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Le président et le vice-président du tribunal de Nîmes se livrent une guerre ouverte depuis trois ans

 

Le président et le vice-président du tribunal de Nîmes se livrent une guerre ouverte depuis trois ans

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Intime Conviction
9 décembre 2009Publié dans : JUSTICE D'EN HAUT
LE MONDE | 08.12.09 | 13h42  •  Mis à jour le 08.12.09 | 13h42
Nîmes Envoyé spécial

Nîmes, son tribunal, ses couloirs envahis de cartons, ses locaux étriqués, ses hiérarques qui s’entredéchirent. Le président, Jean-Pierre Pierangeli et son premier vice-président Robert Jourdan, ont été renvoyés le 19 novembre, par la ministre de la justice devant l’instance disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). L’aboutissement de près de trois ans de conflits qui pourrissent la vie du tribunal. Et son image. Pour le ministère de la justice, ce sont des « problèmes de comportement susceptibles de constituer des fautes disciplinaires ».

Les deux hommes, membres de l’Union syndicale des magistrats (USM), le syndicat majoritaire, semblaient pourtant bien s’entendre. Fils de médecin militaire, Robert Jourdan, 57 ans, a écrit un Droit pénal appliqué aux forces armées, Jean-Pierre Pierangeli, 63 ans, a le dernier numéro d’Armées d’aujourd’hui en évidence sur son bureau.

Progressivement, début 2007, le président a cessé de s’appuyer sur son vice-président. Leurs rapports se sont dégradés. On entendait des éclats de voix, les disputes avaient lieu parfois devant témoins. « Le président a eu un comportement humiliant à l’égard de M. Jourdan », explique Claudine Galland qui a quitté le tribunal, après avoir écrit au ministère de la justice et au CSM, début 2008, en évoquant un « climat délétère ». « Pierangeli a été déçu par M. Jourdan et a préféré s’appuyer sur d’autres », plaide une magistrate. Lequel Jourdan vient de porter plainte pour harcèlement moral contre son président, la dernière des nombreuses procédures qu’il a engagées. « J’ai usé de mon droit de me défendre comme un brochet qui se débat », explique M. Jourdan.

L’histoire du tribunal est fournie d’affaires en tout genre. Plusieurs magistrats se sont déjà retrouvés devant le CSM. Un procureur adjoint a tenu des propos racistes à l’audience, un vice-président a été radié de la magistrature après avoir été mis en examen pour trafic d’influence. Un juge a porté plainte contre le précédent président.

Plusieurs élus locaux se sont retrouvés devant les tribunaux. Le 9 novembre le sénateur et maire UMP, Jean-Paul Fournier, a été condamné à 24 000 euros d’amendes et dix ans d’inéligibilité, pour prise illégale d’intérêts. C’est la dernière affaire du Palais. Juste avant le procès, le président Pierangeli avait changé la composition du tribunal. Le juge prévu initialement pour le présider appartenait au Syndicat de la magistrature, classé à gauche. « Sur certains blogs, on accusait la juridiction d’être politisée. J’ai préféré nommer des magistrats qui venaient d’arriver », se justifie M. Pierangeli.

Une photographie circule au tribunal. Elle montre le président du tribunal aux arènes de Nîmes, en septembre, à côté du bras droit du maire, quelques semaines avant le procès. « Tout le tribunal est invité aux arènes. On ne le reproche pas aux autres », se défend le président. « Fournier a été condamné au-delà des réquisitions. C’est la preuve que c’est une fausse polémique », répond-il à ses détracteurs.

« Je suis en butte à une minorité de magistrats qui sous couvert d’une idéologie politique prônent un mode de gestion collective et s’opposent systématiquement à la hiérarchie », ajoute M. Pierangeli, qui vise implicitement le Syndicat de la magistrature. Il se targue d’avoir le soutien de 85 % des magistrats du tribunal en évoquant un texte de soutien daté du printemps 2008, dont il a lui-même obtenu les signatures en passant dans les bureaux de ses subordonnés.

A l’automne 2008, l’inspection des services judiciaires a entendu une grande partie du personnel du tribunal. « Le président m’a téléphoné pour me dire de faire de bonnes réponses devant les inspecteurs. Il a ajouté : si vous ne le faites pas, j’en serai avisé. Il a fait ça à d’autres collègues. J’ai refusé de céder à cette pression. Je l’ai raconté aux inspecteurs. Depuis, il ne m’adresse plus la parole », raconte un membre de l’USM.

Le président de la cour d’appel, Jean-Pierre Goudon, contemple avec impuissance le désastre, « dépité » de voir qu’à partir « de faits anodins, tout est devenu hypertrophié ». « Malgré tout, le tribunal travaille, il a de bons résultats », dit-il.

M. Pierangeli a des soutiens. Le 21 octobre, il a été entendu par le CSM, qui nomme les chefs de juridiction, en vue de lui proposer le poste de président de la cour d’appel de Bourges. Ceux qui vont devoir le juger – avec Robert Jourdan – s’apprêtaient à le promouvoir, alors qu’ils étaient informés des problèmes, puisqu’une délégation revenait de Nîmes. « On a frôlé la catastrophe », reconnaît un membre du CSM.

Alain Salles
Article paru dans l’édition du 09.12.09


12/02/2011
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