¼ le syndrome d’aliénation parentale (SAP) ne doit pas être confondu avec
¼ le syndrome d’aliénation parentale (SAP) ne doit pas être confondu avec | |
Le phénomène d’aliénation parentale est présent lorsqu’un parent dénigre l’autre parent aux yeux de son enfant. Et la prévalence de ce phénomène dans notre société varie considérablement selon le seuil de sensibilité qu’on accorde à cette dynamique relationnelle.
À un bout du continuum, il y a le type d’aliénation parentale qu’on retrouve dans une grande proportion de familles. Par exemple, on peut dire que le fait, pour une mère momentanément frustrée, de répéter à son enfant que son père est toujours en retard et qu’elle ne peut jamais compter sur lui est assimilable à de l’aliénation parentale parce qu’il s’agit là d’une forme de dénigrement. Mais quel parent ne s’est pas laissé aller à ce type d’exagération plus ou moins subtilement à un moment ou à un autre ? À l’autre bout du continuum de sensibilité, on retrouve le phénomène de dénigrement érigé en système sur des bases complètement fausses et injustes pour le parent victime.
Si l’on exclut les formes banales d’aliénation souvent rencontrées dans les familles où des tensions surgissent, mais sans nécessairement générer de crise, pour ne réserver l’appellation « aliénation parentale » qu’aux situations où il y a vraiment un endoctrinement injuste de l’enfant contre une de ses figures parentales, la prévalence de l’aliénation parentale est beaucoup moindre et ne touche qu’une petite minorité de familles.
On constate donc que le phénomène d’aliénation parentale embrasse un continuum de dynamiques relationnelles. Dans cette perspective, cette notion doit être distinguée de celle de « syndrome d’aliénation parentale » (SAP) proposée par Richard Gardner1, qui renvoie à un trouble mental chez l’enfant résultant d’une campagne systématique de dénigrement de la part d’un parent aliénant sans bases justifiées.
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Cette polémique n’empêche pas le phénomène de l’aliénation parentale d’exister dans certains cas de conflits parentaux majeurs, notamment dans les cas de séparation conjugale. Les cours de justice en savent quelque chose, elles qui doivent composer avec cette réalité et départager les allégations dans ce domaine. C’est ce qui a amené certaines organisations professionnelles à développer des cadres de référence pour procéder à l’évaluation clinique de l’aliénation parentale dans le respect des règles déontologiques et scientifiques (Cloutier, 2006), sans même parler de syndrome.
Le texte suivant ne participe pas à cette polémique sur le SAP. Il résume plutôt, à titre informatif, les grandes lignes de la proposition de Gardner (1998) sur le syndrome d’aliénation parentale (SAP) et les critères que l’auteur lui associe.
Définition du SAP
Selon Gardner, le syndrome d’aliénation parentale (SAP) est présent lorsqu’un parent tente de « programmer », par tous les moyens possibles, son enfant contre l’autre parent, en lui faisant subir un « lavage de cerveau ». L’enfant participe alors à une campagne de dénigrement en utilisant les mêmes propos que le parent aliénant et en élaborant ses propres scénarios contre l’autre parent. Il en vient ainsi à avoir une vision négative, nette et tranchée, de son autre parent. Ce conditionnement de l’enfant est souvent fait de façon subtile, déguisée, automatique et inconsciente. Le parent victime de dénigrement non justifié se voit accuser d’abus sur son enfant, ce qui justifie son éloignement et, en bout de ligne, la rupture du lien parent–enfant. Ces trois acteurs clés (parent aliénant, enfant et parent aliéné) doivent être présents pour conclure à un SAP. Ce syndrome apparaît généralement lors des procédures légales qui entourent une séparation, un divorce ou une garde d’enfant, lorsqu’il y a des conflits conjugaux importants et que l’enfant se trouve prisonnier de ces conflits.
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[1] La proposition de Gardner (1998, 2001, 2002) a fait l’objet de beaucoup de controverses parce que ses fondements empiriques ont souvent été mis en doute. En effet, Gardner et ses disciples ont maintenu, sans trop de discrimination et pendant des décennies, leur objectif d’intégrer le SAP comme un trouble accepté par la communauté scientifique et les autorités cliniques professionnelles comme l’American Psychiatric Association ou l’American Psychological Association. Leur but était de faire en sorte que le SAP devienne un trouble du type de ceux présentés dans le DSM. Ce fut sans succès puisqu’encore aujourd’hui, les fondements scientifiques du SAP sont toujours jugés insuffisants. |
Critères d’exclusion
Il est important de bien différencier un cas de SAP d’un cas de rejet « justifié » du parent par un enfant. Il existe, en effet, des situations où l’enfant a de bonnes raisons de détester son parent (abus, violence, négligence). Également, on ne parlera pas d’aliénation parentale lorsque les manifestations d’hostilité et de rejet d’un enfant à l’égard d’un parent sont temporaires, qu’elles surviennent dans certaines situations seulement, qu’elles coexistent avec des manifestations d’amour et d’affection ou qu’elles sont dirigées vers les deux parents.
Motivations et manifestations chez le parent aliénant
Le parent aliénant a souvent plusieurs motifs qui le poussent à agir ainsi et à se servir de son enfant. En voici quelques-uns :
§ Culpabilité.
§ Vengeance, haine.
§ Rejet, jalousie.
§ Autoprotection.
§ Solitude.
§ Dépendance affective à l’enfant.
§ Besoin de protéger une estime de soi fragile.
§ Désir de commencer une nouvelle vie en tenant l’autre parent loin.
§ Peur de perdre l’enfant ou d’être abandonné par lui.
§ Perception de l’enfant comme sa propriété.
§ Désir que le lien entre lui et son enfant soit maintenu, malgré la séparation.
§ Impossibilité de rivaliser avec l’autre parent qui a plus de moyens.
Il est également possible de relever trois types de discours autour desquels s’articulent les conduites du parent aliénant : l’enfant n’a pas besoin de l’autre parent ; l’autre parent représente un danger pour l’enfant ; l’autre parent ne s’est jamais préoccupé de l’enfant. Quant aux manifestations du parent aliénant, elles peuvent être nombreuses et variées, dépendamment du degré d’aliénation. Voici une liste des manifestations les plus courantes chez un parent aliénant :
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§ Négation du besoin de l’enfant de voir son autre parent et de garder un contact sain et stable avec ses deux parents.
§ Exclusion de l’autre parent des loisirs et de l’éducation de l’enfant.
§ Neutralité concernant le refus de l’enfant de visiter son autre parent.
§ Dévalorisation de l’autre parent devant l’enfant.
§ Refus d’envisager une thérapie.
§ Rigidité concernant les horaires de visites et manque de souplesse pour trouver des arrangements convenables.
§ Fausses allégations (violence, abus physique ou sexuel, homosexualité, maladie mentale, problème d’alcool ou de drogue de l’ex-conjoint).
Le parent aliéné ou rejeté
Si le parent aliéné est souvent perçu comme une victime du SAP, au même titre que l’enfant, on considère que sa réaction et l’histoire de sa relation avec son enfant sont déterminantes dans la résistance de l’enfance aux conduites aliénantes de son autre parent. Certains comportements du parent aliéné tels la passivité, le retrait du conflit, le rejet de l’enfant, le style parental rigide et exigeant, l’immaturité, l’égocentrisme et le peu d’empathie pour l’enfant, peuvent amener une détérioration de la situation et contribuer à l’aliénation parentale. Il peut aussi arriver que le parent, bien qu’il se soit désintéressé de son enfant après une séparation, se dise victime d’aliénation parentale dans le but de maintenir le contrôle et de faire porter le blâme par son ex-conjoint. Il est donc important de bien évaluer la situation familiale et personnelle de chacun des membres de la famille avant de conclure à un SAP.
Motivations et manifestations chez l’enfant
Selon Gardner, les enfants les plus vulnérables au SAP sont ceux âgés entre 8 et 15 ans, en raison de leur incapacité à prendre une distance critique par rapport à la situation.
Voici quelques motifs qui peuvent amener un enfant à dénigrer son autre parent même si ce dernier n’a rien fait pour mériter ce traitement.
§ Moyen pour faire face à la perte d’un parent.
§ Autoprotection.
Difficultés relationnelles avec le parent aliéné.
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§ Ambivalence envers le parent aliénant.
§ Peur du parent aliénant.
§ Désir de résoudre les conflits entre ses deux parents.
§ Peur d’être séparé du parent qu’il aime le plus (souvent le parent aliénant).
Gardner estime aussi que les manifestations observables chez l’enfant peuvent varier selon sa personnalité et son stade d’évolution :
§ Dénigrements non-fondés ou disproportionnés contre le parent rejeté.
§ Absence d’ambivalence face au parent rejeté (il est complètement mauvais).
§ Affirmation que la décision de rejeter le parent est la sienne et n’est pas influencée par le discours de l’autre parent.
§ Soutien inconditionnel du parent aimé dans le conflit.
§ Absence de culpabilité face au parent rejeté.
§ Utilisation d’expressions empruntées au parent aimé pour parler du parent rejeté.
§ Extension du rejet à la famille élargie ou à tout le milieu du parent rejeté.
Conséquences du SAP chez l’enfant
La façon dont l’enfant vivra les conséquences du SAP dépend, entre autres, du temps qu’il a passé en symbiose avec son parent aliénant et de la confiance qu’il a en lui, de son âge et de son entourage. Si le syndrome n’est pas traité, le parent aliéné devient un étranger pour l’enfant, ce qui peut entraîner la destruction permanente de la relation. Cette exclusion d’un parent dans la vie de l’enfant le prive alors d’un des deux modèles parentaux (paternel ou maternel). L’enfant a donc un seul modèle, celui du parent aliénant, qui présente des dysfonctionnements, mais l’impact le plus important du SAP sur l’enfant est certainement le sentiment d’abandon que cela lui fait vivre, résultat du lien coupé entre lui et un de ses parents.
De plus, le SAP, forme de violence psychologique, peut avoir des répercussions psychologiques sur le développement de l’enfant et engendrer des problèmes de santé mentale. On note diverses conséquences pour l’enfant : dépression, troubles
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d’identité, culpabilité, isolement, suicide, confusion, faible estime de soi, méfiance à l’égard des autres adultes, troubles d’attention à l’école, conflits avec l’autorité, difficultés de relation avec les pairs, troubles de comportement. L’enfant aliéné risque aussi de reproduire les mêmes comportements que son parent et de devenir lui aussi un parent aliénant.
Documents consultés
Baribeau, L. (2003). « Aliénation parentale : le rôle délicat de l’avocat ». Le Journal du Barreau, 35 (11 ), consulté en ligne : http://www.barreau.qc.ca/journal/
Bellerose, J.–G. (1998). De l’impasse du divorce à l’aliénation parentale, Université McGill, Montréal.
Cloutier, R. (2006). « L’aliénation parentale ». Psychologie Québec, Mars.
Comité de travail sur l’aliénation parentale (2003). L’aliénation parentale : lorsque l’on utilise la loi pour soutenir l’insoutenable. Les Centres jeunesse de l’Outaouais.
Gagné, M.–H. ? S. Drapeau ? R. Hénault (2005). « L’aliénation parentale : un bilan des connaissances et des controverses ». Psychologie canadienne, 46 (2), 73–87.
Gardner, R.A. (2002). « Parental Alienation Syndrome vs. Parental Alienation : Which Diagnosis Should Evaluators Use in Child-Custody Disputes ? ». The American Journal of Family Therapy, 30, 93–115.
Gardner, R.A. (2001). Parental Alienation Syndrome (PAS) : Sixteen Years Later. Academy Forum. New York: The American Academy of Psychoanalysis, 45, 10–12.
Gardner, R.A. (2001). « Should Courts Order PAS Children to Visit/Reside with the Alienated Parent ? A Follow-up Study ». American Journal of Forensic Psychology, 19, 61–106.
Gardner, R.A. (1998). The Parental Alienation Syndrome: A Guide for Mental Health and Legal Professionals (2nd ed.). Cresskill, New Jersey: Creative Therapeutics, Inc.
Marquette, C. (1997). « À propos du syndrome d’aliénation parentale ». PRISME, Hôpital Sainte–Justine, 7 (1), 158–168.
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Podevyn, F. (2001) Le syndrome d’aliénation parentale : SAP. Version électronique seulement. [En ligne]. Adresse URL : http://www.mcp-ge.org/sap/sap.html
Reynaud, P. (2001). Séparation parentale et intervention jeunesse : Une distance critique à protéger. Beauport : Centre jeunesse de Québec – Institut universitaire.
Saint–Jacques, M.–C. ? D. Turcotte ? S. Drapeau ? R. Cloutier (2004). Séparation, monoparentalité et recomposition familiale : Bilan d’une réalité complexe et pistes d’action. Québec : Les Presses de l’Université Laval.
Isabelle Fournier Étudiante en service social
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