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LES DÉRIVES DE L’AIDE SOCIALE À L’ENFANCE

 

 

LES DÉRIVES DE L’AIDE SOCIALE À L’ENFANCE

 

LETTRE OUVERTE AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

 

Objet : constitutionnalité du code de l’action sociale et des familles Service de l’aide sociale à l’enfance

 

Madame le Haut Conseiller, Messieurs les Hauts Conseillers,

 

J’ai l’honneur de vous alerter au sujet des dérives permises par les dispositions du Code de l’Action Sociale et des Familles.

 

Préambule

 

En France, environ 150 000 enfants sont soustraits à leurs parents pour être confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance. Certes, il ne s’agit pas ici de remettre en question le bien fondé de certains placements dans les cas avérés de maltraitance, toxicomanie, alcoolisme,... Hélas, comme le reconnaît lui-même Pierre Naves, Inspecteur Général des Affaires Sociales, dans la moitié des cas, ces placements ne se justifient pas. Ainsi, ce sont donc près de 75 000 enfants qui sont arrachés à leurs familles et qui garderont, toute leur vie, les séquelles de ce traumatisme.

 

Si un tel scandale est encore possible dans notre pays, malgré les rapports Naves-Cathala de 1984 et de 2000, c’est que le Code de l’Action Sociale et des Familles présente de graves lacunes et permet aux services sociaux de violer les Droits de l’Homme les plus élémentaires.

 

Inconstitutionnalité des textes et des pratiques

 

Au niveau de la procédure en assistance éducative

 

Les articles L221-1, L221-4, L226-2-1, L226-3 et L226-4 confient à l’Aide Sociale à l’Enfance des pouvoirs très importants. C’est, en effet, une seule et même institution qui évalue :

 

- les capacités des parents,

 

- la nécessité du placement,

 

- la pertinence de son action,

 

- la qualité de son propre travail auprès des enfants placés et des parents,...

 

Lors de la procédure en assistance éducative, les services sociaux cumulent - en quelque sorte - les rôles de :

 

- de juge d’instruction (ou de l’enquête),

 

- de procureur (ou d’avocat général) et

 

- de juge d’application des peines.

 

Sans doute cette concentration des missions a-t-elle été voulue par le législateur dans un souci d’efficacité de l’action sociale au service des intérêts supérieurs de l’enfant.

 

Néanmoins, cette confusion des pouvoirs est tout à fait contraire au respect d’une procédure équitable et à la préservation de l’équilibre des droits des parties . Beaucoup de parents d’enfants placés considèrent qu’ils sont victimes d’une instruction à charge , de la part de services sociaux à la fois juge et partie, sans même avoir la faculté de demander un dessaisissement pour suspicion légitime.

 

On pourrait rétorquer que la décision de placement est prononcé par un Juge des Enfants indépendant et impartial.

 

Certes. Mais, dans la réalité, le Juge des Enfants se contente souvent d’entériner les propositions des services sociaux.

 

En effet, au fil des années, les Juges des Enfants ayant l’habitude de travailler avec les services sociaux (à qui ils confient les missions d’observation et de mise en œuvre des mesures d’assistance éducative), une certaine relation de confiance s’établit entre Juges et services sociaux. Cette confiance se transforme, petit à petit, en complicité (allusions implicites en forme de clin d’œil entre Juge et travailleurs sociaux lors de l’audience), voire même en connivence . Ainsi, il est assez courant que le Juge des Enfants reçoive les services sociaux, en catimini, quelques minutes avant l’audience, pendant que la famille patiente dans la salle d’attente. Cette pratique devrait être strictement interdite par la loi car elle est contraire au respect du contradictoire.

 

Par ailleurs, les travailleurs sociaux ont rarement le courage de lire aux parents les rapports qu’ils ont envoyés au Juge (pour notre part, une seule fois au bout de... quatre ans). De plus, par certaines pratiques, il est facile de contourner l’article 1187 du Code de procédure civile et d’empêcher aux familles d’avoir accès aux dossiers les concernant : convocation tardive, pièces communiquées in extremis, consultation dans des délais brefs et des horaires restreints (dans notre cas, une heure pour consulter un dossier de plusieurs centaines de pages),... Les familles se retrouvent alors en face d’un Juge qui possède un rapport dont elles ne connaissent même pas les termes exacts.

 

Ceci est une violation flagrante du respect des droits de la défense (cf. article 15 du code de procédure civile). Les travailleurs sociaux devraient obligatoirement envoyer une copie de leurs rapports aux familles afin que celles-ci puissent les étudier.

 

Dans ces conditions, l’audience devant le Juge tourne au procès stalinien .

 

 

Les familles ont la très désagréable impression que tout est joué d’avance .

 

Les parents doivent alors courber l’échine et reconnaître le bien-fondé de la mesure éducative dans l’espoir de susciter la clémence du Juge.

 

Le parcours est balisé : placement en famille d’accueil avec visites en lieu neutre, visites encadrées à domicile, visites semi-encadrées, placement en foyer avec droits d’hébergement progressifs avant de pouvoir, enfin, envisager un retour de l’enfant dans le cadre d’une Assistance Educative en Milieu Ouvert.

 

Point de raccourci possible sur ce long chemin de croix.

 

Même si les visites encadrées se passent très bien, même si l’enfant hurle sa détresse d’être privé de ses parents, impossible d’envisager un retour direct .

 

En effet, cela reviendrait à reconnaître que le placement n’était pas nécessaire.

 

Alors, pour ne pas perdre la face, Juges et travailleurs sociaux prolongent les « périodes d’observation » en se drapant dans le principe de précaution.

 

Ce n’est qu’en se montrant « coopératifs » (c’est-à-dire en reconnaissant la qualité du travail des services sociaux), que les parents peuvent espérer une amélioration de leurs droits de visites puis d’hébergement.

 

Mais, si les familles ont l’impudence d’essayer de prouver leurs capacités éducatives et de réfuter les conclusions des travailleurs sociaux, ces derniers ont alors beau jeu d’expliquer au Juge que les parents sont dans le « déni » de leurs propres difficultés, ce qui entraîne un retour en arrière avec rétablissement des visites en lieu neutre.

 

Le système est machiavélique.

 

Pour sortir de cette situation kafkaïenne, certaines familles font des démarches pour que leur enfant soit représenté par un avocat lors des auditions. Elles espèrent ainsi donner du poids à la parole de l’enfant qui souhaite retourner dans sa famille. Naïvement, elles pensent que la voix de l’avocat de l’enfant, jointe à celle de leur propre avocat, pourra un peu rééquilibrer un rapport de force largement favorable aux tout-puissants services sociaux. Hélas, à la lecture du dossier (essentiellement constitué par les rapports de l’Aide Sociale à l’Enfance), l’avocat de l’enfant se fait rapidement une idée négative de la famille. Il reçoit ensuite l’enfant accompagné de son assistante sociale référente (puisqu’elle est la représentante légale de l’enfant). Lors de ce rendez-vous, il est impossible pour un jeune enfant de s’exprimer librement : l’assistante sociale référente reformule les questions que lui adresse l’avocat, elle le guide dans ses réponses, elle réinterprête ses mots,... quand elle ne s’exprime pas directement à la place de l’enfant. Tout cela sous le regard médusé de la famille qui, elle , n’a pas le droit de s’exprimer pour donner sa version des faits, car l’avocat de l’enfant ne peut pas entendre les parents pour cause de conflit d’intérêt. L’avocat de l’enfant se range donc aux arguments de l’assistante sociale ; la messe est dite. Ce dispositif est absurde.

 

Tout enfant placé devrait obligatoirement être assisté d’un avocat et devrait être libre de le rencontrer sans la présence de son assistante sociale référente : l’avocat est là pour recueillir la parole de l’enfant, pas celle des services sociaux.

 

Quand les Juges des Enfants ont peu de faits concrets à reprocher aux parents, ils se déchargent de la responsabilité du placement en demandant une expertise psychologique des parents et/ou de l’enfant. Sur la base de cette expertise, ils pourront trouver des arguments pour étayer les motivations du jugement.

 

Hélas, l’expertise psychologique est un art plus qu’une science : point de normes ou de protocoles stricts qui définissent une bonne pratique. De plus, les expertises sont largement biaisées : elles évaluent des parents et des enfants mortifiés par la rupture des liens familiaux, pas leurs états antérieurs .

 

Ainsi, une expertise bâclée en un quart d’heure permettra à un Juge, en toute bonne conscience, d’arracher un enfant à sa famille pendant des années. Dans l’affaire d’Outreau, on a parlé d’expertises de « femme de ménage » ; nous sommes beaucoup à penser que certaines femmes de ménage sont plus consciencieuses que certains « experts ».

 

Enfin, beaucoup de placements sont motivés pour « carence éducative », sans autre précision.

 

Hélas, aucun texte juridique ne définit concrètement ce qu’on entend par carence éducative. Ce motif devrait donc être déclaré inconstitutionnel. Si un Juge estime que des parents sont inaptes au point qu’il faille leur enlever leur enfant, il devrait être capable d’énoncer des faits circonstanciés et incontestables pour justifier une telle mesure (enfants laissés seuls durant tant d’heures, absentéisme scolaire tant de jours sans justificatif, vagabondage le soir jusqu’à telle heure,...).

 

Imagine-t-on condamner quelqu’un pour vol sans être capable de préciser ce qu’il a volé ? Cela ne tiendrait pas deux secondes devant un tribunal.

 

Imagine-t-on licencier quelqu’un pour faute grave sans être capable de préciser la nature de la faute ? Cela ne tiendrait pas deux secondes devant les Prud’hommes.

 

Pourtant, depuis des années, en France, on peut arracher un enfant à sa famille sans avoir à préciser la nature exacte des faits reprochés aux parents.

 

D’ailleurs, l’article L226-2-1 relatif au recueil des informations préoccupantes n’impose pas aux personnes qui mettent en oeuvre la politique de protection de l’enfance d’apporter la preuve des révélations qu’elles transmettent au Juge.

 

La notion même d’information préoccupante n’est pas définie.

 

Ainsi, le travailleur social peut transmettre une rumeur sans fondement ou bien son sentiment personnel ; peu importe, c’est son avis qui fait foi .

 

Pour un Juge, les rapports de l’ASE sont paroles d’Évangile...

 

Cet article n’est pas conforme à la présomption d’innocence (article 11 des Droits de l’Homme). La charge de la preuve devrait incomber à l’ASE ; les parents ne peuvent pas se défendre contre les impressions d’une assistante sociale.

 

De la même façon, la motivation du placement pour « absence de collaboration avec les services sociaux » devrait être bannie.

 

Jusqu’à preuve du contraire, le placement est une solution de dernier recours lorsque l’enfant est en danger moral ou physique au sein de sa famille.

 

Le placement doit donc être motivé par une incapacité avérée des parents, pas par l’existence d’un conflit entre la famille et les services sociaux.

 

Certains parents ont pourtant des raisons objectives de se plaindre de l’Aide Sociale à l’Enfance.

 

Mais, dans la logique ubuesque des travailleurs sociaux, si une famille n’accepte pas le placement, il faut alors prolonger le placement afin qu’elle comprenne mieux les raisons du placement !

 

Il est permis de s’interroger si, dans quelques cas, la prolongation du placement n’est pas, en fait, une méthode pour museler des parents qui seraient tentés de porter plainte contre les services sociaux pour propos diffamatoires, faux témoignages, extorsions de signature, violation de l’autorité parentale, harcèlement moral,...

 

Pour compléter le tableau, ajoutons que les audiences se déroulent à huis-clos dans le bureau du Juge des Enfants. Celui-ci prononce ce qu’on appelle pudiquement des mesures « d’assistance éducative ». De cette façon, contrairement à un prévenu qui n’encourt qu’une simple amende au Pénal, les parents - qui eux risquent pourtant d’être privés de leurs enfants pendant des mois - n’ont même pas droit à un véritable procès , avec un débat publique contradictoire , avec la possibilité d’appeler des témoins à la barre , avec la faculté pour les grands-parents ou les beaux-parents, par exemple, de participer à la procédure aux côtés des parents,...

 

Avec la procédure actuelle, le Juge des Enfants n’est pas forcé de s’embarrasser à auditionner des témoins de moralité qui voudraient attester des capacités des parents ou bien des membres proches de la famille qui pourraient prendre en charge l’enfant. (Pendant deux ans et demi, mon mari a vainement demandé à être auditionné dans le cadre de l’assistance éducative au profit de son beau-fils).

 

D’après la loi, l e Juge ne doit prononcer le placement qu’en dernier recours ; mais, en pratique, aucun texte ne le contraint à rechercher des solutions alternatives.

 

Services sociaux et Juges des Enfants peuvent donc continuer tranquillement à alimenter les foyers de l’enfance.

 

Le Juge des Enfants devrait être obligé de recevoir toute personne qui souhaite être auditionné (avec l’accord des parents). Ces témoignages auraient alors une solennité telle que le Juge ne pourrait pas se permettre de les ignorer ou de les classer (comme il peut le faire actuellement avec de simples attestations sur l’honneur).

 

Bref, le placement est la procédure de facilité pour un Juge des Enfants qui ne veut pas se fatiguer à procéder à un contre-interrogatoire de la famille et/ou à rechercher des solutions alternatives.

 

Le Juge pourra dire qu’il a suivi les recommandations de l’ASE ;

 

L’ASE pourra dire qu’elle n’a fait qu’appliquer les décisions du Juge.

 

Tout le monde « se couvre » mutuellement ; aucun risque...

 

sauf pour un enfant sur deux qui est détruit.

 

Le bénéfice du doute ne profite jamais aux familles. Tout cela au mépris du droit fondamental de l’enfant de vivre avec ses parents. La Convention des Droits de l’Enfant ne reste qu’une belle déclaration incantatoire. L’article L 223-4, relatif au recueil de l’avis du mineur, n’est pas contraignant.

 

Les Juges peuvent se dédouaner de leur désinvolture en se réfugiant derrière la possibilité, pour les familles, de faire appel. Mais, en réalité, les recours sont illusoires : les mesures de placement sont longues à l’échelle d’un jeune enfant,mais très courtes à l’échelle de la Justice : renouvelables par échéances de six mois à un an. Si bien que, si les parents veulent vraiment voir leurs droits de visite progresser, il est beaucoup plus rapide d’attendre la prochaine audience en priant plutôt que de se lancer dans une procédure d’appel longue, paralysante, coûteuse et hasardeuse.

 

En conclusion,

 

la procédure de placement est une violation flagrante de l’article 10 de la déclaration universelle des Droits de l’Homme qui indique que « Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial » car les articles L221-1, L221-4, L226-2-1, L226-3 et L226-4 ne garantissent pas le principe d’égalité des armes des parents face à l’Aide Sociale à l’Enfance qui fait :

 

- le signalement,

 

- organise la soustraction des enfants,

 

- instruit le dossier à l’attention du Juge,

 

- évalue les parents,

 

- préconise le prolongement du placement,

 

- juge de la qualité de la prise en charge du mineur par ses propres services,...

 

Au niveau de la mise en application du jugement en assistance éducative

 

L’inconstitutionnalité au niveau de la procédure d’assistante éducative ne serait, finalement, pas tellement grave si les très importants pouvoirs de l’Aide Sociale à l’Enfance étaient confiés à des agents irréprochables qui se montrent aussi exigeants envers eux-mêmes qu’avec les parents.

 

Mais, à chaque professionnel sa façon de faire. Certains respectent les familles, les écoutent et essayent de les comprendre. Malheureusement, point d’inspecteur pour contrôler le travail sur le terrain et harmoniser les pratiques. Alors, beaucoup peuvent perpétuer des habitudes détestables héritées d’un autre temps.

 

Des parents qui se sentent bafoués

 

Quiconque n’ayant jamais été confronté à l’Aide Sociale à l’Enfance ne peut pas s’imaginer ce que les familles doivent endurer.

 

Les travailleurs sociaux commencent par lire la décision de Justice mais les parents ne peuvent pas faire de remarques,demander d’explication sur le fond ou avoir une copie du rapport de l’ASE sur lequel s’est appuyé le Juge (en violation du nouvel article L223-5).

 

Les travailleurs sociaux sont là pour appliquer une décision de justice, pas pour la commenter (même s’ils ont eux-mêmes lancé la procédure ou préconisé un prolongement du placement) .

 

Finalement, les parents ne savent pas ce qu’on leur reproche concrètement. À chaque question, c’est le même refrain : « C’est une décision de Justice ».

 

Drôle de pédagogie. Peut-être espère-t-on que les parents réellement défaillants vont progresser grâce à cet argument d’autorité ?

 

Les travailleurs sociaux sont dans leur logique : ils sont persuadés que les enfants sont placés pour leur bien et que les parents sont inaptes. La plupart des assistantes sociales, sans même s’en rendre compte, ont une attitude de dames patronnesses condescendantes tout à fait exécrable. Si elles se mettaient à la place des parents viscéralement attachés à leurs enfants, peut-être comprendraient-elles la violence de ce que l’on fait subir aux familles.

 

Les services sociaux ne sont pas là pour écouter la souffrance des parents injustement séparés de leurs enfants et ladétresse des enfants qui ont l’impression d’avoir été abandonnés par leurs parents. Tels des membres de « l’Arche de Zoé », les travailleurs sociaux s’imaginent en sauveur des enfants sans concevoir qu’ils agissent parfois en pompiers-pyromanes : ils séparent des fratries, cassent les liens entre les enfants et les grands-parents, dénigrent les capacités des parents en présence des enfants (« Tu sais, ta maman, elle ne peut vraiment pas s’occuper de toi »), cherchent à faire dire à l’enfant du mal de ses propres parents (« Ton papa n’est pas gentil avec toi, hein ? »). Peut-on imaginer plus destructeur ?

 

Les parents se sentent humiliés, discrédités, infantilisés ; ils doivent se plier aux procédures de l’ASE car seule l’ASE détient la vérité. Ce sont eux les professionnels : ils savent ce qu’il faut faire même s’ils n’ont jamais vu l’enfant. (Conseillère enfance, attachée au Service de Protection de l’Enfance, directrice du foyer... ne connaissent l’enfant que par l’intermédiaire des rapports de l’assistante sociale référente ou des éducateurs). On prétend aider les parents dans leur mission éducative, mais on leur conteste toute capacité.

 

Tout dialogue est impossible.

 

Selon les circonstances :

 

- soit, les parents n’ont pas le droit de s’exprimer,

 

- soit, ils le peuvent mais on les dénigre ou on remet en cause leur parole (« C’est vous qui le dites »),

 

- soit, ils n’osent pas s’exprimer car ils savent que leurs propos seront retranscrits et transmis au Juge sans qu’ils aient un droit de relecture.

 

Que dire des réunions parents-profs où c’est l’assistante sociale qui rencontre l’enseignant pendant que les parents patientent dans une autre salle avant que, finalement, la famille ne soit invitée à entrer.

 

Pas étonnant que certaines familles ne perdent plus leur temps à se rendre aux convocations des services sociaux : ils connaissent la musique.

 

De toutes façons, c’est l’ASE qui a raison et on ne les écoute pas.

 

Alors, à quoi bon ? Les services sociaux auront alors beau jeu d’informer le Juge sur le thème : « Vous voyez bien que les parents sont irresponsables ; on veut les aider, ils ne viennent même pas ! Dieu merci, les enfants sont placés ».

 

Seules les familles les plus solides résistent à l’envie de claquer la porte et assistent stoïquement aux rendez-vous.

 

 

Une formation obsolète

 

Les travailleurs sociaux n’ont qu’une formation très sommaire en pédo-psychiatrie ; leurs connaissances semblent se limiter à la théorie de Bettelheim. (Ancienne théorie selon laquelle tout trouble chez l’enfant est dû à une déficience de la mère ; les soins passent donc par une « parentectomie »). Le problème, c’est qu’aujourd’hui cette théorie est considérée par tous comme obsolète. (D’ailleurs, Bettelheim s’est suicidé ; selon les uns, parce qu’il avait réalisé la monstruosité de son erreur ; selon les autres, parce qu’on avait prouvé qu’il avait falsifié ses observations cliniques).

 

Conclusion : tous les comportements des enfants sont analysés par le prisme de Bettelheim. Les parents sont forcément coupables et, s’ils n’avouent pas, c’est qu’ils sont dans le déni. En conséquence, les placements se prolongent (et les traumatismes des enfants s’aggravent).

 

Des rapports favorables... aux travailleurs sociaux

 

On peut douter de l’objectivité de certaines évaluations.

 

D’abord, les familles n’assistent pas aux synthèses ! (Imagine-t-on un conseil de classe sans délégués des élèves, un comité d’entreprise sans représentants syndicaux,... bref, n’importe quel système sans contre-pouvoir ). Tout repose sur le témoignage de l’assistante sociale référente qui est forcément d’une infaillibilité papale. (Même les TISF, qui interviennent directement dans les familles, ne sont pas obligés d’assister aux synthèses).

 

Il faut casser ce culte du secret. D’ailleurs, les articles L221-4, L223-5, L226-2-1 et L226-5 sont régulièrement violés ; souvent, on « omet » d’informer les parents.

 

Les services sociaux doivent procéder à leur révolution culturelle comme les médecins qui, en leur temps, ont dû accepter l’accès des patients à leur dossier médical.

 

Une assistante sociale référente ne risque pas d’établir un rapport reconnaissant qu’elle a fait une erreur d’appréciation et qu’il faut immédiatement rendre l’enfant à sa famille. Pour valoriser son propre travail , elle a tout intérêt à expliquer que les parents sont responsables de tous les problèmes ; cela permettra, par contraste, de mettre en lumière l’action du travailleur social qui a bien du mérite de gérer des familles si difficiles.

 

Pour certaines, la défense de la carrière professionnelle vient avant la défense des enfants.

 

D’ailleurs, les éducateurs en CDD dans les foyers de l’enfance et les TISF (dont les emplois sont menacés dans les ADMR en difficultés financières) sont également dans une situation de conflit d’intérêts. « L’intérêt de l’enfant [qui] (...) doit guider toutes décisions le concernant » (article L112-4) n’est pas forcément le leur si l’enfant doit quitter le foyer ou si les observations à domicile sont inutiles.

 

Aucun recours

 

Les services sociaux peuvent crucifier une famille ; mais ils n’aiment pas qu’on les égratigne.

 

Le simple fait de poser des questions précises pour démontrer la vacuité du dossier entraîne l’irritation de l’assistante sociale .

 

Et, quand on ose affirmer qu’il y a des contre-vérités dans ses rapports, on déchaîne les foudres.

 

Si on a la morgue de se défendre, on est accusé d’avoir une attitude de défiance.

 

Les parents qui se risquent à critiquer l’action des services sociaux peuvent être sûrs que le Juge en sera averti.

 

En bon professionnel, le travailleur social sait quels mots feront mouche pour discréditer les parents récalcitrants qui ne veulent pas rentrer dans le rang : « parents dans le déni », « parents qui refusent de collaborer »,...

 

Alors, pour que leurs droits de visite ne soient pas restreints, les parents sont obligés de se taire et d’obéir.

 

Si une famille a l’outrecuidance de déposer une plainte en diffamation contre les travailleurs sociaux qui colportent des dénonciations calomnieuses, celle-ci reçoit une lettre menaçante du Président du Conseil Général. Plutôt que d’ouvrir une enquête sur ses dysfonctionnements internes, le Conseil Général s’empresse d’avertir le Procureur de la République. Ce dernier, oubliant probablement son rôle de garant des libertés individuelles , classera courageusement la plainte (il est vrai qu’il avait avalisé le jugement en assistance éducative).

 

Pas étonnant, dans ces conditions, que certains pères perdent leurs nerfs et s’en prennent à ceux qui les ont privés de leurs enfants ou bien que certaines mères retournent la violence du système contre elles-mêmes et tentent de se suicider.

 

Plutôt que de réaliser que, dans certains cas, ils sont à l’origine du problème, les travailleurs sociaux sont alors confortés dans leur analyse : le père était violent, la mère était instable psychologiquement, heureusement que nous sommes intervenus pour protéger les enfants .

 

Des violations des Droits de l’Homme

 

Aucun article du Code de l’action sociale et des familles ne limite l’immixtion des services sociaux dans la vie privée (ce qui est contraire à l’article 12 des Droits de l’Homme). (Pour notre part, nous avons dû subir la présence d’une Technicienne en Intervention Sociale et Familiale lors de notre mariage. Vu les circonstances, le mariage civil a dû se tenir en petit comité : 8 adultes dont deux professeurs agrégés, un ingénieur, un notaire honoraire,... Bref, rien ne justifiait la présence d’une TISF à part probablement la volonté d’humilier les mariés).

 

L’article 375-7 du code civil, qui permet au juge de fixer la nature et la fréquence des droits de visite et d’hébergement des parents, porte atteinte à la liberté religieuse (article 18 des Droits de l’Homme). En effet, le juge peut s’opposer à la présence des enfants lors de cérémonies religieuses (mariage,...) et les services sociaux refusent d’encadrer des visites le dimanche ce qui prive les familles du droit d’assister à la messe dominicale avec leurs enfants. Les parents qui le souhaitent ne peuvent même pas confier leurs enfants à Dieu pour les aider à supporter cette terrible séparation.

 

De toutes façons, les jours de visites sont imposés (dans notre cas, le vendredi) et peu importe si les rencontres parent-enfant ont lieu sur le temps scolaire : quand c’est l’ASE qui déscolarise l’enfant, ce n’est pas une « carence éducative ».

 

Même quand les parents jouissent encore de l’autorité parentale, ceux-ci n’ont pas leur mot à dire sur le choix de l’école de leurs enfants. C’est l’ASE qui décide en violation de l’article 26 des Droits de l’Homme qui stipule pourtant que les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants.

 

Quand les éducateurs ou les assistantes sociales ont des documents à faire signer aux parents, ils leur tendent généralement une liasse de papiers à parapher sur le champ. Difficile de prendre le temps de les lire sans que le travailleur social vous fasse sentir son exaspération . Difficile, sous la pression, de refuser de signer le « projet pour l’enfant » (défini à l’article L223-1). Difficile également de ne pas donner son autorisation pour administrer des « traitements médicamenteux non-urgents » :

 

- soit on ne signe pas et les travailleurs sociaux pourront accuser les parents de défaut de soins ;

 

- soit on signe et les parents n’ont plus la capacité de s’opposer à ce que l’on mette leur enfant sous Ritaline par exemple. C’est de l’extorsion de signature.

 

Pour notre part, alors que notre enfant souffrait d’une simple dysphasie, nous avons dû nous résigner à autoriser son hospitalisation dans une unité psychiatrique où il a été en contact avec des enfants atteints de pathologies très lourdes (beaucoup d’autres enfants placés d’ailleurs). C’était ça ou la menace d’une demande de retrait de l’autorité parentale ; les services sociaux auraient alors eu les pleins pouvoirs.

 

L’ASE s’en prend souvent à des familles qui n’ont pas fait d’études supérieures et qui n’ont pas les moyens intellectuels de se défendre face à une structure administrative puissante. Il s’agit généralement de parents en difficultés financières, qui dépendent de l’aide juridictionnelle, et qui n’ont pas les moyens matériels de choisir un avocat expérimenté qui s’investira dans le dossier. De plus, les parents sont déstabilisés, rongés par des nuits sans sommeil, privés de leur seule source de bonheur : leurs enfants. Des parents prêts à signer n’importe quoi pour peu qu’on leur promette une heure de visite hebdomadaire supplémentaire. C’est un abus de faiblesse ignoble.

 

Un triste bilan comptable

 

Dans le cas de familles démunies, il coûterait beaucoup moins cher à la collectivité d’aider les familles en leur faisant l’avance de quelques centaines d’euros ou bien en leur apportant une caution pour les aider à accéder au parc locatif privé (lorsqu’il y a pénurie de logement HLM). Mais non. On préfère payer des familles d’accueil, des assistantes sociales référentes, des TISF, des directrices de foyer, des éducateurs,... Pour certains, le social est un « business » qui rapporte.

 

À cela, il faut ajouter le coût de l’aide juridictionnelle (pour des parents démunis) et l’encombrement des tribunaux, sans compter celui des CMPP car, pour finir, la sécurité sociale devra prendre en charge un pédo-psychiatre pour tenter de réparer les dégâts psychologiques que l’on a infligés à l’enfant. Triste bilan comptable.

 

Conclusion

 

Madame et Messieurs les Hauts Conseillers, j’ai essayé d’alerter le législateur, par l’intermédiaire de ma députée, mais ma démarche est restée lettre morte. À l’initiative de nombreuses autres familles désemparées, des pétitions circulent sur Internet pour tenter d’éveiller le pouvoir exécutif (ministres, premier ministre, président de la République) ; sans plus de résultat.

 

Madame et Messieurs les Hauts Conseillers, vous êtes le dernier recours de dizaines de milliers de parents, bien-traitants et aimants, injustement privés de leurs enfants. En déclarant inconstitutionnels quelques articles - anodins individuellement, mais dont l’agrégation permet tous les abus - vous seuls pouvez imposer la réforme d’un système qui est une honte au pays des Droits de l’Homme.

 

Je vous prie d’agréer, Madame et Messieurs les Hauts Conseillers, mes salutations les plus respectueuses.

 

Brest, le 4 juillet 2010

 

Mme JAF

FRY Emmanuelle

 

 

 

 

 

 

http://www.wikio.fr/article/derives-action-sociale-betapolitique-mme-jaffry-231524348



11/02/2011
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