intitulée : « Droits des enfants et des parents ».

R 1.4 Qu’il soit établi clairement que le principe de l’intérêt de l’enfant et

du respect de ses droits constitue le principe premier de la LPJ,

ayant préséance sur tous les autres.

R 1.5 Que le principe de la primauté de la responsabilité parentale,

défini à l’article 2.2, soit reconnu comme le deuxième principe en

importance dans la Loi.

R 1.6 Que l’article 4 soit modifié afin que le principe de la continuité des

soins et de la stabilité des liens et des conditions de vie de

l’enfant soit d’abord mentionné comme devant guider toutes les

décisions prises à l’égard de l’enfant en vertu de la Loi.

Qu’il soit de plus indiqué :

qu’à cette fin, les décisions prises doivent tendre à maintenir

l’enfant ou à le réinsérer dans son milieu familial;

que lorsque le maintien ou la réinsertion de l’enfant dans son

milieu familial n’est pas possible, ces décisions doivent

tendre à lui assurer un milieu de vie stable se rapprochant le

plus possible d’un milieu familial normal.

R 1.7 Qu’un nouveau principe soulignant l’importance d’élaborer un

projet de vie permanent pour chaque enfant placé soit introduit

dans la Loi.

- 158 -

Qu’il soit ainsi mentionné, dans un nouvel article, que, lorsqu’il

faut procéder au placement de l’enfant, tous les moyens doivent

être pris pour :

favoriser l’implication des parents;

déterminer, dans un délai raisonnable et dans une

perspective de projet de vie permanent, les possibilités de

retour de l’enfant dans son milieu familial ou de son maintien

dans un milieu de vie substitut.

Qu’il soit en outre précisé que le choix d’un milieu de vie substitut

doit tenir compte de la proximité des ressources choisies et des

possibilités de mettre à contribution la famille élargie.

R 1.8 Que l’importance d’agir avec diligence compte tenu que la notion

de temps est différente pour l’enfant soit plus clairement mise en

relief dans la Loi.

À cette fin, que le paragraphe 5º de l’article 2.4 soit modifié pour

en faire un article spécifique.

R 1.9 Qu’un nouveau principe affirmant l’importance de favoriser

l’utilisation d’approches consensuelles, centrées sur la médiation

et la conciliation, soit introduit dans la Loi.

Qu’il soit ainsi mentionné, dans un nouvel article, que toute

intervention, tant sociale que judiciaire, auprès d’un enfant ou de

ses parents en vertu de la Loi doit :

privilégier les moyens qui leur permettent de participer

activement à la prise de décision et au choix des mesures qui

les concernent;

faciliter, lorsque la situation le permet, par la médiation, la

conciliation ou tout autre mode analogue, des ententes

consensuelles.

R 1.10 Que l’importance de la prévention et de la participation de la

communauté soit davantage mise en évidence dans la Loi.

Qu’il soit clairement énoncé, dans un nouvel article, que la

protection des enfants est une responsabilité collective.

Qu’il soit en outre précisé :

qu’il incombe aux organismes et aux établissements ayant

des responsabilités envers l’enfant et ses parents de prendre

tous les moyens à leur disposition pour les soutenir afin de

prévenir le recours à la Loi, contribuer à mettre fin à la

situation qui compromet la sécurité ou le développement de

l’enfant et éviter qu’elle ne se reproduise;

qu’il incombe également à toute personne de contribuer à la

protection des enfants selon les moyens à sa disposition.

- 159 -

R 1.11 Que le droit à la protection, reconnu dans la Charte des droits et

libertés de la personne (art. 39) et dans le Code civil du Québec

(art. 32), soit inscrit dans la Loi, afin de souligner l’importance

fondamentale qu’il revêt dans le cadre de l’application de la LPJ.

R 1.12 Que l’article 5 soit scindé en deux afin de faire ressortir deux

droits distincts :

le droit de l’enfant et des parents d’être informés des droits

que leur confère la Loi;

le droit d’obtenir une description des mesures de protection

ainsi que, tel que le prévoit la LSSSS, un plan d’intervention

et, s’il y a lieu, un plan de services individualisé.

R 1.13 Que les principes énoncés aux paragraphes 2º et 3º de

l’article 2.4 soient reformulés sous forme d’un droit de l’enfant et

des parents à ce que l’information qui leur est donnée dans le

cadre de la Loi le soit dans un langage adapté et

compréhensible.

Qu’il soit indiqué de plus que les personnes à qui la Loi confie

des responsabilités doivent prendre les moyens nécessaires pour

permettre à l’enfant et à ses parents d’avoir la meilleure

compréhension possible de cette information.

R 1.14 Que le paragraphe 4º de l’article 2.4 soit rattaché à l’article 6,

lequel concerne le droit de l’enfant et des parents d’être

entendus.

Qu’il soit ajouté à l’article 6 que les points de vue et les

préoccupations de l’enfant et des parents doivent être pris en

considération et que, si on ne peut en tenir compte, ils doivent en

connaître la raison.

R 1.15 Qu’il soit ajouté à l’article 8 que le droit de recevoir des services

de santé et des services sociaux adéquats s’applique également

aux parents.

R 2.1 Qu’il soit précisé, au début de l’article 38, que la sécurité ou le

développement d’un enfant est considéré comme compromis

lorsqu’il ne reçoit pas ce qui est essentiel pour répondre à ses

besoins fondamentaux.

Qu’il soit également mentionné à l’article 38 que les décisions

prises en vertu de cet article doivent s’appuyer sur une évaluation

de la situation de l’enfant qui prend en considération :

- 160 -

la nature, la gravité, la chronicité et la fréquence des faits

signalés;

l’âge et les caractéristiques personnelles de l’enfant;

la capacité et la volonté des parents de corriger la situation;

les ressources du milieu pour venir en aide à l’enfant et à ses

parents.

R 2.2 Que l’article 38.1 soit abrogé et que les situations visées par cet

article soient considérées à l’intérieur des motifs d’intervention

précisés à l’article 38.

R 2.3 Que les motifs d’intervention en vertu de la Loi soient regroupés

sous les six grandes problématiques suivantes :

abandon

négligence

mauvais traitements psychologiques

abus sexuel

abus physique

troubles de comportement

Que ces motifs soient énumérés au début de l’article 38.

Que la sécurité ou le développement d’un enfant soit ainsi

considéré comme compromis lorsqu’il ne reçoit pas ce qui est

essentiel pour répondre à ses besoins fondamentaux en raison

d’un abandon, d’une négligence, de mauvais traitements

psychologiques, d’un abus sexuel, d’un abus physique ou de

troubles de comportement.

R 2.4 Que le deuxième alinéa de l’article 38 soit fusionné avec le

paragraphe a de façon à regrouper les éléments faisant référence

aux abandons dus au décès des parents.

Concernant les situations d’abandon dues au non-exercice des

responsabilités parentales, qu’il soit précisé que la sécurité ou le

développement de l’enfant est compromis lorsque les parents

n’assument pas de fait le soin, l’entretien ou l’éducation de

l’enfant et que ces responsabilités ne sont pas assumées par

une autre personne.

Que les situations d’abandon à la suite d’un placement en

ressource d’accueil soient traitées à l’intérieur du paragraphe 38a

et qu’elles soient définies comme des situations où les parents ne

maintiennent pas de liens significatifs avec leur enfant.

- 161 -

Que l’enfant soit ainsi considéré comme victime d’un abandon :

si ses parents ne vivent plus et qu’aucune autre personne qui

en tient lieu n’en assume de fait le soin, l’entretien et

l’éducation, compte tenu de ses besoins;

si ses parents n’en assument pas de fait le soin, l’entretien ou

l’éducation et que ces responsabilités ne sont pas assumées

par une autre personne;

si, alors qu’il est confié à un établissement ou à une famille

d’accueil, ses parents ne maintiennent pas de liens significatifs

avec lui.

R 2.5 Que la formulation des paragraphes 38b, c, d, e, et f, qui, de

façon courante, sont associés à la négligence, soit révisée en

entier.

R 2.6 Que les différentes formes de négligence soient précisées dans

la Loi.

Que l’enfant soit ainsi considéré comme victime de négligence

lorsque ses parents ou la personne qui en a la garde :

n’assurent pas, sur le plan physique, la satisfaction de ses

besoins d’ordre alimentaire, vestimentaire, d’hygiène ou de

logement;

ne lui permettent pas, sur le plan de la santé, de recevoir les

soins que requiert sa santé physique ou mentale;

ne lui fournissent pas, sur le plan éducatif, une surveillance

ou un encadrement adéquats ou ne prennent pas les moyens

nécessaires pour assurer sa scolarisation.

Que les situations de négligence psychologique soient traitées

dans un paragraphe portant spécifiquement sur les mauvais

traitements psychologiques.

R 2.7 Que les situations présentant un risque de négligence soient

traitées dans un paragraphe spécifique de l’article 38.

Qu’il soit précisé que le risque doit être sérieux pour donner lieu à

l’application de la Loi.

Que l’enfant soit ainsi considéré comme pouvant être victime de

négligence lorsqu’il court un risque sérieux que ses parents ou la

personne qui en a la garde :

n’assurent pas, sur le plan physique, la satisfaction de ses

besoins d’ordre alimentaire, vestimentaire, d’hygiène ou de

logement;

ne lui permettent pas, sur le plan de la santé, de recevoir les

soins que requiert sa santé physique ou mentale;

- 162 -

ne lui fournissent pas, sur le plan éducatif, une surveillance

ou un encadrement adéquats ou ne prennent pas les moyens

nécessaires pour assurer sa scolarisation.

R 2.8 Que les mauvais traitements psychologiques soient reconnus

plus explicitement dans la Loi comme motif d’intervention.

Que certaines formes de mauvais traitements psychologiques

soient spécifiées dans la Loi et renvoient à des actions ou à des

omissions, tels l’indifférence, le dénigrement, le rejet affectif,

l’isolement, l’exploitation, les menaces ou un climat de violence,

commises par les parents ou la personne qui a la garde de

l’enfant.

Qu’il soit en outre précisé que les mauvais traitements

psychologiques doivent être graves ou continus et causer un

préjudice à l’enfant pour donner lieu à l’application de la Loi.

R 2.9 Qu’une distinction quant à l’auteur de l’abus sexuel soit

réintroduite dans le libellé de l’article 38 et qu’il soit spécifié qu’il y

a une présomption de compromission si l’abus sexuel est commis

par une autre personne et que les parents ne prennent pas les

moyens nécessaires pour protéger leur enfant.

Que l’enfant soit ainsi considéré comme victime d’un abus sexuel

lorsqu'il subit des gestes à caractère sexuel infligés par ses

parents ou par une autre personne et que ses parents ne

prennent pas les moyens nécessaires pour le protéger.

R 2.10 Que l’obligation de signaler toutes les situations d’abus sexuel, tel

que le prévoit l’article 39, soit maintenue, compte tenu qu’il

appartient au DPJ de vérifier les mesures prises par les parents

pour protéger l’enfant.

R 2.11 Que les situations présentant un risque d’abus sexuel soient

traitées dans un paragraphe spécifique de l’article 38.

Qu’il soit précisé que le risque doit être sérieux pour donner lieu à

l’application de la Loi.

Que l’enfant soit ainsi considéré comme pouvant être victime d’un

abus sexuel lorsqu'il court un risque sérieux de subir des gestes à

caractère sexuel infligés par ses parents ou par une autre

personne et que ses parents ne prennent pas les moyens

nécessaires pour le protéger.

R 2.12 Que les situations de mauvais traitements physiques par suite

d’excès soient traitées dans un paragraphe spécifique de

l’article 38.

- 163 -

Que les termes « mauvais traitements physiques par suite

d’excès » soient remplacés par ceux d’« abus physique ».

Que les situations de mauvais traitements physiques par suite de

négligence soient traitées avec les autres formes de négligence.

R 2.13 Qu’une distinction quant à l’auteur de l’abus physique soit

réintroduite dans le libellé de l’article 38 et qu’il soit spécifié qu’il y

a une présomption de compromission si l’abus physique est

commis par une autre personne et que les parents ne prennent

pas les moyens nécessaires pour protéger leur enfant.

Que l’enfant soit ainsi considéré comme victime d’un abus

physique lorsqu'il subit des sévices corporels ou est soumis à des

méthodes éducatives déraisonnables infligés par ses parents ou

par une autre personne et que ses parents ne prennent pas les

moyens nécessaires pour le protéger.

R 2.14 Que l’obligation de signaler toutes les situations d’abus physique,

tel que le prévoit l’article 39, soit maintenue, compte tenu qu’il

appartient au DPJ de vérifier les mesures prises par les parents

pour protéger l’enfant.

R 2.15 Que les situations présentant un risque d’abus physique soient

traitées dans un paragraphe spécifique de l’article 38.

Qu’il soit précisé que le risque doit être sérieux pour donner lieu à

l’application de la Loi.

Que l’enfant soit ainsi considéré comme pouvant être victime d’un

abus physique lorsqu’il court un risque sérieux de subir des

sévices corporels ou d'être soumis à des méthodes éducatives

déraisonnables infligés par ses parents ou par une autre

personne et que ses parents ne prennent pas les moyens

nécessaires pour le protéger.

R 2.16 Que les situations de troubles de comportement pouvant donner

lieu à l’application de la LPJ soient définies comme des situations

où l’enfant porte atteinte à son intégrité physique ou

psychologique de façon grave ou persistante.

Que les éléments relatifs à la volonté et à la capacité des parents

d’exercer leurs responsabilités parentales soient reformulés afin

de clarifier l’interprétation qu’il faut en faire.

Que l’enfant soit ainsi considéré comme manifestant des troubles

de comportement lorsqu’il porte atteinte à son intégrité physique

ou psychologique de façon grave ou persistante et que ses

- 164 -

parents ne prennent pas ou ne parviennent pas à prendre les

moyens nécessaires pour corriger la situation.

R 2.17 Que l’absentéisme scolaire et la fugue soient considérés comme

faisant partie des éléments à prendre en considération dans

l’évaluation de la situation et non comme des motifs d’intervention

en soi.

R 3.1 Qu’un nouvel article soit introduit dans la Loi, à la suite de

l’article 54, précisant des durées maximales de placement en

fonction de l’âge de l’enfant dans le cadre d’une mesure de

placement volontaire (art. 54j).

La durée totale d’un placement ne devrait pas excéder :

12 mois si l’enfant a moins de 2 ans;

18 mois si l’enfant est âgé de 2 à 5 ans;

24 mois si l’enfant est âgé de 6 ans et plus.

Qu’il soit en outre mentionné :

que lorsqu’il détermine la durée du placement, le directeur

doit prendre en considération les placements antérieurs de

l’enfant;

qu’à l’expiration du délai prévu, si la sécurité ou le

développement de l’enfant est toujours compromis, le

directeur doit, dans une perspective de projet de vie

permanent, saisir le tribunal en vue d’obtenir une ordonnance

qui favorisera la continuité des soins et la stabilité des liens

et des conditions de vie de l’enfant à plus long terme;

que le directeur ne devrait toutefois pas avoir à saisir le

tribunal si un projet de réinsertion de l’enfant dans son milieu

familial est prévu à court terme.

R 3.2 Qu’un nouvel article soit introduit dans la Loi, à la suite de

l’article 91, précisant des durées maximales de placement en

fonction de l’âge de l’enfant dans le cadre d’une mesure de

placement ordonnée (art. 91j).

La durée totale d’une première mesure de placement, à

l’exception d’une mesure provisoire appliquée en vertu de

l’article 79, ne devrait pas excéder :

12 mois si l’enfant a moins de 2 ans;

18 mois si l’enfant est âgé de 2 à 5 ans;

24 mois si l’enfant est âgé de 6 ans et plus.

- 165 -

Qu’il soit en outre mentionné :

que lorsqu’il détermine la durée du placement, le tribunal doit

prendre en considération les placements antérieurs de

l’enfant;

que lorsque le tribunal est saisi de la situation d’un enfant à la

suite de l’application d’une mesure de placement volontaire, il

doit tenir compte de la durée de ce placement dans le calcul

de la durée du placement ordonné;

qu’à l’expiration du délai prévu, si la sécurité ou le

développement de l’enfant est toujours compromis, les

mesures ordonnées doivent, dans une perspective de projet

de vie permanent, tendre à favoriser la continuité des soins et

la stabilité des liens et des conditions de vie de l’enfant à plus

long terme.

R 3.3 Que le Règlement sur la révision de la situation d’un enfant soit

révisé afin d’y introduire des délais concernant la détermination

de mesures visant la stabilisation de la situation de l’enfant à plus

long terme dans le but de lui assurer un projet de vie permanent.

R 3.4 Que l’article 57 soit modifié en précisant que le directeur doit

réviser périodiquement le cas de chaque enfant dont il a pris la

situation en charge, selon des délais prévus par règlement.

Que, le cas échéant et dans une perspective de projet de vie

permanent, il doit vérifier que toutes les mesures sont prises pour

assurer la continuité des soins et la stabilité des liens et des

conditions de vie de l’enfant à plus long terme.

R 3.5 Que le paragraphe a de l’article 91 soit modifié en ajoutant la

réinsertion de l’enfant dans son milieu familial parmi les mesures

pouvant être ordonnées par le tribunal lorsque la sécurité ou le

développement de l’enfant est compromis.

R 3.6 Que les pratiques cliniques actuelles en matière d’élaboration de

projets de vie permanents soient revues.

R 3.7 Que le Règlement sur l’aide financière pour favoriser l’adoption

d’un enfant soit révisé afin d’accroître la durée du soutien offert

aux parents adoptifs.

R 3.8 Que le ministère de la Santé et des Services sociaux, en

collaboration avec le ministère de la Justice, examine la faisabilité

- 166 -

de la mise en place d’une mesure de tutelle pouvant être

ordonnée par la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec.

Qu’un nouveau règlement permette d’accorder une aide

financière à la personne qui exerce une tutelle à la suite d’une

décision judiciaire dans le cadre de l’élaboration d’un projet de vie

permanent.

R 4.1 Que le paragraphe b de l’article 32 soit modifié de façon à

préciser que le directeur détient non seulement la responsabilité

de statuer sur la compromission du développement ou de la

sécurité de l’enfant, mais également celle de procéder à

l’évaluation.

R 4.2 Que les paragraphes a et e de l’article 32 soient modifiés afin de

les rendre plus conformes à la pratique actuelle :

que le paragraphe a, « déterminer la recevabilité du

signalement de la situation d’un enfant dont la sécurité ou le

développement est ou peut être considéré comme

compromis », soit remplacé par : « recevoir et traiter un

signalement et décider s’il doit être retenu pour évaluation »;

que le paragraphe e, « décider de fermer le dossier », soit

remplacé par : « mettre fin à l’intervention si la sécurité ou le

développement d’un enfant n’est pas ou n’est plus

compromis ».

R 4.3 Qu’une nouvelle section portant sur la réception et le traitement

des signalements soit introduite dans la Loi, avant la section

portant sur les mesures d’urgence.

R 4.4 Que, tel que le recommande l’Équipe de travail sur la

modernisation des processus judiciaires en matière

d’administration de la justice à l’égard des jeunes, la Loi prévoie

la possibilité de recourir à des mesures consensuelles pendant

l’évaluation du DPJ.

À cette fin, qu’un nouvel article soit introduit dans la Loi, à la suite

de l’article 49, permettant au directeur de convenir, avec un

parent, et si possible les deux, ainsi qu’avec l’enfant, d’une

convention intérimaire dans le cadre du processus d’évaluation.

Qu’il soit en outre spécifié :

que la convention intérimaire peut comprendre l’une ou

plusieurs des mesures applicables en vertu de l’article 54;

qu’elle ne peut excéder 30 jours et qu’elle peut toutefois être

prolongée jusqu’à la première date d’audition au tribunal, pour

une période ne dépassant pas 30 jours;

- 167 -

que les parents et l’enfant, s’il est âgé de 14 ans et plus,

doivent y consentir par écrit;

que l’adhésion de l’enfant de moins de 14 ans doit également

être favorisée lorsque ses parents acceptent de signer la

convention;

que les parents et l’enfant doivent en outre être informés que

la signature d’une convention intérimaire ne constitue en

aucun cas une reconnaissance du fait que la sécurité ou le

développement de l’enfant est compromis et qu’ils peuvent

refuser de signer une telle entente et s’en retirer en tout

temps.

R 4.5 Que l’utilisation d’approches consensuelles à l’étape de

l’orientation soit favorisée dans la Loi.

À cette fin, que l’article 51 soit modifié en y ajoutant que, au

moment de prendre la décision sur l’orientation de l’enfant, le

directeur doit privilégier, lorsque la situation le permet, le recours

à des approches de médiation, de conciliation ou tout autre mode

analogue d’entente consensuelle, pour favoriser la participation

active de l’enfant et de ses parents à la prise de décision et au

choix des mesures.

R 4.6 Que l’utilisation de l’intervention terminale soit encouragée,

compte tenu qu’elle implique le recours à des approches

consensuelles, qu’elle s’inscrit dans le courant des approches

différentielles de traitement des signalements et qu’elle favorise

un règlement à court terme de la situation qui compromet la

sécurité ou le développement de l’enfant.

À cette fin, que les balises d’application du protocole

d’intervention terminale actuel soient révisées.

R 4.7 Qu’un nouvel article soit introduit, à la suite de l’article 33,

stipulant que toute personne, établissement ou organisme appelé

à donner des services dans le cadre de l’exécution d’une mesure

prévue à l’entente ou à l’ordonnance en vertu de la Loi est

responsable des soins et des services d’aide qu’il donne.

R 4.8 Que l’article 55 soit modifié en remplaçant les termes « doivent

collaborer par tous les moyens à leur disposition » par « sont

tenus de prendre tous les moyens à leur disposition pour fournir

les services requis », de façon à renforcer l’obligation des

établissements de donner aux enfants dont la sécurité ou le

développement est considéré comme compromis les services

dont ils ont besoin.

- 168 -

Que l’article 92 soit modifié dans le même sens en ce qui a trait

aux mesures ordonnées.

R 4.9 Que le premier alinéa de l’article 62 soit modifié de façon que la

responsabilité du DPJ « de voir à ce que l’hébergement s’effectue

dans des conditions adéquates » soit transférée à l’établissement

dispensateur de services.

R 4.10 Que, tel que le recommande l’Équipe de travail sur la

modernisation des processus judiciaires en matière

d’administration de la justice à l’égard des jeunes, l’article 74.1

soit modifié afin d’y ajouter le directeur, les parents et l’enfant

comme personnes pouvant saisir le tribunal de toute question de

lésion de droits.

R 4.11 Que les articles 50 et 57.2 soient modifiés en remplaçant la

deuxième phrase du second alinéa, « Il peut, s’ils y consentent,

les diriger vers les établissements, les organismes et les

personnes les plus susceptibles de leur venir en aide », par : « Il

doit, s’ils y consentent, les diriger vers les établissements, les

organismes et les personnes les plus susceptibles de leur venir

en aide et transmettre à ces ressources l’information pertinente

sur leur situation. »

Qu’un nouvel article reprenant les termes des articles 50 et 57.2

soit introduit dans la section sur la réception et l’évaluation des

signalements proposée, indiquant que si un signalement n’est

pas retenu pour évaluation, le directeur doit, lorsque la situation

le requiert, informer l’enfant et ses parents des ressources

susceptibles de leur venir en aide ainsi que, s’ils y consentent, les

orienter vers ces ressources et transmettre à ces dernières

l’information pertinente sur leur situation.

R 4.12 Qu’il soit spécifié, aux articles 50 et 57.2 ainsi que dans le nouvel

article portant sur les signalements non retenus, que, lorsque la

situation d’un enfant ne nécessite pas ou ne nécessite plus une

intervention des services de protection de la jeunesse, les

établissements ou organismes auxquels le directeur fait appel

doivent accueillir l’enfant et ses parents, procéder à l’évaluation

de leurs besoins et, le cas échéant, donner les services requis.

R 5.1 Que l’article 35.1 soit modifié afin d’ajouter que les personnes,

organismes ou établissements contactés par le directeur dans le

cadre d’une enquête doivent lui communiquer, sur demande, ou

communiquer aux personnes qu’il autorise à agir en son nom en

vertu des articles 32 et 33, les renseignements qu’il requiert, et

- 169 -

ce, malgré l’article 19 de la LSSSS et les restrictions concernant

le secret professionnel.

Qu’il soit en outre précisé que cette transmission d’information :

doit se limiter aux seuls renseignements de nature sociale ou

médicale concernant l’enfant, ses parents ou la personne

mise en cause par le signalement et jugés nécessaires pour

assurer la protection de l’enfant;

est possible à toutes les étapes du processus d’intervention,

lorsque la sécurité ou le développement de l’enfant est ou

peut être compromis.

R 5.2 Que l’article 36 soit modifié afin d’élargir l’accès aux dossiers de

l’enfant, des parents ou de toute autre personne mise en cause

par le signalement.

Qu’il soit ainsi précisé que le directeur ainsi que toute personne

qui agit en vertu des articles 32 ou 33 peuvent avoir accès aux

dossiers pertinents au cas d’un enfant.

Que cet accès s’applique à tout dossier constitué par un

établissement, malgré l’article 19 de la LSSSS, ainsi que par un

organisme ou un professionnel en cabinet privé.

Que cet accès soit limité aux situations où le directeur a retenu

un signalement et qu’il l’estime nécessaire pour assurer la

protection de l’enfant.

R 5.3 Que l’article 72.6 soit modifié en retirant les termes « à qui la

présente loi confie des responsabilités » et en les remplaçant par

« appelé à collaborer avec le directeur » afin de dissiper toute

ambiguïté concernant les organismes et établissements auxquels

le DPJ peut divulguer de l’information.

R 5.4 Que les articles 37.1 à 37.4 soient modifiés afin d’allonger les

délais de conservation de l’information contenue au dossier de

l’enfant, tel que le recommande l’Équipe de travail sur la

modernisation des processus judiciaires en matière

d’administration de la justice à l’égard des jeunes.

L’information contenue au dossier de l’enfant devrait être

conservée :

pour une période maximale de deux ans :

- lorsque le directeur ne retient pas le signalement;

pour une période maximale de cinq ans :

- lorsque le signalement a été retenu, mais que la sécurité

ou le développement de l’enfant n’est pas compromis;

- 170 -

- lorsque le tribunal infirme la décision du directeur quant au

fait que la sécurité ou le développement de l’enfant est

compromis;

- lorsque la décision du directeur ou du tribunal est que la

sécurité ou le développement de l’enfant n’est plus

compromis et qu’elle met fin à l’intervention.

R 5.5 Qu’un nouvel article soit ajouté dans la Loi, spécifiant que

l’information contenue au dossier de l’enfant peut être conservée

au-delà des délais prescrits lorsqu’une autre loi le prévoit.

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- 176 -

Tourigny, M., Mayer, M., Wright, J., Lavergne, C., Trocmé, N., Hélie, S., Bouchard, C.,

Chamberland, C., Cloutier, R., Jacob, M., Boucher, J., et Larrivée, M.-C. (2002). Étude

sur l’incidence et les caractéristiques des situations d’abus, de négligence, d’abandon

et de troubles de comportement sérieux signalées à la Direction de la protection de la

jeunesse au Québec (ÉIQ). Montréal : Centre de liaison sur l’intervention et la

prévention psychosociales (CLIPP).

Trocmé, N., Knott, T., Knoke, D., et Roy, C. (2003). Approches différentielles de

traitement des signalements. Toronto : Centre d’excellence pour la protection et le

bien-être des enfants, Faculty of Social Work, University of Toronto.

Trocmé, N., MacLaurin, B., Fallon, B., Daciuk, J., Billingsley, D., Tourigny, M., Mayer, M.,

Wright, J., Barter, K., Burford, G., Hornick, J., Sullivan, R., et McKenzie, B. (2001).

Étude canadienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et de

négligence envers les enfants : rapport final. Ottawa : Ministre des Travaux publics et

Services gouvernementaux.

Waldfogel, J. (1998). Differential Response : A New Paradigm for Child Protection. In

J. Waldfogel (Ed.), The Future of Child Protection : How to Break the Cycle of Abuse

and Neglect, Cambridge, Mass. : Harvard University Press.

Zuravin, S. J. (1999). Child Neglect : A Review of Definitions and Measurement Research.

In H. Dubowitz (Ed.), Neglected Children : Research, Practice and Policy, Thousand

Oaks, Calif. : Sage Publications, Inc.

- 177 -

LISTE DES LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Lois et règlements applicables au Québec

Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C-12

Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64

Code criminel, L.R. 1985, c. C-46

Code des professions, L.R.Q., c. C-26

Loi modifiant diverses dispositions législatives eu égard à la divulgation de

renseignements confidentiels en vue d’assurer la protection des personnes, L.Q. 2001,

c. 78

Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des

renseignements personnels, L.R.Q., c. A-2.1

Loi sur l’instruction publique, L.R.Q., c. I-13.3

Loi sur la protection de la jeunesse, L.R.Q., c. P-34.1

Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour ellesmêmes

ou pour autrui, L.R.Q., c. P-41

Loi sur les services de santé et les services sociaux, L.R.Q., c. S-4.2

Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, c. 1

Loi sur les archives, L.R.Q., c. A-21.1

Règlement sur l’aide financière pour favoriser l’adoption d’un enfant, P-34.1, r. 0.1.1

Règlement sur la révision de la situation d’un enfant, P-34.1, r. 3

Autres lois en matière de protection de l’enfance et de la jeunesse

Alberta : Child Welfare Act, S.A. 1984, c. C-81

Colombie-Britannique : Child, Family and Community Service Act, R.S.B.C 1996,

c. 46

Île-du-Prince-Édouard : Family and Child Services Act, R.S.P.E.I. 1988, c. F-2

Manitoba : Loi sur les services à l’enfant et à la famille, R.S.M. 1987,

c. C80

Nouveau-Brunswick : Loi sur les services à la famille, L.N.-B. 1980, c. 5

- 178 -

Nunavut : Loi sur les services à l’enfance et à la famille, L.T.N.-O.

1997, c. 13

Ontario : Loi sur les services à l’enfance et à la famille, L.R.O. 1990,

c. C.11

Terre-Neuve-et-Labrador : Child, Youth and Family Services Act, R.S.N. 1999, c. C 12.1

Territoires du Nord-Ouest : Loi sur la protection de l’enfance, L.R.T.N.-O. 1988, c. C-6

Yukon : Loi sur l’enfance, S.R.T.Y. 1986, c. 22

Belgique : Décret relatif à l’aide à la jeunesse, 4 mars 1991

- 179 -

ANNEXES

- 181 -

ANNEXE 1 : LE PROCESSUS D’INTERVENTION LPJ

1. LE SIGNALEMENT

2. RÉCEPTION ET

TRAITEMENT DU

SIGNALEMENT

3. MESURES

D’URGENCE

4. ÉVALUATION DE

LA SITUATION

5. ORIENTATION

DE L’ENFANT

5.1 CHOIX DE RÉGIME

5.2 L’ÉLABORATION 5.3 PROCÉDURE 6. MESURES

DE L’ENTENTE JUDICIAIRE PROVISOIRES

7. L’EXÉCUTION DE

L’ENTENTE OU DE

L’ORDONNANCE

8. RÉVISION DE LA

SITUATION

9. FIN DE

L’INTERVENTION

Source : Groupe de travail sur la révision du Manuel de référence sur la Loi sur la protection de la jeunesse

(1998). Manuel de référence sur la protection de la jeunesse. Québec : Ministère de la Santé et des

Services sociaux, p. 167.

ANNEXE 2 : TABLEAUX STATISTIQUES COMPLÉMENTAIRES

- 185 -

Tableau 1.1

Données relatives à l’application de la LPJ à l’étape de la réception et du traitement

des signalements (RTS)

1993-1994 2000-2001

Nombre de signalements traités : 51 071 53 658

Taux de signalements traités pour 1 000 enfants de 0-17 ans : 30,2 33,8

Répartition des signalements traités selon la décision rendue :

Signalements retenus 46,5 % 48,6 %

Signalements non retenus 53,5 % 51,4 %

Répartition des signalements retenus selon la problématique :

Négligence 44,9 % 50,0 %

Troubles de comportement 26,2 % 24,0 %

Abus physique 13,4 % 14,4 %

Abus sexuel 12,7 % 10,0 %

Abandon 2,8 % 1,6 %

Répartition des signalements retenus selon le groupe d’âge* :

0-4 ans 26,0 % 23,9 %

5-11 ans 31,8 % 38,4 %

12-17 ans 42,2 % 37,8 %

Répartition des signalements retenus selon le sexe :

Filles 51,1 % 48,4 %

Garçons 48,9 % 51,6 %

* En comparaison, en 2000-2001, les enfants de 0 à 4 ans représentaient 25 % de la population

des 0 à 17 ans, les enfants de 5 à 11 ans, 41 %, et les 12 à 17 ans, 34 %.

Source : Ministère de la Santé et des Services sociaux (2002a). Indicateurs repères relatifs à l’application

de la Loi sur la protection de la jeunesse 1993-1994 à 2000-2001. Québec : Ministère de la Santé

et des Services sociaux.

- 186 -

Tableau 1.2

Données relatives à l’application de la LPJ à l’étape de l’évaluation-orientation des

signalements

1993-1994 2000-2001

Nombre d’évaluations réalisées : 20 798 23 523

Répartition des évaluations réalisées selon la décision rendue :

Sécurité ou développement de l’enfant compromis 42,6 % 45,0 %

Sécurité ou développement de l’enfant non compromis 54,6 % 52,5 %

Autres 2,9 % 2,5 %

Nombre d’orientations réalisées : 8 799 10 699

Proportion d’orientations judiciarisées : 32,0 % 46,6 %

Proportion d’interventions terminales : 13,2 % 10,9 %

Proportion de nouvelles prises en charge comportant une mesure

de placement : 38,6 % 32,7 %

Source : Ministère de la Santé et des Services sociaux (2002a). Indicateurs repères relatifs à l’application

de la Loi sur la protection de la jeunesse 1993-1994 à 2000-2001. Québec : Ministère de la Santé

et des Services sociaux.

- 187 -

Tableau 1.3

Données relatives à l’application de la LPJ à l’étape de l’application des mesures

1993-1994 2000-2001

Nombre de prises en charge* : 17 656 25 565

Taux de prises en charge pour 1 000 enfants de 0-17 ans : 14,6 20,5

Durée moyenne de la prise en charge : 23,6 mois 23,8 mois

Répartition des prises en charge selon la problématique :

Négligence 48,0 % 59,2 %

Troubles de comportement 30,9 % 26,6 %

Abus physique 6,2 % 6,1 %

Abandon 6,8 % 4,4 %

Abus sexuel 8,2 % 3,7 %

Répartition des prises en charge selon le groupe d’âge** :

0-4 ans 14,0 % 15,4 %

5-11 ans 28,1 % 34,0 %

12-17 ans 57,9 % 50,5 %

Proportion de prises en charge judiciarisées : 50,4 % 73,3 %

Proportion des prises en charge comportant une mesure de

placement :

47,1 %

46,2 %

Proportion des prises en charge comportant une mesure de

placement selon la problématique :

Abandon 74,9 % 75,1 %

Troubles de comportement 51,6 % 49,8 %

Négligence 45,4 % 44,1 %

Abus physique 35,5 % 37,6 %

Abus sexuel 26,4 % 34,3 %

* Ce nombre exclut les enfants pris en charge par les centres jeunesse de l’Abitibi-

Témiscamingue et de la Montérégie, pour lesquels les données ne sont pas disponibles.

** En comparaison, en 2000-2001, les enfants de 0 à 4 ans représentaient 2 % de la population

des 0 à 17 ans, les enfants de 5 à 11 ans, 41 %, et les 12 à 17 ans, 34 %.

Source : Ministère de la Santé et des Services sociaux (2002a). Indicateurs repères relatifs à l’application

de la Loi sur la protection de la jeunesse 1993-1994 à 2000-2001. Québec : Ministère de la Santé

et des Services sociaux.

- 188 -

Tableau 2

Taux de signalements par 1 000 enfants selon la problématique*

Abus

physique

Abus

sexuel

Négligence Abandon M. tr. psy. Tr. comp. Autre

Total des

signalements

4,8 3,0 12,6 1,0 4,5 11,0 3,6

Signalements

non retenus

1,5 1,3 5,3 0,2 1,1 5,3 2,4

Signalements

retenus

3,3 1,7 7,3 0,8 3,4 5,7 1,2

* Plus d’une problématique pouvait être identifiée dans un signalement.

Source : Tourigny, M., Mayer, M., Wright, J., Lavergne, C. Trocmé, N., Hélie, S., Bouchard, C.,

Chamberland, C., Cloutier, R., Jacob, M., Boucher, J., et Larrivée, M.-C. (2002). Étude sur

l’incidence et les caractéristiques des situations d’abus, de négligence, d’abandon et de troubles

de comportement sérieux signalées à la Direction de la protection de la jeunesse au Québec

(ÉIQ). Montréal, Centre de liaison sur l’intervention et la prévention psychosociales (CLIPP),

Figure 3.3, p. 37.

Tableau 3

Décision rendue aux étapes de la réception et du traitement des signalements

(RTS) et de l’évaluation

N %

Décision rendue à l’étape RTS

Non retenus 4 861 49,6

Retenus 4 929 50,4

Total signalements reçus 9 790 100

Décision rendue à l’étape de l’évaluation

Faits fondés + sécurité ou développement compromis 2 311 46,9

Faits fondés + sécurité ou développement non compromis 1 425 28,9

Faits non fondés 984 20,0

Incapacité de procéder 30 0,6

Fermeture pour transfert à autre CJ 31 0,6

Données manquantes 148 3,0

Total signalements retenus 4 929 100

Source : Tourigny et al. (2002). Annexe 8, Tableau 6.1, p. 208.

- 189 -

Tableau 4.1

Nature des cas d’abandon qui se sont avérés fondés

Problématiques

Principale Secondaires Total

Caractéristiques N % N % N %

Nature

Absence parents 44 38,9 41 41,0 85 39,9

Refus de garde / expulsion 56 49,6 43 43,0 99 46,5

Abandon à la suite d’un

placement

13 11,5 15 15,0 28 13,1

Autre 0 0,0 1 1,0 1 0,5

Total enfants 113 100 100 100 213 100

Source : Tourigny et al. (2002). Annexe 8, Tableau 4.4, p. 198.

Tableau 4.2

Nature des cas de négligence qui se sont avérés fondés

Problématiques

Principale Secondaires Total

Caractéristiques N % N % N %

Nature

Négligence physique 198 17,7 57 10,7 255 15,5

Négligence médicale 46 4,1 28 5,3 74 4,5

Négligence éducative 293 26,2 120 22,6 413 25,0

Défaut de superviser pouvant entraîner un préjudice

physique

324

29,0

103

19,4

427

25,9

Défaut de superviser pouvant entraîner un préjudice

sexuel

32

2,9

50

9,4

82

5,0

Défaut de superviser pouvant entraîner un préjudice

social

190

17,0

155

29,1

345

20,9

Défaut de procurer un traitement médical 21 1,9 8 1,5 29 1,8

Autre 13 1,2 11 2,1 24 1,5

Total enfants 1 117 100 532 100 1 649 100

Source : Tourigny et al. (2002). Annexe 8, Tableau 4.3, p. 197.

- 190 -

Tableau 4.3

Nature des mauvais traitements psychologiques qui se sont avérés fondés

Problématiques

Principale Secondaires Total

Caractéristiques N % N % N %

Nature

Menace / terrorisme 33 9,1 70 15,8 103 12,7

Rejet / dénigrement / désapprobation 73 20,1 119 26,8 192 23,8

Indifférence / ignorance / nonapprobation

44 12,1 79 17,8 123 15,2

Exposition à de la violence conjugale 206 56,6 167 37,6 373 46,2

Autre 8 2,2 9 2,0 17 2,1

Total enfants 364 100 444 100 808 100

Source : Tourigny et al. (2002). Annexe 8, Tableau 4.5, p. 199.

Tableau 4.4

Nature des abus sexuels qui se sont avérés fondés

Problématiques

Principale Secondaires Total

Caractéristiques N % N % N %

Nature

Relation complète 35 14,6 6 11,3 41 14,0

Tentative de relation 24 10,0 2 3,8 26 8,9

Attouchement / caresse 152 63,3 37 69,8 189 64,5

Exhibitionnisme / voyeurisme 13 5,4 5 9,4 18 6,1

Harcèlement 4 1,7 1 1,9 5 1,7

Exploitation 5 2,1 1 1,9 6 2,0

Autre 7 2,9 1 1,9 8 2,7

Total enfants 240 100 53 100 293 100

Source : Tourigny et al. (2002). Annexe 8, Tableau 4.2, p. 196.

- 191 -

Tableau 4.5

Nature des abus physiques qui se sont avérés fondés

Problématiques

Principale Secondaires Total

Caractéristiques N % N % N %

Nature

Discipline abusive 272 66,2 105 55,0 337 62,6

Privation excessive 6 1,5 5 2,6 11 1,8

Restriction excessive 8 1,9 9 4,7 17 2,8

Brutalité irrationnelle 118 28,7 70 36,6 188 31,2

Bébé secoué 6 1,5 2 1,0 8 1,3

Autre 1 0,2 0 0,0 1 0,2

Total enfants 411 100 191 100 602 100

Source : Tourigny et al. (2002). Annexe 8, Tableau 4.1, p. 195.

Tableau 4.6

Nature des troubles de comportement sérieux qui se sont avérés fondés

Problématiques

Principale Secondaires Total

Caractéristiques N % N % N %

Nature

Comportement autodestructeur 63 5,5 35 6,5 98 5,8

Violence envers autrui 105 9,2 53 9,9 158 9,4

Fréquentations à risque 36 3,2 23 4,3 59 3,5

Problèmes de consommation de

psychotropes

151 13,2 29 5,4 180 10,7

Fugue unique 22 1,9 8 1,5 30 1,8

Fugues répétées 35 3,1 4 0,7 39 2,3

Problèmes relationnels avec les parents /

autorité

474 41,5 190 35,3 664 39,5

Problèmes de comportement en milieu

scolaire

91 8,0 112 20,8 203 12,1

Absentéisme scolaire 81 7,1 46 8,6 127 7,6

Atteintes aux biens matériels 9 0,8 4 0,7 13 0,8

Autres comportements dangereux 14 1,2 7 1,3 21 1,3

Comportement sexuel inadéquat 45 3,9 18 3,3 63 3,8

Autre 15 1,3 9 1,7 24 1,4

Total enfants 1 141 100 538 100 1 679 100

Source : Tourigny et al. (2002). Annexe 8, Tableau 4.6, p. 200.

- 192 -

Tableau 5

Besoins de services des parents et des enfants dont la sécurité ou le

développement n’a pas été considéré comme compromis

Signalements

Non retenus Non fondés Fondés/SDNC*

N % N % N %

Besoins de services des parents

Aucun besoin n’est identifié 1 447 31,6 283 28,0 250 17,9

Psychosocial 1 490 32,6 222 22,0 460 33,0

Habiletés parentales 1 214 26,5 309 30,6 528 37,8

Groupe d’entraide 815 17,8 190 18,8 374 26,8

Psychiatre / psychologue 384 8,4 127 12,6 270 19,4

Répit familial 393 8,6 196 19,4 237 17,0

Traitement pour abus d’alcool / drogue 336 7,3 87 8,6 162 11,6

Aide matérielle / alimentaire 185 4,0 131 12,9 200 14,3

Service interne CJ 93 2,0 26 2,6 41 2,9

Formation / soutien à l’emploi 59 1,3 67 6,6 94 6,7

Traitement médical 57 1,2 21 2,1 47 3,4

Hébergement 91 2,0 -- -- -- --

Autre 354 7,7 87 8,6 129 9,2

Total signalements** 4 573 100 1 009 100 1 395 100

Nombre de besoins moyen par signalement 1,2 1,5 1,8

Besoins de services pour les enfants

Aucun besoin identifié 1 740 38,7 432 45,0 398 29,5

Psychosocial 1 524 33,9 190 19,8 410 30,4

Programme de loisirs 385 8,6 211 22,0 317 23,5

Psychiatre / psychologue 489 10,9 116 12,1 231 17,1

Soutien académique 567 12,6 99 10,3 251 18,6

Programme d’éducation spécialisée 305 6,8 79 8,2 148 11,0

Service interne CJ 149 3,3 32 3,3 46 3,4

Traitement médical 95 2,1 42 4,4 77 5,7

Traitement pour abus d’alcool / drogue 160 3,6 16 1,7 69 5,1

Hébergement 208 4,6 -- -- -- --

Autre 602 13,4 67 7,0 132 9,8

Total signalements** 4 497 100 961 100 1 347 100

Nombre de besoins moyen par signalement 1,0 0,9 1,3

* Fondés/SDNC : Faits fondés / sécurité ou développement non compromis

** Il peut y avoir plus d’un besoin identifié, donc la somme des pourcentages peut être supérieure à 100 %.

Source : Tourigny et al. (2002). Annexe 8, Tableaux 6.6 et 6.7, p. 212-213.

- 193 -

ANNEXE 3 : LISTE DES PERSONNES-RESSOURCES CONSULTÉES

M. Luc Bernard, intervenant, Centre jeunesse de Québec

M. Alfred Couture, ex-directeur de la protection de la jeunesse, Centre jeunesse de

Québec

Mme Pierrette Fortier, conseillère, Association des centres jeunesse du Québec

Mme Marie-Hélène Gagné, professeure, École de psychologie, Université Laval

Mme Jeanne Houde, ex-conseillère juridique, ministère de la Santé et des Services

sociaux

Mme Andrée Laberge, intervenante, Centre jeunesse de Québec

Mme Denise Lalande, conseillère cadre, Centre jeunesse de MontréalMme Chantal Lavergne, chercheure, Institut de recherche pour le développement social

des jeunes

Mme Carole Lessard, analyste, ministère de la Santé et des Services sociaux

Mme Marie Simard, professeure, École de service social, Université Laval

M. Nico Trocmé, professeur, Faculté de travail social, Université de Toronto

M. Daniel Turcotte, professeur, École de service social, Université Laval



27/11/2011
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