Les fondements La responsabilité civile délictuelle
L'inexécution du contrat laisse
apparaître le problème de la responsabilité contractuelle. Une telle
responsabilité ne peut découler automatiquement du seul fait de l'inexécution ou
de la mauvaise exécution.
Il faut déterminer dans quels cas le contractant
est responsable du dommage subi par l'autre, ce qui nécessite l'étude des
conditions de la responsabilité contractuelle. Enfin, la responsabilité des
contractants étant définie, soit sur le plan légal, soit sur le plan
conventionnel, se posera le problème de la technique de la réparation du
dommage. en fait les conditions de la responsabilité civile sont contenu dans:
Les règles générales de la responsabilité civile délictuelle sont posées par les
articles 77 à 106 du D.O.C.
A ce propos Deux formes de responsabilité y sont
distinguées: la responsabilité civile délictuelle pour faute prouvée la
responsabilité civile délictuelle sans faute prouvée qui fera l'objet du
deuxième article.
LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉLICTUELLE POUR FAUTE
Prouvée
Le principe de responsabilité civile est posé par les articles 77 et
78 du D.O.C :
Article 77:«Tout fait quelconque de l'homme qui sans l'autorité
de la loi, cause sciemment et volontairement à autrui un préjudice est tenu à
réparer ledit-dommage lorsqu'il est établi que ce fait en est la cause directe
... »
Article 78:« Chacun est responsable du dommage moral ou matériel qu'il
a causé, non seulement par son fait mais par sa faute lorsqu'il est établi que
cette faute en est la cause directe ..... ».
De ces textes, il ressort que la
responsabilité civile du fait personnel est engagée dès lors que trois
conditions sont recensées:
- Une faute;
- Un dommage;
- Et, un lieu de
causalité reliant le dommage à la faute.
1- LA FAUTE.
On envisagera
successivement la définition de la faute puis ses variétés et sa preuve.
A.
La définition de la faute
Deux élément apparaissent dans l'analyse de la
notion de faute: un élément objectif et un élément subjectif.
a).
L'élément objectif: Le fait ,illicite
Suivant les auteurs, la faute est
définie comme un fait illicite ou comme la violation d'une obligation
préexistante (législative, règlementaire, coutumière), ou encore comme une
erreur de conduite. La multiplicité des définitions ne semble pas avoir apporté
la matière toute la clarté désirable : «Mieux vaut se contenter d' observer qu'à
défaut de la délimitation que les principaux intéressés peuvent lui donner en'
matière contractuelle, l'analyse traditionnelle de la faute délictuelle ou
quasi-délictuelle repose, tout à la fois, sur des considérations d'ordre moral
et d'ordre social, liées aux diverses fonctions de la responsabilité civile»
.
En effet, les formules très générales du D.O.C suffisent à fonder la
responsabilité des auteurs des faits qu'ils visent sans qu'il soit toujours
nécessaire d'un disposition suffisamment précise d'un texte législatif. La faute
civile se distingue en ce sens de la faute pénale.
b) L'élément
subjectif: l'imputabilité.
La responsabilité du fait personnel suppose en
principe une faute. Celle-ci implique un comportement répréhensible ou fait
illégitime, lequel doit-être imputable à son auteur. Cette imputabilité implique
une volonté capable. Cette condition pose le problème de la responsabilité des
personnes morales et des personnes privées de discernement.
1. La
responsabilité des personnes morales
En principe, les personnes morales bien
qu'elles constituent des êtres abstraits dépourvus de volontés propres, sont
civilement responsables sur leur patrimoine des fautes commises par leurs
représentants légaux. En effet, ces derniers ne sauraient être considérés comme
de simples préposés du groupement. Elles en constituent, en réalité, les
organes. Leurs actes peuvent être analysés comme les actes mêmes de la personne
morale dont la responsabilité» du fait personnel est, ainsi, engagée. La faute
de l'organe s'identifie avec la faute de la personne morale elle-même. Celle-ci
pourra être condamnée à réparer le préjudice occasionné sur la base de l'article
78 du D.O.C comme ayant commis une faute personnelle.
2. La
responsabilité des personnes privées de discernement. Aux termes de l'article 96
du D.O.C: «le mineur dépourvu de discernement ne répond pas civilement du
dommage causé par son fait. Il est de même de l'insensé, quant aux actes
accomplis pendant qu'il est en état de démence ................ »
Au
contraire, l'adolescent est pleinement responsable de ses actes .
B. Les
diverses catégories de fautes
certaines distinctions doivent être
opérées, elles tiennent à l'origine, à la forme ou à la gravité de la
faute.
a) Distinction tenant à l'origine de la faute
On distingue .dans ce
cadre la faute contractuelle de la faute délictuelle ou quasi-délictuelle. Est
une faute contractuelle, l'inexécution ou la mauvaise exécution d'une obligation
résultant d'un contrat valable. Toute autre faute, notamment en dehors de tout
contrat, est délictuelle et donne lieu à l'application des règles de la
responsabilité délictuelle.
b) Distinction tenant à la forme de la
faute
On distingue ainsi la faute de commission de la faute par
omission.
La première s'accomplit par un acte positif et ne soulève point de
développements particuliers puisqu'elle engage la responsabilité de son auteur
dès l'instant que celui-ci contrevient à une obligation de ne pas faire, légale
ou contractuelle.
La deuxième résulte d'une abstention (article 78, al. 3
du D.O.C). c'est le cas notamment lorsque l'auteur du préjudice se livrant à une
activité particulière, s'abstient de prendre toutes les précautions qui seraient
nécessaires pour que cette activité ne cause pas de dommage à autrui.
.
Exemple: L'entrepreneur de travaux publics qui contrevient à un
règlement de voirie en négligeant d'éclairer, pendant la nuit, de la façon
prescrite par ce règlement, les travaux exécutés sur une voie publique, commet
une faute qui justifie contre lui une action en dommages-intérêts dans les
termes de l'article 781 du D.O.C.
c) Distinction tenant à la gravité de
la faute
La faute peut être intentionnelle ou non intentionnelle.?
Il Y a
faute intentionnelle- lorsque l'auteur du dommage a accompli l'acte illicite
avec l'intention de nuire à la victime.
Pour apprécier une telle faute, il
faut procéder à une analyse in concreto, en recherchant à chaque fois si telle
personne avait ou non la volonté délibérée de nuire à autrui.
La faute non
intentionnelle se définit comme une maladresse, une imprudence ou une
négligence.
Exemple: La livraison négligente de marchandises
défectueuses.
Pareille qualification suppose une appréciation in
abstracto.
Dans l'exemple précédent, on comparera l'attitude du commerçant
qui a occasionné un préjudice à un consommateur avec celle d'un commerçant
normalement prudent et avisé.
C. La preuve de la faute
a) la
preuve du non accomplissement d'un acte fautif.
Le défendeur à l'action en
responsabilité civile peut, pour l'écarter, s'attacher à prouver qu'il n'a point
commis l'acte dommageable que le demandeur lui reproche. Pour cela, il utilisera
tous les moyens. de preuve. Par exemple, que le préjudice supporté par la
victime trouve son origine dans un événement de force majeure.
b) la
preuve du caractère non fautif de l'acte accompli
Le caractère fautif d'un
acte peut être effacé par certaines circonstances qui en justifient ou qui en
excusent la commission.
Ce sont:
1. La légitime défense (Article 95 du
D .O.C). Il résulte de l'article 124-3° du c.P. « Qu'il n'y a ni crime, ni
délit, ni contravention ... , lorsque l'infraction était commandée par la
nécessité actuelle de la légitime défense appartenant à soi-même ou à autrui
pourvu que la défense soit proportionnée à la
la gravité de
l'agression»
Exclusive de la faute pénale, la légitime défense l'est
également, de la faute civile, (Article 95 du D.O.C). L'auteur du dommage n'est
pas fautif si, compte tenu des circonstances, il ne pouvait agir autrement pour
se défendre contre une attaque injuste et si, sa défense était proportionnée à
l'agression subie.
2. La justification par l'ordre de la loi et le
commandement de l'autorité légitime
Aux termes de l'article 124-1 ° du C.P, «
il n'y a ni crime, ni délit, ni contravention: 1° lorsque le fait était ordonné
par la loi ou commandé par l'autorité légitime ».
Il en ressort que la
responsabilité civile de l'auteur de l'acte dommageable ne saurait être engagée
pas plus que sa responsabilité pénale.
3. L'état de nécessité
Une
personne cause un dommage afin d'en éviter un plus important.
Exemple: Pour
éviter d'écraser un piéton, un automobiliste défonce une vitrine.
4. Le
fait de la victime
Il fait disparaître le caractère fautif du fait
dommageable dans le seul cas de préjudice causé aux biens.
2- LE
DOMMAGE
Nous verrons successivement les caractères (A) puis les différentes
sortes de dommages (B) ..
A. les caractères du dommage
Pour être
réparable, le dommage doit être certain et direct. A ces caractères, il faut
ajouter l'exigence d'un intérêt légitime.
a) Le dommage doit être
certain
Un dommage est certain dès qu'il est réalisé. C'est le cas
notamment lorsque la victime a éprouvé une perte ou a manqué un gain. Mais, ce
principe n'exclut pas la réparation du préjudice futur s'il apparaît comme la
prolongation certaine et directe d'un état de chose actuel. Ainsi, en matière
d'accident corporel entraînant une incapacité de travail, les dommages-intérêts
répareront le préjudice occasionné par le «manque à gagner).
Au préjudice
futur dont la réalisation à venir est incertaine, on oppose le préjudice
éventuel dont la réalisation n'est pas certaine et qui ne peut donner lieu à
réparation tant que l'éventualité ne s'est pas transformée en certitude.
La
jurisprudence française considère comme un préjudice certain la perte d'une
chance, car cette chance constitue à elle seule un patrimoniale susceptible
d'évaluation par un calcul de probabilités.
b) Le dommage doit être
direct
Seul, le dommage qui constitue la suite directe, du fait dommageable
donne lieu à réparation. Cette exigence se ramène pour l'essentiel à
l'appréciation du lien de causalité qui doit exister entre la faute et le
dommage.
c) Le dommage doit avoir un caractère légitime
un dommage
n'est réparable que pour autant qu'il s'analyse en une atteinte à un intérêt
légitime juridiquement protégé. Le tenancier d'une maison de jeux clandestin
n'obtiendra pas d'indemnités si, par le fait d'autrui, son local est
détruit.
B. Les différentes sortes de dommages On distingue:
a) Le
dommage matériel.
C'est un dommage objectif portant atteinte au patrimoine et
susceptible d'être directement évalué en argent.
Cette notion couvre le
préjudice directement supporté par la victime immédiate de la faute commise ou
du risque créé qui, selon les cas, peut subir une perte ou un manque à gagner.
En . matière contractuelle, de tels dommages appellent réparation. Il en va de
même, en cas d'accidents corporels, des frais de transport ainsi que des frais
médicaux et pharmaceutiques engagés par la victime.
Il Y a lieu par
ailleurs à une indemnisation des pertes de salaires, de traitement ou de gains
qui en résultent. Cette perte étant liée aux revenus réels· de la victime ainsi
qu'à ses perspectives normales de carrière.
b) Le dommage corporel.
Il
concerne les atteintes à l'intégrité physique de la personne (blessures
invalidité ou décès). Il est mixte car il est constitue d'un préjudice matériel,
frais médicaux, pharmaceutiques ou salaires correspondant à l'incapacité de
travail et d'un préjudice moral qui comprend les souffrances physiques mais
aussi les souffrances morales.
c) Le dommage moral.
Il s'agit de
l'atteinte à des droits extrapatrimoniaux.
Exemple:
- L'atteinte à
l'honneur, à la considération par la diffamation ou les injures.
- Atteinte
aux sentiments par le décès accidentel d'un être cher.
Contrairement au droit
français, la législation marocaine a posé le principe de la réparation d'un tel
préjudice de manière explicite dans les articles 77 et 78 du D.O.C
3- LE LIEN
DE CAUSALITÉ
La réparation des dommages est subordonnée à l'existence
d'un lien de causalité entre le dommage et le fait générateur de responsabilité.
Cette exigence résulte des textes mêmes du D.O.C (Article 77 et 78 ).
Il
convient de préciser la notion de causalité (A) avant d'étudier les problèmes
posés par l'établissement d'un lien de causalité (B).
A. Notion de lien
de causalité
La causalité retenue comme élément de la responsabilité
civile est la causalité directe.
Celle-ci soulève toutefois quelques
difficultés lorsque plusieurs événements concourent à sa
réalisation.
Exemple: Un automobiliste renverse un piéton. Lors du transport
de la victime à l'hôpital, un nouvel accident survient entraînant la mort du
blessé.
Faut-il que le premier automobiliste soit responsable du dommage
final subi par la victime ou doit-on considérer celui-ci comme indirect par
rapport à lui.
En d'autre termes, faut-il admettre la théorie de
l'équivalence des conditions et décider qu'il y a responsabilité dès que le fait
illicite a concouru à la réalisation du dommage.
Cette thèse qui élargit à
l'excès le champ des causalités n'a pas été retenue par la jurisprudence, qui
s'est orientée dans une autre voie, en consacrant la théorie de la causalité
adéquate. Elle s' efforce donc de retenir comme cause l'événement qui était de
nature à produire normalement le dommage.
B. L'établissement du lien de
causalité
L'établissement du lien de causalité entre l'inexécution de
l'obligation et le dommage incombe, en principe, au demandeur. C'est dire que le
doute sur l'existence de ce lien profite au défendeur qui peut, dans certains
cas, échapper à l'obligation de réparer qui pèse sur lui.
a) La preuve du
lien de causalité
1. Dommage provoqué par une personne identifiée 192. Il
incombe au demandeur, dans ce cas, d'établir:
- D'une part, le lien de
causalité entre l'activité du défendeur et l'inexécution par lui de l'obligation
dont il était tenu;
- D'autre part, d'établir le lien de causalité entre
l'inexécution et le dommage dont il demande réparation .
2. Dommage provoqué
par une personne non identifiée 193. Dans certains cas, la victime se trouve
dans l'impossibilité· d'établir le lien de causalité entre le dommage et la
faute d'une personne déterminée.
Exemple:
_ L'automobiliste, auteur
d'un accident d'automobile et qui prend la fuite;
_ Un accident de chasse
survient sans qu'on puisse identifier le tueur.
Dans ces divers cas, la
victime est dans l'impossibilité d'établir la relation causale entre le dommage
et la faute d'une personne déterminée. Peut-il alors prétendre à une quelconque
réparation?
De la combinaison des articles 99 et 100 du D.O.C, il ressort
que, lorsque le dommage est causé par plusieurs personnes sans qu'on puisse
déterminer celle qui en est réellement l'auteur ou la proportion dans laquelle
elles ont contribué au dommage, chacune d'elles est tenue solidairement des
conséquences à l'égard de la victime, qui pourra s'adresser pour le tout à l'un
des responsables lequel fera son affaire des recours des autres.
En matière
d'accidents corporels, le législateur a créé un fonds de garantie destiné à
indemniser la victime d'accidents corporels causés par des véhicules terrestres
à moteur lorsque l'auteur de l'accident demeure inconnu.
b). La preuve de
la non causalité
L'auteur du dommage est exonéré de sa responsabilité
lorsqu'il démontre que le préjudice est dû en tout ou en partie à une cause
étrangère qui ne lui est pas imputable.
Cette cause étrangère peut être
soit la force majeure ou le cas fortuit soit le fait d'un tiers soit la faute de
la victime.
1. Cas fortuit ou force majeure (Article 95 du D.O.C). Plusieurs
conditions doivent être réunies pour que l'auteur du dommage soit exonéré:
-
Cet événement doit être imprévisible (exemple tremblement de terre dans une
région où pareil phénomène es généralement, inconnu)
- L'événement doit être
irrésistible ce qui suppose qu'il cré une impossibilité d'exécution;
-
L'événement doit, enfin, avoir été insurmontable. L'auteu était dans
l'impossibilité d'éviter le dommage.
En principe, celui qui justifie avoir
été contraint par une force majeure ou un cas fortuit échappe à toute
responsabilité:' « à l'impossible, nul n'est tenu ».
Cependant, si le dommage
est dû pour une part à un cas fortuit ou de force majeure, et pour une autre
part, à la faute prouvée ou présumée de l'auteur, une certaine jurisprudence
admet que la responsabilité de ce dernier sera atténuée en
conséquence.
2. Le fait d'un tiers
Une personne dont la responsabilité
est mise en cause peut y échapper en prouvant que le fait d'un tiers a concouru
avec sa propre faute à la réalisation du préjudice.
Le fait d'un tiers doit
revêtir les caractères de la force majeure, autrement la responsabilité sera
partagée entre ce tiers et celui dont responsabilité est recherchée.
3.
Le fait de la victime
Le fait de la victime peut être une cause d'exonération
au même titre que le fait d'un tiers (voir Article 89 et 88 du D.O.C).
En
effet, si le fait de la victime a été imprévisible et irrésistible et il est la
cause exclusive du dommage, la responsabilité de l'auteur est dégagée, et le
préjudice restera à la charge de la victime.
Si la victime n'est que pour
partie la cause de son propre dommage, il y aura en principe partage de
responsabilité au prorata de l'importance des fautes ou de leur rôle causal. En
conséquence, l'indemnité allouée à ses ayants-droits sera réduite de la part
mise à sa charge.
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