La place de l'educateur dans la relation parent - enfant
La place de l'educateur dans la relation parent - enfant
par Aurélia Véquaud
IEPSCF Tournai - Educatrice Spécialisée 2007
Introduction..................................................................................................................................................................... 2 -
I.L'éducateur et ses outils..................................................................................................................................- 5 -
1 Qu'est ce qu'être éducateur spécialisé ?.............................................................................................- 5 -
2. Les outils de l'éducateur......................................................................................................................................- 9 -
3. Présentation du public concerné.....................................................................................................................- 19 -
II La relation parent - enfant.....................................................................................................................- 21 -
1. L'enfant et le père................................................................................................................................................ - 21 -
3. L'importance de chacun des deux parents :............................................................................................... - 30 -
III L'éducateur dans la relation parent - enfant..............................................................................- 31 -
2. La relation éducateur - parent....................................................................................................................... - 41 -
3. Quelques modèles dont peut s'inspirer le travail éducatif..................................................................-47-
Conclusion.......................................................................................................................................................................- 51 -
Bibliographie.................................................................................................................................................................- 53 -
La société ne permet pas à chacun de pouvoir réussir, elle rejette de nombreuses personnes qui ne partagent pas la norme collective. Certaines naissent avec une bonne étoile, sont en bonne santé, ont la chance d'avoir des parents attentionnés, soucieux de la bonne éducation de leurs enfants...D'autres viennent au monde avec au pied, un véritable boulet (handicap social, physique, mental). Ces personnes-là devront s'accrocher un peu plus que les autres, devront se prouver à eux mêmes mais aussi montrer à leurs proches que c'est possible, et que le bonheur, le bien-être n'est pas réservé qu'à une seule catégorie de personnes.
Le secteur du social m'a toujours intéressé. J'ai toujours voulu travailler en institution, être présente pour les enfants qui traversent des périodes difficiles (manque d `amour, rejet, graves problèmes au sein de la famille...) les aider et pouvoir partager leur quotidien.
Le choix de ce métier, s'il n'est pas le fruit du hasard, n'est pas neutre. Je pense que vouloir vivre avec des personnes en difficulté est signifiant. Pour entrer en relation avec un être exclu ou différent, l'éducateur doit être sensible à la souffrance de l'autre, aux problèmes de la personne dont il a la charge, quelque chose qui lui fasse comprendre de l'intérieur, ce que peut ressentir un être humain en grande difficulté.
Un éducateur travaille avec sa personnalité et non sur des capacités techniques ou une compétence en matière d'inadaptation, certes utiles mais pas suffisantes. Son action ne repose pas sur un savoir, bien qu'il soit indispensable mais sur une capacité à être en relation dans la vie quotidienne de l'enfant, trouver l'attitude éducative la plus appropriée. Quand on décide de devenir éducateur c'est pour aider les autres. On sait très bien, qu'émotionnellement, cela va être dur. Au fil des années, notre « moi » va être parfois sérieusement interpellé. Travailler en institution implique de travailler dans le quotidien des jeunes en difficultés, il n'y aura pas le bureau du psychiatre ou du psychologue pour nous protéger. On vit la situation avec et à travers le jeune.
Ce qui implique que l'éducateur doit être au clair avec ses motivations. Pour ma part, je veux être éducatrice spécialisée depuis que j'ai 14 ans ! Je pense qu'il y a une certaine forme de vécu personnel qui joue mais aussi et surtout une vocation qui est présente depuis longtemps. Familièrement, on pourrait dire que cela me colle à la peau !
Ce travail de fin d'étude porte sur la place de l'éducateur dans la relation parents-enfants. Autrement dit, quelle place, les parents d'enfants placés en institution, accordent-ils à l'éducateur spécialisé et inversement, la place des parents lorsque l'enfant est placé. Pour cela, je me poserai la question : qu'est ce qu'être un éducateur spécialisé ? Quelle est la vision que les gens ont de nous ? Je rappelle donc brièvement la transformation du métier. Ce qu'évoque le mot éducateur avant et de nos jours ? Ensuite, je parlerai de certains outils de l'éducateur, importants pour la relation éducative.
En deuxième partie, j'aborderai la place des deux parents aux côtés de l'enfant, pour permettre de comprendre pourquoi la place de l'éducateur peut être une question difficile. Ce passage est important pour comprendre la troisième partie : Qu'est ce qui fait que les parents ont peur de perdre leur enfant avec l'arrivée de l'éducateur dans la famille ? Je ferai la différence entre la relation père - enfant et la relation mère -enfant.
Et enfin, je tenterai d'expliquer la place de l'éducateur dans la relation parents/enfants. Comment les parents ressentent « cet intrus » dans leur relation avec leur enfant ? Je parlerai du rôle de référent, de substitut, de pôle identificatoire. Des mots qui peuvent effrayer les parents. Mais aussi de la relation éducateur / enfant et éducateur / parents.
Je précise que ce travail de fin d'étude est basé sur des enfants retirés de leurs parents et placés en foyer d'hébergement J'illustrerais mon travail avec mes diverses expériences notamment mon stage de 1ere année effectué à Notre Dame des Anges à Mouscron.
Les noms des enfants et professionnels que j'ai pu rencontrer lors de mes différents stages, ont été changés par souci d'anonymat.
Je suis bien consciente que ce mémoire n'est qu'une ébauche et qu'il y aurait encore bien des choses à dire et à apprendre. Car il est vrai que travailler dans ce domaine permet un enrichissement personnel. Dans la relation, chacun apporte un plus à l'autre.
QU'EST-CE QU'ÊTRE ÉDUCATEUR SPÉCIALISÉ ?
Avant d'aborder cette partie, je vais tenter de vous expliquer « ma » notion du mot éducateur. La profession d'éducateur est mal connue. Elle est bien souvent restreinte à un seul type de population : les éducateurs s'occupent des enfants.
Mais ce n'est pas que cela. Les éducateurs travaillent auprès de personnes handicapées, malades mentaux, délinquants, asociaux, toxicomanes...Ils peuvent intervenir dans des foyers, des institutions, des quartiers, des lieux d'accueils, dans les familles, en milieu ouvert, en internat...Les éducateurs spécialisés peuvent prendre en charge des enfants, adolescents, adultes, avec pour but commun de les accompagner, les aider, les soutenir au mieux dans l'appropriation de leur espace physique, psychique et social.
Mon domaine d'action serait plutôt le placement familial. Mon analyse s'est faite à travers mes stages en institutions. Je définirai alors mon métier tel que je l'ai perçu dans les différents établissements.
- Ecouter, avec attention, précision, respect et surtout sans jugement. C'est-à-dire, que je dois être capable d'écouter un jeune. Je dois me mettre à son niveau pour l'entendre et ne pas toujours lui faire la morale.
- Etablir la confiance. Prendre le temps de connaître le jeune qui vient d'arriver dans l'institution. Accepter qu'il nous défie et inversement.
- Aider à parler du conflit, il n'est pas question de le gommer, mais plutôt de le nommer, de le comprendre, d'aider à l'éclaircir. Il est nécessaire de prendre un temps pour parler de la cause du placement, afin que le jeune ait la possibilité de comprendre un peu mieux la raison du placement.
- Accompagner l'enfant : à travers le quotidien, nous l'accompagnons par des gestes simples ; que ce soit pour la toilette, pour l'école, pour les loisirs etc....Etre présent pour l'enfant comme le feraient ses parents.
- Permettre d'exprimer la souffrance : dans le cas du placement familial, il s'agit de la souffrance de séparation et des souffrances antérieures au placement. C'est important pour l'enfant, qui ne comprend pas toujours la raison du placement, qu'il s'exprimer par des cris, des pleurs, des colères, des paroles, des dessins etc.....L'enfant peut parfois avoir des réactions de violence ou de grande tristesse face à l'incompréhension liée au placement. Il a besoin d'être accompagné et compris dans ces moments difficiles.
- D'établir ou de rétablir un dialogue : l'enfant ne doit pas se renfermer sur lui-même, l'éducateur doit créer le lien puis le maintenir. Tout en respectant sa liberté, son besoin d'être seul, il faut être attentif et ne pas le laisser se replier sur lui-même.
- Définir un projet individuel et/ou professionnel : toute équipe éducative a un projet pour l'enfant, cela permet de le hisser vers l'autonomie. Le but est de veiller, de l'aider, de lui apprendre les choses de la vie, comme le feraient des parents, sauf que nous sommes éducateurs.
Je pense que ces 7 points doivent être le fil conducteur de notre profession. Car les parents préoccupés par leurs problèmes personnels ou familiaux, ne sont pas ou plus en mesure de repérer, de voir ou d'imaginer les besoins spécifiques de leurs enfants, différents des leurs. Et c'est là que nous intervenons pour aider les enfants. Les parents sont en difficulté face à l'éducation de leurs enfants. Ils ne sont pas toujours en mesure d'apporter des solutions à leur problème.
Un éducateur n'est pas là pour que tout se passe bien. Un silence entre un éducateur et un enfant peut-être tout aussi bénéfique qu'une bonne entente. L'éducateur doit aussi pouvoir « bousculer » l'enfant, le faire réagir.
Un éducateur a pour rôle de contribuer, en partie, aux apprentissages essentiels d'une personne pour qu'elle s'inscrive au mieux dans son environnement. Il s'agit d'être présent, d'accompagner l'enfant dans l'institution où il vit, et qui nous délègue une responsabilité. Mais aussi, être à l'écoute, l'aider dans ses apprentissages, lui donner un cadre structurant, le valoriser, l'aider à se construire, à devenir autonome. Il faut aussi lui donner un environnement chaleureux. Etre éducateur, c'est être substitut parental, sans être parent.
L'éducateur à un rôle, une mission. Ces deux termes sont très proches et donc difficiles à définir. Rôle, mission, on pourrait penser que ces termes sont équivalents.
En fait je pense plutôt que le rôle de l'éducateur se définit plus dans le quotidien de l'enfant. Exemple, c'est notre rôle que de veiller à ce que l'enfant ait bien fait sa toilette, ses devoirs...Je pense que mon rôle est de dire à l'enfant qu'il doit aller à l'école, ma mission c'est de l'aider à y retourner, à l'aide d'un projet.
Tandis que la mission, j'aurais plus tendance à penser que cela vient de la hiérarchie. Nous avons une mission auprès des enfants. Quand le juge place des enfants, il nous confie une mission, d'où la présence de projet pour l'enfant. Par exemple la mission peut-être de rescolariser un enfant, cela peut être aussi de prendre le relais des parents, qui peuvent avoir besoin de souffler. Lors du placement, le juge notifie sa décision.
La famille D.
La demande du juge par rapport au père (ancien drogué), c'était d'avoir totalement cessé de consommer. Il devait se trouver un logement suffisamment grand pour pouvoir accueillir ses deux enfants. Retrouver un travail et le garder.
Le travail d'équipe avec ce papa, c'était de lui faire prendre conscience qu'il devait garder un emploi durable, qu'il devait préparer le retour de ses enfants (inscription à l'école, chambres prêtes...) Si le père est conciliant, on lui donne plus de liberté pour les retours. On discute avec lui du programme vacances, ce qu'il compte faire avec ses enfants, on discute aussi des façons d'appréhender les difficultés (si votre enfant vous fait une crise dans un magasin, comment allez vous réagir ?)
Notre rôle avec les enfants, était de maintenir la scolarisation, de dédramatiser la situation. On va en équipe se définir des objectifs pour chacun des enfants.
- Pour Marine (7 ans) : c'était le suivi scolaire, elle travaillait très bien, il fallait que ça continue.
- Pour Aymeric (2 ans) : C'était l'acquisition de la propreté et son évolution
C'est notre ligne de conduite ; le fil conducteur.
On se définit des objectifs pour remplir notre mission. Une mission c'est sur du long terme.
L'éducateur n'est pas seulement celui qui travaille en institution. L'éducateur accompagne une personne en fonction de ce qu'il est, de ce dont il a besoin mais également en fonction de son identité d'éducateur, de sa personnalité propre.
Lors de mes premières expériences d'éducatrice stagiaire, je me demandais toujours ce que je devais faire, je cherchais quelque chose de spécial à faire, oubliant que la simple présence et l'écoute sont des qualités de base de l'éducateur. La société nous demande de conceptualiser notre pratique, de nous ressourcer sans cesse par la formation continue, de faire un travail sur nous-même. En bref, il faut continuellement se remettre en question « Aujourd'hui, c'est donc à une profession condamnée à une remise en cause que nous avons affaire » J.L Martinet1(*). Le travail de l'éducateur est flou, peu défini, l'éducateur doit chercher à resocialiser le jeune. Voilà ce que nous demande la société. « L'éducateur spécialisé, sur qui reposent pour l'essentiel des tâches éducatives est chargé en dehors des heures de classe ou d'ateliers, de l'observation ou de l'éducation d'enfants et/ou d'adolescents présentant des déficiences physiques ou psychiques, des troubles du caractère ou du comportement, délinquants ou en danger, confiés par les autorités judiciaires ou administratives ou par les familles à des institutions spécialisées, c'est-à-dire de ce qui est officiellement dénommé l'enfance inadaptée 2(*)» Jean Marie Foucart.
Je reviens sur le travail « flou » de l'éducateur. En effet, l'éducateur spécialisé n'a pas de méthode, pas de manuel pour nous donner la réponse à nos questions. Nous avons un fil conducteur défini en équipe lors de réunions. Il faut savoir se mettre d'accord en équipe sur la façon d'amener les choses. (Finir ou ne pas finir son assiette ?) Cela permet de sécuriser l'enfant, chaque éducateur fonctionne de la même façon, il faut une cohérence. Ce fil est l'objectif défini pour l'enfant à travers la mission. Par exemple le juge nous donne pour mission de redonner un cadre structurant à Paul. Je vais mettre en place petit à petit des objectifs pris en accord avec l'équipe. Chaque objectif va se dérouler sur deux semaines par exemple. Le premier objectif sera le respect des heures de lever et coucher, puis si le but est atteint, alors le deuxième sera qu'il arrête de se lever quant on est à table, puis le troisième objectif sera de corriger son vocabulaire grossier et ainsi de suite. Par contre, on ne passe pas à l'objectif suivant si le premier n'est pas atteint, nous aurons peut-être besoin de plus de temps pour certaines visées. De plus, les objectifs se définissent en fonction de priorités. C'est notre fil conducteur et il nous aide à atteindre notre mission : lui redonner un cadre structurant.
L'éducateur ne travaille qu'avec son propre savoir-être et savoir-faire, contrairement au médecin par exemple qui lui, dispose d'outils concrets, il y a des remèdes pour chaque maladie. Tandis que l'éducateur spécialisé n'a pas de manuel, il n'est écrit nulle part comment l'éducateur doit réagir face à un enfant triste parce que sa maman lui manque, il n'est écrit nulle part comment un éducateur doit réagir face à un adolescent qui le menace avec un couteau. L'éducateur travaille avec ses « tripes », avec son coeur, avec son expérience, il travaille avec le jeune sur le moment présent. Il fait des projets avec celui-ci, l'aide dans ses différentes démarches au quotidien. Je pense que l'éducateur doit être un appui pour le jeune.
Comme dirait Joseph Templier, « Accompagner quelqu'un, c'est se placer, ni devant, ni derrière, ni à sa place, c'est être à côté » Je pense que cette phrase à elle seule résume bien ma pensée de la pratique éducative. Selon moi, un éducateur consiste à accompagner, à soutenir, à encourager un enfant dans sa demande, à parler avec lui de ses réussites et de ses échecs.
En travaillant dans le milieu ouvert, l'éducateur travaille avec la famille et dans son environnement. Le cadre et les limites éducatives sont posés de manière plus invisible, ce qui peut améliorer la relation entre un éducateur, qui est porteur de la Loi malgré tout, et un jeune ayant un problème avec l'autorité par exemple.
L'éducateur en milieu ouvert à pour rôle d'aider les familles, de les conseiller. Il intervient, en principe, avant le placement de l'enfant, ou, en fin de placement quand il y a un retour en famille de prévu. Parfois, l'éducateur est vécu comme un intrus pour la famille, il est donc difficile pour celle-ci de coopérer avec cet « étranger » qui vient pour « régler ses problèmes ». Cependant la relation peut parfois bien se passer. Il faut installer un climat de confiance. La famille elle-même doit pouvoir accepter de s'impliquer dans le désir d'être aidé. En effet, le jeune est dans son milieu, avec ses repères. Il n'y a pas l'institution que fait office de loi, d'autorité. Et pourtant les éducateurs en milieu ouvert sont aussi porteur de loi et de cadre mais le jeune en a moins conscience. Et c'est peut-être cette subtilité qui favorise l'accompagnement du jeune. Le fait d'intervenir à l'extérieur, dans un lieu neutre, peut rendre la relation de l'adolescent plus facile.
LES OUTILS DE L'ÉDUCATEUR SPÉCIALISÉ :
Après avoir rappelé brièvement ce qu'est un éducateur spécialisé, parlons maintenant de ses outils. Avec quoi travaille un éducateur ? Nous venons de voir qu'il oeuvre beaucoup avec sa personnalité, son savoir-être et son savoir-faire. Mais notre action se fait aussi beaucoup à l'aide d'outils permettant de privilégier la relation éducative.
Ces outils sont entre autres, le cadre ; très important quand on vit en communauté, nous avons tous besoin de limites, les enfants comme les adultes. Mettre un cadre à la relation éducative permet de savoir où l'on va et de rassurer l'enfant aussi.
L'autorité fait aussi partie des outils de l'éducateur. En effet, nous devons faire autorité sur les jeunes, dans le sens où nous avons une mission auprès d'eux, et que nous sommes là pour les aider à respecter la loi.
La relation éducative est un grand mot dans le travail de l'éducateur spécialisé. Je pense que l'on ne peut voir l'un sans l'autre. La relation est le fait de créer un lien avec quelqu'un. Et ce lien est primordial pour être en relation avec l'enfant et augmente les chances d'un bon accompagnement
Je parlerai également du pouvoir de décision, car il me semble important de rappeler que nous avons un pouvoir de décision sur les enfants du fait de leur placement, mais les parents ont aussi leur pouvoir de décision sur leurs enfants. Et c'est là que devient important le fait que chacun ait sa place. Sur certains points c'est nous qui décidons, sur d'autres, c'est aux parents de décider. Il faut que ce soit clair dans la pensée de tout le monde, et que nous agissons tous pour le bien-être de l'enfant. Il y a déjà une démarche de collaboration entre éducateur et parent.
L'éducateur ne travaille jamais seul, il y a toujours une équipe avec lui. Une équipe doit pouvoir être sur la même longueur d'onde concernant l'accompagnement des enfants. L'équipe est un appui pour chaque éducateur, en effet, on y trouve des réponses à nos questions, un soutien, une ambiance. Mais c'est aussi un support pour les enfants qui sentent qu'il y à toute une équipe derrière eux qui les soutiennent. Il ne faut pas oublier que parfois, l'échange passe mal entre deux personnes, dans ce cas-ci, l'enfant a la possibilité d'aller voir un autre éducateur avec qui le rapport passe mieux. Il en est de même pour l'éducateur.
Et enfin l'implication fait pour moi partie des outils, car un éducateur doit savoir s'impliquer dans son travail, mettre ses propres problèmes de côté et être entier, être vrai avec l'enfant. Cette qualité conditionne l'échange, la confiance avec l'autre.
Tous ces points me semblent donc nécessaires dans le travail de l'éducateur spécialisé pour la prise en charge d'un enfant. Il me parait donc essentiel de les développer dans ce travail de fin d'étude afin de comprendre comment et avec quoi l'éducateur met en place son accompagnement.
a) Le cadre éducatif
Il est vrai que le cadre est important pour un enfant. Cela permet de lui donner des repères sécurisants, de pouvoir s'appuyer sur quelque chose de stable, de se construire.
Nous avons tous un cadre autour de nous, des règles à respecter à la maison, au club de sport, au travail. L'exemple premier est le règlement intérieur, qui nous dit ce qui est permis et ce qui est interdit. Ça nous permet de voir où l'on va. On sait ce que l'on peut faire, mais on sait aussi ce que l'on ne peut pas faire, ça a un côté rassurant. Pour l'enfant c'est pareil. Quand il arrive dans une institution, il y a un règlement à respecter. Et nous, éducateurs, sommes là pour lui apprendre à respecter et à accepter ce cadre.
Cependant, quand un enfant arrive à l'institution, il enfreindra forcément le règlement, et c'est normal.
1) Il n'est pas au courant de ce qu'il peut ou ne peut pas faire.
2) Il vient d'être séparé de sa famille, et il ne comprend pas toujours la raison du placement. Il s'exprime à sa manière.
Tout cela pour dire qu'il faut lui laisser le temps d'arriver, de prendre ses marques dans l'institution, avec les autres enfants et avec l'équipe éducative.
Quand Kévin est arrivé au foyer, il avait la mauvaise habitude de grimper sur les fauteuils. A la maison il avait le droit, c'est donc une habitude pour lui et ça lui paraissait normal puisque tout le monde le faisait à la maison.
Au foyer, je lui dis gentiment que dans un fauteuil on s'assoit correctement afin de laisser de la place pour les autres enfants. Malgré mes remarques, Kévin continue. Je lui répète alors plusieurs fois et lui explique qu'ici c'est interdit. A la maison il fait comme il veut, mais ici, on se tient correctement dans un fauteuil, ça fait partie du règlement de bonne conduite.
Je suis donc en train de poser un cadre, mais je le fais en douceur. Je me mets à la place de l'enfant qui du jour au lendemain doit intégrer de nouvelles règles de vie. Il vient d'être séparé de sa famille, il se retrouve seul, dans une maison qu'il ne connaît pas, avec des personnes qu'il ne connaît pas. Je pense qu'il faut lui laisser le temps de prendre ses marques. Kévin doit apprendre à nous connaître, à nous accepter avant de respecter certaines règles
Ce ne sera que dans un deuxième temps et après avertissement, que la punition tombera. S'il continue à ignorer les remarques. Après lui avoir répété plusieurs fois, après lui avoir expliqué, après qu'il se soit imprégné de l'ambiance, des enfants, de l'institution, je l'enverrai s'asseoir sur une chaise le temps qu'il comprenne et qu'il accepte de se tenir correctement sur un fauteuil. Si on ne veut pas perturber l'enfant encore plus, il faut que ces changements se fassent petit à petit. Cependant, il y a parfois des règles de vie qui se mettent en place naturellement, comme l'heure du coucher, l`heure des repas.
Une rencontre entre un éducateur et un éduqué ne peut avoir lieu que s'il y a un cadre qui est posé. La relation éducative intervient dans un cadre institutionnel. Le cadre tient une place importante dans le travail éducatif, c'est une des fonctions de l'éducateur d'être garant de ce cadre. Celui-ci est avant tout un repère sécurisant, et la base d'un chemin vers la socialisation, le respect de soi et des autres.
On peut difficilement parler de la notion de cadre sans parler de la notion de l'autorité.
Qui dit autorité, ne dit pas forcément puissance, pouvoir. En effet, ce n'est pas parce que j'exerce mon autorité sur quelqu'un que je vais lui crier dessus. Nous pouvons passer notre temps à hurler sur un enfant sans pour autant qu'il nous obéisse.
Nous sommes tous porteur de l'autorité, car nous avons tous quelqu'un au dessus de nous qui fait autorité. La Société fait autorité sur les institutions ; qui font elles mêmes autorité sur les éducateurs ; qui faisons autorité sur les jeunes. En tant que professionnel, nous devons garantir la loi et donc faire autorité.
La dernière fois j'écoutais une émission de radio pour jeunes, un auditeur a appelé la radio pour parler de son problème. La personne en question fumait régulièrement des joints et voulait en parler. Les animateurs de la radio recevaient pour l'occasion un toxicologue. En tant que professionnel, le toxicologue à rappelé à l'auditeur que la consommation de produit illicite était interdite par la loi et que le consommateur pouvait être poursuivi par la justice. Une fois le rappel à la loi fait, l'auditeur a pu poser ses questions et parler de sa dépendance.
Il a su établir une bonne relation avec son interlocuteur, qui de ce fait a pu se confier, s'exprimer, trouver de l'aide. Il a établi une relation de confiance. Il a appliqué son autorité en passant par le dialogue.
Autrement dit, nous ne pouvons pas interdire à un jeune de fumer un joint, nous n'en avons pas les moyens. Mais nous pouvons lui dire que c'est interdit et dangereux.
L'autorité doit passer par la relation. Si les personnes ne sont pas en relation, elles ne pourront pas exercer leur autorité. On ne fait pas autorité sur soi-même (ou alors c'est notre propre conscience).
Maxence, 9 ans, et son frère Jérôme, 7 ans, sont placés depuis peu. Une des raisons de leur placement est la déscolarisation des deux garçons qui passent leurs journées dans la rue (vols, dégradations...). Notre principale mission est de les renvoyer à l'école dès le lendemain de leur arrivée. C'est un geste autoritaire, mais il n'y a pas lieu de discuter. C'est la loi qui le dit ! Selon l'article 26.1 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme3(*) : « Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite ». Et les deux garçons le comprennent.
Pourtant retourner à l'école est difficile pour Maxence. Devoir se conformer à un règlement, devoir se concentrer, travailler, étudier ne lui est pas facile.
A côté de cela, nous devrions faire autorité pour leur apprendre à se tenir correctement à table, et à manger proprement. Pour éviter d'être en conflit permanent avec eux, et comme nous donnons plus d'importance au suivi scolaire, nous sommes plus laxistes sur les questions de bonne tenue.
Tout ça pour dire, qu'il y a des priorités, on intervient moins si c'est moins important.
Au coeur de l'action éducative, il y a la relation, l'échange entre personnes qui permet de mettre en place le travail, de créer du lien, de se construire, de transmettre certaines normes et valeurs.
Les éducateurs s'investissent dans une relation avec une personne qu'ils ont en charge, à travers les petites choses du quotidien. Je pense que la relation éducative doit être un véritable outil pour les professionnels et un facteur de structuration pour les personnes en difficulté qui leur sont confiées. Pour pouvoir aider au mieux la personne, la relation éducative doit s'inscrire dans un projet mis en place en accord avec l'équipe éducative et l'instance de placement.
Dans la relation, l'éducateur n'est pas neutre. Il met en jeu sa personne, sa personnalité, ses sentiments, ses goûts, ses opinions, ses représentations de lui-même et des autres.
L'action éducative est une réelle relation. Elle est basée sur des échanges. C'est entendre, écouter l'autre, se mettre à sa disposition afin qu'il s'exprime, se confie. L'éducateur est là pour l'aider à se comprendre et à comprendre ce qui l'entoure. Selon moi la relation est basée sur le respect de l'autre, la vision de celui-ci en tant que sujet à part entière, et acteur de son devenir. La relation est basée sur l'acceptation de la personne avec ses richesses mais aussi avec ses limites. On prend alors en considération ce qu'il est capable de faire et c'est à partir de cela qu'on parviendra à travailler les points faibles de la personne. L'écoute est primordiale dans une relation. Il faut être à l'écoute des mots mais aussi des gestes, des attitudes et des silences. L'écoute permet à la personne de se sentir compris, reconnu et digne d'intérêt.
La relation nécessite une attitude empathique, c'est-à-dire une capacité à s'identifier à autrui par l'émotivité, mais en faisant toutefois attention à ne pas tomber dans la pitié. Il est donc indispensable, pour celui avec qui on est en relation autant que pour soi, de garder une certaine distance. La relation est partout et tout le temps, et l'éducateur reste à l'écoute, dans tous les temps du quotidien.
Il est parfois difficile lorsque l'on est dans l'action de réagir de manière raisonnée ou distanciée. Je pense qu'il est alors indispensable de revenir sur ce qui s'est passé, d'y réfléchir, de l'analyser, puis d'en parler avec la ou les personnes concernées. On revient sur l'évènement, d'abord sur ce qui s'est passé, ce qui l'a déclenché. Puis on se centre sur l'autre, sur sa réaction, ses sentiments supposés, ce que notre attitude aura pu signifier. Et enfin on se questionne sur soi, sur ce qui nous a poussé à agir de telle ou telle façon, sur ce que cela a impliqué pour nous. Il faut comprendre l'autre sans pour autant accepter ses dérives.
Voilà la manière dont je vois la relation éducative, et dont je souhaiterais la mettre en place.
Je pense que toute intervention éducative est vouée à un échec retentissant si l'adulte, dans une sorte de poussée instinctive généreuse, veut combler par une affection débordante le vide qu'il perçoit en l'enfant. Je ne pense pas qu'on aide un jeune carencé en le maternant tout le temps grâce à des contacts physiques, des caresses ou des marques exclusives d'attention. Il faut accompagner l'enfant tout en sachant maintenir une certaine forme de distance sur le plan des échanges affectifs. L'éducateur doit être disponible, présent, à l'écoute des demandes du jeune. L'éducateur n'est ni le père, ni la mère. Il doit leur laisser leur place.
En tant qu'éducateur, nous avons souvent le désir de combler ce vide, face aux manques de l'enfant. Inconsciemment, nous voulons représenter un idéal maternel, et c'est par ce biais que la relation éducative est vouée à l'échec. En effet, nous sommes des professionnels en charge de l'enfant, nous pouvons l'aimer, le câliner, mais ce n'est pas notre amour qu'il recherche, c'est celui de ses parents. Il serait dangereux de s'approprier l'enfant, car en tant que professionnel, nous sommes de passage dans sa vie. Notre travail est d'aider le jeune à vivre avec ce manque.
L'éducateur ne peut agir sans l'avis des parents, car ils ont toujours l'autorité parentale sur leur enfant dans la plupart des cas.
Ne serait-ce que pour une bonne coopération famille / éducateurs, il est important je pense que toute décision doit être prise en accord avec la famille. Les parents ne doivent pas se sentir mis de côté concernant la vie de leur enfant, par exemple pour les réunions scolaires parents / professeurs, pour les fêtes de l'école...
Angélique est une fille de 9 ans placée à l'institution. L'école n'étant pas très loin, nous la laissons s'y rendre seule. Un matin l'école nous appelle pour nous avertir qu'Angélique est en pleurs. Une voiture l'aurait suivie jusque l'école. Nous décidons de la laisser à l'école pour la journée et d'aller la chercher le soir en voiture. En rentrant de l'école, elle nous demande de téléphoner à sa maman et lui raconte alors l'épisode de la voiture. Cette dernière demande à nous parler et nous fait comprendre qu'elle s'oppose formellement à ce que sa fille aille seule à l'école.
L'équipe éducative explique à la maman que cela nous pose un problème d'organisation pour aller conduire tous les enfants à 8h30 dans trois écoles différentes. Angélique étant une fille débrouillarde, qui plus est de 9 ans, notre objectif était de la responsabiliser. Cependant la mère reste sur sa position et refuse.
Lors de la réunion hebdomadaire, nous en discutons avec le directeur de l'établissement. Il en ressort que la maman a l'autorité parentale et que de ce fait, nous devons nous plier à sa demande.
Nous expliquons à Angélique que dorénavant un éducateur ira la conduire tout les jours à l'école, ce qui l'arrange plutôt. Deux jours plus tard, en fin de journée, Angélique nous demande si elle peut aller à la boulangerie du coin pour acheter des bonbons. Etant donné que sa maman ne veut pas que sa fille promène seule dans les rues, nous lui disons que ce n'est pas possible car nous n'avons pas le temps de l'accompagner. Nous devons surveiller les devoirs des plus grands, préparer le repas, donner les bains aux plus petits...et lui disons donc que si elle veut des bonbons, elle attendra le week-end pour que nous puissions l'accompagner.
Cet exemple montre bien que les parents ont encore leur mot à dire. Ce qui je pense est important pour l'enfant, pour les parents et pour la bonne relation entre les éducateurs et les parents. Cela permet à l'enfant de garder certains repères et de savoir que l'autorité parentale est toujours exercée par ses parents.
Cependant, il ne faut pas oublier que les enfants sont placés pour une raison bien particulière. Le placement a pour but de faire une coupure entre l'enfant et ses parents. Nous ne pouvons donc pas laisser intervenir les parents en permanence, surtout lorsqu'il s'agit de problèmes internes à l'établissement.
En revanche, l'accord des parents est obligatoire pour certaines décisions (classe verte, colonie de vacances, choix de la religion à l'école, autorisation d'opérer, changement d'école...) Cela dit, si les parents refusent que leur enfant parte en colonie par exemple, et que nous leur prouvons que c'est pour le bien-être de l'enfant, c'est alors le Juge qui tranchera, et sans l'avis des parents.
Cependant, tout dépend du type de placement de l'enfant. Il faut savoir que si l'enfant a été placé par le SAJ (Service d'Aide à la Jeunesse), dans ce cas-ci, nous travaillons au maximum avec les parents. A l'inverse, si l'enfant a été placé par le SPJ (Service de Protection de la Jeunesse), là l'accord des parents ne se fait pas forcément.
Antoine est un garçon de 8 ans placé au foyer avec sa grande soeur de 11 ans, Nadège. Antoine est un garçon têtu et assez provocateur. Il est censé porter des lunettes, mais ne veut jamais les mettre, fait exprès de les oublier chez les parents, à l'école. Après de multiples explications sur l'importance de devoir porter des lunettes, il rentre de l'école en nous disant qu'il a encore perdu ses lunettes. Nous lui disons que nous sommes fâchés parce qu'il en a besoin, et qu'il devrait se responsabiliser un peu plus. Nous lui demandons de monter dans sa chambre, il est 16h.
Lors du retour du week-end que les enfants ont passé chez eux, le père n'est pas content, il nous dit que nous n'avions pas le droit de punir son fils parce qu'il a perdu ses lunettes, et de le monter dans sa chambre à 16h. Le papa est furieux. Nous lui expliquons que ce n'est pas le fait d'avoir perdu ses lunettes, mais plutôt le comportement d'Antoine que nous voulons reprendre.
Ce problème est interne au foyer et les parents n'ont pas à intervenir. Les éducateurs ont un pouvoir de décision et ne doivent pas toujours faire appel aux parents. Les décisions prises concernant un enfant se discutent souvent lors de réunions avec l'équipe pluridisciplinaire. Car il ne faut pas oublier qu'un éducateur ne travaille jamais seul, mais avec une équipe. Que fait-on lorsque des collègues ne sont pas d'accord sur une décision concernant un enfant ?
Comme je viens de le dire, l'éducateur travaille avec une équipe. Cette équipe peut-être constituée de psychologues, d'animateurs, de médecins, d'assistantes sociale, d'enseignants spécialisés...ou uniquement d'éducateurs spécialisés. Mais c'est toujours avec une équipe pluridisciplinaire que l'éducateur met en place, pour chaque enfant, un projet éducatif ou professionnel, selon le lieu d'exercice. Lors de réunion, l'équipe en profite pour discuter d'éventuels problèmes et prendre une décision. Mais parfois, il arrive que l'équipe ne soit pas d'accord. Alors elle peut se donner un temps de réflexion plus long et décider à la majorité. Rappelons que les décisions doivent être prises pour le bien de l'enfant.
Article 3.1 « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. »4(*)
Lors de leur placement, une assistante sociale accompagne deux enfants de religion musulmane : Nasser et Nacira. Elle précise à l'équipe qu'ils ne mangent pas de porc. Une éducatrice de l'équipe, Nicole, déstabilisée par ce changement dans son organisation propose alors au reste de l'équipe de ne pas se soucier de ce régime particulier. Une collègue, Anna, réagit lui signalant que la déontologie l'oblige à respecter le choix des parents.
Nicole indique à l'équipe que les jeunes enfants (7 et 10 ans) ne savent pas différencier le porc des autres viandes et donc ne s'apercevront de rien. Comme l'équipe suit la décision de Nicole, Anna fait intervenir le directeur de l'établissement. Celui-ci fait la lecture du code de déontologie, et rappelle à l'équipe la convention des droits de l'enfant qui stipule que dans l'article 14.1 nous devons tenir compte de la religion de l'enfant.
Je cite : « Les Etats parties respectent le droit de l'enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion. 5(*)» Autrement dit, nous devons respecter et appliquer leur religion surtout si les parents nous en font la demande. Je pense que c'est aussi une forme de respect de l'autre. Nous ne devons pas profiter de l'ignorance de l'enfant pour lui faire croire n'importe quoi ou lui laisser manger ce que sa religion lui interdit.
Si Anna a fait intervenir le directeur, c'est bien parce que la décision de l'équipe avait été prise à la majorité mais à l'encontre de la déontologie. Article 3 du code de déontologie «Les intervenants ne peuvent en aucun cas imposer leurs convictions philosophiques, religieuses ou politiques au bénéficiaire de l'aide.»6(*) La déontologie est comme une charte. Elle dirige les droits et les devoirs liés au métier.
La pratique éducative nécessite une implication forte de la part du personnel éducatif. L'accompagnement d'une personne ne se fait pas en quelques jours. Il faut du temps pour mettre en place un projet individualisé, ne serait-ce que pour apprendre à connaître la personne. Il en va de même pour les enfants, ils doivent apprendre à nous connaître, on s'apprivoise l'un l'autre.
L'accompagnement nécessite à l'éducateur de s'impliquer entièrement, ce qui permet la constitution d'espace où la relation entre l'éducateur et l'éduqué pourra naître.
L'éducateur devient important pour la personne accompagnée, dans ce sens où l'éducateur est le confident du soir et en même temps celui qui fait respecter le cadre, qui pose les interdits et donc suscite les révoltes. Le sujet peut identifier alors l'éducateur comme son parent. Mais je reviendrai sur ce point de pôle identificatoire dans la troisième partie.
Il est nécessaire de mettre en place un climat de sécurité, qui pose des limites à ne pas dépasser. La personne sait que l'éducateur est là, nous sommes une garantie. Le cadre est très important car il permet au jeune de se sentir contenu, il se construit à travers les limites qu'on lui pose.
En effet, l'éducateur est avant tout là pour accompagner les personnes avec lesquelles il travaille. Il ne faut pas perdre de vue le fait que notre but premier est de disparaître de la vie de ces personnes, en les accompagnant vers une meilleure autonomie et une insertion dans la société.
PRÉSENTATION DU PUBLIC CONCERNÉ :
Durant mes différents stages, j'ai eu l'occasion de rencontrer des publics divers, et d'âges différents. Cela m'a permis de voir les points communs, les bases du métier d'éducateur, mais également de comprendre la différence du travail selon l'âge et la problématique de la personne. Dans tout travail éducatif, il y a des constantes. Celles-ci sont cependant mises en place de manière distincte et n'ont pas forcément la même fonction. J'ai effectué mon stage dans un SAAE (Service d'Accueil et d'Aide Educative) avec des enfants de moins de 10 ans ; puis dans un centre d'adaptation sociale auprès d'adolescents de 12 à 21 ans, présentant une déficience mentale avec des difficultés de langage, motrices, d'adaptation sociale et d'adaptation à la réalité. Et enfin, mon troisième stage s'est déroulé au foyer de l'enfance accueillant des enfants de 6 à 14 ans.
Mon principal lieu d'étude pour ce dossier à été mon premier stage que j'ai effectuée à Notre Dame des Anges au groupe des Loupiots à Mouscron. C'est un stage que j'ai fortement apprécié. Afin de mieux comprendre le public rencontré et les exemples cités dans ce travail, voici une brève description de l'institution et plus particulièrement du groupe des Loupiots.
L'institution prend en charge des enfants et des plus grands en difficulté, ressortissant des services de l'aide à la jeunesse (Belgique) et de l'aide sociale à l'enfance (France). L'ASBL Notre Dame des Anges est un Service d'Accueil et d'Aide Educative (SAAE). L'institution possède divers groupes selon les âges. IL y en a 5.
Les Loupiots est un groupe mixte accueillant des enfants de moins de 10 ans. Ce sont généralement des placements à moyen ou long terme. Leurs principaux objectifs sont de favoriser l'évolution de la personne et de développer au maximum les possibilités de l'enfant. Cela se fait à travers tous les domaines, que ce soit dans la vie du groupe, la vie avec la famille, la scolarité ou encore les loisirs.
Le groupe des Loupiots avec lequel j'ai travaillé comprenait 13 enfants. Le cadre est très important et permet de travailler sur le maintien des habitudes, des repères pour ceux-ci.
Cette partie a son importance, car elle montre que les enfants ont une relation primaire, une relation d'amour avec leurs parents. De ce fait, notre présence dans le cercle familial n'est pas toujours bien vécue, que ce soit de la part des parents ou des enfants. Je vais tenter de vous expliquer la relation que peut avoir un enfant avec ses parents ce qui nous permettra d'appréhender ne serait-ce qu'un minimum la souffrance de la famille face au placement et surtout pourquoi il est important de travailler en collaboration avec les parents : Pour ne pas casser le lien familial.
Je différencie la relation avec le père et la relation avec la mère car je pense qu'elles apportent des éléments différents à l'enfant, mais qu'il a besoin de ces deux échanges. Car les parents sont complémentaires. Chacun apporte un plus à l'enfant.
L'ENFANT ET LE PÈRE
Qu'entendons-nous par le mot père. Nous allons voir qu'il peut-être vu de différentes manières.
Cependant je pense que le statut de père ne tient pas en une définition mais bien dans la façon dont ce dernier prend son rôle, que ce soit dans une famille traditionnelle, recomposée ou monoparentale.
On pourrait d'abord définir plus précisément « qui est le père » ? Pour cela, voyons quelques chiffres. En effet, selon Henri Leridon et Catherine Villeneuve Gokalp,7(*) démographes à l'INED, il y a de plus en plus d'unions libres au détriment du nombre de mariages qui diminuent.
- Le nombre de mariage (en milliers) 269 en 1985, 287 en 1990 et 255 en 1995.
- Le nombre de divorces en milliers : 110,4 en 1985 ; 108,8 en 1990 ; 124 en 1995.
- Naissances hors mariage (pour 100 naissances) : 19,6 en 1985 ; 30,1 en 1990 ; 37,6 en 1995
Ces démographes notent également une forte hausse des divorces. Actuellement, cet effondrement du mariage a une conséquence sur les formes de famille. En effet, le modèle nucléaire c'est-à-dire les parents unis par le mariage et les enfants issus de cette union vivant sous le même toit s'effiloche pour laisser la place aux unions libres et aux enfants naturels c'est-à-dire issus de parents non mariés. Dans les recompositions familiales, le père « géniteur » n'est pas forcément le même homme que le père légal, qui n'est pas forcément non plus le père qui assure l'éducation de l'enfant.
Selon Irène Théry8(*), sociologue et juriste, les enfants peuvent avoir plusieurs pères : des pères légaux et des pères de faits.
Je ne suis pas d'accord avec cela. Pour moi, un enfant n'a qu'un seul père. Les autres sont des substituts. Il existe cependant des modèles familiaux différents :
La famille traditionnelle : également appelée modèle nucléaire. Les parents sont unis par le mariage, les enfants sont issus de cette union et vivent ensemble sous le même toit.
La famille recomposée : se désigne pour les familles dont les parents ont eu des enfants d'une précédente union. Par exemple, Martine, divorcée, a 2 filles. Et Paul, divorcé aussi, a 1 fille et 1 garçon. C'est une famille recomposée, Paul n'est pas le père des filles de Martine, et Martine n'est pas la mère des enfants de Paul. Mais ils vivent ensemble, sous le même toit. Il y a la notion de beau-père ou de belle-mère.
La famille monoparentale : se caractérise par le fait qu'un seul parent vit avec ses enfants. L'autre parent peut soit être décédé(e), soit avoir quitté la maison (divorce).
Benoît, Mathias et Magali sont frères et soeurs. Ils ont été placés par le juge pour violences familiales (lors d'une dispute, la plus jeune à été hospitalisée). Le père est alors emprisonné. La maman se retrouve seule avec ses 8 enfants, il y a eu des carences affectives et alimentaires. Pendant le placement, le père décède.
Les rares week-ends où les enfants rentrent chez eux, la maman leur présente un nouveau compagnon et leur dit : « C'est votre nouveau papa. » Les enfants sont perturbés, ils se sentent perdus et abandonnés par leur mère qui ne leur montre jamais un signe d'amour. Cependant ils acceptent sans difficulté leur nouveau papa, et rentrent au foyer tous joyeux d'avoir un papa !
J'explique alors aux trois enfants que ce n'est pas leur papa. Que leur vrai papa est décédé, et que l'homme qui vit aujourd'hui avec leur maman est son nouveau compagnon, donc leur beau-père. Mais il ne remplace pas leur papa. Même si dorénavant, c'est le chef de famille, et qu'il faudra lui obéir. Mon but est de leur faire comprendre qu'on a un seul papa.
Benoît, Mathias et Magali ont vraiment beaucoup de mal à entendre et à comprendre ce qu'on leur dit, puisque c'est leur maman qui le leur a dit, et qu'ils doivent l'appeler papa. A moi, de leur expliquer que même s'ils l'appellent papa, il ne va pas remplacer le vrai papa dans leurs coeurs.
Nous voyons bien que la définition du père peut être difficile pour un enfant. Dans cette situation, ce qui a perturbé les enfants c'est que les éducateurs n'avaient pas le même discours que la mère concernant leur papa. Pour moi, les enfants devaient garder en mémoire leur papa décédé. Et pour la maman, qui reconstruisait sa vie avec un nouveau compagnon, elle voulait effacer de sa vie l'ex-mari violent et redonner une place de père à ce nouvel ami.
L'enfant n'a qu'un père, et c'est important qu'il le sache. Néanmoins, il y a des enfants qui n'ont pas connu leur vrai père, seulement un substitut de père. Et pour ces enfants là, si on leur pose la question : qui est ton père ? Je suis sûr qu'ils répondront le substitut. Car c'est le seul qu'ils aient connu, même si au fond d'eux-mêmes, ils savent que leur vrai père est décédé dès leur naissance. Ils sont conscients que l'homme qui les a élevés n'est pas leur père géniteur mais ils l'assimilent comme tel. Car c'est lui qui les a aimés, nourris, aidés, soutenus, encouragés... A ce niveau là, il y a les sentiments qui interviennent.
Le substitut peut parfois mieux remplir son rôle de père que le géniteur.
Selon moi, le père ne se définit pas biologiquement ou même légalement. Ce n'est pas un statut que l'on possède mais un rôle que l'on tient, que l'on revendique et que l'on assume auprès de l'enfant. « On devient père avec sa tête tout autant qu'avec son coeur et son corps » Jean Le Camus.9(*)
Le point de vue des professionnels :
A ce sujet, Jean Le Camus, psychologue spécialiste dans le développement de l'enfant dit : « en tant que représentant de la loi et incarnation du lien social, le père aide l'enfant à s'ouvrir au monde des autres, à acquérir le pouvoir de contrôle et le désir d'affirmation positive de soi »10(*).
Selon Donald Winnicott, « Il dépend de la mère que le père en vienne ou non à connaître son bébé »11(*) cela laisse penser que le père doit être introduit auprès de l'enfant par la mère.
Aldo Naouri, lorsqu'il parle du père, insiste sur la place que la mère fait à ce père. « Ce qui fait un père, ce n'est pas le fait qu'il y ait un homme présent à côté de la mère. C'est que cette mère reconnaisse cet homme comme père, c'est-à-dire qu'elle lui accorde le droit de limiter sa toute-puissance maternelle, de jouer son rôle de séparateur. »12(*)
Sur ce point-ci, D. Winnicott et A. Naouri se rejoignent assez, tous deux pensent que c'est la mère qui donne une place au père. Personnellement je pense qu'un père présent physiquement dès le début de la vie de son enfant a déjà son rôle, et ce n'est pas la mère qui lui donne puisqu'il le possède déjà. Même si l'enfant ne s'en apercevra que plus tard puisque nous allons voir que l'enfant et sa mère ne forment qu'une entité surtout dans les premiers mois de la vie de bébé.
LE RÔLE DU PÈRE
L'enfant est un avec sa mère même quand le cordon est coupé. Le rôle du père est capital, c'est l'autre par rapport à la mère. Pour l'enfant, le père représente l'autre, devant lequel il va se situer. Papa, c'est l'autorité, la sécurité, la tendresse aussi.
Le rôle du père dans le foyer est primordial. Il joue le rôle de chef de famille. La relation du père à l'enfant ne commence qu'à la naissance ; avant la naissance, la relation est exclusivement maternelle.
On a longtemps pensé que seule la mère était indispensable au bon développement de l'enfant. On sait maintenant que le rôle du père est loin d'être secondaire... au-delà de la figure d'autorité traditionnelle, il exerce une influence positive sur l'ensemble de la personnalité de l'enfant, et ceci dès son plus jeune âge.
La psychologie du XXe siècle s'est accordée à attribuer essentiellement au père la fonction de représentant de la Loi : c'est lui qui, par le fait de son existence empêche symboliquement la relation fusionnelle mère-nourrisson. Cela permet ainsi à l'enfant de s'ouvrir au monde des autres. Le père incarne et transmet à l'enfant les règles qui lui permettront d'acquérir force de caractère, pouvoir de contrôle, sens moral et désir d'affirmation positive de soi. La figure traditionnelle du père se situe donc du côté de l'autorité et il joue un rôle dans la socialisation.
Un des rôles importants du père est la fonction de séparation. Il est là pour dire à l'enfant que c'est un être à part entière. Il permet à l'enfant de ne pas rester le petit objet de sa mère ; le père vient couper le cordon. Cela permet en même temps de dire à la mère qu'elle n'est pas que mère, mais aussi femme et amante. Le père prend sa place dans la relation.
Un modèle d'identification ?
Il est également établi que le père joue un rôle important dans la construction de l'identité sexuelle de l'enfant. Pour le garçon, il est un modèle d'identification : celui à qui il va chercher à ressembler. Pour la fille, il est une sorte de modèle idéal de l'autre sexe : celui qu'elle cherchera à retrouver après la puberté.
On dit souvent que les femmes recherchent leur père dans leur amant...
Dans cette perspective classique, c'est à la mère d'apporter à l'enfant en bas âge affection et présence active; La fonction qui est attribuée au père est symbolique et sa présence effective n'est pas considérée comme indispensable au tout jeune enfant. Ce qui importe, c'est que le père existe dans la pensée et la parole de la mère, indiquant ainsi au petit qu'il n'est pas l'unique objet de son désir. Mais nous allons voir que ce modèle traditionnel est en train de changer.
Les temps ont changé ?
Le rôle traditionnel accordé au père est lié à une conception schématique et dépassée du couple : à l'homme, le monde extérieur et la fonction économique ; à la femme le foyer et la fonction affective. Il est également lié à un modèle de structure familiale construite pour durer.
Or le couple a évolué. Les femmes ont investi le monde du travail et les pères ont tendance à s'impliquer davantage auprès du jeune enfant, dans les jeux, mais aussi dans la vie quotidienne, les repas, les bains... La structure familiale a éclaté pour faire place à une mosaïque de structures différentes (monoparentale, familles recomposées...). Enfin, la vision des rapports au sein de la famille a changé ! La femme n'accepte plus d'être réduite à la maternité. Les hommes sont de plus en plus enclins à renoncer au principe de la puissance paternelle. Ils sont prêts à se reconnaître sensibles, affectueux envers leurs tout jeunes enfants, sans que cela porte atteinte à leur identité masculine. C'est comme si il y avait une ère du « nouveau père » qui arrive.
Qu'apportent les « nouveaux pères » à leurs enfants ?
Plusieurs études récentes ont été menées sur l'influence de la présence physique et active des pères auprès des tout-petits. Elles ont montré que cette présence les prépare plus efficacement et plus rapidement que ne le ferait la mère à s'aventurer dans le monde extérieur. Ils seraient plus vite à même de se débrouiller tout seul, de se faire reconnaître et accepter dans un groupe d'enfants et d'intégrer les règles de la vie collective.
Par ses taquineries, ses tentatives de déstabilisation, le père incite l'enfant à s'adapter à la nouveauté.
Par sa tendance à encourager l'exploration, il le prépare à affronter l'inconnu.
Par son inclination pour les jeux physiques (chatouilles, luttes simulées...), il contribue à le sensibiliser au respect des règles et de l'adversaire.
En effet, qui n'a jamais joué à se battre avec son propre père ? Personnellement étant enfant, je me souviens que j'adorais jouer à ça avec mon père, j'adorais quand il me chatouillait et que je le suppliais d'arrêter tellement je riais...Je me souviens de ces fameux jeux de bagarre où ma mère s'énervait sur mon père en lui disant « arrête de l'énerver ! » Ses plaisanteries qui font que nous partions bouder dans notre coin pour revenir à la charge cinq minutes plus tard ! Je suis sûre que beaucoup d'enfants ont ce souvenir avec leur papa.
Les pères exercent donc une action dynamisante dès les premières années de la vie de l'enfant, en l'aidant à faire le pont entre l'affirmation de soi dans la famille et l'affirmation de soi à l'extérieur.
Un rôle affectif aussi fort que celui de la mère ?
Un domaine des relations père-enfant que les études n'ont pas encore exploré reste celui de la forme que peut prendre leur attachement affectif, domaine traditionnellement réservé à la mère. Il a toutefois été prouvé (assez récemment) que l'enfant de moins de 1 an était susceptible de s'attacher à plusieurs personnes, et donc à son père. Toutefois, si l'enfant est en situation de détresse, la mère reste la plus à même de le réconforter.
LE TIERS DANS LA RELATION MÈRE - ENFANT
Dans le cas d'une famille monoparentale où l'enfant ne connaît pas le père et est placé en foyer, la personne tierce peut être l'éducateur. L'enfant va se référer à l'éducateur comme étant son père et/ou sa mère. « Que cette fonction soit portée par le géniteur, une femme ou un groupe de nurses, peu importe ! L'important est qu'elle soit incarnée de manière vivante ». Jean-Marie Vauchez13(*).
L'ENFANT ET LA MÈRE :
LA RELATION MÈRE - ENFANT
Relation première, la relation de la mère semble être aussi la relation primordiale : « Ce contact maternel constitue la première expérience de relation humaine : l'avenir de toutes les autres relations en dépend »14(*) La mère et son enfant ont un lien particulier. Cette relation qui se noue dans la poche utérine continue après la naissance. C'est un amour primitif.
L'IMPORTANCE DE CHACUN DES DEUX PARENTS :
Prenons en exemple une situation pour illustrer quel pourrait être le rôle de l'éducateur dans la relation parent - enfant.
Cet exemple ne montrera que quelques aspects du rôle de l'éducateur, car c'est une situation particulière, à un moment donné, dans un lieu donné avec des personnes données.
Amélie est une jeune fille de 11 ans, qui a quelques problèmes de poids, en effet, Amélie est d'une corpulence assez forte et doit vraiment faire attention à sa santé. Malgré nos remarques et conseils, Amélie continue de manger beaucoup de sucre.
Elle rentre tous les week-ends chez elle. Un soir, alors qu'elle rentre seule de l'école, elle arrive en retard et nous donne pour explication une histoire abracadabrante sur sa copine qui se serait foulé la cheville et qu'elle a du raccompagner chez elle car personne ne pouvait venir la chercher. En me parlant, je trouve qu'Amélie est bizarre et que son histoire l'est aussi. Au moment du coucher, je monte dans sa chambre pour avoir une explication et trouve sur son lit un petit sac rempli de bonbons. Je lui rappelle alors que ce n'est pas bien et qu'elle doit vraiment faire attention à son poids. Je décide d'en parler à une collègue et lui explique l'histoire du mensonge (alors qu'en fait elle était en retard parce qu'elle s'était acheté des bonbons.) Le lendemain, nous organisons une discussion avec elle pour qu'elle nous explique ce qu'il s'est passé la veille. Amélie nous dit finalement que c'est sa mère qui lui a donné de l'argent ce week-end pour se faire plaisir, et que comme c'est sa mère qui lui a donné, nous n'avons rien à dire ! Ma collègue et moi prenons l'initiative d'appeler sa maman et lui expliquons brièvement la situation. Nous demandons à la maman si c'est bien elle qui lui a donné de l'argent pour des bonbons. La mère nous dit qu'elle n'est pas au courant de cette histoire et demande à parler à sa fille. Elle lui fait quelques remontrances, lui expliquant que beaucoup de personnes s'inquiètent pour sa santé. Une fois le téléphone raccroché, nous poursuivons la discussion et Amélie s'excuse auprès de nous pour nous avoir menti et nous dit être très étonnée qu'on ait appelé sa mère.
Je pense que ce coup de fil a eu de grandes répercussions dans la relation entre l'éducateur et Amélie, dans la relation entre l'éducateur et la mère, et aussi dans la relation entre Amélie et sa mère.
Cette situation témoigne des différentes places de l'éducateur. Analysons maintenant quelle place peut avoir l'éducateur dans la relation parent - enfant. En effet, l'éducateur peut être médiateur, il peut aussi avoir une place de suppléance parentale, c'est aussi un transmetteur des limites.
a) Le rôle de médiateur :
Dans cet exemple, l'éducateur a une place très importante : celle de médiateur. Par médiateur on entend : personne qui intervient entre deux personnes pour aider à résoudre un conflit, faire avancer un projet. A ce moment là, l'éducateur a permis que la situation évolue positivement. Il a été un lien entre Amélie et sa mère et a permis à celle-ci de retrouver sa place de mère. Ce coup de fil a permis de réguler la situation, de trouver un équilibre où chacun est à sa place.
b) Le rôle de suppléance parentale :
Nous avons aussi eu un rôle de suppléance parentale. En effet, le fait de travailler dans un foyer, l'éducateur a une importance particulière. Ma collègue et moi avons tenté d'agir comme une mère l'aurait fait mais évidemment pas de la remplacer. Amélie faisant référence à sa mère « c'est ma mère qui m'a donné les sous », nous avons pris l'initiative de l'appeler pour que chaque place soit au claire.
Nous nous substituons aux tâches éducatives : assurer la sécurité d'une bonne hygiène de vie : alimentation correcte, sommeil régulier, suivi médical, suivi scolaire, bonne hygiène, socialisation...Nous devons aussi leur assurer un bon épanouissement affectif et psychomoteur. Donner du temps, de la disponibilité, de la tendresse, être présent...
En écrivant ce travail de fin d'étude, je me rends compte que le bon mot à employer ne serait pas substitut mais suppléance parentale, qui renvoie peut-être plus à du temporaire. Nous sommes là en complément des parents, puisque nous avons vu qu'ils avaient toujours l'autorité parentale sur leurs enfants. Tandis que la notion de substitut m'évoque plus le fait de remplacer quelqu'un. Et ce n'est pas notre fonction. Je pense que la suppléance ouvre plus à des perspectives de collaboration avec les parents.
c) Le rôle d'être un transmetteur des limites :
Tous comme les parents le sont, l'éducateur est un transmetteur des limites qui nous permet de nous construire et de vivre avec les autres. Nous nous sommes appuyés de l'aide de la mère pour transmettre une limite ainsi qu'un message à Amélie. Nous avons agi tous les trois (ma collègue, la mère et moi-même), ensemble, dans le même objectif, le bien-être d'Amélie.
D'un autre côté, la mère a été revalorisée dans ses fonctions, en effet, au quotidien la mère a tendance à éviter les conflits avec sa fille car elle ne la voit que le week-end. La mère a donc retrouvé une certaine place auprès de sa fille.
Lorsque les enfants sont placés en institutions, les parents peuvent se sentir dépossédés de leurs fonctions, ou ils peuvent aussi ne plus se sentir impliqués dans l'éducation de leurs enfants. C'est en ça que je trouve qu'il est important de travailler avec les familles. Je pense qu'on ne les rencontre pas assez. Il est utile d'associer les familles au travail qui se fait dans l'institution.
Cela a plusieurs effets. Tout d'abord un effet rassurant pour les parents mais également pour l'enfant (il doit sentir que ses parents sont toujours là). Ensuite cela permet aux éducateurs et aux parents de travailler ensemble, avec des objectifs communs. Les parents se sentent moins isolés, et peuvent peut-être trouver en nous, un appui, un relais dans leur « métier » de parents.
Je pense que l'éducateur possède une place primordiale et centrale dans la relation parent - enfant. Et nous ne devons jamais dénigrer devant les enfants les mots ou les comportements de certains parents car nous ne sommes pas là pour porter des jugements.
d) Le rôle de référent :
La relation éducateur référent et enfant est très particulière.
Ainsi durant mon stage de troisième année, j'ai souvent entendu dire venant d'un enfant « c'est mon éduc ». A l'inverse les éducateurs me disaient « c'est mon gamin ». Cela marque bien le processus d'appropriation dans lequel les deux personnages sont engagés. Le risque est alors celui de l'enfermement de l'un à l'autre dans une relation fusionnelle.
Dans certaines institutions, il y a ce qu'on appelle des éducateurs référent. C'est-à-dire qu'ils ont en charges un ou plusieurs enfants. En fait, leur propre rôle est d'être garant du projet de l'enfant.
Au foyer de l'enfance de Lille, chaque jeune a un éducateur référent. Dès l'arrivée d'un enfant, un éducateur se propose pour être son référent. Autrement dit, le jeune va s'adresser plus particulièrement à « son éduc ». Ce dernier a pour rôle de travailler sur la globalité de la situation du jeune. Le référent aura alors une relation plus privilégiée avec la famille, l'école, les différents partenaires. Le rôle de référent conforte aussi tous les partenaires extérieurs qui n'ont affaire qu'à une seule et même personne et qui plus est connaît bien le dossier du jeune.
Amandine est une jeune adolescente de 14 ans, placée au foyer pour avoir subi des violences sexuelles de la part de son père, sa mère étant malade psychologiquement, elle ne pouvait avoir la garde d'Amandine. C'est une jeune fille assez rebelle envers les autres enfants, qui n'accepte pas beaucoup l'autorité, mais finit par s'y plier. Un soir où je lui demande de m'aider à débarrasser la table, elle prend ça pour une punition, renverse toutes les chaises, m'insulte gratuitement, mais au bout de 5 minutes, se calme toute seule, revient me voir dans la cuisine et m'aide à débarrasser comme si de rien n'était. C'est une enfant surprenante et déstabilisante à la fois.
Cela dit, Amandine avait la manie de ne s'adresser qu'a « son éduc » comme elle l'appelait. Puisqu'elle avait compris que c'est lui seul qui gérait les visites avec sa maman, avec son papa en prison, au tribunal...C'était la seule enfant du groupe qui n'appelait pas l'éducateur par son prénom mais elle disait toujours « mon éduc ». D'ailleurs il y avait, avec les autres enfants que l'éducateur avait en charge, une sorte de petite rivalité gentille. « C'est mon éduc, pas le tien, j'était là avant toi ». Mais je pense quand même qu'elle le faisait exprès pour nous déplaire, car elle savait très bien que l'équipe éducative autour d'elle démarrait au quart de tour quand on l'entendait dire cette phrase.
Cet exemple montre bien la relation privilégiée qu'on peut avoir avec un jeune en étant son référent.
La non référence dans une institution peut tout aussi bien fonctionner. Autrement dit, tous les membres de l'équipe sont référent de tous les enfants. Par contre dans ce système là, il est important que le travail d'équipe soit bien fait, et que la parole circule normalement, d'où l'importance des réunions d'équipes pour pouvoir échanger avec les différents collègues. La communication entre nous doit être efficace et cela permet à chaque éducateur de suivre au mieux le projet de l'enfant afin de lui apporter les réponses nécessaires, en cas de besoin de l'enfant, sans attendre le retour de l'éducateur référent. Le jeune n'est ainsi pas tenu de rencontrer toujours le même éducateur, car que faire quand le jeune ne s'entend pas avec l'éducateur référent ? Est-ce l'accompagnement du jeune qui en pâtit ? De plus, cela permet au jeune de ne pas différer sa demande. On ne va pas dire à un adolescent, « ton éducateur est en vacances pour une semaine, reviens la semaine prochaine avec tes problèmes ! »
Le rôle de référent peut donner lieu à un débat. Cela dépend des institutions. Pour ma part, l'éducateur référent permet une bonne relation avec le jeune et donc peut-être un bon accompagnement (même si un bon accompagnement ne tient pas qu'à une bonne relation !), en revanche la non référence permet peut-être une relation plus homogène dans l'institution.
Pour conclure, l'éducateur a une place primordiale dans la relation parent - enfant. Il doit avoir une liaison aidante et amener les parents à s'impliquer davantage dans l'éducation de leurs enfants. Il doit permettre que chacun (re)trouve sa place, avec les fonctions qui leur sont propres. Je pense que nous ne devons surtout pas être inquisiteur, moralisateur et encore moins juge. Nous pouvons parfois aussi agir pour redonner du sens et du possible à la communication au sein des familles, en apaisant certains conflits (en expliquant à un adolescent ce que sont les difficultés d'être parent, et parfois en rencontrant les parents, leur expliquer ce que vit l'adolescent).
1. LA RELATION ÉDUCATEUR - ENFANT
Il est vrai qu'il y a un certain lien qui existe entre l'enfant et ses parents. Il existe cependant un lien entre l'enfant et l'éducateur, mais il y a toutefois une différence.
L'éducateur est là avec son bagage, avec son vécu, et l'enfant ne tirera profit que de certaines choses de l'éducateur. Il en est de même pour l'éducateur. Il y a certaines choses chez l'enfant qui parleront plus que d'autres à l'éducateur. C'est ce qui fait qu'on apprécie plus ou moins quelqu'un. La relation passera plus ou moins bien avec un jeune plutôt qu'un autre.
Le lien éducateur enfant se construit progressivement, pas à pas, à travers l'attention accordée à l'enfant. Le lien passe par un tas de choses, ce peut être un geste, une présence, une écoute. La relation éducative s'exerce différemment de celle des parents, tout simplement parce que pour l'enfant, l'éducateur reste un professionnel et n'occupe pas la même place subjective et symbolique. C'est-à-dire que l'éducateur n'appartient pas au cercle familial.
L'éducateur peut être sujet à des pulsions agressives c'est-à-dire en position projective. L'éducateur travaille généralement avec l'enfant au quotidien, c'est souvent sur nous que les enfants vont envoyer leur agressivité, leur incompréhension face au placement, leur solitude. En effet, chaque fois qu'un enfant s'adresse à moi, il projette ses attentes, ses peurs, ses espoirs, des soucis dus à son passé, mais aussi des fantasmes concernant son avenir.
Il existe différentes façons de travailler avec les enfants.15(*)
Il y a la relation directive ; c'est-à-dire que l'éducateur impose ses propres règles au groupe. On peut également l'appeler la relation autoritaire. C'est une relation à sens unique où l'adulte est prédominant. Les étapes de la tâche sont imposées au groupe ainsi que les techniques. Dans ce type de relation, on peut remarquer que les enfants jouent un rôle pour se conformer à ce que l'éducateur demande. Une certaine forme d'angoisse se développe ce qui va à l'encontre de la vraie personnalité de l'enfant.
Chloé est une jeune fille placée à l'institution depuis déjà quelques années. Elle grandit et commence à s'affirmer, à s'opposer. Nous sommes en conflit permanent avec elle, répond et veut continuellement avoir raison. Les disputes dégénèrent et montent sans cesse en pression. Avec l'équipe, nous avons donc décidé de réagir de façon plus autoritaire. « Tu ne veux pas faire ceci, alors tu montes dans ta chambre un point c'est tout » il n'y a plus de discussion possible.
La relation non directive, c'est l'enfant qui décide, mais il y a quand même un cadre. L'éducateur fournit des matériaux variés et laisse le groupe travailler selon ses envies. L'enfant est placé au centre de l'éducation. Dans la relation non directive, on peut retrouver la technique du laisser-faire. Autrement dit, on ne propose rien à l'enfant ce qui le maintient dans un certain infantilisme car l'enfant ne se heurte jamais à un obstacle.
Thibaut est un petit garçon de 4 ans inscrit dans l'école ou je travaille. C'est un enfant assez dur qui refuse tout. La socialisation est difficile car il ne fait que mordre ou taper ses camardes de classe. La maîtresse et moi n'avons aucune autorité sur lui. A côté de cela, quant il est seul ou avec un adulte il peut être très attachant, du moment qu'on ne lui demande rien. Pour éviter d'être inlassablement en opposition avec lui, il nous arrive parfois de le laisser tranquille et il vaque à ce moment là à ses occupations et n'embête personne. Il ère dans la classe ce qui le maintient dans une forme d'infantilisme.
La relation démocratique, l'éducateur fournit la perspective des différentes étapes. L'éducateur suggère une activité par exemple, mais c'est le groupe qui décide. C'est le pouvoir à la majorité, il y a la notion de vote. La relation démocratique s'oppose à la relation autoritaire, elle s'établit lorsqu'il y a un rapport d'égalité.
Dans la classe maternelle où je travaille, en dernière partie d'après-midi, c'est activités manuelles. Je propose aux enfants en général trois activités différentes. De la peinture, du découpage et collage ou de la pâte à modeler. Je dispose le matériel sur trois tables différentes et les enfants font l'activité qui les intéresse. C'est eux qui choisissent.
Ces différentes attitudes, qu'elles soient directives, non directives ou démocratiques, ne sont pas permanentes. Selon les personnalités des enfants, nous réagiront différemment.
L'éducateur est un pôle identificatoire pour l'enfant, qu'il soit homme ou femme, il offre à l'enfant « un autre » auquel il peut s'identifier. Selon Daniel Roquefort16(*) « ce n'est que dans un temps second que l'éducateur pourra jouer le rôle social dévolu à l'homme ou à la femme et offrir à l'enfant ou à l'adolescent un pôle identificatoire. » Autrement dit, c'est dans un deuxième temps qu'intervient cette identification imaginaire de l'enfant à l'éducateur. Car l'éducateur supporte la fonction parentale aux yeux de l'enfant placé.
L'éducateur est donc un pôle identificatoire dans le sens où il incarne le père et ou la mère. Ainsi, un éducateur incarnera de façon plus virile son côté masculin, une éducatrice, sera plus affective que d'autres. Dans certaines institutions, il y a des « couples éducatifs ». Lors de mon stage de troisième, j'ai pu observer ce comportement, c'est-à-dire que chaque enfant avait deux référents : Un éducateur et une éducatrice. L'un représente souvent la loi, fait respecter les règles, l'autre a pour mission de soigner, d'écouter les petites confidences. L'éducateur homme ou femme n'a pas le même impact sur les enfants. Ainsi, les différents éducateurs permettent à l'enfant d'offrir autant de pôles identificatoires.
Le pôle identificatoire de l'éducateur permet d'avoir une continuité éducative et relationnelle stable, servant de repère au sujet.
L'éducateur spécialisé est, pour partie, un transmetteur des limites posées par la société : les normes. Il sert de repère à la personne accompagnée. Par sa façon d'être ou d'agir, il indique au jeune ce qui est de l'ordre de l'admis ou du proscrit, il le guide.
Enfin, l'instauration d'une relation personnalisée fait entrer le professionnel dans une logique de suppléance parentale, dans la mesure où l'enfant va s'adresser à l'éducateur plutôt qu'à ses parents pour ses demandes et besoins. Nous exerçons en effet, un rôle d'écoute, d'observation et de guidance. Nous prenons vite une place importante dans l'univers de l'enfant, étant souvent sollicités pour répondre à ses besoins. Un enfant quand il nous demande quelque chose il nous demande en réalité de pouvoir compter sur nous à partir de la relation privilégiée qui peut s'être établie. Je pense notamment à la fonction de référent de l'éducateur.
b) T'es pas ma mère :
Jeanne a 10 ans et est placée en institution avec son petit frère Antoine. Jeanne est une jeune fille très intelligente, vive, très protectrice par rapport à Antoine, à du mal avec l'autorité et aussi très revendicatrice.
Pour comprendre la situation, il faut remonter un peu en arrière. Le père veut quitter le domicile conjugal. La maman, qui n'accepte pas la séparation d'avec le père de ces enfants, commet un acte qui met en danger son fils Antoine ; elle promène avec lui au milieu d'un carrefour avec une circulation intense. On ne connaît pas les intentions de la mère à ce moment. Tentative de suicide entraînant son fils avec elle ? Provocation à l'égard de son mari pour lui faire peur ? Mais la conséquence de cet acte est le placement des deux enfants à Notre Dame des Anges.
Les deux parents doivent se contenter tous deux de visites encadrées chaque mercredi après-midi durant quelques heures. A la fin du placement, les parents obtiennent chacun un droit de logement de leurs enfants un week-end sur deux en alternance.
Comme je l'ai dit, Jeanne avait du mal avec l'autorité. Elle se croyait suffisamment mûre pour décider. Elle bougonnait facilement si quelque chose lui était imposé. Et surtout réagissait fréquemment ainsi : « T'es pas ma mère, t'as rien à me dire ». Ce à quoi nous répondions : « Non tu as raison, c'est vrai, mais j'agis pour elle, comme elle le ferait pour toi. Ta maman voudrait que tu deviennes une jeune fille bien raisonnable et donc, elle ne te laisserait pas faire tout ce que tu désires » Elle recherchait des explications quant à sa situation familiale. Elle avait besoin de comprendre.
Dans le fond, elle n'avait pas tord. Nous ne sommes pas ses parents et nous ne remplaçons pas ses parents. Cette phrase, traduit pour moi, une souffrance. Elle souffrait de son placement et aspirait une amélioration dans la relation père-mère pour qu'enfin elle puisse rentrer chez elle. Elle voulait que ses parents retournent vivre ensemble « comme avant ». De ce fait, elle ne voulait pas qu'on lui dise ce qu'elle doit ou ne doit pas faire. Elle ne voulait pas avoir affaire à des éducateurs, elle voulait ses parents. Elle avait du mal à accepter les remarques qui ne viennent pas de ses parents. « T'es pas ma mère, t'as rien à me dire » traduit le fait qu'elle nous en voulait d'être placée. C'est une façon de dire « je ne t'accepte pas en tant qu'adulte qui décide pour moi. »
Je pense que Jeanne éprouve de la colère. De la colère envers nous, pensant que nous sommes là pour remplacer ses parents. De la colère envers ses parents pensant qu'ils ne font rien pour la récupérer, son frère et elle. Elle ne comprenait pas car elle savait que la situation de ses parents s'était améliorée, le père avait une nouvelle compagne, la maman bénéficiait maintenant d'un droit de logement. Alors pourquoi ne pouvait-elle pas rentrer chez elle ?
Nous lui avons expliqué que ses parents étaient encore à l'épreuve pour le juge, qu'un retour en famille serait trop précoce et donc qu'il y aurait un risque de rechute pour la famille et par conséquent un deuxième placement pour les enfants. Jeanne connaissait les raisons de son placement « Maman a mis mon petit frère en danger » mais ne comprenait pas ce qui avait pu déclencher ce coup de folie de sa maman. Nous, éducateurs, ne savions pas et ne pouvions pas lui expliquer. On ne dit pas tout à une enfant de 10 ans. Il faut préserver l'image des parents.
Mais pour une enfant de 10 ans, c'est normal qu'elle ne comprenne pas ce qui lui arrive. Elle nous rend responsable d'être « encore » placée. Quand Jeanne nous dit : « t'es pas ma mère, t'as rien à me dire ! » elle nous exprime également sa colère, son incompréhension, son ras le bol.
LA RELATION ÉDUCATEUR - PARENT
Le lien éducateur - parent ; est un lien assez difficile car les parents ne sont pas toujours coopératifs avec l'équipe pluridisciplinaire. Les éducateurs sont parfois vus comme des « enleveurs » d'enfants aux yeux des parents. Nous devons alors travailler avec la famille, et lui faire comprendre que notre travail est de les aider momentanément dans leurs difficultés familiales. Il arrive souvent que les familles soient en désaccord avec l'ensemble du système judiciaire (juge, assistant social, éducateurs...) soit parce qu'ils ne veulent pas voir leurs difficultés en face, soit parce qu'ils n'acceptent pas qu'on leur ait pris leurs enfants et ont peur des réactions de l'entourage.
A l'inverse parfois, la relation se passe très bien, il y a une forme de cohésion autour du jeune. Il peut y avoir un relais qui s'installe entre les adultes au bénéfice de l'enfant. Lors d'un stage, j'ai rencontré une situation où la maman avait très peur du placement de sa fille (ancienne jeune placée). Voyant sa fille vivre sereinement au sein du groupe de vie, la maman s'est apaisée. Depuis, la relation avec les éducateurs se passe mieux.
La mesure de placement signe parfois l'incapacité des parents et entraîne souvent un sentiment dépressif d'insuffisance, voire de déchéance. Parfois il arrive que les enfants soient placés car les parents sont fatigués. Certains parents sont prêts à accepter n'importe quel placement, en revanche, d'autres craignent que l'éducateur accapare leur enfant. La question de la rivalité entre parents et professionnels est certainement l'une des plus difficiles à traiter dans un travail institutionnel. Néanmoins, elle conditionne l'évolution ou à l'inverse la stagnation de l'enfant. En effet, un travail éducatif sera d'autant plus efficace s'il y a une collaboration entre parents et éducateurs.
Fréderic Jésu17(*) parle de co-éducation : « La coopération active et éclairée des parents, des professionnels et des autres acteurs, privés ou publiques, de l'éducation sociale et institutionnelle de l'enfant. » Par définition, l'éducateur spécialisé qui travaille auprès d'enfants ou d'adultes, en milieu ouvert ou en internat, est acteur de cette co-éducation.
A mon avis, co-éduquer implique d'abord de se sentir concerné par la situation des jeunes. Pour une bonne co-éducation, il faut que nous soyons avec les parents, cohérents vis-à-vis de l'enfant. C'est-à-dire qu'il faut que la dyade éducateur - parents, décide ensemble d'une conduite à tenir afin que chacun puisse répondre aux besoins et aux demandes de l'enfant.
Pour moi, en tant que future professionnelle, il s'agit de prouver aux parents que je ne suis pas là pour les juger, ni pour les remplacer mais bien pour leur démontrer la nécessité d'une collaboration dans l'intérêt de l'enfant.
L'important est d'instaurer une relation. Si les parents acceptent l'éducateur en tant que professionnel, le travail axé avec l'enfant sera positif. C'est ce que j'appelle une relation complémentaire ; les deux systèmes, familial et éducatif se complètent l'un l'autre pour une meilleure entente concernant l'enfant.
Il est important de faire participer les parents à la prise en charge de leurs enfants, surtout si un retour en famille est envisagé. Avec les parents il y a un travail d'écoute car beaucoup de parents vivent mal le placement. On peut aussi jouer un rôle de médiateur lorsque les relations entre parents et enfants sont conflictuelles. Toutefois, le travail en collaboration avec les parents est important afin de trouver rapidement la solution la plus adaptée pour leur enfant.
Comment intégrer les parents ? En tant que future éducatrice il est de mon devoir de mettre en place un partenariat entre parents et professionnels dans le cadre de l'éducation de l'enfant. Cette relation peut se faire à travers divers exemples. Il ne faut pas oublier que l'enfant a une place essentielle dans le partenariat car il est l'enjeu des échanges. C'est pour lui que parents et professionnels s'affairent.
· Inviter les parents aux fêtes d'écoles et/ou aux réunions de parents, les appeler personnellement et leur expliquer que l'enfant fait une danse ou un chant avec l'école et que la venue des parents est souhaitable.
· Organiser avec les parents un pique-nique à l'extérieur de l'institution. Ce serait un moment remplis d'échanges entre l'éducateur et les parents mais aussi cela permettrait de passer du temps avec leurs propres enfants. La relation passerait peut-être mieux que derrière un bureau, il y aurait plus de complicité.
· Envoyer des photos aux parents de l'enfant et inversement. Les parents auraient l'impression de rester en contact avec leur enfant, ils pourraient l'imaginer dans l'institution. Prendre une photo quand il joue dans sa chambre, quand il fait ses devoirs, quand il mange, à son anniversaire...Tous ces petits moments qui échappent aux parents et qui peuvent donner l'impression que les parents n'ont pas vu leur enfant grandir.
· Demander aux parents quelles sont leurs habitudes, leurs pratiques personnelles, sans être intrusive. Par exemple qu'est-ce que l'enfant aime manger, est-ce qu-`il y a la lecture d'une histoire le soir...tous ces petits rituels qui rassureront l'enfant.
· Donner un moment de la journée aux parents, dans l'institution, pour s'occuper de leur enfant, avec notre aide. Ce moment peut être au lever. Organiser avec les parents un jour où ils pourraient venir réveiller leur enfant et déjeuner avec lui. Ce moment peut être le soir lors du bain, ou du repas.
Toutes ces propositions ne sont peut-être pas applicables car cela dépend de la situation familiale, de la raison du placement, de l'organisation de l'institution. Mais si je pouvais avoir carte blanche pour travailler avec les parents, si tous les moyens nécessaires était réunis, ce serait un vrai bonheur pour les parents, pour les enfants et pour nous-mêmes que de travailler ainsi en cohésion.
Tout ces exemples amélioreraient la relation éducateurs - parents et favoriseraient l'accompagnement du jeune. Car nous formerions une vraie équipe autour de l'enfant.
b) Relation conflictuelle
Si la relation est mauvaise, notre travail sera d'autant plus difficile car la famille n'est pas en relation avec l'institution.
Le placement fait peser sur la famille l'image de mauvais parents. Il remet en cause leur statut et dévalorise la famille aux yeux de tous. Les parents se jugent alors fautifs et ressentent un lourd sentiment d'incapacité. De ce fait, le retrait de leur enfant est une véritable blessure, et ce, je pense, quelque soit le positionnement des parents à l'égard du placement de l'enfant. Ainsi toute décision de retirer l'enfant de son milieu familial est douloureusement vécue.
Elle peut être vécue comme une atteinte au groupe familial qui est déjà souvent fragilisé, mais elle peut être également vécue comme une blessure narcissique. C'est-à-dire que chaque parent peut se sentir blessé par rapport à son image personnelle mais aussi dans sa fonction de ne pas avoir assuré le rôle parental.
Comme le précise Myriam David 18(*) « Les parents vivent le placement comme une dépréciation, une disqualification, un jugement ; ils se sentent mauvais : parents inaptes, incapables, indignes et aussi coupables donc punis et sanctionnés. »
De plus le placement suscite chez certains parents des réactions agressives de rejet à l'égard de l'institution, voire de leur propre enfant.
Cela je l'ai vécu durant mon stage de première année. Une maman refusait tout échange avec l'équipe éducative et « oubliait » consciemment de prendre des nouvelles de ses enfants. Ces enfants bénéficiaient d'un retour famille tous les week-ends. Tous les vendredis, la maman téléphonait à l'institution pour dire qu'elle avait un empêchement de dernière minute et qu'elle ne pourrait pas venir les chercher.
Toutefois chez certains parents nous pouvons percevoir une relative acceptation de la séparation. D'après Maurice Berger19(*), « ce serait dû au fait d'un aménagement de la part des parents d'une aire illusoire ». Ce qui leur permettrait de supporter de manière prolongée l'absence de leur enfant. Ils se construisent alors comme si leur enfant allait leur être rendu prochainement.
C'est le cas de Madame F, mère de deux fillettes, durant mon stage de troisième, qui a souhaitée elle-même placer provisoirement ses enfants.
c) Où sont mes filles ?
Lors de mon stage au foyer de l'enfance de Lille, j'ai pu remarquer que tous les parents n'avaient pas leur place dans la relation triangulaire idéale : institution - enfant - parent. On parle alors de relation dyade quand seulement deux protagonistes sont réunis, au lieu de trois !
En effet, le foyer de l'enfance de Lille est un foyer d'urgence. Autrement dit, on y accueille des enfants et adolescents qui sont en danger pour eux-mêmes ou pour autrui. Danger qui peut bien évidemment venir des parents. De même, certains parents sont, suite à un jugement, déchus de leurs droits parentaux, il me semble donc difficile, dans ce cas-ci, de travailler et de prévenir des changements concernant les enfants.
A l'inverse, quand ce n'est pas le cas, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de danger pour les enfants de la part des parents, j'ai constaté que les éducateurs n'étaient pas forcément en étroite collaboration, dans le sens où ils ne demandent pas l'avis des parents mais plutôt, les informent du changement, ce qui est nettement différent. Je me souviens par exemple, que deux soeurs Lisa et Mathilde, sont arrivées au foyer parce que la maman ne savait plus s'occuper d'elles. La maman nous avoua qu'elle risquait de faire une bêtise et qu'elle préférait que ses filles soient placées temporairement, le temps qu'elle se rétablisse moralement. Je trouve déjà que c'est une excellente démarche et je pense sincèrement qu'une collaboration avec la maman est faisable et indispensable, au vu de l'état conscient et responsable de la maman. Le juge a donc décidé d'un placement provisoire de 6 mois avec obligation pour la maman de se faire soigner et autorisation de visite deux fois par semaine (le mercredi et le samedi) au sein de l'institution.
Une semaine après leur placement, il a été décidé par l'équipe éducative que les deux fillettes changeraient d'école à trois mois de la fin de l'année scolaire, il faut le préciser, pour un souci d'organisation de l'équipe. J'ai trouvé ce changement totalement déplacé. Il n'y a eu aucune communication avec la maman pour parler de cette décision brutale. Il est important de préciser je pense, que la maman a été mise au courant deux semaines plus tard !
Je pense que c'est une faute énorme commise par l'équipe éducative et qui a manifestement entravé la collaboration éducateur - parent. La mère s'est sentie trahie, elle a voulu confier ses enfants et elle s'est retrouvée avec des décisions qu'elle était obligée d'accepter.
Quand l'éducatrice référente des deux soeurs a téléphoné à la maman pour, enfin, la prévenir, celle-ci a dit : « Nous avons changé d'école vos filles », alors qu'il aurait fallu dire, pour une meilleure relation et pour un meilleur travail : « Nous pensons changer d'école vos filles ». Nous aurions dû demander son accord, la maman a encore son mot à dire, elle n'est pas déchue de son droit parental, alors pourquoi l'avoir mise dans une situation, que manifestement, elle ne pouvait plus contrôler ?
Ce genre de situation n'est bénéfique pour personne, car cela entrave la relation éducateur - parent ; éducateur - enfant mais aussi enfant - parent.
Cette situation n'aurait jamais du avoir lieu. La maman nous a confié ses enfants le temps qu'elle se soigne moralement, c'était une façon de nous demander de l'aide. Nous aurions du répondre a sa demande et travailler avec elle en collaboration. Au lieu de ça, c'est comme si nous lui avions enlevé ses enfants, cette mère de famille a du se sentir trahie. Comment peut-elle, par la suite, avoir confiance en nous, éducateurs, et travailler en partenariat ?
Nous n'aurions pas du changer d'école les enfants, Lisa et Mathilde étaient je pense assez chamboulées par ce qui leur arrivaient, pour décider de les changer d'établissement scolaire. Il est vrai que ce changement s'est fait pour une question d'organisation du service (la conduite des enfants le matin à l'école). Cela dit, je pense qu'un arrangement avec l'école était possible, autrement dit leur demander si c'était possible que Lisa et Mathilde arrivent avec 5 minutes de retard par exemple.
Il est cependant essentiel parfois, qu'il y ait une coupure entre les parents et les enfants, surtout en cas de graves conflits et/ou de danger. Ceci afin de permettre de repartir sur de bonnes bases. J'entends par le mot coupure, pas un arrêt total des relations, car c'est impossible mais plus une pause dans la relation. Car même si les parents sont maltraitants par exemple, cela reste des parents et les enfants en ont besoin ! Le juge donnera toujours l'autorisation de garder un contact minimum (coup de téléphone, visite encadrée...) Il faut privilégier la relation triangulaire ; institution - enfant - parents afin d'aider au mieux le jeune.
Cependant, le partenariat et la collaboration sont essentiels dans la prise en charge éducative. Il est vrai que lorsqu'un professionnel dénigre ou néglige les parents, comme nous venons de le voir, je pense que c'est l'enfant et son devenir qu'il dédaigne. Mais c'est aussi l'enfant et son avenir qui sont dépréciés quand les parents ignorent ou disqualifient les professionnels.
QUELQUES MODÈLES DONT PEUT S'INSPIRER LE TRAVAIL ÉDUCATIF
a) L'approche systémique :
L'approche systémique se distingue des autres approches par se façon de penser les relations humaines. En effet, la personne n'est pas le seul élément analysé dans la démarche. L'éducateur accorde aussi une importance aux différents systèmes dont l'enfant fait partie, notamment au système familial.
L'histoire de la famille agit inconsciemment sur l'individu. Nous ne pouvons donc pas travailler avec un enfant, sans travailler avec sa famille. Car cet enfant transporte avec lui des valeurs, des émotions, des comportements véhiculés par la famille. C'est ce qui constitue une personne à part entière.
Il est donc essentiel de définir avec la famille les problèmes et les objectifs à atteindre. Car agir sur une personne seule ne présente pas d'intérêt d'où l'importance d'une coopération avec la famille. (Si on oblige un jeune enfant à nous donner la main dans la rue, il faut que quand il rentre chez lui le week-end, les parents en fassent autant, sinon notre travail n'aura pas de portée.)
Le public ciblé pour ce genre d'approche est donc la famille avec un membre porteur de symptôme. En systémique l'accent est mis sur la communication : « Il est impossible de ne pas communiquer20(*) » et suppose que la communication à un effet quant au comportement : « Tout comportement est communication, et toute communication affecte le comportement 21(*)» en effet, on ne peut pas ne pas avoir de comportement, et tout comportement fait passer un message à l'autre. (Si une personne me parle et qu'en retour je baille ou regarde l'heure, je fais passer un message involontairement.)
Les éducateurs privilégient le travail avec les familles et non seulement avec l'enfant. On prend donc une place dans le système familial en supposant être levier de changement. Nous sommes là pour que des changements s'opèrent, pour qu'il y ait une amélioration, pour que la famille trouve un nouvel équilibre. Pour ce genre de modèle, le travail en milieu ouvert est privilégié.
b) Le modèle humaniste :
Un des pionniers de l'approche humaniste est Carl Rogers. Ce modèle cherche à développer chez la personne la capacité de faire des choix personnels : « Choisir c'est devenir autonome22(*) ». Cette approche s'applique à tout le monde : enfants, adolescents, adultes. Chaque personne est responsable de sa vie et doit accepter d'être libre, de faire les choix qui se posent à elle dans la vie.
Dans cette optique, la personne a toujours le choix et a le pouvoir sur sa vie. L'humanisme permet à l'individu de s'exprimer, d'être entendu, de se développer librement, de faire des choix de manière autonome. On n'impose rien à la personne, on lui propose ; à elle de choisir.
L'éducateur doit adopter quelques attitudes pour aider la personne à se sentir reconnue comme par exemple, être vrai dans ce que l'on vit et ressent par rapport à la personne, avoir la capacité de sentir ce que l'autre vit, le respect, la confiance, l'ouverture à l'autre. Il s'agit de créer des espaces où la personne peut s'exprimer librement et être entendue.
Je pense que cette approche humaniste est un bon modèle pour travailler avec les enfants et/ou adolescents. Cela permet de leur (re)donner confiance en eux et dans la vie, cela les ouvre aux changements, aux relations avec les autres ; la personne devient un être responsable par le fait qu'elle prenne des choix, elle devient plus autonome. Une question s'impose à moi : la responsabilité tient-elle uniquement au fait de savoir faire des choix ?
Je ferai quand même une critique sur ce modèle humaniste. Nous sommes dans une relation de non directivité avec ces personnes, on les laisse décider, faire leurs propres choix, ce qui soulève une question : comment vivre ensemble si rien ne dépasse la personne et son désir ? Je trouve que le collectif y a peu de place.
c) La psychiatrie alternative :
Elle peut s'appliquer à certaines institutions ayant des personnes souffrant d'un désordre de la personnalité et des patients des hôpitaux psychiatriques.
Selon Basaglia, nous devons rendre à la personne sa place d'individu. Il faut la traiter comme une personne capable de responsabilité et d'autonomie. La personne et sa famille ont besoin d'aide. Dans la perspective de Basaglia, il faut vider les hôpitaux psychiatriques et développer des structures faisant partie de la vie sociale. Pour cela il faut travailler avec les familles même si la personne est prise en charge dans une structure de soins. Basaglia voudrait créer des institutions permettant d'accueillir ces personnes, avec le personnel soignant, où il n'y aurait plus cette étiquette de « fou » de « folie ». Changer les représentations par rapport à la folie et changer les modes de prises en charge. Le personnel soignant assurerait le travail médical quant aux éducateurs, notre rôle serait de concevoir la vie de côté du collectif, avec ses règles de vie, la prise de parole, le développement de l'autonomie, la capacité de faire des choix. Afin que ces personnes s'insèrent au mieux dans la société.
c) La pédagogie institutionnelle :
S'adressent aux adultes et/ou aux enfants avec ou sans problèmes particuliers. Cette pédagogie consiste essentiellement en des temps de paroles mis en place. Ces lieux de paroles ont deux buts : permettre à l'enfant de dire ce qui lui tient à coeur et d'encourager l'expression orale. La personne, enfant ou adulte, est partenaire de dialogue, partenaire dans l'échange. La structuration de ce mode de travail nécessite un cadre de vie, des limites, des lieux d'échanges où chacun peut prendre la parole.
Dans la pédagogie institutionnelle, les enfants sont impliqués dans l'organisation de l'institution. Cela dit, rien n'est figé, il n'y a pas de niveau à atteindre, la relation est adapté au niveau et au profit de chacun.
La pédagogie institutionnelle est un bon mode de fonctionnement selon moi. Elle permet de devenir responsable et de participer à l'échange social. La parole et l'échange sont mis en avant. Attention toutefois, il peut y avoir un risque de s'enfermer dans un groupe et de ne pas savoir prendre de décision seul si le groupe n'est pas présent.
La liste n'est pas exhaustive, j'ai juste abordé les quelques modèles possibles dont je peux m'inspirer pour travailler avec les enfants et la famille. Sachant qu'il n'y a pas de modèle idéal et qu'ils ont tous des avantages et des inconvénients.
En effet, l'approche humaniste et la pédagogie institutionnelle me paraissent être de bonnes approches où la place de l'enfant est respectée. Il est vu comme une personne ayant une parole à prendre en compte et permet aussi de responsabiliser l'enfant. L'approche systémique met l'accent sur la famille. L'enfant n'est pas vu comme le seul « élément perturbateur » de la famille. C'est toute la famille en entier qui a besoin d'aide. Cette approche se destine plus au travail éducatif en milieu ouvert. Enfin, la psychiatrie alternative permet aux enfants atteints de désordre de la personnalité de retrouver un peu de dignité et d'identité en ne les considérant plus que comme des malades mentaux ou des fous.
Etre éducateur spécialisé c'est disposer d'un certain nombre de savoirs, acquérir des outils, un savoir-faire, mais également un savoir être. C'est-à-dire travailler avec ce que l'on est, sa personnalité, mais aussi avec ses convictions, ses valeurs. Ce métier nécessite un questionnement incessant sur nos actions, car nous travaillons avec des personnes et avons une influence sur celles-ci. Il est absolument nécessaire d'avoir élaboré une éthique personnelle pour ne pas tomber dans le piège que représente le pouvoir sur l'autre. Il ne faut pas perdre de vue l'éducateur que l'on souhaite être, afin de le confronter à l'éducateur que l'on est.
J'ai abordé au cours de ce travail de fin d'études mes conceptions personnelles du métier d'éducateur spécialisé. J'ai parlé de la manière dont je souhaite exercer ce métier, je sais cependant que tout cela n'est pas exhaustif, et qu'en fonction de nouvelles expériences, de rencontres et de mon parcours personnel, je pourrais transformer ma vision du travail éducatif et ma manière d'agir, tout en restant cependant fidèle à certaines valeurs qui me sont propres.
La base du métier d'éducateur spécialisé est d'accompagner, de résonner avec l'enfant dans sa propre souffrance, afin que celui-ci puisse se construire, trouver son identité et bâtir son propre bonheur.
Voilà maintenant trois ans que je suis à l'école d'éducateur spécialisé et tout cela dans un unique but : obtenir le diplôme qui doit me permettre d'exercer le métier d'éducateur spécialisé et de devenir une professionnelle dans le domaine du social et de l'éducatif.
Cela veut donc dire qu'à l'issue de cette formation, je dois être prête et capable d'assumer un rôle, une fonction au sein d'une équipe éducative et pouvoir donner le meilleur de moi-même. Je mettrai tout en oeuvre pour devenir une bonne éducatrice, mon travail portera ses fruits et permettra à certains de pouvoir évoluer et grandir.
Selon moi l'éducateur est quelqu'un qui doit toujours rester fidèle à certaines valeurs comme le respect, la tolérance, le dévouement, et qui doit souvent se remettre en question car il est évident que je ne peux pas proposer qu'une seule réponse éducative et que le travail en équipe est une priorité. En effet, comment pourrais-je apporter, moi seule, toutes les solutions aux problèmes d'un enfant ?
L'éducateur spécialisé doit être en mesure de montrer à son public que le bonheur est toujours possible, même si l'on rencontre des difficultés.
Pour finir, je reprends ce passage de Alain Vilbrod23(*) « Nous dirons d'eux qu'ils relèvent d'un métier et non d'une profession : nous nous en expliquerons. Leur rôle est à la fois central et ambivalent. Gens de coeur, ils doivent savoir payer de leur personne ; gens de valeurs, ils doivent s'investir sans trop compter et se donner sinon en modèle, du moins en pôle identificatoire. Simultanément il leur revient de relayer une technicité, de faire appel à des connaissances éprouvées ».
Quoi qu'il en soit, n'oublions pas que l'éducateur, c'est avant tout, la personne la plus proche de l'enfant. C'est celui qui le lave, qui reçoit ses gros chagrins, qui lui apprends les limites, qui lui explique l'absence de son papa aujourd'hui et peut-être demain encore, qui le berce avant de s'endormir, qui partage ses week-end et ses réveillons avec lui, qui se lève la nuit pour apaiser ses peurs et qui se surprend à penser à lui en dehors de ses prestations. Vaste programme, non ?
Enfin, je voudrais remercier mes professeurs et tous les professionnels que j'ai pu rencontrer lors de mes différents stages. Ils ont contribué à éclaircir ma vision de l'éducateur spécialisé. L'apport théorique que j'ai pu accumuler au cours de ces dernières années m'a permis d'élargir mon champ de réflexion et de compréhension face à certaines problématiques. Mais c'est sur le terrain que les compétences humaines et professionnelles se dévoilent et se développent de façon concrète. De plus ma vocation reste constante et je sors de ces trois années fortifiée et déterminée dans le choix de ma profession.
BIBLIOGRAPHIE
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· Jean marie Foucart, déviance et société, éd Médecine et Hygiène, 1992
· Brochure : Code de déontologie des services de l'aide à la jeunesse
· Chiffres de l'institut national d'études démographies
· Irène Théry, Couple, filiation et parenté d'aujourd'hui, éd Odile Jacob, 1998
· Jean Le camus, Le vrai rôle du père, éd Odile Jacob, 2004
· Aldo Naouri, La paternité moderne, magazine femme actuelle, 1997
· Cours de didactique de première année d'éducateur spécialisé
· Daniel Roquefort, Le rôle de l'éducateur, éd l'Harmattan, 1995
· Frédéric Jésu, Co-éduquer, éd Dunod, 2004
· Myriam David, Le placement familial, de la pratique à la théorie, éd ESF, 1997
· Maurice Berger, Les séparations à but thérapeutiques, éd Dunod, 1997
· Paul Watzlawick, une logique de la communication, éd Points essais, 1972
· Alain Vilbrod, Devenir éducateur, une affaire de famille, éd l'Harmattan, 1995
Lien internet
· www.un.org
· www.cgwb.be/dgde/
· www.dictionnaire.sensagent.com
* 1 Jean Luc Martinet, Les éducateurs d'aujourd'hui, éd dunod, 1993, page 77
* 2 Jean Marie Foucard, Déviance et société, éd médecine et hygiène, 1992, page 143
* 3 www.un.org Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
* 4 Convention relative aux droits de l'enfant.
* 5 Convention relative aux droits de l'enfant.
* 6 Code de déontologie
* 7 Chiffres de l'institut national d'études démographiques
* 8 Irène Théry, couple, filiation et parenté d'aujourd'hui, éd Odile Jacob, 1998
* 9 Jean le Camus, le vrai rôle du père, éd Odile Jacob, 2004, page 155
* 10 Ibid. page41
* 11 Ibid. page 20
* 12 Aldo Naouri, La paternité moderne, in femme actuelle n°6684, 1997
* 13 www.psychasoc.com
* 14 André Berge, les maladies de la vertu, éd : Bernard grasset, 1960, page 223
* 15 Cours de didactique, première année.
* 16 Daniel Roquefort, Le rôle de l'éducateur, éd l'harmattan, 1995, page 82
* 17 Fréderic Jésu, co-éduquer, éd Dunod, 2004, page 23
* 18 Myriam David, Le placement familial, de la pratique à la théorie, éd ESF, 1997, page 72
* 19 Maurice Berger, Les séparations à but thérapeutiques, éd Dunod, 1997, page 183
* 20 Paul Watzlawick, Une logique de la communication, Ed Points essais -1972 - Page 45
* 21 Ididem. Page 16
* 22 www.dictionnaire.sensagent.com
* 23 Alain Vilbrod, Devenir éducateur, une affaire de famille, éd l'Harmattan - 1995- page 13
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