Procès Fiona : la troublante personnalité de Cécile Bourgeon
Au deuxième jour du procès de Cécile Bourgeon et Berkane Makhlouf aux assises du Puy-de-Dôme, la mère de Fiona s'est emportée, et a exprimé des regrets. De notre envoyée spéciale.
Il peine d’abord à choisir ses mots, veut trouver les bons. "Une petite fille joyeuse, pleine de vie, intelligente pour son âge et énergique, qui aimait faire du sport", lâche enfin à la barre le frère cadet de Cécile Bourgeon, gendarme de 25 ans. "J'étais proche de ma nièce", répète le jeune homme en jeans et baskets colorées, sans un regard pour sa sœur qui l’observe, juste à côté, depuis le box des accusés. Il ne l’a pas vue depuis trois ans, depuis qu’elle est incarcérée. Ne lui a jamais rendu visite en prison.
"Pour l’instant je ne peux pas", énonce-t-il sans s’étendre.
Ce mardi, au deuxième jour du procès de la mère de Fiona et de son ancien compagnon Berkane Makhlouf, tous deux accusés, entre autres, de violences volontaires ayant entraîné la mort de Fiona sans intention de la donner, la cour se penche sur la personnalité de sa sœur aînée.
Les coups, la drogue, le viol
D’un ton semblant détaché, avec des mots parfois enfantins, la jeune femme de 29 ans, écharpe rose et frange dégagée par une pince, énumère les événements marquants de sa vie. Le divorce de ses parents, quand elle a cinq ans, qui l’a beaucoup marquée. Les coups infligés par son père. Les difficultés scolaires.
Puis, plus tard, sa relation avec Nicolas Chafoulais, de 15 ans à 23 ans, qui dégénèrera, dit-elle, à cause de "la came". Héroïne, ectasy, LSD, kétamine. Lors des fêtes à l’extérieur, à la maison aussi. Son premier job ? Serveuse dans un restaurant indien, avant le CAP en industrie agro-alimentaire qu’elle décroche en 2007.
La "meilleure année de (sa) vie", dit-elle.
Celle de l’obtention de son diplôme, de son permis, et de la naissance de son premier enfant, Fiona. Elle évoque ensuite le viol, en 2012 (son agresseur a été condamné en septembre dernier, et a fait appel), qui fait "basculer sa vie", peu avant la rencontre avec Berkane Makhlouf. Avec lui, c’est le "coup de foudre". A ses côtés dans le box, il reste impassible.
Colère et agressivité
Dans l’après-midi, Marie Grimaud, avocate de l’association Innocence en danger, partie civile, tente de faire parler Cécile Bourgeon, d’en savoir plus, enfin, sur la mort de sa fille, sur le lieu où se trouve son corps jamais retrouvé.
"J’ai fait tout mon possible pour retrouver le lieu, je n’ai pas réussi, j’en ai honte. Vous croyez que je suis la plus heureuse du monde ?", lui lance-t-elle, déjà agacée.
L’avocate lit ensuite à la cour un bref passage d’une lettre que la mère de Fiona a envoyé, depuis la prison, à un homme qui lui avait écrit, qu’elle n’a jamais rencontré. Cécile Bourgeon y exprime son souhait d’avoir un enfant avec lui. La salle, qui ne peut contenir tous ceux qui souhaitent assister au procès, ne cache pas son indignation. L’accusée s’emporte alors, sort de ses gonds et présente, en un instant, un autre visage :
"Vous faites ça pour indigner la salle ! Et alors ? Où est le mal ? J’ai le droit d’avoir des enfants. Je suis mordue des enfants. Si vous cherchez la petite bête, vous allez la trouver."
Puis de lancer, glaciale et agressive, face à l’avocate : "Pour qui se prend-elle ?"
"Je regrette"
Ses avocats tentent bien, ensuite, d’atténuer la portée des propos de leur cliente. "Avez-vous conscience d’avoir délaissé votre rôle de mère ?", lui lance Gilles-Jean Portejoie. "J’ai mes erreurs, je ne suis pas parfaite". "Exposez vos regrets !" l’intime-t-il aussi. "Je regrette". Elle dit avoir "perdu les pédales" après le viol, renchérit :
"Je regrette chaque jour de ne pas avoir été à la hauteur, d’avoir été négligente, une mère indigne, peut-être même un monstre pour certains."
Si elle vient de s’emporter, c’est aussi à cause des médicaments –antidépresseurs et neuroleptiques en plus de son traitement de substitution – dont elle n’a pas eu aujourd’hui, dit-elle, les justes doses.
Elle montre, toutefois, qu'elle sait s'imposer et se montrer déterminée, nuançant les résultats de l'expertise d'une psychologue intervenue plus tôt. Elle l’avait vue en 2013, peu après l’annonce de la prétendue disparition de l’enfant, et a insisté sur sa "fragilité" causée par plusieurs événements douloureux de sa vie, ainsi que sa "peur de l'abandon". Avant d'énoncer qu’il était pour elle "évident, dans son parcours de vie", que Cécile Bourgeon "avait tout pour s’engager dans des situations d’emprise."
Des larmes mais pas d'explications
La mère de Fiona éprouve-t-elle toujours des sentiments envers l’accusé Berkane Makhlouf ? S’estime-t-elle toujours sous son emprise ? A ces questions du président, la jeune femme, métamorphosée par une importante prise de poids, peine à répondre.
"C’est compliqué. Je ne peux pas dire."
Quand elle a été placée en garde à vue après quatre mois de mensonges partagés avec son ancien compagnon, elle présentait des traces de coups. En était-elle régulièrement victime ? Elle dit ne pas se souvenir puis déclare : "C’était assez souvent." Poussé par Charles Fribourg, avocat du père de Fiona, son frère qu’elle protégeait, enfant, des coups de leur père, se tourne enfin vers elle en fin d'audition. Elle fond en larmes.
"Je sais que tout ça t’a fait souffrir. Je suis désolée. Je t’aime."
Mais elle n'en dit pas plus sur la mort de sa fille. Leur mère, ensuite, s’avance face à la cour. Cheveux courts, pantalon noir et pull marron, elle prend à son tour la parole, puis affirme calmement :
"J’aimerais que les choses s’éclaircissent, qu’on arrive à avoir la vérité. Pour la petite Fiona, mais aussi pour sa petite sœur et son petit frère qui vont devoir se construire avec tout ça. Si on n’a rien à leur dire, comment vont-ils grandir ?"
Céline Rastello
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