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Guide Confidentialité

Guide Confidentialité
Ou quelques repères en matière de secret professionnel et de partage
d’informations…
copyright Olivier FOISSAC / copyright ACSEA
Version juin 2009
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lien:http://www.acsea.fr/page.php?menu_id=438
SOMMAIRE
Préambule 3
Introduction 4
PREMIERE PARTIE : Le Cadre légal du secret 5
I- L’OBLIGATION AU SECRET PROFESSIONNEL 5
• Les textes
• Qu’est-ce qu’une information à caractère secret ?
• Qui sont les intervenants sociaux soumis au secret professionnel ?
• Les sanctions en cas de violation du secret professionnel : pénale, civile et disciplinaire
II-LES LIMITES AU SECRET PROFESIONNEL 8
• Article 226-14 du Nouveau Code Pénal
• Discussion : S’agit-il d’une réelle faculté ?
III- LE SIGNALEMENT 11
• Définition
• Le cadre légal du signalement
• Cas particuliers des professionnels de l’action sociale mandatés par un juge
• Recommandations : pourquoi signaler, à qui signaler, comment signaler ?
SECONDE PARTIE: La légalisation du partage des informations 18
I- DU FAIT DE LA LOI SUR LA PROTECTION DE L’ENFANCE 18
• Ce que dit la loi
• Proposition de définition
• Recommandations
II- DU FAIT DE LA LOI SUR LA PREVENTION DE LA DELINQUANCE 20
• Concernant le partage d’informations
• Proposition de lecture et analyse du texte
• Recommandations
• Concernant les CLSPD
TROISIEME PARTIE : Comment concilier témoignage et secret professionnel ? 24
I- L’AUDITION PAR LES FORCES DE L’ORDRE ET LE TEMOIGNAGE EN JUSTICE 25
• Le cadre légal
• Recommandations
II- REQUISITION ET PERQUISITION 27
• Le cadre légal
• Recommandations
3
Préambule
Avec l’entrée en vigueur, d’une part de la loi réformant la protection de l’enfance légalisant
en outre le partage des informations, d’autre part de la loi sur la prévention de la délinquance,
laquelle implique la participation des travailleurs sociaux, l’A.C.S.E.A. a souhaité qu’une
réflexion générale s’amorce sur notre positionnement en matière de confidentialité et sur les
valeurs qui le sous-tendent.
En France, le secret professionnel se situe au carrefour de deux notions : premièrement, la
protection de la vie privée de l’individu, deuxièmement, la protection de l’ordre public
démocratique. Le sujet est particulièrement d’actualité pour plusieurs raisons :
• Emergence de dispositions législatives ayant des répercussions sur le contenu même
du secret professionnel et de facto sur nos interventions.
• Développement du travail pluridisciplinaire et interinstitutionnel pour venir en aide
aux personnes et aux familles en difficulté.
• Emergence d’un devoir d’ingérence dans les familles pour protéger les enfants
victimes de violences.
• Procédures pénales engagées à l’encontre de travailleurs sociaux pour non-assistance à
personne en danger.
Avec ce guide, nous vous proposons une interprétation des textes ainsi que des
recommandations professionnelles, ayant vocation institutionnelle, destinées à vous permettre
de mieux vous situer dans vos interventions. Ce guide a pour objectif de donner sens à vos
actions en fonction de ce que disent les textes, de nos valeurs communes et des contraintes
vécues dans le quotidien de notre pratique professionnelle.
Une première partie revient sur les fondements légaux de la notion de secret professionnel et
plus largement sur celle de confidentialité. Au sein de ce même chapitre, nous revenons en
détail sur le signalement et sa mise en oeuvre.
Une seconde partie est consacrée à la légalisation du partage des informations, étant précisé
que nous opérons une distinction entre les dispositions de la loi réformant la protection de
l’enfance et les dispositions relevant du texte sur la prévention de la délinquance. A chaque
fois, et sous couvert de ces fondements légaux, déontologiques et méthodologiques, nous
avons élaboré des recommandations destinées à nous repérer et à faciliter l’exercice de notre
activité professionnelle.
Enfin, une troisième partie aborde des points bien particuliers tel le positionnement à adopter
face à une demande de renseignements de la part des forces de l’ordre public ou celui du
témoignage en justice par un travailleur social.
Même si ce guide se veut exhaustif, nous avons certainement omis quelques points et avons
décidé de ne pas traiter certains thèmes tel le droit d’accès au dossier qui pourrait faire à lui
seul, l’objet d’un nouveau dossier institutionnel. Nous comptons par conséquent sur votre
implication et participation active pour faire avancer et vivre cette étude au fil du temps.
Elodie FRAGO André DUCOURNAU
Directrice S.I.M.A.P. Directeur Général A.C.S.E.A.
4
Introduction
Parmi les prérogatives essentielles de la personne humaine qui appellent une protection juridique,
figure le droit pour l’individu d’être préservé de toute intrusion abusive dans sa vie privée1. Toutefois,
certains moments de l’existence peuvent parfois conduire des personnes à dévoiler à des
professionnels une part de leur intimité. L’obligation faite à ces professionnels (selon leur profession
ou selon les situations particulières dans lesquelles ils interviennent) de se soumettre aux règles du
secret professionnel, vise à assurer une stricte confidentialité des informations dévoilées dans le cadre
d’une relation nouée aux fins d’apporter une aide à la résolution de difficultés diverses. Il est par
conséquent impératif de rappeler que le secret n’est pas un droit pour le professionnel, mais bien un
devoir. Pour des raisons évidentes, l’obligation de se taire connaît une force particulière dans le
domaine de l’action sociale.
Outil indispensable de notre travail, il n’est pourtant pas toujours facile de se situer en matière de
secret professionnel, partagés entre obligation de nous taire et obligation de parler imposée par la loi,
dans certaines situations. La jurisprudence, par certaines condamnations pénales, est venue jeter le
trouble chez les professionnels, « ballottés entre la nécessité de préserver les secrets qui leur étaient
confiés dans l’exercice de leur métier et la crainte d’être poursuivis pour ne pas avoir empêché ou
interrompu les agissements répréhensibles »2.
Par ailleurs, nous observons dans le domaine du secret professionnel une multitude de textes
législatifs, lesquels peuvent parfois générer certaines ambiguïtés.
Au préalable, il convient d’opérer une distinction entre :
• Secret : « Eléments de connaissances, d’informations qui doivent être réservés à quelques uns
et que le détenteur ne doit pas révéler »3.
• Secret professionnel : En l’absence de définition légale précise, outre la sanction pénale qui
réprime son atteinte, le secret peut se définir comme « l’interdiction de révéler des faits
confidentiels appris à l’occasion d’un exercice professionnel, hors les cas prévus par la Loi ».4
Il s’agit donc d’une obligation de se taire pénalement sanctionnée et qui s’impose à certaines
catégories de professionnels. Il s’agit également d’une garantie fondamentale conférée par le
législateur aux usagers (et non une prérogative des travailleurs sociaux face à l’autorité
judiciaire ou de contrôle). Le secret est d’ordre public. Il est impossible d’y déroger.
• Secret médical : Même objectif mais ne concerne que les médecins (article 4 du Code de
Déontologie Médicale) ainsi que tous les professionnels de santé.
• Obligation de discrétion : Obligation faite à tout salarié, qu’il appartienne au secteur public
ou privé, de ne pas révéler à l’extérieur de l’entreprise des informations relatives à son
activité, soit qu’il s’agisse d’informations concernant le fonctionnement interne de l’institution
connues de l’ensemble des salariés, soit d’informations obtenues personnellement dans le
cadre d’une activité propre.
• Obligation de réserve : Obligation faite à certains salariés (cadres essentiellement) de taire
leurs opinions personnelles, de s’abstenir de tout prosélytisme.
1 Article 9 du Code Civil
2 TSA Hebdo 31 août 2007
3 Petit Robert 2007
4 Supplément ASH 20 juin 2008- J-M LHULLIER
5
PREMIERE PARTIE : LE CADRE LEGAL DU SECRET
I - L’OBLIGATION AU SECRET PROFESSIONNEL
• Les textes
Article 9 du Code Civil : « Chacun a droit au respect de sa vie privée », loi du 17 juillet 1970.
Article 16 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant de 1989 ratifiée par la
France : « Nul enfant ne fera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa
famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa
réputation. L’enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles
atteintes ».
L’article 226-13 du Nouveau Code Pénal : « La révélation d’une information à caractère secret
par une personne qui en est dépositaire soit par état, soit par profession, soit en raison d’une
fonction ou d’une mission temporaire est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 €
d’amende ».
Ce dernier texte, applicable depuis le 1er mars 1994, fait suite à l’article 378 de l’ancien Code
Pénal de 1810. Remarques concernant l’évolution entre ces deux textes :
1. Absence de profession nommément désignée comme étant soumise au secret
professionnel au profit du cadre dans lequel le professionnel a eu connaissance de
l’information à caractère secret.
2. La notion de mission peut conduire à soumettre au secret professionnel d’autres
travailleurs sociaux que ceux qui se trouvent spécifiquement assujettis au secret
professionnel par une disposition légale.
3. Le terme « secret confié » est remplacé par « information à caractère secret » pour
ne pas écarter tout ce que le travailleur social peut également voir, entendre ou
comprendre dans l’exercice de sa profession.
4. Le quantum de la peine est accentué.
L’objectif du droit pénal, en instaurant ce principe, est double. D’une part, il est question de
protéger l’intimité de la vie privée des personnes amenées à livrer des confidences. D’autre
part, cette notion constitue indirectement une garantie pour les professionnels eux-mêmes,
leur permettant d’instaurer une relation de confiance censée faciliter l’échange et l’expression
de la relation, conférant de facto du crédit à la fonction sociale.
Il convient d’ajouter que la majorité des affaires pénales liées au secret n’est pas toujours la
résultante de poursuites directes émanant d’usagers qui s’estiment lésés. Elle est aussi à
mettre en rapport avec des silences de professionnels, justifiés par leur assujettissement au
secret professionnel, considérés parfois comme de la non-assistance à personne en danger.
6
• Qu’est-ce qu’une information à caractère secret ?
L’article 226-13 du Code Pénal fait référence à « une information à caractère secret ». Il n’en
existe aujourd’hui aucune définition précise.
De manière générale, le caractère secret d’une information ne résulte pas uniquement du fait
que celle-ci ait été confiée au professionnel par la personne qui s’est adressée à lui, parfois en
insistant même sur le caractère secret de sa confidence.
Rappelons également que constitue une information à caractère secret « tout ce que le
professionnel peut voir, entendre, comprendre ou même déduire à l’occasion de son
exercice professionnel »5.
Si la confidence est transmise « sous le sceau du secret », le professionnel est de facto obligé
de la considérer comme revêtant un caractère secret.
Si la confidence n’est pas donnée sous le sceau du secret, il faut alors admettre qu’il existe
des « faits confidentiels par nature ». Il s’agit de faits relevant de la vie privée des
personnes que les intéressés tiennent en règle générale à ne pas divulguer (tout ce qui touche à
l’argent, aux sentiments, à la maladie, aux infractions, à la filiation…).
Ainsi, une information est considérée comme secrète en raison de sa nature et/ou de la
manière dont le dépositaire en a eu connaissance (exercice professionnel ou non).
• Qui sont les intervenants sociaux soumis au secret professionnel ?
L’article 226-13 du Nouveau Code Pénal a supprimé toute référence à une quelconque
profession. C’est désormais le cadre dans lequel la personne a eu connaissance de
l’information à caractère secret qui compte : selon son état (ministre du culte essentiellement),
sa profession, sa fonction ou sa mission temporaire. Devant ce manque de précision, trois
grandes hypothèses peuvent êtres retenues.
1. L’obligation en raison d’une profession nommément désignée par un texte légal, un
code de déontologie ou une décision de jurisprudence (médecins, chirurgiens-dentistes,
infirmiers, masseurs kinésithérapeutes, pharmaciens, sages-femmes, assistantes sociales).
2. L’obligation en raison d’une fonction ou d’une mission prévue par un texte légal (ex :
les fonctionnaires publics (L. n° 83-634 du 13 juillet 1983, article 26, loi du 31 juillet 1991
portant réforme hospitalière pour les établissements de soins privés, les personnes participant
aux missions du service de l’aide sociale à l’enfance, article 80 du Code de la Famille et de
l’Aide Sociale, les personnes appelées à intervenir dans l’instruction de demandes du R.M.I.).
3. L’obligation selon les circonstances et la notion de « confident nécessaire ».
5 Cass.Crim, 19 décembre 1885, Sirey 1885, 2ème partie, p121, Dr Watelet. La juridiction suprême a ainsi posé le
principe que toute information connue dans l’exercice de certaines professions relevait du secret professionnel,
et ce quand bien même le déposant n’a pas émis expressément d’interdiction de divulgation.
7
S’ils ne sont pas désignés par des textes ou s’ils n’interviennent pas dans le cadre d’une
mission ou d’une fonction pour lesquelles un texte a expressément prévu une obligation au
secret, les travailleurs sociaux ne sont pas tenus au secret professionnel sauf si on leur
reconnaît la qualité de « confident nécessaire ».
Dans une décision du 4 novembre 1971, la chambre criminelle de la Cour de Cassation6 a
donné une définition de la notion de « confident nécessaire » en rappelant que toute personne
recevant une confidence dans l’exercice de sa profession n’est pas, par la même, tenue au
secret professionnel.
Seule la jurisprudence permettra d’apprécier si une personne dépositaire d’un secret acquiert
une qualité de confident nécessaire lui imposant d’observer le secret. L’appréciation de
l’obligation de se taire ne pourra donc se faire qu’au cas par cas et a posteriori.
• Les sanctions en cas de violation du secret professionnel : pénale,
civile et disciplinaire
⇒ Sanction pénale :
Divulgation d’une information à caractère secret alors que la loi n’a pas autorisé cette
révélation.
Il s’agit d’un délit pénal, sanctionné par une peine maximale d’emprisonnement d’un an et de
15000 € d’amende.
Pour que l’infraction soit constituée, la personne doit avoir eu la conscience et la volonté de
révéler mais il n’est pas nécessaire qu’elle ait eu l’intention de nuire. De plus, il doit y avoir
eu révélation, par un professionnel, d’une information à caractère secret, à un tiers
n’ayant pas qualité pour la recevoir.
⇒ Sanction civile :
Dommages et intérêts alloués à la victime de l’infraction en réparation de son préjudice, soit
au cours d’un procès pénal, soit au cours d’un procès civil seul.
⇒ Sanction disciplinaire :
Violation d’une règle professionnelle sanctionnée par l’employeur au moyen d’une sanction
prévue par le Code du Travail. Il n’est pas nécessaire qu’une sanction pénale ait été prononcée
concomitamment pour qu’une sanction disciplinaire intervienne en cas de violation du secret
professionnel de manière avérée.
6 Cass.Crim, 4 novembre 1971, JCP 1972, II, n° 17256
8
II - LES LIMITES AU SECRET PROFESSIONNEL
• Article 226-14 du Nouveau Code Pénal indique que l’article sur la violation
du secret professionnel n’est pas applicable dans les cas où la loi en impose ou en
autorise la révélation. En outre, il n’est pas applicable :
« 1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de
sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui
ont été infligées à un mineur ou une personne qui n’est pas en état de se protéger en raison de son
âge ou de son incapacité physique ou psychique ;
2° Au médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du Procureur de la
République les sévices ou privations qu’il a constatés sur le plan physique ou psychique, dans
l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles
ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne
qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou
psychique, son accord n’est pas nécessaire ;
3° Aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui informent le Préfet et, à Paris, le Préfet
de police, du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent
et dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en
acquérir une.
Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne
peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire ».
Remarques :
• Plus de distinction quant à l’âge du mineur.
• Nouvelle hypothèse de signalement avec le 3°.
• L’article 226-14-1 du NCP7 instaure une faculté de dénonciation, la possibilité de
révéler des mauvais traitements ou de ne pas le faire. Si le professionnel choisit de
révéler les faits, il n’y aura pas violation du secret. S’il choisit de garder le secret, il ne
pourra pas non plus être poursuivi pour non dénonciation.
• On constate à côté de la personne du mineur, l’apparition de la personne vulnérable.
• On constate également l’apparition de la notion de « mauvais traitements », plus large,
car englobant les notions de sévices, privation et/ou atteintes sexuelles. En plus des
actes volontaires destinés à nuire, sont également pris en compte les actes de
négligences ou d’abstention.
• Sont considérés comme mauvais traitements : tout abus sexuel, toute cruauté physique
ou mentale, toute négligence ayant des conséquences préjudiciables à la santé ; et pour
un enfant, ayant des répercussions sur son développement physique et/ou psychique.
7 NCP : Nouveau Code Pénal
9
• Discussion : S’agit-il d’une réelle faculté ?
Non, si l’on considère qu’avec l’apparition de la notion de personne vulnérable, le domaine
de la liberté de parole s’est largement élargi, facilitant les levées de secret.
Non, si l’on considère qu’il existe un délit pénal de « non-assistance à personne en danger »
qui peut être retenu selon les circonstances à l’encontre de personnes normalement astreintes
au secret dans le cadre de l’article 226-13 du Nouveau Code Pénal8.
Article 223-6 NCP « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou
pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient
volontairement de le faire, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 € d’amende. Sera puni
des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance
que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en
provoquant un secours ».
Ce délit ne comporte aucune exception concernant la qualité des personnes auxquelles il
s'applique. La loi a, en quelque sorte, institué un régime de contrôle à posteriori possible à
l’égard des travailleurs sociaux.
Oui, si l’on considère que les articles du NCP incriminant la non dénonciation de crime et
délit (434-1 NCP) et la non dénonciation de mauvais traitements (434-3 NCP) prévoient
expressément une dérogation au profit des personnes assujetties au secret, marquant
clairement la volonté du législateur de ne pas instaurer d’obligation de dénonciation
pénalement sanctionnée, pour des travailleurs sociaux soumis au secret professionnel. Libre
conscience et appréciation nous sont donc laissées, face à deux préoccupations contradictoires
entre lesquelles seuls les faits objectifs vont nous permettre d’évaluer et de décider.
Article 434-1 NCP : « Le fait, pour quiconque ayant connaissance d'un crime dont il est encore possible
de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui
pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans
d'emprisonnement et de 45000 € d'amende.
Sont exceptés des dispositions qui précédent, sauf en ce qui concerne les crimes commis sur les mineurs
de quinze ans :
1 ° Les parents en ligne directe et leurs conjoints, ainsi que les frères et soeurs et leurs conjoints, de
l'auteur ou du complice du crime ;
2° Le conjoint de l'auteur ou du complice du crime, ou la personne qui vit notoirement en situation
maritale avec lui.
Sont également exceptées des dispositions du premier alinéa les personnes astreintes au secret
dans les conditions prévues par l'article 226-13. »
Le positionnement associatif est que nous ne sommes pas en position de juge et qu’il faut en référer à
l’autorité compétente qui prendra les décisions nécessaires (voir page 11 : le signalement). A cette fin, il
8 Crim, Cour de Cassation, 8 octobre 1997, Affaire Montjoie. « Le secret professionnel imposé aux membres d’un service
éducatif sur la situation d’un mineur confié à celui-ci par le juge des enfants est inopposable à cette autorité judiciaire, à
laquelle ils sont tenus de rendre compte de son évolution et notamment de tous mauvais traitements en vertu des articles
L375 et suivants du Code Civil et de l’article 1199-1 du nouveau code de procédure civile pris pour leur application. ».
10
convient de faire parvenir à cette autorité un rapport circonstancié (voir page 16, « comment signaler ?).
Article 434-3 NCP : « Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements
ou d'atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de
se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou
psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est
puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000 € d'amende.
Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précédent les personnes
astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13. »
Enfin, il existe deux dernières exceptions.
La première où le législateur n’a pas prévu de dérogation au profit des personnes assujetties
au secret professionnel leur imposant de facto une levée obligatoire du secret : oubli ou
stratégie ?
Article 434-4-1 du NCP : « Le fait pour une personne ayant connaissance de la disparition d’un
mineur de 15 ans de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives, en vue
d’empêcher ou de retarder la mise en oeuvre des procédures de recherche prévues par l’article 74-1
du Code de Procédure Pénale, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30000 € d’amende ».
La seconde où l’on demande aux travailleurs sociaux de fournir des informations en leur
possession concernant la situation d’usagers, sollicitant l’octroi d’un bail. Il semblerait que
dans cette dernière situation, l’esprit déontologique du secret partagé s’applique (page 19 du
présent guide).
Article L.441-2-3 du Code de la Construction et de l’Habitation, modifié par Loi n°2009-323 du
25 mars 2009, dite Loi DALO.
« La commission reçoit notamment du ou des bailleurs chargés de la demande ou ayant eu à connaître
de la situation locative antérieure du demandeur tous les éléments d'information sur la qualité du
demandeur et les motifs invoqués pour expliquer l'absence de proposition. Elle reçoit également des
services sociaux qui sont en contact avec le demandeur et des instances du plan départemental
d'action pour le logement des personnes défavorisées ayant eu à connaître de sa situation toutes
informations utiles sur ses besoins et ses capacités et sur les obstacles à son accès à un logement
décent et indépendant ou à son maintien dans un tel logement ».
« Par dérogation aux dispositions de l’article 226-13 du NCP, les professionnels de l'action sociale
et médico-sociale définie à l'article L. 116-1 du Code de l'Action Sociale et des Familles fournissent
aux services chargés de l'instruction des recours amiables mentionnés ci-dessus les informations
confidentielles dont ils disposent et qui sont strictement nécessaires à l'évaluation de la situation du
requérant au regard des difficultés particulières mentionnées au II de l'article L. 301-1 du présent
code et à la détermination des caractéristiques du logement répondant à ses besoins et à ses
capacités ».
11
III - LE SIGNALEMENT
• Définition
D’une manière générale, l’obligation de saisir par écrit les autorités compétentes n’exclut pas
l’établissement précoce de contacts entre professionnels pour permettre une meilleure
appréciation du degré de danger encouru par un mineur ainsi que pour rechercher le
traitement le plus adapté à sa situation.
On distingue aujourd’hui le signalement de l'information.
Informer consiste à porter à la connaissance de l’autorité administrative par voie écrite ou
orale, toutes informations préoccupantes concernant un mineur potentiellement en danger, en
ayant évalué de manière pluridisciplinaire les risques encourus par celui-ci sur le plan de sa
santé, de sa sécurité, de sa moralité, des conditions de son éducation ou de son
développement. En effet, le Président du Conseil Général a pour mission de traiter
l’ensemble des situations d’enfants en danger depuis la loi du 5 mars 2007 portant réforme
de la protection de l’enfance.
Signaler consiste à alerter l'autorité judiciaire, après une évaluation pluridisciplinaire du mineur
ou de la personne vulnérable, avec pour finalité de faire cesser immédiatement un danger et
d’assurer la protection d’un enfant lorsqu’une décision de retrait s’impose.
Le signalement ou l’information doivent donc être entendus comme un « écrit objectif,
travaillé en équipe pluridiciplinaire, contenant des faits précis et comprenant une
évaluation de la situation d'un mineur, ou d’une personne vulnérable, présumé en
risque de danger ou en danger nécessitant une mesure de protection administrative ou
judiciaire ».
Il est le fait de professionnels.
Le signalement ou l’information est un acte écrit.
Il fait suite à l’évaluation pluridisciplinaire (composée de différentes disciplines) et plurielle (présence
d’au moins un travailleur social et d’un cadre) d'une information faisant état de la situation d’un
mineur et de sa famille ou d’une personne vulnérable.
Le signalement ou l’information de mauvais traitements a pour objectif de protéger les enfants, non
de sanctionner les auteurs. Seul le Procureur de la République, au vu des éléments dont il
dispose, décide ou non de l'opportunité de donner une suite au signalement.
Informer ou signaler ne relève pas de la délation, mais constitue un devoir moral et dans certains cas
une obligation légale (mandat judiciaire).
Cette faculté est à envisager même si elle se heurte :
• Au respect de l'intimité des familles, au silence des enfants maltraités, à celui des
adultes maltraitants, à celui des adultes ou parents complices ;
• A la difficulté fréquente de faire la part entre un comportement volontaire et un
accident, entre mauvais traitements et « correction parentale » ;
• Aux réticences psychologiques (appréhension, répugnance, refus, crainte, blocages
(conscients ou inconscients) d'un grand nombre de personnes, y compris de
12
professionnels concernés, à admettre que les troubles que présente un enfant sont
consécutifs à des mauvais traitements.
• Le cadre légal du signalement
Article L 226-2-1 du Code Action Sociale et des Familles :« Sans préjudice des dispositions du II de
l’article L.226-4, les personnes qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance définie
à l'article L. 112-3 ainsi que celles qui lui apportent leur concours transmettent sans délai au
Président du Conseil Général ou au responsable désigné, par lui, conformément à l'article L 226-3,
toute information préoccupante sur un mineur en danger ou risquant de l’être, au sens de l'article 375
du Code Civil. Lorsque cette information est couverte par le secret professionnel, sa transmission est
assurée dans le respect de l'article L. 226-2-2 du présent code. Cette transmission a pour but de
permettre d'évaluer la situation du mineur et de déterminer les actions de protection et d'aide dont ce
mineur et sa famille peuvent bénéficier.
Sauf intérêt contraire de l'enfant, le père ,la mère, toute autre personne exerçant l'autorité parentale ou
le tuteur sont préalablement informés de cette transmission, selon des modalités adaptées.»
La notion d’information préoccupante est très large, mais doit être comprise au sens de
l’article 375 du Code Civil, c’est-à-dire tout élément établissant que la santé, la sécurité,
la moralité d’un mineur sont menacées ou que les conditions de son éducation ou de son
développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises.
Le décret n° 2008-1422 du 19 décembre 2008 aborde la question de la transmission des
informations préoccupantes. La loi du 5 mars 2007 a en effet chargé le Président du
Conseil Général de recueillir, traiter et d’évaluer les informations préoccupantes relatives
aux mineurs en danger ou en risque de l’être. Ces informations, d’abord centralisées au
sein d’une cellule de recueil et de traitement, doivent ensuite être transmises, sous forme
anonyme, à l’Observatoire Départemental de la Protection de l’Enfance puis à
l’Observatoire National de l’Enfance en Danger (ONED). Cette transmission a pour
objectif de contribuer à la connaissance de la population des mineurs en danger, de
l’activité des cellules départementales et des services de protection de l’enfance et de
faciliter l’analyse et la cohérence de la continuité des actions mises en oeuvre au bénéfice
des personnes concernées. Toutefois, ce texte ne nous apporte pas de précision sur la
définition d’information préoccupante. Il convient donc de faire confiance à ses
connaissances et son bon sens.
• Cas particuliers des professionnels de l’action sociale mandatés par un
juge
Les personnes qui travaillent sous mandat judiciaire sont soumises au secret professionnel à
l’égard des tiers. En revanche, elles ne peuvent opposer ce secret au magistrat sur ordre
duquel elles interviennent. La liberté de choix et de conscience dont disposent certains de
leurs pairs ne s’offre donc pas à eux en matière de signalement9.
9 Le tribunal Correctionnel de Dijon, en date du 13 novembre 1997, a condamné un éducateur chargé de la mise
en oeuvre d’une mesure d’AEMO et son Chef de Service, à des peines d’emprisonnement avec sursis et à des
peines d’amendes sur le fondement de l’article 434-1 du Code Pénal. Il leur a été reproché de ne pas avoir rendu
13
• Recommandations
Signaler qu’un enfant est en danger a pour finalité de mettre en oeuvre, dans les plus brefs
délais, au regard de sa situation particulière, les mesures de protection les plus adaptées.
Il est donc nécessaire qu’une certaine déontologie et méthodologie soient respectées avec le
maximum de rigueur pour permettre un meilleur traitement du signalement.
⇒ Pourquoi signaler ?
Le signalement se justifie en raison d'indicateurs d'alerte de souffrance, de danger ou de
maltraitance qui peuvent prendre plusieurs formes et dont la facilité de détection est inégale,
notamment :
1) Aspect général : maigreur, présentation négligée, traces sur le corps…
2) Plaintes somatiques répétées : maux de tête, de ventre…
3) Désordres alimentaires et fonctionnels : anorexie, boulimie, vomissements, encoprésie,…
4) Troubles du comportement : tristesse, anxiété, agitation, agressivité, rejet, violence…
5) Difficultés scolaires : absentéisme, échec…
6) Mode ou rythme de vie inadapté
7) Manque d’attention : indifférence, absence d’affect, retards, oublis…
8) Attitude inadaptée de l’adulte : violence verbale ou physique, propos négatifs et
dévalorisants pour l’enfant, exigences disproportionnées…
9) Enfant soumis au silence
10) Carences affectives et éducatives
11) Enfant en danger du fait de ses propres conduites : violences, fugues, toxicomanie…
12) Violences physiques : coups, blessures, brûlures…
13) Violences psychologiques et/ou cruauté mentale : humiliations, menaces, chantage
affectif…
14) Agressions sexuelles : attouchements, viols, incitation à la prostitution ou pornographie…
15) Négligences lourdes : absences de soins physiques et psychologiques, absence de
protection, absence d’entretien et de prise en compte des besoins vitaux de l’enfant.
16) Idées suicidaires
17) Enurésie
18) Troubles à caractère sexuel tels que auto-érotisme, jeux sexuels entre enfants révélateurs
de connaissance de pratiques sexuelles adultes, attouchements avec animaux.
Ce sont l’accumulation de plusieurs de ces indices, leur répétition et leur gravité qui
doivent alerter.
Si l’on est en présence de la réunion de plusieurs d’entre eux, il peut alors y avoir danger pour
l’enfant. Ces indices sont parfois dissimulés, l’enfant, en loyauté à ceux qui le mettent en
danger, pouvant observer le silence.
compte, sans attendre, aux juges des enfants de qui ils tenaient leur mission, des faits graves dont ils avaient
connaissance et de ne pas avoir fait suivre médicalement la jeune fille victime de viols. Estimant que cette
dernière était en sécurité chez sa tante, ils avaient rédigé un soit transmis au juge qui ne mentionnait pas les viols
dont ils avaient connaissance. Les juges ont estimé, qu’en cosignant l’écrit avec sa chef de service, l’éducateur
avait lui aussi caché la situation au juge pour enfants.
14
⇒ A qui signaler : autorité administrative ou autorité judiciaire ?
En théorie, l’autorité administrative depuis la réforme sur la protection de l’enfance du 5
mars 2007 a pour mission de traiter l'ensemble des situations d'enfants en danger ou en risque de
l’être et a compétence pour orienter les procédures soit vers une protection administrative, soit
vers une saisine de l'autorité judiciaire.
Il convient donc que lui soient adressées toutes les informations concernant des enfants en
danger ou en risque de danger.
Article L. 226-3 CASF : « Le Président du Conseil Général est chargé du recueil, du traitement et de
l'évaluation, à tout moment et quelle qu'en soit l'origine des informations préoccupantes relatives aux
mineurs en danger ou qui risquent de l'être ». Le représentant de l'Etat et l’autorité judiciaire lui
apportent leur concours.
Des protocoles sont établis à cette fin entre le Président du Conseil Général, le représentant de l'Etat
dans le département, les partenaires institutionnels concernés et l'autorité judiciaire en vue de
centraliser le recueil des informations préoccupantes au sein d'une cellule de recueil, de traitement et
d'évaluation de ces informations,
Après évaluation, les informations individuelles font, si nécessaire, l'objet d'un signalement à
l'autorité judiciaire.
Les services publics, ainsi que les établissements publics et privés susceptibles de connaître des
situations de mineurs en danger ou qui risquent de l’être, participent au dispositif départemental. Le
Président du Conseil Général peut requérir la collaboration d’associations concourant à la protection
de l'enfance ».
Le refus de la famille de se prêter à une analyse des difficultés rencontrées, l'impossibilité de
la mobiliser pour l'aide proposée ou la gravité du danger encouru par l'enfant au sein de sa
famille, mis en évidence par les investigations ou non, peuvent conduire le Président du
Conseil Général à décider de saisir l'autorité judiciaire afin de garantir la sécurité de l'enfant
par une mesure contraignante s’imposant à la famille.
Toutefois, le signalement à l’autorité judiciaire, plus précisément au Procureur de la
République, demeure autorisé du fait de la gravité d’une situation ou lorsque l’on constate
qu’un enfant court un danger immédiat ou est victime d’actes susceptibles de constituer
une infraction pénale. Dans cette hypothèse, ce n’est pas la nature du danger qui justifie la
saisine du Parquet mais l’urgence à y remédier.
Une copie du signalement, pour information, doit alors être adressée à l’autorité
administrative.
La saisine directe du Procureur de la République a pour finalité de faire cesser immédiatement
le danger et d’assurer la protection de l’enfant lorsqu’une décision de retrait immédiate de son
milieu s’impose.
Pour information : Le Procureur est seul à pouvoir diligenter des investigations médicopsychologiques
ayant valeur d’expertises légales, opposables en justice, permettant d’authentifier la
parole ou les manifestations ayant fait suspecter les abus.
Dans cette hypothèse, les professionnels doivent s’abstenir de toute intervention de nature à entraver
les investigations nécessaires à une poursuite pénale des auteurs qui pourraient être exercées par le
Parquet, telles que :
15
- des informations données aux auteurs pouvant leur permettre d’éliminer des indices susceptibles de
constituer des preuves,
- des investigations médicales conduites hors d’un cadre médico-légal (essentiellement en ce qui
concerne les examens gynécologiques pour lesquels les éléments de preuve sont fragiles).
En pratique : il faut signaler en priorité au Juge des Enfants s’il s’agit d’une mesure judiciaire. Après
17 heures ou si le Juge de permanence n’est pas disponible, le signalement peut se faire auprès du
Parquet.
S’il ne s’agit pas d’une mesure judiciaire, le signalement se fait directement auprès du Parquet en cas
de danger grave nécessitant le retrait immédiat des enfants.
Dans chacun des cas, un double du signalement est adressé au Conseil Général. Le signalement rédigé
peut être envoyé par fax mais une copie doit impérativement être adressée aux interlocuteurs
concernés.
Coordonnées utiles
Madame la Présidente Monsieur le Procureur de la République
Direction de l’Enfance et de la Famille Tribunal de Grande Instance
Conseil Général Place Fontette
5, place Félix Eboué 14000 CAEN
14035 CAEN tél standard : 02 50 01 12 00
tél : 02 31 57 16 41 tél : 02 50 01 13 55
fax : 02 31 57 16 99 fax : 02 50 01 12 53
fax d’urgence après 17 h :
Tribunal pour Enfants A noter que les tribunaux assurent une
Rue Saint Manvieu permanence téléphonique uniquement le
14000 CAEN matin.
tél : 02 50 01 13 30
fax : 02 50 01 13 40
⇒ Comment signaler ?
• Premièrement : Toujours procéder à une évaluation pluridisciplinaire et plurielle
Pour les intervenants à l'origine de l'information, il est important de savoir que la gravité et la
complexité des phénomènes de maltraitance peuvent dans certaines circonstances engendrer…
…des attitudes paralysantes… identification aux parents, charge émotionnelle provoquée par
des situations de maltraitance, solitude face à la famille, peur de « marquer » socialement des
familles,
…des scrupules déontologiques…confusion entre la loi et la morale, utilisation mal comprise
du secret professionnel,
…des réflexes de défense…doute de la réalité des faits, banalisation ou dramatisation, refus de
voir la maltraitance, justification de la maltraitance par des arguments socioculturels.
Il est donc essentiel, pour des professionnels, de prendre conscience qu'une situation de
16
maltraitance peut entraîner chez eux ce type de réactions, surtout lorsqu'ils se retrouvent seuls,
face aux familles.
La communication avec d'autres professionnels demeure le moyen de passer de la
réaction à l'action concertée.
Le signalement part avant tout de l'évaluation de l'enfant. Celle-ci s'élabore notamment à partir
d’entretiens réalisés avec l'ensemble des proches (famille, parents, amis) et des professionnels
gravitant dans la sphère de l'enfant permettant une meilleure appréciation des risques ou du
danger encouru par l'enfant, ainsi que pour rechercher l’orientation la plus adaptée à sa
situation.
Cette évaluation est nécessaire pour éviter l’isolement du travailleur social dans la
situation et conférer au signalement une dimension institutionnelle et non personnelle.
• Deuxièmement : La précision des informations est fondamentale pour rendre
opérante l’information ou la saisine
Le rapport circonstancié qui va être transmis, soit à l’autorité judiciaire, soit à l’autorité
administrative, doit permettre une bonne compréhension des faits et de la situation du ou des
mineurs. À ce titre, il est souhaitable que, dès la première communication, les éléments
suivants soient indiqués.
• L'informateur
- Nom, qualité, adresse, lien éventuel avec la personne pour laquelle on signale,
- Témoin direct des faits ou faisant état de faits qu'il n'a pas lui-même constatés.
• Identité de l'enfant signalé et des parents
- Nom de l'enfant
- Age approximatif
- Nom de la famille
- Adresse de la famille
- Eventuellement, coordonnées de l'école ou du mode de garde.
• La nature de l'information et énoncé des faits motivant l'information (mode
descriptif)
- Faits rapportés et date
- Faits supposés
- Comment a-t-il eu connaissance de la situation ?
- En a-t-il informé quelqu'un d'autre et quand ?
- Fréquence des faits signalés
- Auteur présumé des faits
- Suggestions sur les interventions souhaitées : degré d'urgence et modalité du suivi à préciser.
Le signalement initie à long terme des actions dont il est nécessaire d'anticiper les effets. Pour
être opérant, il doit apporter de manière distincte :
17
- des éléments descriptifs de nature à permettre au responsable de l'aide sociale à l'enfance ou
au magistrat, de décider de la mesure qu'appelle la situation,
- des éléments concernant l'état et les besoins de l'enfant, afin de permettre aux personnes
chargées du premier accueil de disposer de renseignements suffisants pour assurer sa prise en
charge dans des conditions adaptées.
• Troisièmement : Informer les parents ou représentants légaux sauf intérêt
contraire de l’enfant (Article 226-2-1 CASF) : dès que l’enfant est à l’abri, il est
nécessaire d’informer les parents, sans pour autant entrer dans le contenu du
signalement afin de ne pas nuire à l’instruction et ne pas mettre l’enfant en danger.
Et travailler avec eux le signalement si possible… recevoir la famille, partager les
informations récoltées et l’inquiétude que peut susciter le signalement.
• Quatrièmement : Superviser l’écrit à deux niveaux et ne pas hésiter à faire
appel à sa Direction en cas d’absence d’accord avec son supérieur immédiat sur
un signalement.
Pour Information : Travailleurs Sociaux Signalant = Travailleurs Sociaux Protégés
Le professionnel de l’action sociale qui effectue un signalement aux autorités compétentes, en
respectant le cadre de la Loi, ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire.
Cette protection est double dans la mesure où elle est visée à la fois par l’article L 226-14 du
Nouveau Code Pénal et par l’article L 313-24 du Code de l’Action Sociale et des Familles,
démontrant là une forte volonté du législateur de protéger les personnes qui signalent10.
10 Cass.soc, 26 septembre 2007. RDSS n°1/ 2008 p126. La Cour a décidé que le licenciement prononcé pour
faute grave par le directeur adjoint d’un E.S.A.T., à la suite d’un signalement d’actes de maltraitance caractérisée
à l’égard de personnes handicapées était nul.
18
SECONDE PARTIE :
LA LEGALISATION DU PARTAGE DES INFORMATIONS
(et non la légalisation du « secret partagé », car s’il est partagé, il cesse d’être un secret !)
La loi réformant la protection de l’enfance et celle concernant la prévention de la délinquance,
toutes deux entrées en vigueur le 5 mars 2007, consacrent enfin une existence juridique au
nécessaire partage d’informations entre travailleurs sociaux. Un professionnel tenu au secret
peut confier à un autre professionnel, lui-même tenu par une obligation de se taire, une
information confidentielle afin d’assurer la bonne exécution de la mission qui est la sienne.
I- DU FAIT DE LA LOI SUR LA PROTECTION DE L’ENFANCE
Ainsi, la loi sur la réforme de la protection de l’enfance consacre cette légalisation du partage
d’information. Ce faisant, elle ne fait que conférer une consécration législative à une pratique
déjà courante sur le terrain, consistant à organiser des réunions de synthèses sur des situations
individuelles.
• Ce que dit la loi
Art L 226-2-2 du Code de l’Action Sociale et des Familles
« Par exception à l’article 226-13 du Code Pénal, les personnes soumises au secret professionnel qui
mettent en oeuvre la politique de protection de l’enfance définie à l’article L 112-3 ou qui lui apportent
leur concours sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret afin
d’évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en oeuvre les actions de protection et
d’aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier. Le partage des informations relatives à une
situation individuelle est strictement limité à ce qui est nécessaire à l’accomplissement de la mission
de protection de l’enfance. Le père, la mère, toute autre personne exerçant l’autorité parentale, le
tuteur, l’enfant en fonction de son âge et de sa maturité sont préalablement informés, selon des
modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l’intérêt de l’enfant. »
Mais que signifie « strictement limité à ce qui est nécessaire » ?… étant précisé que cette
notion peut s’avérer tout à fait variable.
• Proposition de définition
« Eléments d’information à caractère public, mais aussi strictement privé, utiles pour éclairer
et comprendre une situation donnée, faire avancer le débat, dégager des axes de travail ou
proposer des orientations en lien avec un ou des sujets précis ».
Dans ce cas, pourront être transmises toutes les informations qui sont sans rapport avec la vie
privée mais qui ont un lien avec la question traitée. Dans un second temps, les informations
relatives à la vie privée pourront être révélées, car autorisées par un texte de loi (5 mars 2007)
et encadrées par un ordre du jour clairement défini.
19
• Recommandations
Les évolutions du travail social, avec l'avènement de nouvelles professions et métiers, avec le
développement du travail en équipe, la dynamisation de réseaux professionnels et le
partenariat interinstitutionnel, ont amené d’autres positionnements. Le partage de
l'information s'impose alors comme condition nécessaire à la réalisation du travail
professionnel. Cela pose aux travailleurs sociaux, un dilemme éthique important : on reste
soumis à l'obligation de secret mais le partage de l'information est nécessaire pour mener une
action en direction des personnes aidées. Comment concilier les deux ? Il semble par
conséquent important de s’interroger sur les points suivants avant de transmettre une
information, surtout si elle apparaît confidentielle…
1 - Ne jamais perdre de vue que le principe qui doit guider notre action de manière constante
réside dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
2 - Toujours prévenir l'usager de la nécessité de transmettre une information le concernant et
lui demander son autorisation pour le faire. Lors de la rédaction d'un rapport, même dans
un caractère judiciaire, lire ce rapport à l'usager et l'informer des voies de recours dont il
dispose.
3 - Toujours se poser la question de sa « légitimité à partager » : Qu’est-ce qui m’autorise et
jusqu’où ?
4 - Lors des réunions de synthèse ou de concertation, se faire préciser l'objectif de la
rencontre ou l’ordre du jour, et ne livrer lors de cette entrevue que les éléments qui concernent
strictement le sujet abordé. Les réunions de synthèse ne sont en aucun cas des lieux de
déballage en lien avec la vie privée des usagers. N’oublions pas que le respect de la vie privée
est une règle déontologique absolue, outre le fait qu'elle est une règle de droit (article 9 du
Code Civil).
5 - Le partage de l’information doit être nécessaire et s’inscrire dans un besoin : Qu'est-ce que
cette révélation apporte pour le sujet ? Cette information doit-elle être transmise pour un bon
fonctionnement et un correct exercice de la mission dans laquelle je me trouve ? Est-ce
nécessaire pour un meilleur travail de chacun ou de tous dans l'équipe auprès du jeune en
question ?
6- Le partage de l’information doit être pertinent : éviter les jugements de valeur péjoratifs et
les états d’âme subjectifs pour être constructif et participer à faire avancer le débat.
7 - L’information ne doit pas être excessive : à la recherche d’un équilibre entre information
révélée et but poursuivi. Nécessité de pondération dans le vocabulaire employé.
8 - Veiller, autant que faire se peut, à ne transmettre des informations relatives aux usagers
que dans des endroits et à des moments appropriés en s’assurant que l’information remonte à
l’équipe pluridisciplinaire.
9 - Lors de la rédaction de rapports, de demandes d'aide financière, d'écrits de toute nature : se
limiter au strict nécessaire et ne transmettre, en accord avec l'usager, que ce qui concerne le
point de sa situation abordée. Il est bon de connaître le circuit des écrits et la composition des
commissions qui peuvent les examiner, de façon à adapter l'écrit en conséquence…
20
II- DU FAIT DE LA LOI SUR LA PREVENTION DE LA
DELINQUANCE
La loi n°2007-297 du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance entend apporter de
nouvelles réponses aux problèmes posés par la lutte contre de nouvelles conduites
délictueuses.
Premièrement, la loi adopte volontairement une approche globalisante de la notion de
« prévention de la délinquance », laquelle prend appui sur l’ensemble des mesures non
pénales à même d’empêcher la commission d’infraction, en anticipant et agissant en amont
sur les facteurs identifiés ou supposés de la délinquance.
Deuxièmement, le texte expose très clairement, faire du maire le pivot local de la lutte contre
la délinquance, en outre en veillant à ce qu’il dispose des informations qu’il n’a pas et en
renforçant ses moyens d’action.
Article L 2211-4 du Code Général des Collectivités Territoriales « (…) le maire anime, sur le
territoire de la commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne sa mise en
oeuvre ».
Aujourd’hui, le maire bénéficie d’un accroissement théorique considérable des informations
dont il peut disposer en matière de prévention et d’action contre la délinquance, grâce à la
mise en place de systèmes d’informations partagées et du renforcement des Conseils Locaux
de Sécurité et de Prévention de la Délinquance11.
• Concernant le partage d’informations
Pour la loi, l’efficacité de l’action sociale sur le terrain ne dépend pas tant d’un manque
d’intervenants qualifiés que d’un défaut de coordination de leur action et d’une carence dans
l’utilisation de l’information existante. Le travail en réseau dans ce domaine est rendu difficile
dans la mesure où la plupart des professionnels sont tenus à une obligation de secret ou de
confidentialité, dont la violation constitue un délit, en application de l’article 226-13 du
Nouveau Code Pénal. Désormais, lorsqu’une personne ou une famille fait l’objet de plusieurs
interventions, l’article 8 de la loi donnant naissance à l’article L121-6-2 du Code de l’Action
Sociale et des Familles, autorise les acteurs de l’action sociale à partager entre eux les
informations dont ils disposent sur une personne ou une famille qui connaît une « aggravation
de ses difficultés sociales, éducatives ou matérielles ».
D’après cette disposition législative, le maire, saisi par un professionnel, par le Président du
Conseil Général ou de sa propre initiative, peut nommer un coordonnateur qui d’une part,
anime une équipe de travailleurs sociaux afin que leurs actions soient rendues plus
pertinentes, efficientes et d’autre part, gère l’information des décideurs à savoir le maire ou le
Président du Conseil Général.
Cette possibilité a entraîné de nombreuses critiques, en outre le fait que le maire n’empiète sur
les compétences du Conseil Général en matière d’action sociale.
11 CLSPD
21
Article L 121-6-2 du Code de l’Action Sociale et des Familles
« Lorsqu'un professionnel de l'action sociale, définie à l'article L. 116-1, constate que l'aggravation
des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille appelle
l'intervention de plusieurs professionnels, il en informe le maire de la commune de résidence et le
Président du Conseil Général. L'article 226-13 du Code Pénal n'est pas applicable aux personnes qui
transmettent des informations confidentielles dans les conditions et aux fins prévues au présent
alinéa.
Lorsque l’efficacité et la continuité de l’action sociale le rendent nécessaire, le maire, saisi dans les
conditions prévues au premier alinéa ou par le Président du Conseil Général, ou de sa propre
initiative, désigne, parmi les professionnels qui interviennent auprès d’une même personne ou d’une
même famille, un coordonnateur, après accord de l’autorité dont il relève et consultation auprès du
Président du Conseil Général.
Par exception à l’article 226-13 du Code Pénal, les professionnels qui interviennent auprès d’une
même personne ou d’une même famille, sont autorisés à partager entre eux des informations à
caractère secret, afin d’évaluer leur situation et de déterminer les mesures d’action sociale
nécessaires et de les mettre en oeuvre. Le coordonnateur a connaissance des informations ainsi
transmises. Le partage de ces informations est limité à ce qui est strictement nécessaire à
l’accomplissement de la mission d’action sociale ».
• Proposition de lecture et analyse du texte
L'objectif de l'article est défini comme étant « de mieux prendre en compte l'ensemble des
difficultés sociales éducatives et matérielles, et de renforcer l'efficacité de l'action sociale ».
Toute autre utilisation de ce texte est donc à écarter.
En cas de partage d'informations entre les intervenants, leur objectif ne peut être que
« d’évaluer la situation, déterminer les mesures d'action sociale nécessaires et de les mettre en
oeuvre ».
Ce partage se fait seulement dans la mesure où il s’avère « strictement nécessaire à
l'accomplissement de la mission d'action sociale ».
Le professionnel qui intervient seul, n'a à transmettre des informations au maire et au
Président du Conseil Général que « lorsque l'aggravation des difficultés sociales ... appelle
l'intervention de plusieurs professionnels ». Là encore, le maire et le Président du Conseil
Général ne doivent recevoir que des informations « strictement nécessaires à l'exercice de
leurs compétences ».
La Circulaire N° NOR INT/K/07/00061/C du 9 mai 2007 du Ministère de l'Intérieur précise
notamment le cadre du partage d'informations prévu par l'article 8 de la loi. Elle donne aussi
des précisions et des exigences qui sont essentielles pour les professionnels et les personnes.
Le dispositif « prend appui sur la déontologie et les modes d'intervention des professionnels
de l'action sociale ». Notre déontologie, déjà inscrite dans la définition de notre profession, se
voit aussi reconnue par cette circulaire.
22
• Recommandations
1 - Seul l'intérêt des personnes justifie un partage d'information.
L'article 8 de la loi permet une cohérence des interventions d'origine multiple mais seulement
« dans l'intérêt des personnes et des familles tout en conservant les garanties de confidentialité
sur les informations à caractère personnel ». La notion d'intérêt de la personne est rappelée à
deux reprises. Il est ainsi aussi précisé que « la transmission ou le partage d'informations à
caractère secret vise, dans l'intérêt des personnes et des familles, à renforcer l'efficacité ou la
continuité de l'action sociale dont elles bénéficient ».
S'il n'y a aucun intérêt pour celle-ci à ce que le Maire ou le Président du Conseil Général
soient informés, le professionnel n'a donc pas à transmettre des informations.
2 - La seule aggravation n'apparaît pas comme un élément suffisant.
Il réduit à des situations « d'une gravité particulière » le cadre d'utilisation du partage
d'informations.
Toute situation requiert une analyse et un diagnostic social global sur l'ensemble des éléments
en présence. Il revient au professionnel de déterminer ce qui peut être défini comme une
« aggravation des difficultés sociales » en équipe pluridisciplinaire et plurielle.
Lors d'un premier contact, l'exploration de la situation ne peut donner lieu à aucun constat
d'aggravation du fait du manque d'éléments de comparaison avec des moments précédents.
Une situation est souvent complexe : une aggravation d'un des aspects peut se conjuguer avec
une évolution positive au regard des objectifs de la personne. C'est par exemple le cas
lorsqu'une femme victime de violence conjugale quitte le domicile. Sa situation en termes de
logement « s'aggrave » mais au regard de sa capacité à se protéger de la violence subie, elle
« s'améliore ». De la même manière, une séparation conjugale peut dans certains cas être
considérée comme une amélioration de la situation pour les adultes et une aggravation pour
l’enfant.
Résumer à une aggravation ou à une amélioration l'ensemble d'une situation s'avère de fait
extrêmement simpliste et ne peut se produire qu'en de très rares occasions.
L'intervention de plusieurs professionnels n'implique pas automatiquement une aggravation
de la situation mais plutôt une intervention pluridisciplinaire destinée à traiter l'ensemble des
problèmes, et en définitive à améliorer la situation.
L'objectif de toute intervention sociale étant de trouver, avec les personnes, les moyens de
résoudre leurs difficultés, il est difficile dans la grande majorité des cas de parler
d'aggravation.
3 - Le professionnel engage sa responsabilité quant à la pertinence du partage
d'informations avec d'autres professionnels et le coordonnateur.
Le rôle des professionnels de l'action sociale est fortement affirmé. Il est ainsi précisé que « le
dispositif repose sur la compétence des professionnels chargés d'évaluer la situation d'une
personne ou d'une famille, de vérifier si elle bénéficie de l'intervention de plusieurs
professionnels, et, le cas échéant, de prendre la responsabilité d'informer le Maire et le
Président du Conseil Général de la situation ». Le professionnel est donc seul en
responsabilité quant à l'information ou non du Maire. Il n'a pas à agir sur demande d'un tiers
(responsable de service, Président de Conseil Général ou Maire). Une fois encore, nous ne
pouvons qu’inciter le travailleur social en amont à discuter de l’opportunité du partage
d’informations en équipe plurielle et pluridisciplinaire.
Le coordonnateur désigné est lui aussi en responsabilité puisque « la décision de transmettre
ou non une information confidentielle au Maire et au Président du Conseil Général relève
23
de la seule appréciation du coordonnateur ». Il ne peut être « aux ordres » d'un Maire et
transmettre des informations sur commande.
4 - Avoir connaissance du traitement des informations transmises.
Les professionnels doivent avoir connaissance du mode de traitement des informations
transmises afin que soit respectée la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique,
aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la
protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel,
notamment par l'information systématique des personnes, au moment de la collecte des
informations les concernant, afin qu'elles puissent faire valoir leurs droits.
• Concernant les C.L.S.P.D.12
Article D2211-1 du décret 2007-1126 du 23 juillet 2007
« Il favorise l’échange d’informations entre les responsables des institutions et organismes
publics et privés concernés, et peut définir des objectifs communs pour la préservation de la
sécurité et de la tranquillité publiques ».
Pour rappel, le CLSPD13 constitue une instance de concertation, laquelle permet une
définition collective des priorités de la lutte contre la délinquance. Ce Conseil tente de
rassembler l’ensemble des acteurs concernés par la politique de prévention de la
délinquance sous la présidence d’un seul pilote : le Maire. Celui-ci doit recenser les actions
de prévention, en définir les objectifs et en suivre la mise en oeuvre. Les CLSPD sont rendus
obligatoires dans les communes de plus de 10000 habitants. Ils s’intéressent aux
orientations générales de la politique de la prévention de la délinquance. Aucune situation
individuelle n’y est abordée.
Notre association, de par ses missions dans le cadre de la prévention, peut être conviée à
assister aux CLSPD. La présence de l’institution est garantie par la participation des cadres
ou du directeur de l’établissement. Notre coopération dans cette instance a pour objectif la
nécessaire régulation entre les institutions en matière de sécurité et de tranquillité publiques.
Notre contribution s’élabore au regard de notre mission de prévention sociale et de lutte
contre les exclusions. Cela participe à la cohésion sociale qui peut être construite à l’échelle
d’un territoire.
Dans ces instances ne sont pas abordées des situations individuelles. Si des informations
nominatives étaient échangées, la personne représentant l’institution serait à même de
rappeler le cadre général de fonctionnement des CLSPD.
12 C.L.S.P.D. : Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance
13 A ne pas confondre avec le Conseil pour les Droits et Devoirs des Familles, autre création de la loi du 5 mars 2007
réformant la prévention de la délinquance qui s’intéresse à des situations individuelles. Ce conseil est présenté comme un lieu
d’échange avec les familles en difficulté afin de les aider à trouver des solutions concrètes aux problèmes qu’elles
rencontrent.
24
TROISIEME PARTIE :
COMMENT CONCILIER TEMOIGNAGE ET SECRET
PROFESSIONNEL ?
La question du secret professionnel est l’une des plus sensibles auxquelles sont confrontés
les travailleurs sociaux. Perçue comme la résultante d'une double contrainte, celle de se
taire et de parler en même temps, cette question peut générer un certain sentiment
d'insécurité juridique.
Il est par conséquent nécessaire de revenir sur les postures à tenir avant et lorsque nous
sommes appelés à témoigner ou à transmettre des documents, de façon à faire un bon usage
du secret professionnel, car chaque cas est particulier.
Cela suppose au préalable d’être au clair avec le secret professionnel et sa déontologie
professionnelle (cf partie I).
Cela suppose également quelques connaissances en matière de procédure pénale. A cette
fin, distinguons la procédure civile de la procédure pénale. Si en matière civile le procès ne
connaît qu'une seule phase celle du jugement, en matière pénale la procédure peut
comporter plusieurs phases : la phase policière (confiée à la police judiciaire sous le
contrôle du Procureur général), l'instruction (en cas de crimes ou délits graves), le procès et
l’exécution de la peine.
La procédure pénale suppose l'existence d'un trouble à l’ordre public causé par la violation
d'une loi pénale. La police judiciaire est alors chargée de rechercher les auteurs et les
preuves.
Le professionnel peut être appelé à déposer dans l'une de ces trois premières phases.
La phase policière peut comporter trois types d'enquêtes : préliminaire, commission
rogatoire exercée par un Officier de Police Judiciaire à la demande du juge et l'enquête de
flagrance.
Dans ces différentes phases et même au procès, le témoignage ne nécessite pas la présence
d'un avocat. Témoigner ne signifie pas être « mis en examen ». Cependant, être conseillé
avant une audition n’est pas inutile et permet de prendre le recul nécessaire. Même quand
on est astreint au secret professionnel le juge ou l’officier de police judiciaire peut
demander à nous entendre pour d'autres faits que ceux couverts par le secret professionnel.
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I - L’AUDITION PAR LES FORCES DE L’ORDRE ET LE TEMOIGNAGE
EN JUSTICE
Ou comment se positionner face à une demande de renseignements émanant de la police ou
de la gendarmerie ?
• Le cadre légal
La convocation peut être téléphonique, écrite et transmise par voie postale ou déposée
par les policiers ou gendarmes.
Il est préférable de communiquer son adresse professionnelle, d’où l’opportunité d’en détenir
une. L’adresse professionnelle est celle du siège de la direction de l’établissement ou du
service.
Vous serez invité à signer le procès-verbal de votre audition, mais vous ne pourrez pas en
recevoir une copie.
Si vous êtes convoqué aux assises, vous pouvez reprendre contact avec l'officier de
police judiciaire ou le commissariat qui vous a entendu dans le cadre de la procédure
policière afin de relire votre procès-verbal d'audition.
Vous pouvez demander la modification de certaines formules qui ne seraient pas
conformes à vos dires, signer le procès en annotant des restrictions sur certains passages.
Si votre interlocuteur n'a pas voulu les modifier, vous pouvez également refuser de
signer, mais l’absence de signature n'a pas valeur juridique et ce refus peut entraîner une
nouvelle convocation par un autre représentant des forces de l’ordre.
L'article 109 du code de procédure pénale dispose que « toute personne citée pour être
entendue comme témoin est tenue de (…) déposer sous réserve des dispositions des articles
226-13 et 226-14 du Code Pénal ». L'excuse fondée sur le secret professionnel est considérée
comme légitime même si seul le juge est apte à pouvoir la vérifier.
Le secret professionnel est par exemple inopposable à l’autorité judiciaire qui mandate
un service. De même, il est inopposable au Président du Conseil Général pour les
mineurs relevant de sa compétence.
• Recommandations
1. Être conseillé.
Avoir un conseil juridique est vivement recommandé, soit qu’il soit prodigué par notre
employeur, soit par un professionnel du droit.
2. Ne pas rester seul : solliciter si possible sa hiérarchie.
Le travailleur social n’est pas un électron libre, ses missions lui sont confiées par un
employeur. Par conséquent, sa légitimité découle en partie de ce lien de subordination.
Par ses actes, il peut engager la responsabilité de son employeur. C'est pourquoi, il
devrait d'abord demander l’aide de ce dernier. L'encadrement a un rôle important à jouer.
II peut marquer la présence du service en accompagnant le professionnel même s’il n’est
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pas certain qu’il pourra assister à l'audition. Cela dépend du bon vouloir du service à
l'origine de la convocation.
3. Situer le cadre de son témoignage et de son intervention.
Avec l'aide de son institution, il vaut mieux situer le cadre de son témoignage et de son
intervention en communiquant l’adresse du siège.
4. Être professionnel :
- Faire le tri des informations à transmettre.
- S’en tenir aux faits objectifs.
- Etre prudent et ne pas délivrer des attestations à des tiers sachant qu'elles peuvent être
produites en justice. Eviter une trop grande proximité avec les usagers car les
informations apprises en dehors d’une situation professionnelle ne sont pas couvertes
par le secret professionnel. En effet, le témoignage est dû si les faits ont été connus dans
d'autres circonstances comme relations d'amitié ou de voisinage. Il en est de même des
rumeurs, bruits de couloir ou faits de notoriété publique.
- Savoir refuser de recevoir certaines confidences notamment quand le cadre ne s'y prête
pas.
5. Eviter toute attitude pouvant être interprétée comme de l'obstruction ou de la
provocation.
Si le professionnel estime être tenu au secret professionnel, il devra en informer son
interlocuteur avec diplomatie et sans arrogance en se référant non pas à son droit de
garder le silence mais à son obligation légale de se taire en indiquant bien qu'il n'a
nullement l'intention de faire obstacle à sa tâche. Bémol sur les formules telle que « je
n'ai rien à déclarer »…
Si vous êtes convoqué à la suite d'un rapport que vous avez rédigé, reprenez le contenu
de ce rapport.
6. Prévenir le juge si vous ne souhaitez pas comparaître pour éviter d'être recherché
par la force publique.
En effet, selon l'article 101 du code de procédure pénale, le juge fait citer devant lui toute
personne dont la déposition lui paraît utile. Il apprécie seul l’utilité de l’audition d'un
témoin. De même, il est le seul à apprécier la validité de l’excuse fondée sur le secret
professionnel.
7. Se rappeler que les seules dérogations au secret professionnel sont contenues dans
l'article 226-14 du Code Pénal (3 hypothèses).
8. Connaître le règlement intérieur de son institution ainsi que les procédures
internes.
9. Reprendre et noter par écrit aussitôt l'audition terminée le contenu de
l'interrogatoire, en se rappelant notamment des termes employés inscrits sur le
procès-verbal d'audition que vous avez signé.
En effet, nous pouvons être convoqués pour témoigner lors d'un procès susceptible de se
dérouler plusieurs mois voire plusieurs années après notre audition. Nos notes nous
seront alors très précieuses pour nous rappeler ce que nous avions déclaré à l'origine. Il
est aussi possible de prendre connaissance du procès-verbal d'audition avant le procès
mais ce n'est pas toujours le cas.
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II - REQUISITION ET PERQUISITION
• Le cadre légal
Les professionnels tenus au secret professionnel savent qu'il existe des situations où la loi
autorise sa levée sans jamais l'y obliger et un cas où sa levée est obligatoire. La loi du 9
mars 2004, dite Loi Perben II, a élargi les possibilités d'accès aux informations détenues
par les services sociaux, générant une nouvelle forme d'atteinte au secret professionnel.
Avant cette loi, l’accès au dossier administratif par les services de police ou de gendarmerie
était possible seulement dans le cadre d'une commission rogatoire. Dans le cas d'une enquête
préliminaire, le secret professionnel était opposable à la demande des services de police ou
gendarmerie. Le dossier de l'usager ne pouvait donc pas être transmis sans qu'une commission
rogatoire soit produite.
La loi Perben II a créé une nouvelle procédure précisée par l'article 60-1 du Code de
Procédure Pénale
“Le Procureur de la République ou l'officier de police judiciaire peut, par tout moyen, requérir de
toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration
publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l'enquête, y compris ceux issus
d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents,
(…) sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. Lorsque
les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, la remise des
documents ne peut intervenir qu'avec leur accord.”
A 1'exception des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, le fait de s'abstenir de répondre
dans les meilleurs délais à cette réquisition est puni d’une amende de 3 750 €. Dans les conditions
prévues par l’article 121-2 du Code Pénal, les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont
responsables pénalement du délit prévu par le présent alinéa. »
L'article 77-1-1 du Code de Procédure Pénale
Le Procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'Officier de Police Judiciaire peut,
par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de
toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l’enquête, y
compris ceux issus d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui
remettre ces documents, (…) sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au
secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1
à 56-3, la remise des documents ne peut intervenir qu’avec leur accord.
En cas d’absence de réponse de la personne aux réquisitions, les dispositions du second alinéa de
l'article 60-1 sont applicables.
En clair : si un OPJ disposant d'une autorisation du Procureur de la République demande à
accéder aux éléments contenus dans un dossier social (dossier papier ou informatique) et
même si l'investigation en cours est une enquête préliminaire, le secret professionnel ne peut
pas lui être opposé. Cela s’apparenterait à une abstention de réponse, laquelle est
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condamnable selon cet article. De plus, la pression est aussi mise sur les personnes morales,
autrement dit les institutions dans lesquelles nous travaillons, avec des sanctions prévues en
cas de non respect par le professionnel.
Précisons qu’un élément n’est pas modifié par le nouveau texte : le professionnel tenu au
secret ne peut en aucun cas témoigner même si l’OPJ le demande. La jurisprudence confirme
cette lecture14.
Par ailleurs, un Officier de Police Judiciaire peut se saisir lui-même à partir d'un fait et lancer
une enquête préliminaire. Dans ce cadre, et avec l'autorisation du Procureur de la République,
il peut y avoir multiplication des demandes d'éléments détenus dans les dossiers sociaux. La
simplicité d'accès à ces informations (un simple fax) et le fait que l'étendue des informations
recherchées n'a pas à être justifiée, pas plus que le motif de l'enquête en cours, font de cette
possibilité légale une véritable entrée dans les vies privées des personnes : celles qui sont au
centre de l'enquête tout comme celles qui sont de près ou de loin en contact avec ces
personnes. Il y a donc derrière cette question un enjeu qui touche le coeur de notre profession
et les droits des citoyens.
N’avons-nous pas d’autre choix que de répondre mécaniquement à toute demande d'un
service de police ou gendarmerie autorisée par le Procureur ?
Non, car le législateur a prévu une possibilité de ne pas transmettre d'informations contenues
dans un dossier et la procédure ne peut être faite n'importe comment par les forces de l’ordre.
Le secret professionnel reste en effet opposable en cas de « motif légitime ».
Toutefois, le « motif légitime » ne semble avoir été défini ni par la loi ni par la jurisprudence.
Nous nous devons donc d’être extrêmement exigeants afin de limiter au maximum les
intrusions policières dans les vies privées des personnes ayant accordé leur confiance aux
professionnels tenus au secret professionnel.
• Recommandations
Vigilance à observer avant la demande de documents :
1 – Toujours garder à l'esprit que tout ce qui est inclus dans un dossier est communicable à la
justice (ou à l'intéressé15) et qu'en cas de saisie spontanée dans nos locaux, nous n'aurons
peut-être pas le temps de retirer certains documents...
2 - Une certaine rigueur dans la rédaction de tous les documents à communiquer prend là
toute son importance.
3 - Si les travailleurs sociaux insèrent des notes personnelles dans les dossiers (ce que nous
déconseillons), il est important que l’on puisse distinguer rapidement les données objectives,
les évaluations et les notes personnelles du travailleur social.
14 Actuellement, l’assistant de service social ne peut être contraint de témoigner, même en cas de dérogation légale.
Crim, CCass°, 14 avril 1978.
15 La loi 2002-2 indique dans son article 7 5° que les établissements et services garantissent à l’usager « l’accès à toute
information ou document relatif à sa prise en charge ». La procédure d’accès à son dossier doit figurer dans le livre d’accueil
conformément à la circulaire du 24 mars 2004 précisant son contenu.
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4 - Sélectionner rigoureusement des données à conserver et celles ayant une utilité
momentanée (à détruire ou à transformer en éléments objectifs).
Marche à suivre si demande de transmission de documents :
5 - Le travailleur social ne donne pas un dossier, on vient le lui prendre, ce qui est tout à fait
différent.
6 - Vérifier que le demandeur est bien un Officier de Police Judiciaire et pas un Agent de
Police Judiciaire. Seul le premier peut faire une telle demande. L'Officier de Police Judiciaire
doit posséder une carte d'OPJ attestant de sa qualité.
7 - Vérifier que conformément à l’article 77-1-1 du Code de Procédure Pénale, l'OPJ possède
une preuve de l’autorisation donnée par le Procureur de la République à la demande de
documents.
8 - Légalement, les seuls dossiers sociaux sont nommés « dossiers de la personne ». Si des
éléments administratifs de plusieurs personnes sont rassemblés dans un seul et même dossier,
il convient alors de préparer le dossier avant de le remettre aux autorités (retrait des
documents concernant les personnes non incriminées et effacer à l'aide de « blanc » les
passages des rapports et autres écrits ne concernant pas l'enquête.
9 - Au niveau du service employeur, la connaissance des textes de loi et de la jurisprudence
est nécessaire pour que les responsables du service puissent soutenir le travailleur social face
à la justice et pour mieux assumer leur propre responsabilité en cas de communication. Ce
soutien va en effet attester de l’engagement du service et de la direction envers les travailleurs
sociaux.
10 - Lors d'une éventuelle saisie, nous ne pouvons que conseiller (par analogie avec la
procédure concernant les avocats et les médecins) la présence du responsable du service aux
côtés de l’OPJ ou du Juge.
11 - Un document co-signé indiquant nommément la personne et le grade ou la responsabilité
de celui qui remet les éléments et de celui qui les reçoit. En cas de poursuite ultérieure d'un
usager pour rupture de secret professionnel, cela permettra de déterminer les niveaux de
responsabilité à partir de la qualité des éléments transmis et du niveau hiérarchique qui valide
et effectue la transmission.
12 - En cas de « motif légitime », ne pas hésiter à rappeler à l'OPJ l'instruction générale C105
du Code de Procédure Pénale qui lui fait obligation d'en référer au Parquet s'il y a un
problème de secret professionnel et que l'on souhaite alors invoquer le « motif légitime ».
Il ne s'agit pas de bloquer une procédure légale mais d'éviter les dérives et la banalisation de
ce type de demandes. N'oublions pas que l’OPJ peut demander une commission rogatoire
auprès du Juge d’Instruction et obtenir les éléments recherchés. Encore faut-il que sa demande
soit fondée, ce que le magistrat appréciera.
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Pour conclure…
Se positionner face à une demande émanant des forces de l’ordre reste un exercice
inconfortable. La question du secret professionnel constitue un élément irritant car elle pose
une limite concrète au pouvoir des services de police ou de gendarmerie.
Nous ignorons souvent dans quel cadre (enquête de flagrance, préliminaire ou instruction) se
situe la réquisition car aucun mandat n'est produit.
Le service dont fait partie le travailleur social n'est pas informé ni sollicité alors qu'il s’agit de
documents qui lui appartiennent et qui n’appartiennent pas au travailleur social.
Par ailleurs, il arrive que des communications téléphoniques soient l'occasion d'essayer
d'obtenir des informations orales et restent sciemment floues sur la nature des informations à
transmettre.
Connaître ce que dit le droit, connaître notre positionnement et les limites que nous pouvons
opposer s’avère essentiel.
Le positionnement institutionnel constitue un soutien indispensable.
31
Annexe
L’article 226-13 ne propose pas une énumération de professions, mais affirme que le secret est lié à un
état, une profession, une fonction, une mission. Par profession ou fonction, il faut entendre les
professions ou les fonctions par lesquelles un texte spécifique prévoit l’obligation du secret, l’état
concerne les confidents religieux.
- les avocats,
- les assistantes maternelles (art. L2221-6 CASF / art. L2112-9 CSP),
- les assistants de service social et les élèves des écoles préparant à l’exercice de cette
profession (art. L411-3 CASF),
- les médecins (art. R4127-4 CSP),
- les psychologues (code de déontologie des psychologues),
- les infirmiers et les étudiants des instituts de formation préparant l’exercice de la profession
(art. L4314-3 CSP, art. R4312-4 CSP),
- les puéricultrices de PMI (art. L2112-9 CSP), les infirmières puéricultrices, les étudiantes
infirmières puéricultrices (art. R4127-303 CSP),
- les fonctionnaires des trois fonctions publiques (Etat, territoriale, hospitalière) qui sont soumis
au secret professionnel « dans le cadre des règles instituées par le Code Pénal » (art. 26 de la
loi du 13 juillet 1983),
- les inspecteurs de l’Aide Sociale à l’Enfance et les responsables administratifs de l’ASE (art.
L221-6 CASF),
- les agents du service national d’accueil téléphonique pour l’enfance maltraitée (SNATEM) et
de l’observatoire de l’enfance en danger (art. L226-9 CASF),
- les personnes appelées à collaborer au service départemental de Protection Maternelle et
Infantile (art. L2112-9 CSP), à transmettre les dossiers médicaux des enfants (art. L2112-5
CSP), à prendre connaissance du carnet de grossesse (art. L2122-2 CSP), à prendre
connaissance du carnet de santé du jeune enfant (art. L2132-1 CSP) ou à transmettre un
certificat de santé (art. L2123-3 CSP),
- toute personne appelée à intervenir dans l’instruction des demandes ou l’attribution de
l’allocation, ainsi que dans l’élaboration, l’approbation et la mise en oeuvre du contrat
d’insertion et de toute personne à laquelle a été transmise la liste des personnes percevant une
allocation du RMI (art. L262-34 CASF),
- toute personne appelée à intervenir dans l’instruction, l’attribution ou la révision des
admissions de l’aide sociale et, notamment, les membres des conseils d’administration des
centres communaux ou intercommunaux d’action sociale, ainsi que toute personne dont ces
établissements utilisent le concours et les membres des commissions d’admission (art. L133-5
CASF),
- les personnes chargées de la surveillance dans les établissements soumis à autorisation et
déclaration (art. L331-2 et L331-3 CASF),
- les membres de la commission départementale des hospitalisations psychiatriques (art. L3223-
2 CSP),
- les personnes entendues par le conseil de famille des pupilles de l’Etat (assistante maternelle,
futur adoptant…) (art. 9 du décret n°85-937 du 23 août 1985),
- les membres de la CDAPH16 (art. L241-5 CASF).
La loi étend l’obligation au secret professionnel à la mission :
- les personnes qui participent ou collaborent aux missions de l’ASE (art. L221-6 CASF),
- les personnes qui participent ou collaborent au service de PMI (art. L2112-9 CSP),
- les personnes qui participent ou collaborent aux activités liées au RMI (art. L262-34 CASF)
16 Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées
32
Liste des salariés ayant participé à l’élaboration de ce guide, avec un grand
remerciement pour la richesse des échanges, leur participation active et leur assiduité :
Isabelle BERGOUIGNAN, Chef de service au SEMO Garçons de Lisieux,
Gérard BOUVIER, Chef de service à l’AEMO de Lisieux,
Mélaine DAL, Assistante Sociale au SAJD,
Marie-Noëlle DELAMARE, Éducatrice Spécialisée à l’ICB,
Claude DUCASTELLE, Éducateur Relations Familles à l’IMPro de Démouville,
Christelle DUPUY, Chef de service au FOA,
Élodie FRAGO, Directrice du SIMAP,
Marie-Emmanuelle GAUBERT, Psychologue aux Foyers Éducatifs,
Vahid IGHANIAN, Psychiatre au Centre de Guidance,
Manuella LALANDE, Éducatrice Spécialisée au Département Milieu Ouvert
Martine LE GOUPIL, Assistante Sociale à l’IME l’Espoir,
Séverine LEMIERE, Secrétaire d’accueil à l’IMPro de Démouville,
Antoinette LEMOINE, Éducatrice Spécialisée au SIMAP,
Clotaire LUSSIER, Chef de Service à l’AEMO de Vire,
Yannick MAUDET, Coordinateur Réseau à Passado 14,
Stéphanie MIALDEA, Chef de Service à l’IME l’Espoir,
Marik NEGRE, Psychologue Clinicienne à l’IMPRo de Démouville,
Anne-Marie PIGNOUX, Assistante Sociale à l’AEMO Caen Ouest,
Pierre-François POUTHIER, Directeur Général Adjoint de l’ACSEA,
Sylvie TACCOEN, Chef de service à l’ICB,
Frédérique THEVENIN, Psychologue aux SEMO de Bayeux et de Caen,
Sylvie VANDERSTICHELE, Chef de service aux Foyers Éducatifs



29/07/2012
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