liens parents enfant sefca Europe

Qu'est-ce que le dépaysement judiciaire ?

 - En matière pénale, la Cour de cassation peut transférer une affaire d'un tribunal à un autre. Explications.


• Qu'est-ce qu'un dépaysement judiciaire ? En principe, c'est le tribunal où a été commise l'infraction (en matière pénale) ou bien celui dans lequel vit le justiciable (en matière civile) qui est compétent. Le dépaysement judiciaire consiste à dessaisir cette juridiction «naturelle» pour renvoyer l'affaire à un autre tribunal.

• Dans quels cas une telle mesure peut-elle être prise ? En matière civile, la loi prévoit que lorsqu'un magistrat est impliqué dans le tribunal où il exerce habituellement, la partie adverse peut saisir une autre juridiction.

Dans le code pénal, modifié par une loi de 1993, le dépaysement peut être demandé «pour cause de suspicion légitime» à l'égard du tribunal, «pour sûreté publique» ou «dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice». En clair, le plus souvent, pour préserver l'institution judiciaire de pressions extérieures trop fortes ou quand des acteurs de l'appareil judiciaire sont mis en cause.

• Qui décide d'un dépaysement ? Selon le code pénal, seule la Cour de cassation peut dessaisir une juridiction pour en saisir une autre. La demande est faite par le procureur général ou par toute partie prenante à l'affaire. La Cour a huit jours pour se prononcer.

• Est-ce une procédure courante ? Le dépaysement a longtemps été systématique dans les affaires politico-judiciaires. En 1992, le procès d'Henri Emmanuelli dans l'affaire du financement occulte du Parti socialiste dans la Sarthe avait ainsi eu lieu dans les Côtes d'Armor. Mais la banalisation des affaires politico-judicaires a mis fin à cette procédure systématique.

Aujourd'hui, les procédures de dépaysement résultent principalement de la mise en cause des magistrats censés jugés l'affaire ou de l'implication de magistrats dans le dossier. Plusieurs volets du dossier des disparues de l'Yonne, normalement instruits à Auxerre, ont ainsi été dépaysés à Paris en 2002 pour «lever le trouble et la légitime émotion des familles» à la suite «d'accusations et insinuations» à l'encontre de l'institution judiciaire.

À l'inverse, certaines grandes affaires n'ont pas été dépaysées malgré des demandes insistantes. C'est le cas par exemple de l'affaire impliquant pour «abus de confiance» l'ancien maire de Lyon Michel Noir en 1996, ou de l'affaire du tueur en série Patrice Alègre, maintenue à Toulouse en 2003. De même, le procès de la catastrophe du stade de Furiani en 1992 a été maintenu à Bastia, ainsi que l'affaire dite des «paillotes», dans laquelle était impliquée l'ancien préfet Bernard Bonnet.

• Pourquoi certains magistrats s'opposent-ils à cette procédure ? À l'occasion de l'affaire du Carlton de Lille - où le dessaisissement avait été demandé parce qu'un avocat et un policier locaux étaient mis en cause - l'Union syndicale des magistrats (USM) s'est élevée contre «l'utilisation désormais habituelle» de la procédure dans les affaires sensibles. Récemment, des demandes de dépaysement ont ainsi été examinées dans les affaires Bettencourt (acceptée), Médiator (rejetée) et Clearstream (rejetée).

Pour l'USM, majoritaire dans la magistrature, cette «utilisation répétée est de nature à nuire au bon déroulement des enquêtes, à faire peser sur les magistrats instructeurs et les juridictions correctionnelles une menace permanente de dessaisissement et à porter ainsi atteinte à l'indépendance de la justice».L'USM soulignait en outre qu'une telle décision entraîne «un retard de plusieurs mois des investigations, nécessairement préjudiciable à la manifestation de la vérité». Le nouveau juge désigné doit en effet reprendre tout le dossier à zéro.



26/10/2014
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi